Mélanie de Pourtalès, l’autre « Belle Strasbourgeoise »

 

C’est à l’amour de l’art et à la passion d’un conservateur hors norme des musées de Strasbourg, Hans Haug, que nous devons l’acquisition de la Belle Strasbourgeoise de Nicolas de Largilière (1656-1746). Sans son acharnement et sa témérité, bousculant en 1963 les élus …et les finances de la ville ce chef d’œuvre aurait échappé à nos musées dont elle est aujourd’hui l‘une des pièces maitresses.

Une autre belle strasbourgeoise, identifiée celle là, est à notre portée.

Le portrait de Mélanie de Pourtalès peint par le prestigieux Franz Xaver Winterhalter (1805-1873) est en vente, sorti du patrimoine familial. Les cours d’Europe et le gotha mondain du XIX ième siècle se disputaient Winterhalter qui réalisa pour ainsi dire les portraits de toutes les femmes et hommes illustres de son siècle. Une prestigieuse exposition lui fut consacré par la National Portrait Galerie de Londres en 1988. Elle présenta toute l’étendue de son génie pictural et la qualité de ses sujets dont le portrait de Mélanie 1857 alors qu’elle n’avait que 18 ans. Le somptueux catalogue est un ouvrage de référence pour Winterhalter (1)

Ses œuvres se trouvent dans les collections de tous les grands musées d’Europe.

 

N’est il pas logique, évident, que la place du portrait de Mélanie de Pourtalès soit à Strasbourg.

Toute sa vie la belle comtesse a été fidèle à sa ville et à sa Robertsau qu‘elle aimait tant… « la Robertsau près Strasbourg » comme l’indiquaient les en-têtes de ses lettres. Les archives nous apprennent que les visiteurs les plus prestigieux de l’Europe entière se rendaient à ses invitations, têtes couronnées mais aussi artistes, peintres, musiciens, écrivains.

Elle a tenu à célébrer les évènements importants de son existence à la Robertsau et notamment son mariage avec le comte Edmond de Pourtalès. Signe suprême de sa fidélité, elle voulut être enterrée à la Robertsau où elle repose au cimetière Saint Louis. (2)

Comment ne pas être ému en découvrant dans une lettre adressée au prince de Metternich ces lignes consacrées au château:

«Vous savez que j’aime de toute mon âme cette propriété où je suis née, où j’ai été élevée, et qui, sans être ni grande ni belle, me donne cependant d’énormes jouissances, parce que j’y connais chaque brin d’herbe et que le tout est à peu près notre création [...], j’espère que vousvoudrez bien honorer La Robertsau d’un séjour sous mon modeste toit. Votre seule récompense sera le plaisir intime que vous ferez à vos hôtes.» (3)

 

Mélanie ne se contentait pas d’être belle, elle a joué un rôle auprès de l’Empereur. Une de ses actions les plus significatives fut d’avoir attiré son attention, à la veille de la funeste année 1870, sur les préparatifs guerriers de la Prusse et sur l’imminence d’une guerre. Le général Ducrot, gouverneur militaire de Strasbourg, l’encouragea dans cette initiative mais l’Empereur n’en eut cure et l’Europe se déchira.

Mélanie en fut bouleversée et partagea sa douleur avec ses nombreux amis à Paris, en Allemagne, en Autriche, en Angleterre, en Russie. Passionnément française elle était  foncièrementalsacienne et donc européenne.

Au moment où la ville célèbre la semaine de l’Europe il serait incompréhensible que cette grande européenne ne voie pas son portrait peint par le peintre allemand, né au grand duché de Bade, prendre sa place à Strasbourg.

 

 

(1)         Catalogue Franz Xaver Winterhalter and the courts of Europe 1830-1870 by Richard Ormond

(2)         Biographie « Comtesse de Pourtalès » Ed. Nuée Bleue 1995

(3)         « Ma Robertsau Ed Nuée Bleue 2014