Il y a 70 ans, en mars 1943, le premier convoi de Juifs grecs quittait Salonique, la capitale de la Grèce du Nord, pour Auschwitz. Ils furent près de 45 000 à connaître le même sort dans les différents camps de concentration où beaucoup d'entre eux périrent. Salonique , le mois dernier, leur a  rendu hommage par une grande marche silencieuse vers la vieille gare d'où partirent les convois de la mort..Un concert sous la direction de Benjamin Askenazy , avec de nombreux artistes israéliens, a clôturé cette commémoration marquée par ailleurs par l'inauguration d'un mémorial à la mémoire de la Shoah grecque .A cette occasion le maire  de la ville a tenu à rappeler  que les Juifs de Salonique avaient été les éléments les plus dynamiques de sa ville, et qu'ils appartenaient à tout jamais à l'Histoire de sa cité. Salonique, ville grecque où les Juifs trouvèrent refuge...

Leur implantation y remonte à l'Antiquité, mais c'est à la fin du I5e siècle avec la Reconquista que leurs rangs s'étoffèrent avec l'arrivée de nombreux Séfarades chassés d'Espagne.  Après la chute de Byzance, les Turcs y regroupèrent les Juifs de l'empire ottoman pour repeupler la ville dont la communauté juive allait devenir la plus importante des Balkans. A cet égard , Salonique est la seule  ville de la diaspora  qui a  su conservé une majorité juive pendant plusieurs siècles. Ce fut à l'époque la plus importante métropole séfarade du monde, la ''Jérusalem des Balkans'' qui reçut la visite de grands leaders sionistes, Ben Gourion, Ben Zvi et Jabotinsky qui voyaient en elle la ''ville matriarcale'' au sein du peuple juif, ''Ir we Eïm BeIsraël'' modèle pour le futur état d'Israël. Ce n'est qu'entre les deux dernières guerre qu'une partie de la communauté allait quitter la ville pour l'Europe occidentale, l'Amérique du Sud et la Palestine.

 

                                          ''Moi Sarkozy, le petit fils d'un grec''

 

C'est à cette époque notamment que le grand-père  maternel de Nicolas Sarkozy émigra en France.«Mes racines sont ici» déclara  le président  en visite en Grèce en juillet 2006 aux représentants de la communauté juive de Salonique."Lorsque mon grand-père, que j'adorais, a quitté Salonique, qu'il adorait, il était bien jeune et il n'imaginait certainement pas que son petit-fils reviendrait en Grèce quelques décennies plus tard", a encore déclaré Nicolas Sarkozy.

L’arrière-grand-père de Sarkozy, Mordechai Mallah, était bijoutier, orfèvre en la matière, et connaîtra rapidement une grande notoriété. Il eut sept enfants de son épouse, Reina. dont l'un des fils, Aaron (surnommé Benico), deviendra le grand-père de Nicolas Sarkozy qui s'installa en France. Mais l'ancien président et ses frères n’ont rien su de leurs racines juives et grecques jusqu’au décès de leur grand-père en 1972. .Cette histoire a fait l'objet en Grèce d'un livre intitulé "Moi, le petit-fils d'un Grec", qui est un succès de librairie (huit éditions, 17.000 exemplaires vendus dans un pays de 11 millions d'habitants).

Salonique, ville juive et grecque...Les relations entre les Grecs et les Juifs de Salonique furent pour le moins contrastées. On ne peut pas dire qu'ils s'apitoyèrent sur leur sort en 1943, ce qui explique sans doute que peu de survivants de l'Holocauste y  retournèrent .Au recensement de 1951, on ne dénombra que 1783 rescapés qui  avaient repris le chemin du retour. La communauté  juive de Salonique n'était plus que l'ombre d'elle-même et nombreux furent ses membres qui se convertirent à l'orthodoxie.                                                   

                                                        ''T'as déjà pris le train, toi?..''.

 

Quant à leur déportation,le rôle de l'ancien secrétaire général des Nations Unies, Kurt Waldheim reste aujourd'hui  encore controversé. Officier de la Wehrmacht, Waldheim, selon Simon Wiesenthal, était stationné à 8km de Salonique en mars 1943 lors de la mise en route des premiers convois. L'autrichien, élu président de son pays,  nia avec obstination y avoir été de près ou de loin associé, comme l'affirmèrent ses détracteurs.

Mais la polémique n’était pas de mise à Salonique où l’émotion étreignit nombre de visiteurs de l'exposition « De Salonique à Auschwitz »,  à la lecture de ce texte de Stavros Kamaroudis sur le petit Salomon venu faire ses adieux, en ce mois de mars 1943,, à  sa jeune camarade grecque::Nausicaa, t’as pas des serpentins ?  Tu peux pas me les donner, tes serpentins, pour que je les fasse voler par la fenêtre du train ? Ils vont flotter , ça sera beau, hein ? Je te donnerai mon petit coq vert. Et mon petit singe en cristal. Pour te tenir compagnie.... En train.... T’as déjà pris le train, toi ?”

 

                                                                                         josé meidinger

Encore un mot plus personnel : en 1988, 45 ans après ces tragiques événements, Strasbourg et Salonique étaient sur le point de se jumeler. Les maires des deux villes, Sotiris Kouvelas pour Salonique et Marcel Rudloff pour Strasbourg, s'étaient rendus visite à plusieurs reprises. Les deux villes avaient en effet de nombreux points communs, une forte tradition juive, l'étude d'un nouveau transport en commun  et chacune une Foire Commerciale ouverte sur l'Europe et le monde. Les fiançailles  étaient en bonne voie, elles seront rompues par Mme Trautmann à son arrivée à la tête de la mairie, estimant sans doute que la nouvelle couleur politique de Strasbourg ne pouvait s’accommoder d'un jumelage avec une ville de droite...