À Jean François Copé…

 Je ne viendrai pas à ta réunion à Strasbourg pour deux raisons.

La première est que les élections municipales sont des élections locales.

Elles ont pour but de choisir un maire pour six ans. Cela concerne les strasbourgeois et uniquement eux. En faire un enjeu national est une mauvaise affaire et ton argumentation consistant à dire « votez UMP contre Hollande » est négative.

Elle est de plus trompeuse car quel que soit le résultat des élections municipales Hollande ne partira pas et nous l’aurons sur le dos encore trois ans.

Nationaliser les municipales participe d’un certain parigot-jacobinisme illusoire et d’un dogmatisme manichéiste peu compatible avec les exigences de gestion d’une grande ville.

D’ailleurs sitôt ta réunion terminée tu repartiras dans le monde médiatique parisien en laissant les candidats seuls face aux Strasbourgeois.

Le seul argument qui devrait conduire les électeurs à voter UMP aux municipales, ce serait qu'ils pensent que la tête de liste UMP peut être un bon maire pour la ville.

 La seconde raison est plus profonde et moins conjoncturelle, elle concerne le fond de mon engagement.

Je ne m’y retrouve plus dans ton UMP et, après avoir murement réfléchi, j’ai décidé de rompre et de mettre mon engagement en accord avec ma conscience.

Je le fais avec une infinie tristesse ayant écrit quelques pages glorieuses des mouvements gaullistes : une formidable UJP avec des assises historiques en 1969, le lancement en politique et dans les médias d’un jeune étudiant, Nicolas, en 1975.

C’était il y a longtemps certes.

Je suis donc resté « encarté » dans un mouvement auquel j’ai adhéré il y a 56 ans. Il avait le beau nom d’Union pour une Nouvelle République et portait l’espoir de mes 18 ans.

En créant l’UJP je me suis clairement situé comme gaulliste de progrès. J’ai milité de toutes mes forces, j’ai exercé des responsabilités nationales et locales.

Mal à l’aise depuis un certain temps je n’ai pas brisé le lien par une sorte d’imbécile fidélité alors que tant de mes amis avaient rompu depuis longtemps.

 Aujourd’hui sonne pour moi l’heure du bilan et je songe à la phrase d’André Malraux :

Un homme est la somme de ses actes.

Dès lors, comme je l’ai annoncé je m’exprimerai avec une liberté d’autant plus ardente qu’elle est issue de la synthèse de mon parcours...

Je tiens aujourd’hui à recouvrer ma totale liberté.

Aussi je t’adresse officiellement ma décision de me mettre en congé de ton UMP.

Avec mes meilleures salutations.

 

Ma déclaration.

Je me mets en congé de l’UMP en attendant un improbable sursaut qui rendrait sa dignité à ce parti héritier des mouvements gaullistes.

Au fil des années j’ai assisté à son inéluctable délitement avec comme point d’orgue les fraudes lors de l’élection de son président.

La division latente sévit partout.

Dès mars 2011, ne supportant plus manœuvres, incuries et impuissances, ici comme à Paris, je m’étais déclaré, en bureau départemental, UMP-LIBRE.

La « buissonisation » de la campagne présidentielle, la création de courants discordants, la prééminence de la droite forte, le charcutage incohérent des circonscriptions à Strasbourg, enfin la manipulation populiste des militants, m’ont définitivement convaincu que dans ce parti il n’y avait plus une once de l’idéal et de l’héritage gaullistes.

Je respecte infiniment les militants, j’ai été un des leurs pendant plus de cinquante ans. Voir comment on les instrumentalise pour quelques intérêts personnels, pour des courses aux places sur des listes, me révolte.

 

Je serai donc à partir de ce jour un homme totalement libre, fidèle aux leçons du général de Gaulle.

 

Robert Grossmann