Les élections passées les questions demeurent
L’élection de Philippe Richert à la tête de la nouvelle
région a été triomphale à la suite de l’euphorique second tour du scrutin
régional.
Ce dimanche soir 13 décembre il y eut comme une marée
puissante qui semblait emporter toute discussion, tout repère, toute
mémoire ; plus question de débattre du périmètre de l’ALCA, ni de
compétences, ni d’économies d’échelle, ni d’autres sujets qui fâchent…
Pourtant, inéluctablement, le temps de la victoire digéré,
la marée va refluer pour céder la place
à des « faits têtus » et aux questions qu’ils imposent.
Au premier chef reste posée la question de la cohérence de l’ALCA
alors que le refus généralisé de ce découpage absurde est toujours présent dans
tous les esprits en Champagne Ardennes tout comme en Lorraine ou en Alsace.
La Bretagne ou la Corse ont été si souvent citées en exemple
aux alsaciens qu’ils ne comprennent pas pourquoi, contrairement à elles,
l’Alsace n’a pu garder sa personnalité et sa gestion propre.
L’enjeu du second tour était de battre le FN et non plus
d’adhérer à l’absurde ALCA. Les alsaciens ont donc massivement voté contre le
FN.
(notons tout de même près de 50% d’abstention) Pour autant
ils n’ont pas plébiscité la dilution de leur région, considérée comme
désastreuse. Force est de reconnaître qu’ils portent eux même de lourdes
responsabilités lorsqu’ils ont démontré leur incapacité à s’unir lors du
référendum perdu de Philippe Richert en avril 2013.
Une victoire de l’Alsace unie aurait dissuadé quiconque de
porter atteinte à son intégrité territoriale
Le refus de « l'événement le plus grave,
pour l'Alsace, depuis la fin de la guerre »
Depuis le triste épisode du référendum perdu, la résistance
s’était pourtant manifestée de manière déterminée face à cette ACAL hétéroclite.
Dès l’été 2014 et tout au long de l’année 2015 une très
grande majorité d’élus s’y est opposée. Les parlementaires de l’UMP unanimes
l’ont exprimé sans équivoque en allant jusqu’à saisir le Conseil
Constitutionnel en décembre 2014. Certains parlaient même de rejouer le
référendum…
Des milliers de manifestants sont descendus dans la rue et les
sondages ont exprimé de manière spectaculaire le refus de cette fusion :
85% des alsaciens (65% dans les trois régions concernées)
En juin 2014 Philippe Richert a tenté une opération
sauvetage de meubles de dernière minute en proposant un élargissement limité à
la Lorraine. Ce fut son « sommet de Wingen sur Moder » avec le
président Masseret. L’Alsace-Lorraine n’était pas inacceptable et le maire
de Strasbourg PS y était favorable mais à le PS de Paris rien ne prit rien en
considération.
Le 17 décembre 2014 Philippe Richert, désespéré, a
lâché dans le Figaro : «La fusion avec la Lorraine et Champagne-Ardenne, c'est l'événement le plus
grave, pour l'Alsace, depuis la fin de la guerre (…) dorénavant, l'Alsace
n'aura plus d'institution politique pour la représenter».
Enfin, ultime initiative, Daniel Hoeffel et
le Professeur Herzog ont déposé un recours au Conseil d’État en septembre 2015.
Il fut hélas rejeté.
Une fois le micmac réalisé l’économiste Jean-Alain Héraud a livré
son analyse dans un excellent supplément des DNA (collector) de décembre 2015.
Il démontre clairement que dans cette ACAL il y a « trois mondes séparés » et que « les régions composites comme l’ACAL n’auront pas l’identité et
le pouvoir politique pour s’opposer à Paris et donc l’Ètat central gagne un peu
de temps » Bref une mauvaise affaire sur le plan économique autant que
politique.
Résistance et capitulation.
La résistance aurait du se développer et se
renforcer à la fin de l’été 2015, or elle s’est éteinte. Pourquoi ceux
des partis majoritaires en Alsace qui résistaient au printemps ont-ils capitulé
à l’automne ? On peut se demander s’ils n’ont pas été victimes d’une de
leurs qualités emblématiques, de celles que Paris aime chez les
alsaciens depuis toujours : le sens de la discipline qui les met au garde
à vous à la moindre injonction du pouvoir central.
Imaginons que, forts du soutien populaire,
les grands élus aient opposé un refus à Paris. Imaginons qu’ils aient refusé
les élections imposées de Paris en organisant un scrutin spécifique au Conseil
Régional d’Alsace… Que se serait-il passé ? Valls aurait fait donner la
troupe ?
On objectera que cela est pure utopie ?
Admettons…
Au secours l’Allemagne ! La France nous laisse
mourir
Malheureusement le parti autonomiste Unser Land, groupusculaire
jusque là, fut soudainement dynamisé et bénéficia d’une crédibilité nouvelle en
incarnant, seul, la résistance. Ses scores furent plus qu’honorables alors
qu’il ne faut pas oublier que des autonomistes restent des autonomistes avec
tous leurs excès. En effet, comment ne pas être consterné par la démarche de sa
présidente, Andrée Munchenbach qui adressa en aout 2014 une lettre
ouverte au président de la République fédérale allemande, Joachim Gauck, où
l’on peut lire en se pinçant le bras
« Comme par le passé, l’Alsace est traitée comme une colonie. […] Nos
enfants n’ont pas le droit de connaître l’histoire de leur peuple. Au lieu de
cela, on leur casse les oreilles avec la Seconde Guerre mondiale […] Monsieur
Gauck, s’il vous plaît, ne nous laissez pas mourir ! En tant que représentant
du “grand frère” d’outre-Rhin, vous n’avez pas le droit de laisser disparaître
l’Alsace. Nous attendons de vous que vous interveniez pour protéger l’Alsace
»
Aucune solution raisonnable ne peut passer
par cet autonomisme là.
Une région plus grande que certains États
Comme s’il leur fallait définitivement rompre avec les
résistances d’avant l’élection les nouveaux élus régionaux proclament
maintenant qu’ils sont à la tête d’une région deux fois plus grande que la
Belgique, qu’ils président en quelque sorte aux destinées d’un État. Vertige…De
quoi faire tourner les têtes et se crisper à leur nouveau pouvoir.
Le futur Président de la République doit dé-fusionner l’absurde ALCA.
Si un boycott de l’élection était pure utopie, il reste
constant que la très grande majorité de notre population attendait sans aucun
doute qu’une fois élus dans des conditions si particulières les conseillers
régionaux alsaciens annoncent leur intention de demander la défusion dès
l’arrivée d’un nouveau président de la République en 2017.
L’ALCA, même rebaptisée « Rhin-Champagne ou Grand
Est », demeure absurde et incohérente. Ça ne marchera pas – ou très mal -
et les effets de l’aberrance se manifesteront tôt ou tard.
Voir l’Alsace diluée dans une région aussi grande qu’un état
ne peut effacer l’insulte au bon sens ni éteindre les légitimes frustrations.
Les autonomistes seuls bénéficieraient de l’accommodation à l’ALCA dans
l’abdication.
Dès lors serait-il illusoire de penser que l’on pourrait
revenir à la raison ? Pour y atteindre le président Richert et nos
parlementaires ont toutes les cartes en main. Dores et déjà le député Laurent
Furst a interpellé le premier ministre à ce sujet.
De plus, l’absurdité du découpage socialiste ne concerne pas
que l’ALCA. La plupart des nouvelles régions sont insatisfaites.
Fort de sa prestigieuse présidence de l’Association des
Régions de France Philippe Richert a désormais des pouvoirs puissants pour
intercéder auprès du futur président de la République.
Prenons date…
Relire sur– www.robert-grossmann.com/blognotes
mon papier du 11 mai 2015
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