En l’an de grâce 842, il y a 1170 ans, a eu lieu à Strasbourg un événement considérable qui, de nos jours, semble presque totalement oublié si ce n’est occulté.

Seuls quelques passionnés de linguistique sont en mesure de rappeler ce haut fait dans l’histoire de notre ville.

Les petits fils de Charlemagne, Charles le Chauve et Louis le Germanique, se rencontrent dans notre ville et échangent solennellement les "Serments de Strasbourg"

Il s’agit d’un traité d'assistance mutuelle par lequel ils scellent leur union contre leur frère aîné, Lothaire, empereur d'occident.

Ce ne sont pas les tensions guerrières, ni les querelles fratricides qui sont singulières, dans cet événement. Ces disputes pour le pouvoir sont fréquentes et se sont éternellement perpétuées en Occident et à travers le monde. Les alliances aussi sont phénomènes permanents et elles durent ce que durent les ambitions des hommes.

Il y a de nos jours tant de pratiquants exercés à nouer et à dénouer des liens de circonstance !

 Ce qui mérite une célébration particulière c’est la forme et la signification linguistique de cet événement.

En effet pour la première fois, un document officiel est rédigé en langue populaire et non en latin. Il s’agit du plus ancien texte en langue française conservé. Il fut prononcé à Strasbourg.

Louis le Germanique s’exprime en langue romane, ancêtre du Français et Charles le Chauve en langue tudesque, ancêtre de l'allemand.

Répétons le, les historiens de la langue et les philologues s’accordent à dire qu’il s’agit là du premier document rédigé en langue française.

« Pro Deo amur et pro christian poblo et nostro commun salvament » proclame Louis.

 Et Charles lui répond : « In Godes minna ind in thes christianes folches ind unser bedhero gealtnissi, fon thesemo dage frammordes… »

 Faisons une parenthèse historique. L’empire de Charlemagne était divisé en trois entités. À l’ouest le royaume de Charles le Chauve, au centre celui de Lothaire, à l’est celui de Louis le germanique. Dans la suite des serments de Strasbourg, l’année d’après, en 843, eut lieu le traité de Verdun puis en 870 celui de Meerssen qui fit un sort à la Lotharingie que Charles et Louis se partagèrent.

L’historien René Grousset a porté ce jugement : Ce traité de hasard a déterminé tout le destin de l'Europe. En effet, par suite de la faiblesse de nos derniers Carolingiens puis de nos premiers Capétiens, les rois de Germanie purent annexer sans grande difficulté toute la fameuse zone médiane, à savoir en 880, la Lotharingie

En clair l’Alsace qui se trouvait alors en Lotharingie est tombée dans le giron de l’Empire germanique, ce qui peut suggérer une belle méditation sur les caprices de l’histoire et sur la taille du nez de Cléopâtre ou des Capétiens.

Quel que soit le sens de ces serments et leur évolution ultérieure dans la division de l’empire et donc de l’Europe, le fait que le premier texte en langue française ait été prononcé à Strasbourg mérite d’être rappelé, mis en lumière et célébré.

On s’accorde à dire que l’événement s’est déroulé à la Meinau, Plaine des bouchers.

Il mérite d’être rappelé c’est pourquoi je propose au maire de Strasbourg, par ailleurs adepte des Serments historiques de faire ériger une stèle, un monument qui rappelle ce haut fait de l’histoire de la langue française.