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Blog-Notes Robert Grossmann

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dimanche, 5 mai 2019

Il faut que Strasbourg acquiert le tableau de Mélanie de Pourtalès par Winterhalter

Mélanie de Pourtalès, l’autre « Belle Strasbourgeoise »

 

C’est à l’amour de l’art et à la passion d’un conservateur hors norme des musées de Strasbourg, Hans Haug, que nous devons l’acquisition de la Belle Strasbourgeoise de Nicolas de Largilière (1656-1746). Sans son acharnement et sa témérité, bousculant en 1963 les élus …et les finances de la ville ce chef d’œuvre aurait échappé à nos musées dont elle est aujourd’hui l‘une des pièces maitresses.

Une autre belle strasbourgeoise, identifiée celle là, est à notre portée.

Le portrait de Mélanie de Pourtalès peint par le prestigieux Franz Xaver Winterhalter (1805-1873) est en vente, sorti du patrimoine familial. Les cours d’Europe et le gotha mondain du XIX ième siècle se disputaient Winterhalter qui réalisa pour ainsi dire les portraits de toutes les femmes et hommes illustres de son siècle. Une prestigieuse exposition lui fut consacré par la National Portrait Galerie de Londres en 1988. Elle présenta toute l’étendue de son génie pictural et la qualité de ses sujets dont le portrait de Mélanie 1857 alors qu’elle n’avait que 18 ans. Le somptueux catalogue est un ouvrage de référence pour Winterhalter (1)

Ses œuvres se trouvent dans les collections de tous les grands musées d’Europe.

 

N’est il pas logique, évident, que la place du portrait de Mélanie de Pourtalès soit à Strasbourg.

Toute sa vie la belle comtesse a été fidèle à sa ville et à sa Robertsau qu‘elle aimait tant… « la Robertsau près Strasbourg » comme l’indiquaient les en-têtes de ses lettres. Les archives nous apprennent que les visiteurs les plus prestigieux de l’Europe entière se rendaient à ses invitations, têtes couronnées mais aussi artistes, peintres, musiciens, écrivains.

Elle a tenu à célébrer les évènements importants de son existence à la Robertsau et notamment son mariage avec le comte Edmond de Pourtalès. Signe suprême de sa fidélité, elle voulut être enterrée à la Robertsau où elle repose au cimetière Saint Louis. (2)

Comment ne pas être ému en découvrant dans une lettre adressée au prince de Metternich ces lignes consacrées au château:

«Vous savez que j’aime de toute mon âme cette propriété où je suis née, où j’ai été élevée, et qui, sans être ni grande ni belle, me donne cependant d’énormes jouissances, parce que j’y connais chaque brin d’herbe et que le tout est à peu près notre création [...], j’espère que vousvoudrez bien honorer La Robertsau d’un séjour sous mon modeste toit. Votre seule récompense sera le plaisir intime que vous ferez à vos hôtes.» (3)

 

Mélanie ne se contentait pas d’être belle, elle a joué un rôle auprès de l’Empereur. Une de ses actions les plus significatives fut d’avoir attiré son attention, à la veille de la funeste année 1870, sur les préparatifs guerriers de la Prusse et sur l’imminence d’une guerre. Le général Ducrot, gouverneur militaire de Strasbourg, l’encouragea dans cette initiative mais l’Empereur n’en eut cure et l’Europe se déchira.

Mélanie en fut bouleversée et partagea sa douleur avec ses nombreux amis à Paris, en Allemagne, en Autriche, en Angleterre, en Russie. Passionnément française elle était  foncièrementalsacienne et donc européenne.

Au moment où la ville célèbre la semaine de l’Europe il serait incompréhensible que cette grande européenne ne voie pas son portrait peint par le peintre allemand, né au grand duché de Bade, prendre sa place à Strasbourg.

 

 

(1)         Catalogue Franz Xaver Winterhalter and the courts of Europe 1830-1870 by Richard Ormond

(2)         Biographie « Comtesse de Pourtalès » Ed. Nuée Bleue 1995

(3)         « Ma Robertsau Ed Nuée Bleue 2014

 

samedi, 3 novembre 2018

20ième anniversaire du MAMCS. Sentimentale genèse.

 

Le 6 novembre le maire de Strasbourg va célébrer le 20ième anniversaire du Musée d’Art Moderne et Contemporain.

Il a intitulé l’événement « Soirée sentimentale ». On en est tout ému.

Le programme prévoit deux tables rondes où, parmi un certain nombre d’experts, quelques élus sont annoncés.

Tout d’abord on voit réapparaitre avec plaisir un ancien adjoint à la culture qu’on aura  eu tort de négliger ; le verbe de Norbert Engel est toujours éclairant.

Catherine Trautmann, ancienne ministre, sera la figure de proue de son groupe de débats.

L’autre groupe est illuminé par un élu de poids, Alain Fontanel, l’excellent premier adjoint chargé de la culture.

La soirée sentimentale se déroulera donc entre amis ou presque.

Naturellement il convient de saluer aussi la grande qualité des experts qui encadreront les élus pour ce débat.

 

On ne s’étonnera pas que l’annonce de cette manifestation ait animé sentimentalement  ma mémoire.

Inauguré en 1998 le MAMCS a donc 20 ans, toutefois cette chronologie mérite quelques précisions et je ne doute pas que les débatteurs des deux tables rondes évoqueront son historique complet qui ne débute pas du tout en 1998.

Je dois à la vérité historique d’une part, à la mémoire de Marcel Rudloff d’autre part (dont Roland Ries se réclame souvent) de rappeler quelques faits.

 

Il y a une trentaine d’années nous étions quelques un a presser le maire de l’époque de créer enfin un musée d’art moderne et contemporain digne de notre capitale européenne. Le conservateur en chef des musées, l’éminent Roland Recht, déploya tout son talent pour convaincre Marcel Rudloff qui y consentit en 1987. Le conseil municipal adopta une délibération à ce sujet. 

L’opération fut lancée et Marcel Rudloff annonça sa réalisation dans deux ou trois ans, soit en 1990.

Je fis partie du jury réuni en 1988 pour choisir parmi bien des grands noms de l’architecture mondiale dont notamment Isosaki et Rogers, celui aurait l’honneur de porter le projet. Adrien Fainsilber fut choisi.

 

Tout était fin prêt, la construction pouvait démarrer dès 1989 lorsque l’élection municipale écarta Marcel Rudloff au bénéfice de Catherine Trautmann.

Le projet de MAMCS fut stoppé net, le monde culturel désespéra et les années passèrent.

Pour justifier ce déni de musée on entendit toutes sortes d’arguments colportés par la rumeur semi officielle: Cela coute trop cher… Il n’y a pas de vraie collection… Ce n’est vraiment pas une priorité etc.

Lors d’une de ses visites à Strasbourg le directeur des musées de France Jacques Sallois me prit à part : « On a le sentiment qu’ils ne veulent pas le faire, c’est étrange »

Après neuf longues années le feu vert fut enfin donné pour un projet amputé de locaux techniques en sous sol et d’une terrasse que Fainsilber avait destiné aux expositions de sculptures.

Bref, inauguration le 6 novembre 1998 !

J’ai des souvenirs prégnants de la cérémonie d’ouverture où je pris la parole au nom du président de la région Alsace, Adrien Zeller, dont j’étais vice président chargé de la culture.

Je me permets à ce sujet de suggérer au maire de consulter ses archives pour nourrir son allocution lors de la cérémonie d’anniversaire.

Dès lors je n’ai aucun doute qu’à l’occasion de cette soirée sentimentale il n’évoque la genèse du MAMC dans sa réalité historique.

Pour autant point ne sera besoin de faire repentance pour neuf années perdues au détriment de l’art contemporain, mais il aura la satisfaction d’avoir rendu à César…

jeudi, 10 mai 2018

Mon MAI 68. Article paru dans ESPOIR, revue de l'Institut Charles De Gaulle

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Mai 68, la révolution avec de Gaulle

par Robert Grossmann

Président-fondateur de l’Union des Jeunes pour le Progrès

Le mythe fabriqué

Si l’on suivait les commémorations et les feuilletonistes du trentenaire, en Mai 68, tous les jeunes en France auraient été sur les barricades. On ne conserverait d’eux que l’image de casseurs révoltés. Cohn-Bendit, seul, aurait droit de cité et resterait la figure emblématique de la jeunesse de France. Le mythe, ainsi fabriqué et consolidé, laisserait à la postérité une thèse uniforme : en mai 1968, la jeunesse de France était violente et révolutionnaire ; elle était par conséquent monolithiquement anti-gaulliste.

J’ai toujours éprouvé un sentiment d’injustice, une sorte de tourment, face à cette manière de traiter l’histoire, « notre » histoire.

On évacue de cette période, par omission délibérée, un de ses aspects importants : l’existence de jeunes gaullistes. Ils constituaient sans nul doute la majorité silencieuse des moins de trente ans. Ils avaient aussi leur minorité agissante, leur organisation militante, l’UJP, au sein de laquelle ils étaient nombreux. Ils ont, eux aussi, joué leur rôle, en ce printemps décisif.

Soyons clairs ; il n’y a pas eu, en Mai 68, un vieux chef d’Etat à bout de souffle face à une jeunesse, pavés à la main, infiltrée par des mercenaires et des voyous, tentant de le bouter hors du pouvoir.

Il ne serait pas juste, il ne serait pas conforme à la vérité, que subsiste ce cliché commode et manichéen de type révolutionnaires-réactionnaires que laisseraient à la postérité les récits publiés jusqu’à ce jour. Ils sont non seulement partiels, ils sont aussi superficiels.

Tentons de compléter l’exercice de mémoire. Comment, à l’UJP, avons-nous ressenti et vécu Mai 68 ?

La religion du palabre sans dogme

Un premier constat : les années s’éloignent et on évoque Mai 68 avec bonhommie comme un mythe accessoire de l’histoire du folklore français. Certains tentent de se dépêtrer des besogneuses analyses sociologiques, d’autres romancent. Mai 68 fait aussi partie des biographies orales et des CV verbaux des anciens gauchistes qui aiment à parler des barricades comme de faits d’armes antiques. « J’étais sur les barricades » signifie « J’étais à Verdun ». D’événement central et un peu obsédant des années soixante, la péripétie est revenue à ses justes proportions et, avec le recul du temps, l’image de Mai 68 s’est métamorphosée. La passion s’est évanouie, la force de l’épopée aussi. Même Cohn-Bendit, sur tous les écrans, en parle de manière avachie.

Trente ans après, la vaste et commerciale tentative d’autopsie provoque une relative indifférence quand elle ne lasse pas.

On peut tout dire de Mai 568, l’exalter, le magnifier, l’enluminer, le renier, le regretter, le déplorer. Curieusement, il faut forcer sa mémoire pour y récupérer quelques fragments de bilan solide, crédible et positif. ON ne sait plus, d’ailleurs, à quoi correspondait au juste Mai 68, ni quelle était sa véritable signification.

Un fait demeure têtu, la France avait alors 400 000 chômeurs, sept à huit fois moins que pendant les années Mitterrand, et Cohn-Bendit, interprétant Marcuse, amorçait la révolution pour détruire la société de consommation.

S’agissait-il pour les étudiants gauchistes d’une énorme farce née de la volonté de se désennuyer et de voir les filles dans leurs chambres des cités-U ? Plus sérieusement, y avait-il la volonté de conquérir un statut d’interlocuteurs respectés face au mépris généralisé de l’administration ou des enseignants ? Il s’agissait aussi d’un épiphénomène à dimension tragique. Mai 68 ce n’était pas que de gigantesques palabres érigées en religion officielle, ce n’était pas que la circulation de la parole libérée et des slogans poétiques sur les murs ; ce n’était pas que les rêves d’âge d’or curieusement puisés dans le passé stérile des différents marxismes. C’était le déchaînement de la violence, la casse, le vandalisme, les voitures brûlées, les grenades, les arbres abattus, les amphis dévastés, les pavés comme projectiles ordinaires, les charges de CRS, la mort miraculeusement évitée. C’était, à côté des étudiants et de leurs chimères, le fantôme des Katangais, mercenaires briseurs de République. Ce que, malgré les rumeurs, nous ignorions alors totalement, c’était « l’argent qui coulait de l’étranger, notamment chinois, destiné avant tout à faire pièce aux mouvements soutenus par les Russes[1] ». Lorsque, bien après, Georges Pompidou me raconta que les bentleys, chargées de victuailles, allaient livrer les insurgés retranchés à la Sorbonne, je fus saisi par l’incrédulité d’abord, puis par le doute définitif sur la pureté des relations multiformes des étudiants en révolte. Qui pourrait prouver que l’étranger n’a joué aucun rôle dans ces événements, qui pourrait affirmer qu’un certain grand capital n’aurait pas souhaité le renversement du régime ?

Il y a donc les rêves et les délires permanents. Il y avait sans soute des plans utopiques de prise de pouvoir, mais il n’y avait aucun projet de société dans tout ce chambardement. Mai 68 n’était porteur d’aucun projet.

Nous sommes, nous aussi, à notre corps défendant, des ancien de Mai, topographiquement et philosophiquement, en deçà des barricades ? Nous avons nos souvenirs et ils sont plutôt désolés, car nous étions réfractaires et hostiles à toute violence. Nous avons toujours pensé que là où elle s’exprimait, la barbarie n’était pas loin et cette barbarie surgissait alors à contretemps avec sa haine de tout ordre républicain. Souvenir désolé parce que, de manière fondamentalement injuste, les révolutionnaires d’opérette aussi bien que les voyous organisés pour le combat de rue s’en prenaient à de Gaulle. Les slogans caricaturaux, cruels et injustes qui le visaient nous meurtrissaient. Contrairement à leur légende, c’est bien eux qui généraient la violence. Elle s’exprimait de manière physique dans la rue, mais leurs mots, leurs formules et leurs slogans, eux aussi, blessaient comme des balles.

La première question qui demeure est bien celle des origines de la farce. Avons-nous vu venir les événements de mai tels qu’ils se sont déroulés ?

Les gardiens d’impasse

Nous pressentions un malaise et son probable éclatement depuis des années. Nous ne cessions de parler du mal-être de la jeunesse et de sa non-prise en considération. Nous constations le mépris distant avec lequel étaient écartées toute idée nouvelle, toute proposition de changement émises par des jeunes. Dans notre mouvement politique, nous avions vécu l’évolution qui consistait à passer du dédain à la savante manipulation des jeunes.

En un mot, nos analyses et nos intuitions nous conduisaient à penser que notre génération, née après la guerre, se voyait contrainte d’évoluer dans des schémas rigides, occupés et gardés par des gérants d’avant 1940 et qu’elle était conduite imperceptiblement vers des impasses dont l’utilité première consistait à écarter tout dérangement. Ne pas déranger les gens sérieux en situation de pouvoir, tel était le message qui nous était subtilement transmis au cours des années 1959 à 1967.

Nous cherchions quant à nous à militer pour défendre nos idées au sein du parti majoritaire par la discussion, le dialogue, les interventions en congrès, bref, nous voulions convaincre par le débat. Dans les ministères ou les administrations, que nous sollicitions, nous avions trop longtemps été accueillis délicieusement, et reconduits poliment. Nous recevoir constituait, au moment de nos succès, une sorte d’obligation mondaine qui s’ébruitait et parvenait au plus haut niveau de l’Etat, où elle était bien vue. Sans doute, n’étions-nous alors, aux yeux de nos interlocuteurs du gouvernement, qu’un mouvement banal de jeunes politiciens. Sans doute, notre réelle utilité ne devait-elle s’exprimer que dans le maniement du pinceau et du seau de colle. Sans doute, n’imaginait-on notre rôle intellectuel que de manière strictement unilatérale : relayer vers les jeunes les idées des ministères plutôt que l’inverse, enregistrer les préoccupations des jeunes.

Combien de fois alors, la direction de l’UJP n’avait-elle pas affirmé, dans l’agacement général, sa volonté de participer au débat et d’exercer des responsabilités ?

Certes, l’air du temps était au jeunisme, mais nous n’aurions jamais imaginé qu’en réaction, Mai 68 puisse prendre des allures de véritable insurrection. Nous n’avions pas pressenti que la pression contenue puisse revêtir, en se libérant, cet aspect sinistrement protéiforme. Nous sentions que les barrières sociales pouvaient rompre, mais nous ne nous doutions pas que « la révolution » serait aussi brutale, aussi imprévisible, aussi difficile à juguler. Chaque jour qui passait, en mai, nous semblait devoir être le dernier maillon de la violence. Chaque lendemain était un démenti et l’insurrection s’est inscrite dans la durée.

Franchement, nous n’avons pas vu surgir Mai 68 sous ces formes-là .Aussi peu que Sartre qui l’avoua, que le directeur des RG qui le confessa ou que le ministre de l’Intérieur qui le reconnut, aussi peu que le parti communiste, les syndicats ou les responsables de l’UNEF eux-mêmes…

Personne ne peut se vanter d’avoir prévu le phénomène le plus imprévisible de cette seconde moitié du siècle. Un période de révolte et de troubles plus longue, plus violente et plus intense que celle de la Commune, même si heureusement elle fut moins sanguinaire.

Dès lors, tous ont pris en marche ce train fou en excitant la mécanique, chacun avec ses moyens propres, jusqu’à ce que l’emballement fut total, immaîtrisable.

L’ennui, fils de l’opulence

Nous avions vu démarrer l’incident insolite de Nanterre. Ceux de nos militants, qui s’y trouvaient, venaient régulièrement nous alarmer sur les mauvaises conditions dans lesquelles vivaient les étudiants de ce campus de type concentrationnaire moderne. Le mouvement du 22 mars ne nous étonnait donc pas, ni les revendications globales. Le malaise de l’université, nous le connaissions.

Notre analyse des débuts de cette grève et des événements, plus ou moins violents, qui embrasaient Nanterre, rejoignait, en une sympathie gênée et non encore avouée, celle des révoltés du campus. Dès lors, pas question pour nous de défendre une université de type archaïque fondée sur le plus complet autoritarisme. Pas question pour autant de recourir à des méthodes violentes pour faire avancer nos thèses.

Alors que j’avais été personnellement sollicité, je me préservais des contacts trop étroits avec ceux qui fondaient leur position sur le seul maintien de l’ordre sans autre forme de discussion. Nous avions compris que, dès les premiers désordres de Nanterre, une rupture avec les systèmes et les mentalités anciennes s’annonçaient. Le ministre, notre ministre, Alain Peyrefitte, se trouvait alors bien seul, avec l’impérieuse obligation d’agir vite, quotidiennement vite.

Comment ? Le maintien de l’ordre républicain ou le laisser faire ? La fermeture de la Sorbonne ou son ouverture aux désordres ? le déploiement des CRS ou le maintien des barricades ? Que pouvait être alors la bonne méthode ?

Toutes ces évolutions mirent assez rapidement en lumière un vieux mécanisme classique révisé – Mai 68 : « provocation – répression – solidarité ». Les meneurs de tout poil, aux arrière-pensées les plus diverses, provoquèrent donc l’Etat avec une extrême violence. Le gouvernement se trouvait dans l’obligation de garantir l’ordre républicain, il réprimait les actions délictueuses. Séance tenante, les casseurs se muèrent en victimes des CRS-SS et en appelèrent à la solidarité du plus grand nombre. Là où chargeaient des CRS, des manifestants nouveaux poussaient sur les trottoirs comme des champignons. Une charge de CRS était spectaculaire, aveugle, violente, tout comme les agressions aux pavés projetés sur la police. Ces affrontements auraient pu se conclure en bilans dramatiques.

Je garde le souvenir de l’article prémonitoire – a posteriori – de Pierre Viansson-Ponté dans le Monde du 15 mars : La France s’ennuie. En l’écrivant, à la suite de Lamartine un siècle plus tôt, je doute que Pierre Viansson-Ponté ait imaginé les dépaveurs du boulevard Saint-Michel quelques semaines plus tard ! Il cherchait à porter un nouveau coup à de Gaulle, dans la ligne éditoriale du Monde à l’époque. Son analyse était subtile, bien construite mais ravageuse pour le gouvernement. Il voyait « une petite France (…) périr d’ennui ».

L’ennui ainsi proclamé était-il fils de l’opulence des trente glorieuses, de trop de stabilité politique pour un peuple habitué aux crises et demeuré gaulois dans son subconscient ? Quelle aventure cherchaient ceux qui prêchaient contre la France, si ce n’était de précipiter d’une manière ou d’une autre, le départ de De Gaulle ? En tous cas, l’étincelle a jailli dans les facultés pour se communiquer, telle une traînée de poudre, à des milieux intellectuels en quête d’utilité.

L’homogénéité du mouvement, si elle a jamais existé, ne put se lire qu’après son déroulement au fil de l’escalade des manifestations et des violences, au fur et à mesure que se mettaient en branle des corps sociaux différents. De Nanterre à la Sorbonne, il y eut une certaine inhérence logique… Rien de tel avec le monde ouvrier, dont les révolutionnaires recherchaient la sainte caution. Il y avait la CGT, lente à la détente mais solide dans ses fondations. Entre elle et eux, ce fut l’incompréhension. Dans la marche des étudiants sur la voie des usines, il n’y eut rien d’autre que des malentendus historiques. La CGT et les syndicats, feignant d’avoir organisé ces événements qui les dépassaient, virent s’ouvrir des perspectives de majestueuses négociations sociales.

De Gaulle à la retraite…

Il y avait aussi : « Il est interdit d’interdire », poétique et stupide mot d’ordre qui ne pouvait en aucun cas faire un programme de gouvernement, ce qui n’avait pas été compris au stade Charléty. Aurait-on jamais imaginé Mitterrand accordant aux révoltés qu’il cherchait à capter « l’impossible » qu’ils demandaient à travers leurs slogans ? Nous étions bien là au cœur même de l’utopie. Charléty, Mitterrand, Mendès à contre-emploi, ce fut l’épisode sordide de ce mois de mai. Les politiciens au rancard tentant trop tôt de confisquer le mouvement, pressés de s’installer dans les palais de la République.

Entre les éruptions poétiques, les rêves aimables de plages sous les pavés et les actions violentes des casseurs entraînés, il y  eut un monde qui réussit pourtant à se rejoindre. De même, se rejoignirent les revendications catégorielles et les espoirs politiciens de prise de pouvoir. Le parti communiste, sans doute pour la toute dernière fois de son existence en France, inspira la seule vraie crainte. Lui seul semblait en mesure de prendre le pouvoir. Tous pensaient, y compris à l’Elysée, que le maintien de la démocratie et de la République dépendait de lui. Que déciderait Moscou ? Aujourd’hui, des leaders CGT affirment que, contrairement à ceux de la Ligue communiste révolutionnaire et de ses affiliés, il n’était alors question ni de subversion, ni de renverser le régime. Leur seul mobile était l’amélioration des salaires et des conditions de travail.

De notre côté, nous ne réussissions pas à prendre les menaces de prise de pouvoir au sérieux et, quelque fut la gravité des affrontements dans la rue, l’idée qu’il s’agissait d’un monôme géant, extravagant et démesuré en ses violences, continuait à demeurer dans nos esprits. Les CRS chargeaient avec brutalité, les barricades inspiraient la guerre civile, les pavés volaient, les grenades éclataient, mais il nous semblait impossible que cela débouche sur un basculement du régime comme certains le redoutaient ou l’espéraient.

Il est vrai que nous n’avions été qu’artificiellement réconfortés par l’allocution télévisée du 24 mai. Le sens des propos du Général était juste, la proposition de référendum excellente, mais l’opportunité mal choisie. Les étudiants et tous les barricadeurs parisiens s’en moquaient, le peuple, dans ses profondeurs, sans doute aussi. Bref, la situation semblait échapper aux responsables de l’Etat, elle filait, insaisissable.

Au cours de la deuxième quinzaine de mai, il y eut de bien curieuses réactions chez certains gaullistes. La peur primaire, la sensation de voir s’effondrer des situations et des avantages, l’instinct d’une médiocre survie politique, réglèrent leur compte à de fragiles convictions affichées jusque-là en façade. Alors qu’il s’agissait plus que jamais de se montrer aux côtés de De Gaulle en militants solides, le carriérisme ébranla plus d’un prébendier, qui lui devait pourtant tout. Au groupe des députés UDR, une voix éminente s’était élevée pour réclamer le départ de De Gaulle. Pour beaucoup de ceux-là, Pompidou seul semblait en mesure de contenir la situation. De Gaulle ne comptait plus. La trahison s’épartissait et circulait partout. Le coq chantait de plus belle ! Quant à nous, toujours à contre-courant, notre confiance en nos engagements demeurait inébranlable. Nous étions décidés, quoi qu’il arrive, à soutenir de Gaulle, à plus forte raison contre ces manifestations de lâcheté.

Entre saccage et matraquage

Quelle a été notre action concrète en ces jours interminables de trouble ?

Elle fut modeste, humble, imperceptible pour tout dire. Notre public et nos sympathisants étaient bien els plus classiques représentants de la majorité silencieuse. Nous, minorité agissante, n’étions pas organisés en phalanges pour aller dans la rue faire le coup de poing ; cela n’a jamais été notre objectif. D’autre part, nous n’étions pas suffisamment nombreux pour envahir la place de la République sous forme de sit in pacifique. Nos délégations départementales et régionales nous rendaient compte, jour après jour, heure par heure, des évolutions en province. Notre analyse quant à la non-participation de l’immense majorité de la population se confirmait, elle ne réglait pas notre impuissance.

Dès les premiers débordements, au bureau national, nous eûmes recours au moyen d’expression classique d’un mouvement politique en démocratie, la pétition. Nous étions à côté de la plaque. Quel effet pouvait bien avoir une pétition alors que l’escalade des affrontements ne faisait que commencer. Notre appel contre la violence recueillit quand même plus de 7 000 signatures en trois jours, mais allez donc agiter un classeur de pétition sous le nez d’un enragé qui veut en découdre !

Le 7 mai, au cours d’une réunion à Meudon, je pris position au nom de l’UJP. Je commençais par constater qu’aucune explication simpliste ne pouvait s’appliquer aux violences du Quartier latin. Je reprenais ensuite nos analyses sur le mal de la jeunesse, sur l’inadaptation de l’université pour laquelle je réclamais une réforme réelle. Je m’interrogeais enfin sur le rôle des professeurs dont « certains avaient un enseignement paternaliste, d’autres des arrière-pensées politiques, d’autres encore qui semaient l’anarchie ». Je songeais aux Lefebvre et autres gourous de la révolution situationniste ; ce furent des professeurs de droite qui, se sentant visés et que la situation contraignait souvent à trop de discrétion, me mirent en cause ! Je demandais, en conclusion, la réouverture de la Sorbonne et des facultés fermées en souhaitant un effort de compréhension de la part des adultes.

Le 10 mai, notre bureau national prit à nouveau position : « Le maintien des forces de l’ordre au Quartier latin et la fermeture de la Sorbonne entretiennent l’agitation parmi les étudiants et facilitent les manœuvres des extrémistes (…) L’UJP considère que c’est au gouvernement d’offrir aux étudiants la possibilité d’un dialogue constructif et demande instamment la réouverture de la Sorbonne ». Cohn-Bendit et les siens, tout en le réclamant dans leurs discours, ne voulaient en aucun cas du dialogue. S’il avait eu lieu, ils étaient bien décidés à ne pas prendre en compte les positions de leurs interlocuteurs et à ne s’écouter qu’eux-mêmes.

Nous ne connaissions pas ce raisonnement ou plutôt, nous le comprenions trop bien. Il n’était pas celui de la totalité des manifestants avec qui nous partagions une petite plage de solidarité, mais nous ressentions surtout la nécessité de faire cesser le désordre. Solidarité… maintien de l’ordre, il nous arrivait de nous interroger, mais nous assistions, affligés, à l’escalade dantesque.

Je logeais au Quartier latin et j’ai vu se dérouler des charges de CRS. A deux reprises au moins, j’ai évité de justesse le matraquage. Comment ne pas comprendre le réflexe de solidarité qui liait les étudiants, témoins ou victimes de ces charges ? J’ai contemplé les dépaveurs qui qui bombardaient, des heures entières, les CRS immobiles sur ordre. J’ai vu le spectacle impressionnant des voitures en feu, des arbres abattus. Entre saccage et matraquage, nous éprouvions un malaise de plus en plus vif.

Nous allions à Matignon pour expliquer la nécessité de faire preuve de compréhension, nous nous rendions à l’Elysée pour plaider la souplesse. Dès le 8 mai, au cours d’un dîner avec Jacques Foccart au restaurant Le Solférino, nous fîmes part de notre inquiétude et de nos malaises en demandant à être reçus, en bureau national, par le général de Gaulle.

Pendant ce temps, une dizaine de nos amis se relayaient à la Sorbonne occupée pour prendre, eux aussi, le micro et faire entendre la voix des étudiants gaullistes. Leur courage leur valut de n’être que copieusement hués. Quelques rares moments de grâce leur accordèrent une courte écoute. Moi-même, me faufilant parmi les occupants, je déambulais dans cette Sorbonne hallucinante. Dans l’une des cours intérieures, une lunette astronomique et son rêveur invitaient à contempler le cosmos, à rechercher les astres évanouis et le monde meilleur.

La révolution naufragée

A partir du 20 mai, les occupations d’usines se généralisèrent. La France était immobile, figée en une étrange dolence, sous le plus poétique soleil de printemps. Le pays ne fonctionnait plus, ni l’électricité, ni le métro, ni les trains. Appelé par mes amis d’Alsace, il me fallait retourner pour deux jours à Strasbourg et je n’ai pu trouver d’essence que grâce à des ressources miraculeuses.

Là-bas, la situation n’avait rien de comparable avec le chaudron parisien. L’Alsace était globalement calme avec quelques usines occupées et l’université en état d’agitation. C’est bien le moins pour le berceau des situationnistes soutenus par le zèle des communistes révolutionnaires. A part une barricade étonnante à Strasbourg, un incident hautement symbolique marqua les esprits. Dans la nuit du 20 au 21 mai, le monument aux morts très particulier de la capitale alsacienne fut barbouillé de rouge et en grosses lettres apparaissait le mot Révolution. Cela provoqua une mobilisation générale. Tous les anciens combattants, les associations patriotiques et, relative surprise, un grand nombre d’étudiants, vinrent se recueillir devant la sculpture d’une mère-patrie bien singulière, soutenant ses deux fils morts l’un regardant vers l’Allemagne, l’autre vers la France, le drame de l’Alsace inscrit dans la pierre blanche. On ne plaisante pas avec la tragédie, on ne profane pas en Alsace. L’impopularité de la cause des casseurs de l’université fut générale, et cet incident, avant d’autres, marqua un tournant dans les esprits. D’une manière ou d’une autre, la révolution de mai allait mourir.

A Aix-Marseille, Patrick Ollier et ses amis tentaient de lutter pour reprendre la fac de droit et leurs actions rencontraient quelque succès ; en Normandie, Yves Deniaud maintenait ses réseaux ; à Lyon, Grenoble, Toulouse, Bordeaux, Nantes, Lille, partout en France, L’UJP manifestait sa  présence active et pacifique mais était prête à défendre les institutions locales. Partout, nos responsables virent se joindre à eux des jeunes de plus en plus nombreux, écœurés par la dégradation de la situation dans les universités, révolté de l’image qui se dégageait ainsi de la jeunesse de France. Ils faisaient partie de ceux qui voulaient étudier, travailler, agir positivement. Ils constituaient évidemment la grande majorité, paralysée par la violence et la brutalité dans son désir d’expression. Ils souhaitaient pourtant agir et ils étaient décidés à le faire. Au fil des jours, ils le manifestaient de plus en plus fortement en se regroupant autour de ces pôles solides que représentaient les délégations de l’UJP dans les villes universitaires et dans les départements en général.

C’est avec la conviction que la révolte allait sombrer que je m’en retournais à Paris, lorsque, sur la route, au-dessus de moi, trois hélicoptères me survolèrent en sens inverse, vers l’Alsace. Ma radio m’apprenait le départ brutal du général de Gaulle, puis sa mystérieuse disparition. C’était hallucinant.

Pendant quelques heures, nous vivions une séquence de surréalisme tragique. Toutes les hypothèses nourrissaient nos fantasmes.

Au siège de l’UJP, 81, rue de Lille, les bureaux de nos voisins du rez-de-chaussée, l’équipe de La Nation, avaient été plastiqués ; le 5, rue de Solférino, tout à côté, avait subi un commencement d’incendie. Après mes impressions strasbourgeoises, ces attentats me semblaient donner le signal de l’exaspération généralisée et le réveil des silencieux. Toutes les bornes avaient été dépassées depuis longtemps, mais cette fois-ci, l’air du temps apportait des rumeurs nouvelles. Imperceptiblement, les esprits avaient évolués, la casse devait cesser, l’insurrection avait suffisamment duré, la remise en ordre de la machine France s’imposait.

Les négociations de Grenelle furent extravagantes. En leur forme marathonienne d’abord, trente-neuf heures, par l’absence du ministre de l’Economie et des Finances ensuite, par leur résultat excessif enfin. Georges Pompidou lâchait les vannes dans le but d’apaiser les mouvements syndicaux. Séguy, triomphant, s’en retournait chez les siens, avec en poche une augmentation historique de 35% du SMIG. Billancourt le hua ! La révolution continuait ! Mais il y eut Charléty et l’auto-proclamation de Mitterrand à la présidence de la République…

Mai était le mois de l’irrationnel. Comment analyser ces évolutions de manière logique, comment expliquer que les choses, soudain, se mettaient à basculer ? Tout comme l’amorce des émeutes, personne ne pouvait imaginer ce que serait le 30 mai. Autour de nous, certes, le ras-le-bol était général et, pour la première fois, il constituait une sorte de mobile fédérateur. Nous sentions que le sursaut était en train de s’opérer, que la volonté de se ressaisir allait l’emporter. Comment et dans quelles conditions ? La réapparition spectaculaire du général de Gaulle cristallisa les énergies ;

Sus aux jeunes ou la revanche des vieux

Il y eut le 30 mai ! La paternité de cet incroyable succès historique est aujourd’hui plurielle ; les triomphes ont toujours beaucoup d’auteurs. C’est Pierre-Charles Krieg qui nous annonça le premier sa volonté de réagir. Député de Paris, il avait la conviction que les électeurs de la capitale ne pardonneraient pas à leurs élus de rester l’arme au pied. Après trois semaines d’une bien étrange passivité, le peuple ne supportait plus les désordres et les troubles. Donc, le 27 mai, Krieg était allé mobiliser l’équipe de La Nation dans ses bureaux. Il vint aussi voir l’UJP au premier étage. A la fois excédé et décidé, il nous annonça : « C’en est plus qu’assez, il faut agir. Comme personne dans cette UDR ne veut prendre la moindre initiative, j’ai décidé de forcer la main à tout le monde. Nous allons lancer une grande manifestation. J’ai pris sur moi de commander les tracts. Ils sont chez l’imprimeur. Je vous demande de me soutenir ».

Le 28 au soir, une réunion d’état-major eut lieu au 123, rue de Lille, au siège de l’UDR, pour évoquer les problèmes d’organisation en présence de la plupart des membres du bureau exécutif. En bout de table, avec deux de mes amis, j’observais, sans réussir à m’en imprégner, le climat lugubre qui émanait de la salle, des débats et des mines des dignitaires. Le principe de la manifestation fut accepté, bon gré mal gré, et un projet de tract commun circulait autour de la table. Je le lus attentivement, il me consterna. Son sens général était à peu près le suivant : « Anciens combattants, patriotes, mères de famille, (retraités ?), venez manifester votre colère et votre soutien à de Gaulle… ».

Autour de la table, il n’y avait plus que des conversations particulières et de longs a parte ; personne n’écoutait réellement personne. Sous la volonté officielle d’organiser la riposte, le défaitisme ne réussissait pas à se dissimuler pleinement. Je demandais la parole dans le brouhaha et tentais de convaincre qu’un tel texte donnerait des gaullistes une image détestable, rétrograde et, pour tout dire, réactionnaire. Il dressait sans nuance les vieux contre les jeunes et signifiait la chasse aux sorcières, sus aux jeunes en quelque sorte. « Mai est une affaire de jeunes, dis-je dans l’indifférence et la lassitude générales. Notre appel ne doit pas oublier les jeunes, dont l’immense majorité est hostile aux violences. Nous devons nous adresser à eux clairement. Ils viendront à coup sûr manifester eux aussi et s’ils ont été silencieux jusqu’à présent, ils n’ont pas été les seuls ! ». Ce que je venais de dire n’intéressait personne, on ne m’avait pas écouté. Je décidais de quitter la table avec mes amis pour ne pas cautionner cet appel à la condamnation des jeunes. Notre départ provoqua soudain un silence et une écoute qui ne nous avait pas été accordée jusque-là. Jean Valleix nous rattrapa dans les couloirs. De retour en réunion, notre point de vue fut adopté. Il y aurait un second tract à notre initiative ; quant au premier, il intégrerait un appel aux jeunes.

Nous ignorions alors que Jacques Foccart avait pris, de son côté, l’initiative d’une manifestation qu’il décida, après concertation, de joindre à la nôtre. Au 5, rue de Solférino, les Comités de Défense de la République étaient déterminés et Pierre Lefranc coordonnait quelques réunions auxquelles nous participions. Les points de vue qui s’y développaient étaient fondés sur une conception plus musclée des choses. On était prêt au combat s’il fallait en venir là. En attendant, la mobilisation pour la manifestation, initiée par Foccart et relayée par Lefranc, était totale et exemplaire.

Chacun maintenant concentrait ses efforts sur l’action fixée au 30 mai à 17h. Tous les responsables gaullistes s’étaient constitués en ordre de bataille, ceux de l’UDR autour de Robert Poujade, Michel Habib-Deloncle et l’équipe de la Nation, Philippe Dechartre et la gauche Ve République, l’Association pour la Ve République, les parlementaires, les CDR de Lefranc.

Les jeunes avec « Big Charlie »

L’appel de l’UJP avait été entendu. Le rendez-vous que nous avions fixé à la hâte à 14 h. en nos bureaux fut un succès. Des jeunes de tous les coins de Paris et de banlieue affluèrent en si grand nombre que, vers 15h. , il nous fallut nous réunir dans la rue. En toute hâte, nous barbouillions, agenouillés par terre, des croix de Lorraine au feutre sur les drapeaux que nous nous étions procurés. De la même manière artisanale, nous peignions des calicots à la bombe : « De Gaulle n’est pas seul ! – La Révolution avec de Gaulle ! – Unité, jeunesse, progrès ! – Les jeunes avec de Gaulle ! ».

Au moment même de nos exercices manuels, à 16h. 30, les transistors retransmettaient l’appel du Général. Silence religieux, profonde émotion, exultation après la phrase finale. Il s’agissait d’une prodigieuse manœuvre stratégique. Du grand de Gaulle ! Il avait choisi la radio, comme à Londres, mais conscient cette fois de l’exceptionnel effet d’amplification et de démultiplication que provoquaient l’armée de transistors omniprésents et partout en éveil. Le refus de l’écran, cette absence et cet effet d’abstraction, au sens presque artistique, eurent un impact extraordinaire, suscitant une mobilisation gigantesque sur fond d’épopée fabuleuse.

Nous ne nous en étions pas encore rendu compte, lorsqu’en militants décidés, nous remontions la rue de Lille vers le boulevard Saint-Germain. Au 5, rue de Solférino, Lefranc, prudent, avait esquissé l’hypothèse d’un échec et se demandait si on allait pouvoir réunir suffisamment de monde pour faire tout de même le tour de l’Obélisque[2].

Nos rangs grossissaient. En montant sur le pont de la Concorde, nous étions plusieurs centaines. A l’entrée de la Concorde, nous étions plusieurs milliers et, à notre surprise, des banderoles, des calicots avec le sigle UJP fleurissaient là par dizaines autour de l’Obélisque. Ils indiquaient leur origine : Val-de-Marne, Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis, bref, ils étaient au rendez-vous. Je me souviens de celle, en véritable bande dessinée, qui nous fit si chaud au cœur : « Les jeunes avec Big Charlie ! ».

A gauche, sur les Champs-Elysées, nous ne réussissions pas à croire qu’il ne s’agissait pas d’un mirage. Il y avait là une immense marée fluante, grouillante, joyeuse. De loin, dans la chaleur de cette fin d’après-midi, une sorte de halo surnaturel semblait flotter au-dessus de la foule. Nous étions tout à notre bonheur mais les préoccupations tactiques s’imposaient. Muni d’un mégaphone, ainsi que Jean-Paul Fasseau et d’autres membres du bureau, nous nous lancions dans des essais de voix, des essais de slogans, des tentatives de chansons mobilisatrices. Il nous fallait aussi rassembler et regrouper les milliers d’UJP dispersés partout. Ce souci de faire masse, d’être homogènes et cohérents fit passer au second plan celui d’être vu, d’être en évidence et de rechercher les premiers rangs. Les récits photographiques du 30 mai ne montreront aucune de nos banderoles, aucun de nos calicots. Nous nous sommes néanmoins reconnus dans l’effigie emblématique  de cette belle et souriante étudiante qui défilait avec nous, juchée sur les épaules de son copain, en brandissant le drapeau tricolore, comme une Marseillaise de Rude, apaisée, transfigurée de bonheur.

Au milieu du cortège, nous exultions et nous nous sentions réconciliés.

Bernard Debré défilait à mes côtés et me suggéra, près de l’Elysée, de faire scander « Général, nous voilà », ce que je réussis à éviter de justesse et nous continuions à entonner à plein poumons « De Gaulle n’est pas seul – Le jeunes avec de Gaulle – De Gaulle à l’UJP – La révolution avec de Gaulle », le dernier provoquait des sourires étonnés. Les anciens combattants et ceux qui ne l’étaient pas ne comprenaient pas.

Bien sûr, nous brûlions d’envie d’aller vers l’Elysée manifester notre affection à de Gaulle. J’en avais émis le souhait en consultant à la cantonade. Un motard de l’AFP saisit l’idée au vol. Il démarra en trombe et diffusa l’information. Les services de police, malgré toute notre insistance, nous prièrent de ne pas ouvrir de brèche, si sympathique soit-elle, vers l’avenue Marigny. Les ordres étaient formels, pas de manifestants devant l’Elysée. Déçus, nous avons fait preuve de discipline et, au moment de poursuivre vers l’Arc de triomphe, le motard nous rattrapa pour nous « engueuler » copieusement de n’avoir pas manifesté conformément à la dépêche qu’il avait déjà diffusée.

Chaque slogan entonné roulait sur la foule pour se confondre en de formidables résonnances. Chaque pas de danse, repris par les innombrables rangées de jeunes derrière, expulsait de nos cœurs la rancœur et la tristesse de ce mois sinistre qui s’achevait avec éclat dans la plus irrépressible jubilation.

A l’Arc de triomphe, Jacques Foccart m’attendait ; il m’embrassa et s’exclama, sincèrement ému : « Mon Dieu, que de jeunes ». – « Dites-le au Général », lui répondis-je.

Sur sa chaise au milieu du boulevard

Le cortège n’en finissait pas de se disperser, la foule de piétons libérait peu à peu la chaussée, et ce fut au tour des voitures, toutes vitres baissées, drapeaux flottants au vent, de manifester en klaxonnant de manière triomphale.

Nous nous sommes assis à une terrasse du boulevard Saint-Germain près de la rue de Lille pour savourer les délices de ce moment de printemps intemporel, conscients de vivre une parcelle d’histoire et d’épopée. La houle des Champs-Elysées s’incrustant dans nos mémoires, immuable et indéfiniment puissante, emportait avec elle quelque chose d’irréel. La France se retrouvait avec un air joyeux de Libération et la brise de cette fin d’après-midi venait balayer les derniers souvenirs lacrymogènes.

Avec Bernard Debré et quelques amis du bureau national, nous déambulions, euphoriques, le long du boulevard Saint-Germain. Vers l’église, à la hauteur de Lipp, en plein milieu de la chaussée, un attroupement nous intrigua. Cela ressemblait à un de ces innombrables groupes de palabre sorbonnard, anachronique ce soir-là. Les occupations d’espace pour cause de réfection du monde n’étaient plus à l’ordre du jour et, nous rapprochant, nous pensions qu’il pouvait s’agir d’un groupement de badauds autour d’un accidenté de la circulation.

La surprise fut une récompense. Au milieu du boulevard, une chaise. Sur la chaise, insolite, un homme assis, entouré d’une foule gesticulant et vociférant en crescendo, au point de conduire l’assis du boulevard à détaler : François Mitterrand. Il traversa le boulevard en courant pour trouver refuge derrière la porte cochère où son panache de poursuivants l’abandonna. Cette dernière drôlerie, qui ponctuait ainsi toutes les turpitudes de cet insaisissable et cruel printemps, nous semblait comme un clin d’œil complice. Mais que diable, Mitterrand, président putatif de la République le 28 mai, faisait-il là ? Ce fut pour nous un mystère et une cocasserie que de le voir assis sur une chaise au milieu du boulevard. Oserions-nous imaginer que, toujours à ses rêves conquérants, il ait songé à soulever la rive gauche alors que la rive droite, les Champs-Elysées, conduisait le peuple de Paris vers la République retrouvée ? Ce stratège impatient n’avait pas compris que la fête était finie.

Un sillon dans l’océan 

Mai 68, infertile sillon ouvert sur l’océan que la mer est venue recouvrir.

Qu’en reste-t-il donc ?

Ne cherchons pas à ravaler les effets d’un phénomène auquel nous n’avons pas adhéré. Que reste-t-il de Mai 68 ? Le séisme a-t-il bouleversé la société au point de la transformer ?

Allons au plus clair. Les négociations de Grenelle augmentèrent le SMIG de 35% ce qui, à tout le moins, ne désespéra pas Billancourt et réjouit, dès qu’il eut le temps d’en être conscient, le peuple trop nombreux des petits salariés. Mais cela conduisit inéluctablement à la dévaluation du franc, en août 1969, alors que le Général, jetant tout son poids dans la balance, avait tenté de ne pas entériner de cette manière le solde économique de Mai. Il y eut par conséquent un acquis social immédiat. A plus long terme, il s’est dilué dans les sables.

Du côté des soixante-huitards de toute obédience, les acquis de Mai sont évidents : un souvenir de quête du bonheur. Mai 68 c’était leur bonheur ! Tout était permis aux barricadeurs qui se sont arrogés le pouvoir illusoire et éphémère du dépassement de l’interdit. Un rêve et une poésie toute particulière : sur le coup la violence brutale et incontrôlée des affrontements avec leurs risques inouïs ; longtemps après la poésie des petites fleurs et des rêves de douceur. Les pavés, les matraques, transmués en jardin d’Eden aux fruits enivrants, voilà bien les mystères de l’alchimie gauchiste.

De notre côté, à l’UJP, le mot qui pourrait le mieux qualifier ce printemps de rage et de fureur, est celui de honte. Nous avions honte de voir une fraction de notre génération se livrer à ces déchaînement destructeurs, se transformer en casseurs, incarner la chienlit.

La honte était d’autant plus vive que le soulèvement finit par se concentrer contre de Gaulle : « dix ans ça suffit » nous blessait d’autant plus que nous, nous en redemandions, de manière totalement irréaliste. Encore dix ou vingt ans ne nous aurait pas gênés. Les autres slogans et leurs affiches caricaturales nous semblaient d’une injustice totale à l’égard de celui qui libéra la France et qui fut toujours le plus authentique, et sans doute, le seul révolutionnaire de ce siècle. Juin 40, la nouvelle Constitution de 58, la décolonisation, la paix en Algérie, le droit de vote aux femmes, furent autant de révolutions authentiques à côté desquelles les barricades de 68 étaient bien dérisoires.

Mai nous avait peut-être moins dérangés dans l’absolu que la signification qu’on lui assignait contre le Général. Il y avait des vertus dans le fait de briser des idoles, celles surtout qui incarnaient les fausses autorités. Secrètement, il existait bel et bien une inavouable solidarité. Combien d’entre nous, parmi les plus romantiques, avaient alors formulé le rêve de voir de Gaulle jouer au grand timonier, mettre le pays en mouvement et prendre en main une révolution culturelle à la française. Cette utopie, dans l’air du temps, permettait les plus belles envolées de délire lyrique. Mais de Gaulle, c’était aussi, et ce fut toujours, la prise en compte des réalités. La France de 68 n’était pas Chine de Mao, les méthodes totalitaires nous révulsaient et personne alors ne savait précisément la nature et l’ampleur des génocides et des crimes contre l’humanité que commettait le communisme chinois.

La honte, nous l’éprouvions aussi pour ceux d’en face. Il n’y avait, tout compte fait, guère de fierté chez ces révolutionnaires enragés de 68. La plupart d’entre eux ont bien vite infléchi leur trajectoire dans la direction bourgeoisie-caviar qu’autorisa le socialisme à la Mitterrand. Lambris dorés des palais de la République qu’ils voulaient, à l’époque, prendre d’assaut, voitures avec chauffeurs et flics de protection, petits cousins des CRS-SS, sont le lot quotidien des plus opportunistes. Le capitalisme et ses charmes discrets en ont saisi plus d’un. Même Cohn-Bendit s’enivre des ors des palais. Sa fidélité réside dans son uniforme, tee-shirt blanc sous son col de chemise béant, mais il ne réussit pas à s’évacuer de la course aux honneurs des élections-piège à cons.

Si, pour certains, Mai 68 a produit du rêve et de l’espoir, ce fut a posteriori, dans leur imaginaire en permanence anobli par les couches successives de ripolinage des souvenirs.

Caprice de nantis

On tente de rechercher les effets réels et concrets de Mai 68 et l’on évoque alors gravement l’émancipation de la femme. Admettons que, globalement, la société fut un peu décoincée par tant de tremblements. La libération sexuelle, ou plutôt l’invasion de tous les espaces par le sexe, peut être attribuée à la révolution. Comment, pour autant, en déduire que, sans ces événements, le gaulliste Lucien Neuwirth n’aurait jamais déposé sa proposition de loi en faveur de la pilule ?

Il faut évoquer naturellement la transformation de l’université. Elle fut entreprise par Edgar Faure à la suite des doléances de 68 et constitua un progrès réel. L’autonomie peut être considérée comme un acquis de 68. Mais le rêve, mille fois revendiqué, de détruire l’équation enseignants-enseignés s’est évanoui, comme d’ailleurs, celui de faire exploser tous les rapports hiérarchiques.

Enfin, au moment même où Cohn-Bendit et les siens lançaient leurs diatribes contre le chômage et la misère morale des étudiants, le chiffre des chômeurs était de 400 000. Vingt ans après, il y a 3 millions de chômeurs officiels, près de huit fois plus. La révolution n’aura donc pas pérennisé ses effets sociaux.

On aurait tort d’oublier que Mai 68 était au fond une révolution de luxe, un gigantesque caprice de nantis contre leur société de consommation. Dans son sillage, les théoriciens économistes du club de Rome, dans la plus pure tradition baba-cool, dénonçaient l’expansion et appelaient de leurs vœux une croissance 0. Trente ans après, quelle dérision !

L’éruption de Mai était sans doute inscrite dans les astres, l’explosion des pulsions qui la sous-tendaient, nécessaire. La rupture devait avoir lieu et il fallait bien asséner à la société des vieux l’obligation de prendre en compte les aspirations rejetées en permanence des nouvelles générations. Ce sont les formes que nous déplorons, c’est le fait que de Gaulle l’ait prise en pleine face qui nous fait mal.

Notre conviction est claire. Ce n’était pas du plus haut niveau de l’Etat que provenaient les erreurs distillées imperceptiblement et presque insidieusement au fil de ces longues années à l’endroit des générations d’après-guerre. Les archaïsmes étaient tapis au sein des structures intermédiaires. La strate des exécutants bloquait la société et formait l’armature rouillée d’une France qui se régénérait à leur insu ou à leur corps défendant. La rigidité, le manque de souplesse et l’adaptation aux évolutions de l’époque avaient paralysé les liens sociaux. La forteresse syndicale du ministère de l’Education nationale est la plus éloquente illustration du fait qu’aucun ministre n’a jamais réussi à l’adapter à l’évolution de la République.

Pas de martyrs pour les casseurs

En Mai 68 à l’UJP, nous avons vécu notre gaullisme à nous, nous l’avons construit sur notre mode, à nos rythmes, avec l’éthique de notre génération. Il n’était pas conforme à celui des anciens, ni ceux de l’UDR, ni ceux regroupés temporairement dans les CDR. Nous étions partisans d’un humanisme en action au détriment de la machine, fut-elle celle de l’Etat. Ah certes ! il fallait enrayer et contenir sur le champ les exactions et les actes de guerre de rue menés par les enragés. La formule de De Gaulle : « La réforme oui, la chienlit non » nous convenait parfaitement. Mais jusqu’à quel degré fallait-il pousser la répression ? L’erreur stratégique vient du fait qu’au cours des premiers jours, l’Etat fut incapable de mettre un terme aux escalades. A qui la faute ? au préfet de police, au ministre de l’Intérieur, au Premier ministre absent, au président de la République mal informé, puis au retour de Pompidou d’Afghanistan et au départ de De Gaulle en Roumanie ? Peu importe.

Notre malaise vient des témoignages décrivant certains conseillers du Général, cyniques, exigeant le recours aux armes, contre l’avis du ministre de l’Intérieur, contre la position du Premier ministre lui-même. « L’Etat ne recule pas, l’Etat ne cède pas » était une théorie qui allait justifier les réactions extrêmes, et ce au moment même, début mai, où nous plaidions pour la compréhension et la réouverture de la Sorbonne.

Quelques dizaines de morts sur les premières barricades auraient-elles stoppé net le mécanisme insurrectionnel ? La solidarité ne se serait-elle pas faite plus violente en entraînant un processus de dégradation irrémédiable, y compris de l’image historique du Général ? Certains, comme Lefranc, prétendent que non, la fermeté la plus intransigeante aurait été salvatrice. Ce ne fut pas notre avis. La princesse des contes, la madone aux fresques des murs ne fait pas donner la mitraille contres ses enfants saisis de folie.

Imaginons que les gauchistes aient eu leurs martyrs, morts sur les barricades sous les balles des CRS ou de l’armée, Mai 68 entrait alors dans l’Histoire, les casseurs étaient immortalisés, transfigurés en héros, de Gaulle passait pour un dictateur liberticide.

De coup Mai 68 entrait réellement dans l’Histoire, alors que là, il n’est inscrit que dans les annales accessoires du folklore national.

La manif de l’UJP, 4 juin

Le 31 mai, dans le feu de l’action, j’organisais une réunion de notre bureau national pour un bref bilan. Pour nous « ce n’était qu’un début… », nous aussi, nous allions continuer notre combat. Nous décidions tous ensemble de lancer une nouvelle manifestation pour le 4 juin, réservée uniquement aux jeunes, organisée par l’UJP seule. Nous prenions des risques. Quatre jours après le triomphe du 30 mai, nous ne pouvions que faire moins bien, mais nous en restions à notre idée, la révolte avait été une affaire de jeunes, elle pouvait se conclure en juin par une manifestation de jeunes. Combien de caciques attendaient l’échec de notre initiative et ils ne se trouvaient pas qu’à gauche.

Le 4 juin, il s’est mis à pleuvoir, des jeunes d’extrême-droite se sont infiltrés dans notre rassemblement, il y eut des provocateurs pour nous lancer à l’assaut de la Sorbonne. Nous avons surmonté tous ces obstacles et vers 15 h., quelque 40 000 jeunes défilèrent avec nous du Trocadéro au Champ-de-Mars. Loin d’être un échec, ce rassemblement permit à l’UJP de reprendre la main. Dans la foulée, nous lancions dans tout Paris nos célèbres affiches dans le style psychédélique de l’époque : « Les jeunes assument la révolution avec de Gaulle ». L’idée nous était venue de nos amis d’Aix-Marseille qui étaient toujours en avance d’imagination. Avec Patrick Ollier, leur action sur le terrain des facs avait été rude, musclée, chaleureusement marseillaise en un mot. Combien de rêves de paradis perdu à retrouver d’urgence n’avons-nous pas développés ensemble ?

Elections-pièges à cons ? 

Le mois de mai nous avait été confisqué par les gauchistes, juin ne pouvait que nous revenir grâce aux élections générales annoncées par de Gaulle. Pour démontrer que le message avait été bien reçu, pour réconcilier la France avec sa jeunesse, pour amorcer un changement clair, quel moyen plus éloquent et plus spectaculaire que celui de faire entrer à l’Assemblée nationale de jeunes parlementaires gaullistes ? C’est bien ce que nous imaginions. Franchement, comment aurait-il pu en être autrement ?

De Gaulle, ce de Gaulle que certains dans les états-majors UDR avaient voulu évacuer vers la retraite, était en situation de triomphateur. Les élections lui seraient acquises, sans réserve. C’était bien le moment de faire preuve de courage et de renouveler sans le moindre risque le personnel parlementaire.

Le gaullisme serait au pouvoir pour trente ans, avait dit un jour Alain Peyrefitte, pourvu qu’il sache éviter les bévues. En 1968, le moment de rajeunir ses cadres politiques était idéal et faisait partie de cet arsenal de mesures pertinentes pour conserver la confiance des électeurs. Qui, parmi l’électorat, allait protester contre la substitution d’un vieil UDR par un jeune ?

Ce ne fut pas le cas. Les conservateurs étaient sortis du bois et considéraient que le moment de redonner un tour de vis supplémentaire n’était pas inopportun. La vieille règle du sortant automatiquement reconduit fut appliquée une fois de plus. Aucun UJP ne fut candidat ! Le Général avait glissé à la fin de l’entretien qu’il m’avait accordé le 1er décembre : « Vous serez député », un peu comme on évoque une évidence. Georges Pompidou, Robert Poujade, Jacques Foccart me l’avaient annoncé à la fin des événements de mai. A Strasbourg, où j’étais élu conseiller général, les caciques, huit députés UDR sur huit, furent reconduits sans l’ombre d’un problème et c’est ainsi que je me trouvais absent de la compétition des législatives historiques de 68. Om m’avait certes proposé une suppléance. Le président de l’UJP pouvait-il aller au combat en suppléant, derrière un de ces vieux qu’on avait à peine aperçu pendant les événements de mai ? Image impossible pour les militants. Renonçant stupidement à tout calcul de carrière à moyen terme et ne voyant alors que le bout de mon nez de président de l’UJP, j’ai refusé.

La veille de la clôture des inscriptions, Michel Herson, responsable des élections, me téléphona pour s’étonner de mon absence. « Vous ne pouvez pas ne pas être de cette bataille », me dit-il samedi 8 juin vers 23h. Le lendemain dimanche à midi, on m’annonça que le Premier ministre avait décidé de m’envoyer à Albertville contre Fontanet, alors que je ne connaissais rien à cette circonscription de la Savoie. A 16h., changement de programme, j’allais dans le Jura contre Jacques Duhamel sur instructions personnelles de Georges Pompidou. Je ne pouvais pas refuser le combat et, à contre cœur, je sautais dans ma voiture avec deux amis pour me trouver à 11h. 50, à dix minutes de la clôture des inscriptions, à la préfecture de Lons-le-Saunier, pour déposer ma candidature de discipline mais aussi porter le drapeau de l’UJP.

Jacques Duhamel, leader centriste, sillonnait la France et apparaissait sur tous les écrans de télévision ; de plus, il était remarquablement bien implanté dans sa circonscription. Le combat était inégal et perdu d’avance malgré ma campagne vigoureuse qui draina vers Dole des cars entiers d’UJP de Paris, malgré le soutien amical exemplaire du bureau national, malgré la mobilisation de tous les gaullistes du Jura réconfortés par ma présence.

Je réussis à mettre Duhamel en ballotage ce qui le fâcha beaucoup, d’autant plus qu’au second tour, je me retirai sur ordre de Pompidou.

Les gardes rouges de De Gaulle

L’UJP allait s’envoler vers sa gloire éphémère, ma carrière parlementaire était sans doute morte dans ses promesses de juin 1968. Au moment de la formation du gouvernement à Matignon, Pierre Somveille me dit d’un ton désolé : « Nous avons bien pensé à vous pour le gouvernement ;.. ».

Le 10 juillet, Maurice Couve de Murville était nommé Premier ministre.

Nous continuions à méditer les leçons de Mai et à pousser aux réformes que nous sentions nécessaires pour la France. Une belle idée nous mobilisa en cet été 68, les « cahiers de la participation ». Il s’agissait, dans notre esprit, de lancer sur le mode des révolutionnaires cahiers de doléances, une vaste opération de concertation qui aurait pour objectif de faire avancer l’idée gaulliste de la participation. Le nouveau Premier ministre et le secrétaire général de l’Elysée, Bernard Tricot, nous apportèrent leur soutien sans réserve.

En quelques jours, nous avions rédigé et fait imprimer 100 000 cahiers évoquant une dizaine de chapitres de la vie des jeunes en France, l’université, la jeunesse et les sports, l’emploi et la formation, la réforme de l’entreprise, la régionalisation, la participation politique. La page de droite introduisait le thème et posait les questions ; en face, la page de gauche était vierge comme celle d’un cahier d’écolier et chaque interlocuteur pouvait y inscrire ses suggestions et ses propositions.

Dans le préambule, nous indiquions que le général de Gaulle avait lancé une « appel à tous les Français pour qu’ils participent à l’édification de la nouvelle société ».

L’opération eut un retentissement réel tant auprès des jeunes à qui nos délégués diffusaient massivement les cahiers, qu’auprès des membres du gouvernement qui souhaitèrent s’y impliquer et s’y associer. Michel Debré, Joël Le Theule, Robert Galley, Philippe Dechartre nous apportèrent leur concours, de même qu’à l’UDR, Robert Poujade et Jean Charbonnel.

Le Général avait été séduit par notre initiative tout comme il avait apprécié notre action en mai et notre manifestation du début juin. Nous lui avions demandé audience et Bernard Tricot me fit savoir qu’il nous recevrait en bureau national le 29 juillet à 15h. 45. J’emmenai donc à l’Elysée une délégation composée de Jean-Paul Fasseau, Michel Desvignes, Michel Grimard et Dominique Gallet.

Je n’étais pas capable de fanfaronner avant d’entrer dans le bureau du Général mais je tentais, face à mes amis saisis par le trac le plus mordant, de jouer les habitués en ravalant ma propre inquiétude. Il nous fallait, collectivement, faire bonne figure.

Tout aussi affable que lors de ma première entrevue, le Général me pria de m’asseoir en face de lui, mes amis du bureau national à mes côtés. Il commença par me demander des nouvelles de l’UJP et de son évolution.

Il s’intéressa ensuite à chacun de mes amis en démontrant qu’il avait parfaitement étudié leur curriculum-vitae.

·       « Vous faites du droit, dit-il à Jean-Paul Fasseau, quelle est l’atmosphère en faculté ? »

Jean-Paul le rassura sur le retour au calme d’une faculté qui ne s’était pas signalée par une excitation ultra-révolutionnaire.

Michel Grimard, lorsque vint son tour, se lança dans un discours théorique sur la réforme de l’université attendue impatiemment par les étudiants. Son discours était un peu embrouillé, plus par l’intense émotion qui l’étreignait que par un manque de clarté dans ses raisonnements habituellement imparables. Malicieusement, le Général lui demanda de poursuivre au moment le plus critique.

·       « Ah oui ? Et quelles sont les modalités de cette réforme que l’on attend si impatiemment ? »

Bredouillements de Michel qui ne s’attendait pas à ce que ses propos recueillent une attention aussi soutenue de la part de son éminent interlocuteur. Quant à nous, nous retenions de ce questionnement qu’on ne raconte pas d’histoires au général de Gaulle, même sur des sujets théoriques en apparence banals.

Nous lui exprimions tous ensemble notre attachement à une véritable révolution par la participation. « Il faut que les choses changent dans notre société, il faut la transformer », lui disions-nous, convaincus. Le Général nous offrit alors un extraordinaire développement historique sur le rôle de la France.

·       « Vous comprenez, vous êtes liés à un pays pour son passé et par son avenir, vous y êtes attachés. Ce pays c’est la France. Songez qu’il y a encore cent-cinquante ans, la France était maîtresse du monde au temps de Napoléon. De mastodonte, elle est devenue faible et elle a même failli disparaître en 1940. Or, qu’est-ce que cent-cinquante ans ? Deux vies de vieillards mises bout à bout. »

L’image nous frappa vivement, lui-même avait alors 78 ans.

·       « Notre rôle aujourd’hui ne peut être le même que par le passé, mais nous avons un rang à tenir, des devoirs à respecter. La France peut occuper une place de première importance sur le plan des idées, nous avons un message à diffuser. La transformation de notre société, la mise en place de la participation, voilà notre message. »

Le Général nous parla ensuite de sa théorie de l’équilibre mondial et de la nécessité de ne pas subir la tutelle des grands blocs ni sur le plan militaire, ni sur le plan idéologique.

·       « Deux colosses dominent le monde et bientôt un troisième, la Chine. Mais ces colosses portent des blessures internes et externes, ce qui offre à la France une possibilité de jouer un rôle dans le monde. Toute la question est de savoir si ça vaut la peine ou non. »

A propos de la participation, avec un peu de malice, nous lancions :

·       « Nous n’avons pas l’impression que les parlementaires qui viennent de se faire élire grâce à vous y croient beaucoup. Ils ont mis le mot participation sur leurs affiches et s’en sont servi dans leurs discours, mais au fond… »

·       «  C’est déjà quelque chose s’ils l’ont mis sur leurs affiches, c’est un début, le reste viendra. Mais il faudra les tirer… Il faut bien que la crise de Mai serve à quelque chose. Vous avez, au fond, la participation c’est très simple, il s’agit « de mettre les gens dans le coup ». Aujourd’hui, dans notre civilisation mécanique, personne ne se sent plus concerné par ce qui se passe. Prenez les ouvriers dans leur entreprise, les étudiants dans leur université, les habitants dans leur commune ou dans leur région… le gens sont hors du coup… La régionalisation consiste à mettre en œuvre la participation sur le territoire de la nation et je sais que la régionalisation, ça intéresse les Français ! »

Nous avons été frappés par la force de cette formule simple qui, mieux que tant de discours, expliquait clairement le projet de la société gaulliste. « Mettre les gens dans le coup », c’était le mot d’ordre. Il pouvait s’appliquer à tous les secteurs de la vie politique, sociale, économique. Au gouvernement de le mettre en œuvre et notre génération de l’approfondir.

Le Général nous dit encore quelques mots sur son projet de réforme de l’ORTF, nous informant qu’il souhaitait faire entrer au Conseil d’administration « des jeunes de valeur qui avaient fait leurs preuves en réalisant quelque chose dans leur vie ».

En sortant de son bureau, nous estimions que le Général nous avait confié quelques esquisses des projets pour le gaullisme de demain. La participation, certes, mais ce qui nous avait frappés, c’était cette petite phrase lourde de sens : « Il faudra les tirer ».

Peut-être comptait-il sur nous, à l’UJP, aiguillon et fer de lance de la majorité. Sans songer à nous métamorphoser en gardes rouges, la confiance du Général nous rendait euphoriques. Il pensait que nous avions notre rôle à jouer, moins effacé qu’il n’y pouvait y paraître.

Et la révolution restait à faire…

[1] Michel Debré, Gouverner autrement, p. 220.

[2] Témoignage de Philippe Dechartre.

 

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mardi, 28 novembre 2017

Le musée Tomi Ungerer a 10 ans

 

Voici mon hommage 27/11/2017 

Cher Tomi,

Léonard de Vinci n’a pas eu de musée de son vivant et à vrai dire je ne connais pas de musée dédié à un artiste vivant avant le tien ….Soulages à Rodez ce fut 7 ans après toi.

Tu es un des rares à bénéficier de ce singulier privilège…parce que tu le vaux bien !

Mais c’est une longue histoire le Musée Tomi Ungerer.

Je me souviens d’une discussion en novembre 1987, Tomi m’avait fait l’honneur d’une rencontre alors que j’étais adjoint au maire de Marcel Rudloff et chargé de la culture au conseil général.

Le sujet de notre conversation était notamment le « lieu » qui lui avait été promis pour y installer sa collection de jouets et les dessins qu’il avait légué à la ville depuis une dizaine d’années.

Ce « lieu » était resté à l’idée de promesse et comme le disaient certains anciens « ce qui est promis reste promis » et cela restait donc promis…

De Pierre Pflimlin en passant par tous les maires qui se sont succédés, chacun annonçait son intention d’honorer Tomi Ungerer en lui dédiant un lieu. Et tel un serpent de mer il ressurgissait régulièrement dans toutes les déclarations d’intention.

 Cela a duré plus de trente ans et Tomi était fondé à perdre patience et à douter de sa ville natale.

Or il fallait ce lieu non pas simplement à cause de la parole donnée mais surtout à cause de cet artiste génial à qui il était consacré.

Tomi est un monstre sacré, un génie, une encyclopédie, un créateur protéiforme dont l’univers s’étend des dessins satiriques aux contes pour enfants en n’oubliant pas l’érotisme ni la sculpture.

 Tomi est la fierté de Strasbourg dont il est un des amoureux permanents.

L’esprit rhénan de sa ville n’a cessé de l’inspirer.

Comme elle, il est profondément européen et son art, quelqu’en soit la forme, est un intense message en faveur de la paix.

Donc lorsqu’en 2001 j’ai été élu aux cotés de Fabienne Keller rien n’avait été fait et je me suis souvenu de la rencontre de 1987.

J’ai décidé en accord avec le maire que ce lieu devait voir le jour sous la forme emblématique et officielle d’un musée.

J’ai travaillé étroitement et en grande confiance avec Fabrice Hergott le directeur de nos musées qui venait d’organiser une exposition Tomi Ungerer au MAMCS…. très grand succès populaire !

En 2007 le musée fut inauguré et 10 ans après on est en droit de dire que sa réussite démontre qu’il était nécessaire.

C’est bien ce que ressent Thérèse Willer la talentueuse conservatrice qui l’anime.

Tomi Strasbourg t’aime et te dit merci

mardi, 14 novembre 2017

Entretenir la tombe de Mélanie de Pourtalès, une question de respect...J'écris au maire.

Robert Grossmann                                                                        Strasbourg le 14 novembre 2017 

 

 Monsieur le maire

Vous connaissez l’importance de Mélanie de Pourtalès dans l’histoire de notre ville. Cette éminente figure de la cour de Napoléon III puis, ultérieurement, de l’époque du Reich en Alsace, a fait preuve d’un attachement et d’une fidélité exemplaire à la Robertsau. Tous les grands événements de sa vie y ont été célébrés : baptême, mariage, grandes et mémorable fêtes familiales ; enfin elle l’a choisie pour dernière demeure.

Sa tombe, au coté de celles de ses parents, les Renouard de Bussierre, se trouve dans un carré privé au cimetière Saint Louis.

Or ce carré est dans un triste état d’abandon et de déshérence, les herbes folles y prolifèrent et des arbustes sauvages s’y sont développés. Il a les aspects d’un terrain vague. Visiblement il n’a bénéficié d’aucun entretien depuis de nombreuses années.

Cette situation désolante n’est pas acceptable. Certes on évoquera le caractère privé des tombes mais il est évident que la famille qui, d’après mes renseignements, se trouverait en Suisse, ne semble guère soucieuse d’entretenir les sépultures de ses prestigieux ancêtres.

Or Mélanie de Pourtalès et les Renouard de Bussierre appartiennent à notre mémoire collective, à l’histoire de Strasbourg et de l’Alsace.

L’hôtel d’Andlau rue de la nuée bleue, celui du quai Saint Nicolas, le château de la Robertsau, l’église protestante et le carré funéraire sont autant de jalons qui ont marqué la vie de ces éminentes personnalités. Ils constituent des éléments de notre patrimoine.

En ce sens, nombreux sont les strasbourgeois qui, connaissant mes recherches sur la Comtesse, m’ont interpellé sur l’état désolant du carré funéraire. Nombreux sont ceux qui cherchent à le visiter pour rendre hommage.

Un courrier des lecteurs a paru dans les DNA le 17 juin pour regretter cet état de fait et son auteur, madame Raul, a parfaitement résumé la situation. J’ai moi même attiré l’attention d’Alain Fontanel qui m’a répondu qu’un contact avait été pris avec la famille. Rien n’a été fait depuis et le contraste fut manifeste le jour de la Toussaint où de nombreux visiteurs du cimetière Saint Louis sont allés sur leurs tombes familiales parfaitement entretenues.

Compte tenu de l’intérêt des Strasbourgeois pour l’histoire de leur ville, compte tenu de leur attachement à cet élément de notre patrimoine, la ville ne peut se désintéresser de la situation. Elle a une responsabilité morale et culturelle.

Aussi je me permets de vous inviter à exiger de la famille que ce carré Pourtalès - Renouard de Bussierre soit entretenu sine die.

Si les injonctions de la ville n’étaient pas suivies d’effet immédiat il serait nécessaire que soit étudiée toute solution de délégation qui confèreraient à la ville la gestion de ces tombes.

Il me semble aussi que la DRAC pourrait être consultée pour qu’elle donne son avis sur le coté patrimonial de ce carré du cimetière, des solutions éventuelles de classement pourraient être envisagées.

Je vous remercie de l’intérêt que vous voudrez bien accorder à cette requête et vous prie de croire, monsieur le maire, en mes cordiales salutations

 

mardi, 3 octobre 2017

Le Foyer Saint Louis ne sera pas détruit mais la vigilance s’impose…

Cette tribune vient de paraitre dans l'Echo de la Robertsau, journal de l'ADIR octobre 2017

 Détruire le Foyer Saint Louis était une idée absurde totalement contraire à l’esprit et à l’intérêt général de notre quartier. C’était, de plus, une violence faite au cœur de la Robertsau.

Le Foyer a accueilli depuis près d’un siècle fêtes paroissiales et familiales, mariages, enterrements, réunions culturelles, meetings politiques, débats publics, rencontres d’entreprises privées. Avec sa belle et grande salle il a été l’un des lieux accueillants pour tous les strasbourgeois même hors du périmètre du quartier. Il l’est encore…

On peut comprendre que la paroisse, propriétaire, se soit trouvée face à des difficultés liées à la remise à niveau de cet immeuble qui offre par ailleurs un véritable intérêt patrimonial en plus d’une utilité certaine. Il est solide et toujours fonctionnel, il sera parfaitement opérationnel dès que les aménagements nécessaires seront réalisés.

Les difficultés de la paroisse auraient pu et du être réglées d’une manière différente avec l’appui de la ville qui n’a jamais renoncé a apporter son soutien aux paroisses de son territoire.

En un mot la bonne solution consistait à prévoir les travaux nécessaires au Foyer avec un plan de financement et l’aide des collectivités locales.

D’une pierre trois mauvais coups

C’était bel et bien une pure opération immobilière et financière qui était à l’origine de cette volonté de détruire et de bétonner.

À nos yeux elle faisait d’une pierre trois mauvais coups : destruction du Foyer, densification bétonnière au cœur du quartier, destruction du très beau jardin jouxtant l’église pour y ériger un nouveau foyer (!) Il n’y avait, à l’évidence, aucune nécessité ni urgence à cette affaire spéculative.

Si c’était l’idée de monsieur le curé soulignons que celui ci n’est que de passage chez nous, qu’il ne restera pas éternellement à la Robertsau. En revanche les dégâts que son projet aurait provoqués seraient définitifs, irréversibles. Son successeur aura peut-être des idées toute différentes.

Rappelons aussi que ce projet avait été concocté dans la plus grande confidentialité du Conseil de Fabrique de l’église. Rien n’avait été rendu public, la population aurait été mise devant le fait accompli. L’alerte a été lancée par des riverains, des associations et le Collectif « Un cœur pour la Robertsau ».

En guise de politique transparente et participative on était servi !

Pourtant le maire de Strasbourg est représenté au Conseil de Fabrique de l’église par son adjointe, c’est elle qui aurait du, dès l’émergence de ce funeste projet, jouer son rôle de représentant de toute la population, garante de l’intérêt général et non des intérêts privés. Elle aurait du en appeler à une réflexion globale sur le cœur de la Robertsau et tenir compte de la position des associations et des habitants dans leur ensemble.

Merci monsieur le maire, mais nous restons vigilants

Le maire a fini par comprendre que notre quartier ne pouvait être laissé pour compte, abimé, moins bien traité que la Meinau, le Neudorf, le Neuhof, le quartier Saint Thomas, Saint Maurice, place du Château et tous les autres.

Je m’en suis souvent entretenu avec lui, souvent sans succès, mais ma satisfaction fut grande lorsqu’en mai 2017, au cours d’une réunion de travail il m’annonça que le promoteur allait renoncer à s’engager dans cette galère, le foyer ne serait pas détruit !

Cette bonne solution est le résultat et le couronnement du travail inlassable et de la ténacité de mes amis du Collectif, soutenus par les Associations (l’ADIR en particulier), le Conseil de quartier, quelques élus et un très grand nombre d’habitants dont beaucoup ont appuyé financièrement notre acte de résistance. Qu’ils en soient tous remerciés.

Soyons toutefois conscients qu’il ne s’agit là que d’une victoire d’étape, notre vigilance ne doit pas s’estomper, le devenir du foyer n’est pas encore définitivement fixé. Le laisser volontairement à l’abandon plusieurs mois serait désastreux. Il importe donc que la ville qui a décidé de prendre les choses en main agisse au plus vite.

 

 

 

 

 

Communiqué de la Ville de Strasbourg, 4 août

Foyer Saint-Louis : Icade se retire du projet

La direction régionale Alsace Lorraine d’ICADE a officiellement informé la Ville de Strasbourg de sa décision de renoncer au projet immobilier sur le terrain du Foyer paroissial Saint Louis.

Ce projet privé, associant le Conseil de fabrique de la Paroisse Saint Louis de la Robertsau et la société ICADE, a fait ces dernières années l’objet de nom- breux débats et recours contentieux autour notamment de la question de l’aménagement du centre de la Robertsau.

Le Maire de Strasbourg et Nicole Dreyer, adjointe du quartier de la Robert- sau, déclarent « prendre acte de cette décision d’ICADE qui ouvre de nou- velles perspectives pour l’avenir de ce site ».

Le Maire de Strasbourg s’est entretenu, de ces perspectives avec Robert Grossmann, membre du collectif « Un cœur pour la Robertsau », afin d’iden- tifier les éléments qui pourraient, à la rentrée, faire l’objet d’une nouvelle concertation dans le respect des objectifs du PLUI, des enjeux de centralité de ce terrain de propriété privée et des contraintes financières de la collectivité.

Un travail avec le Conseil de quartier, les associations et collectifs concernés sera lancé, sur ces bases, à la rentrée. Voici le communiqué de la Ville de Strasbourg. 

jeudi, 28 septembre 2017

mon hommage à Alain Moussay

Je sais désormais que lorsque mon téléphone sonnera je n’entendrai plus « Allo, c’est Moussay ».

Ma tristesse est immense comme celle de tous tes nombreux amis…

Nous ne partagerons plus de déjeuners, nous n’aurons plus de ces fructueux échanges que nous aimions, nous ne développerons plus de ces projet qui nous enthousiasmaient, nous ne débattrons plus de la res publica qui te passionnait.

Il y avait des liens de confiance forts entre nous qui dépassaient la relation de l’artiste à l’élu en charge de la culture.

Tu me confiais tes peines et tes bonheurs, tu me parlais de tes horizons pleins de couleurs.

Alain tu étais un magicien des mots que tu savais pénétrer pour leur donner chair et vie.

Ton charisme a illuminé tant de scènes, tant de grands moments culturels, tu as éveillé tant de vocations.

Tu étais un artiste généreux, un humaniste éclairé.

Jusqu’au dernier moment tu étais entouré d’amis fidèles et j’emporte, gravé dans mon cœur, ce sourire qui a illuminé ton visage, que tu m’as offert, au moment où tu m’as vu, avec François, entrouvrir la porte de ta dernière chambre.

Alain aujourd’hui la culture est en deuil mais tu ne cesseras de vivre dans nos mémoires.

vendredi, 4 août 2017

Le foyer Saint Louis ne sera pas détruit.

L’action efficace du collectif qui a sans cesse défendu la sauvegarde de cet équipement culturel et social a été couronnée de succès par le retrait du promoteur.
Je veux saluer tous les membres du collectif « Un cœur pour la Robertsau » et notamment Emmanuel Jacob du Blog de la Robertsau, l’ADIR et son président qui ont été exemplaires dans leur engagement. 
J’ai rencontré le maire et son premier adjoint, Alain Fontanel, à plusieurs reprises pour les rendre attentifs à cette délicate affaire. Je les remercie d’avoir finalement entendu notre position qui n’a jamais été inspirée par d’autres motifs que ceux de l’intérêt général du quartier et de tous ses habitants.
Une nouvelle étape s’ouvre au cours de laquelle devront être définies les modalités de fonctionnement du foyer ainsi que l’avenir du cœur de la Asl 

Voici le communiqué de la Ville de Strasbourg.
Foyer Saint-Louis : Icade se retire du projet

La direction régionale Alsace Lorraine d’ICADE a officiellement informé la Ville de Strasbourg de sa décision de renoncer au projet immobilier sur le terrain du Foyer paroissial Saint Louis.

Ce projet privé, associant le Conseil de fabrique de la Paroisse Saint Louis de la Robertsau et la société ICADE, a fait ces dernières années l’objet de nombreux débats et recours contentieux autour notamment de la question de l’aménagement du centre de la Robertsau.

Le Maire de Strasbourg et Nicole Dreyer, adjointe du quartier de la Robertsau, déclarent « prendre acte de cette décision d’ICADE qui ouvre de nouvelles perspectives pour l’avenir de ce site ».

Le Maire de Strasbourg s’est entretenu, de ces perspectives avec Robert Grossmann, membre du collectif « Un cœur pour la Robertsau », afin d’identifier les éléments qui pourraient, à la rentrée, faire l’objet d’une nouvelle concertation dans le respect des objectifs du PLUI, des enjeux de centralité de ce terrain de propriété privée et des contraintes financières de la collectivité.

Un travail avec le Conseil de quartier, les associations et collectifs concernés sera lancé, sur ces bases, à la rentrée.Voici le communiqué de la Ville de Strasbourg.

mercredi, 7 juin 2017

Pour en finir avec les querelles des partis à bout de souffle

 Les partis politiques traditionnels ont fait la preuve de leur impéritie, de leur inefficacité, de leur usure. Ce constat s’impose à tous.

Les désordres, les divisions et les fractures qui les traversent sont funestes.

Rivalités, affrontements, formation de clans, tout cela est loin de l’intérêt général.

Dans une grande vacuité intellectuelle et culturelle, ils ne réussissent plus à se rassembler autour d’une pensée forte, sur des valeurs, pour un grand dessein.

Ils ne sont plus que le champ clos de batailles pour le pouvoir, des fabriques de candidats et de carrières dans l’entre soi.

La situation d’aujourd’hui n’est d’ailleurs pas sans ressembler à celle des années 1958/1960 qui a conduit les français à rompre avec les caciques et les pratiques des partis de la 4ème République.

Rejeter le système des partis, se rassembler pour la France était un des mots d’ordre de de Gaulle.

 C’est aussi de l’intérêt de l’Alsace et de Strasbourg qu’il s’agit et il suffit de songer à l’histoire du découpage régional, géré par ces vieux partis, pour avoir des hauts le cœur.

 La rupture en faveur de nouvelles méthodes, de nouveaux comportements, d’une régénérescence de la vie publique est aujourd’hui nécessaire. Macron l’a engagée. Autour de lui tout est loin d’être parfait, il doit assainir certaines situations, mais la direction qu’il emprunte correspond à ce qu’attendent nos concitoyens.

Il n’était pas mon candidat, j’étais resté fidèle au Fillon que j’ai connu il y a longtemps, mais il est aujourd’hui président.

 Pour ma part j’ai opéré la rupture il y a trois ans lorsque, excédé par la guerre des chefs  et le vide intellectuel à l’UMP, j’ai quitté ce parti fracturé en reprenant ma liberté d’homme indéfectiblement fidèle aux messages du Général De Gaulle.

 Dimanche, dans ma circonscription, je voterai pour une nouvelle majorité, je voterai pour le renouveau.

Pour autant je ne serai ni béat, ni aveugle. Je garderai toute ma liberté et je jugerai l’arbre Macron à ses fruits non sans lui avoir donné la chance de réussir avec une solide majorité.

mardi, 2 mai 2017

Prise de position des fondateurs et anciens cadres de l'UJP Second tour des présidentielles

 L'heure est grave...

Nous gaullistes, fondateurs et adhérents de l'Union des Jeunes pour le Progrès (UJP) ne nous résignons jamais, ni au pire ni à toute forme de lâcheté…

Les votes de chacun au premier tour de l’élection présidentielle ont pu être différents, mais l’heure n’est plus au choix d’un parmi onze, il s’agit maintenant d’éliminer celle qui ne peut en aucun cas recueillir nos suffrages. Face au risque que présente Mme Le Pen, ne nous attardons pas sur ce qui nous sépare, mais bien plus sur ce qui nous rassemble, c'est aujourd'hui, un choix de société.
La question n’est pas d’approuver l’ensemble du programme de Monsieur Macron, nous devons, nous gaullistes, faire le choix de notre République et de la raison. Nous nous sommes toujours opposés à l’extrémisme sectaire et au nihilisme politique, nous nous opposons donc à un FN extrémiste et hostile à l’Europe, qui conduirait irrémédiablement la France au désastre économique et social.
A l’UJP de notre engagement de jeunesse, nous refusions comme le Général de Gaulle nous l’enseigna le sectarisme et le rejet de l’autre, et c’est bien ce qui éclaire aujourd’hui notre choix pour le 7 mai 2017. Notre appel s’adresse à tous ceux qui se reconnaissent dans l'héritage de la famille gaulliste.
Comment pourrions-nous soutenir les positions intolérantes, les délires démagogiques, les impostures économiques, la logorrhée antieuropéenne de Mme Le Pen ? Comment défendre un faux programme social, le retour de la retraite à 60 ans, les 35 h, l’augmentation de la dette, comment soutenir la faillite certaine de notre économie ? Comment ne pas se souvenir d’où vient Mme Le Pen, les idées de son parti, sa filiation, ses outrances ? Comment ne pas constater la calamiteuse gestion des villes conquises par le FN ? Comment ne pas condamner la posture politicienne de ceux qui la rejoignent en rêvant d’enfin exister ?
Si nous comprenons le désarroi de ceux qui ne se retrouvent dans aucun des candidats présents au second tour, nous savons que l’échec des équipes qui vont gouverner la France pendant les cinq ans à venir laisserait notre pays dans une situation dramatique et que nous ne ferions que retarder la catastrophe. 
Comme citoyens engagés depuis longtemps, nous devons prendre nos responsabilités et au second tour de l’élection présidentielle, nous le ferons. Cela ne constitue en aucun cas un chèque en blanc et ne préjuge en rien de notre engagement ultérieur. Les élections législatives suivront où nous ferons tout pour amener à l’assemblée nationale une majorité capable de mener la France endormie sur le chemin de l’éveil et de la renaissance. Mais les obstacles se franchissent l’un après l’autre, celui qui est devant nous le 7 mai est vital pour notre pays. Nous ne pouvons abandonner la France au cauchemar annoncé. 
Le 7 mai, nous voterons Emmanuel Macron. 

Liste des premiers signataires :
Robert GROSSMANN, président-fondateur de l’UJP, ancien maire délégué de Strasbourg et président de la CUS, Paul AURELLI, président d’honneur de l’UJP, ancien adjoint au maire de Paris et conseiller général, conseiller régional d’Ile de France, ancien membre du CESE de la République, Yves DENIAUD, ancien député de l’Orne, ancien conseiller régional de Basse-Normandie, ancien maire adjoint d’Alençon, ancien président délégué de l’Amicale parlementaire UDP, Hugues MARTIN, ancien membre du Bureau National de l’UJP, ancien député-maire de Bordeaux, ancien député Européen, ancien membre du CESE de la République, Jean-Noël AMADEI, ancien secrétaire national de l’UJP, 1er adjoint au maire du Pecq, conseiller départemental des Yvelines, membre de la présidence des Comités Notre République, Nourdine CHERKAOUI, ancien secrétaire national des jeunes RPR et président des Jeunes Avec Chirac, membre de la présidence des Comités Notre République, Olivier de CHAZEAUX, ancien maire de Levallois-Perret et député des Hauts-de-Seine, Jean-Claude D’ADDIO, ancien responsable UJP, Jean-Pierre DUCLOS, ancien délégué régional UJP Ile-de-France, ancien délégué général des adhérents directs de l’UDF, Philippe GIAMMARI, ancien cadre de l’UJP, ancien adjoint au maire d’Ortale d’Alesani, vice-président délégué de Progrès & Réforme, Jean GUION, ancien président national de l'UJP, ancien président des cercles Chabanistes Justice & Liberté, vice-président de Carrefour du Gaullisme, Daniel MOURGEON, ancien cadre de l’UJP, ancien conseiller municipal de Grigny (91), membre de l’équipe nationale de Notre République, Maurice SOLIGNAC, ancien cadre de l’UJP, ancien vice-président du Conseil Général des Yvelines, ancien adjoint au maire, Alain VILLEFAYAUD, ancien délégué national de l’UJP et conseiller municipal de Limoges, Alain Aubert Délégué national à la Jeunesse de l'UDR, Ancien vice-President du Conseil Général des Hauts de Seine.

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