Mes Alsacianophobes vus par Claude Keiflin
Par Robert Grossmann le mardi, 21 février 2012, 16:24 - Lien permanent
Le blog de Claude Keiflin
Le Blog-Notes de Claude Keiflin Un hommage à l'irrévérence de Nasr Eddin Hodja
Hopla Robert, dis-leur !
Robert Grossmann publie sa "Lettre ouverte aux alsacianophobes" dont nous avions annoncé la parution imminente dans les Chuchotements (DNA du 23 janvier). Les "crétins de l'intérieur" qui se moquent d'une miss France originaire du Sundgau, assez plouc (selon eux) pour baraguiner quelques mots d'alsacien à la télé ou sur les ondes, les crétines et crétins plus anciens qui se sentent "chez les boches" en Alsace (Anémone, piètre comédienne) ou qui râlaient du départ hors du pays de la coupe de France lorsque le Racing la gagna (Thierry Roland, l'intelligence et la culture au raz du gazon), tous ces crétins méritaient-ils que notre meilleur pamphlétaire politique régional leur consacre un opuscule d'une centaine de pages ?
Le mépris et l'indifférence n'auraient-ils pas été plus indiqués comme réponses à ces imbécillités ? Robert Grossmann ose espérer en conclusion que sa lettre "modifiera les gènes" des crétins auxquels il adresse sa lettre. Un voeu pieu sans doute. Les alsacianophobes, assumés ou accidentels, sont indécrottables. Même un Sarkozy, dont on se dit, au nombre de visites qu'il lui a rendu durant son quinquennat, qu'il doit aimer l'Alsace, situe la région en Allemagne (lors de son discours à Truchtersheim en janvier 2010).
Bayrou: convenons que l'Alsace est française
Et hier soir, sur TF1, François Bayrou a voulu rendre un hommage sincère à notre régime local de sécurité sociale, qu'il était venu spécialement étudier à Strasbourg il y a quelques semaines. Manque de chance, il a lui aussi dérapé en disant : "Convenons que l'Alsace et la Moselle sont des départements français". Convenons, entre nous ce soir, parce que cela ne va pas de soi pour tout le monde ? Bayrou a aussitôt été ajouté par Robert Grossmann sur son mur facebook dans la liste des "crétins de l'intérieur".
Convenons que la langue de Sarkozy a fourché (ses adversaires disent même ces temps-ci qu'elle est fourchue). Convenons que Bayrou en a trop fait en voulant complaire aux Alsaciens (à un téléspectateur qui lui disait qu'en Alsace on est plus "riches", il a répondu: "Peut-être aussi les Alsaciens travaillent-ils (plus)"). Mais encore une fois, tout cela vaut-il une lettre ouverte ?
La psychanalyse de soi-même
Sûrement pas si on en restait à la dénonciation de ces inepties. L'intérêt du livre de Robert Grossmann n'est pas là, mais dans la "psychanalyse de moi-même" qu'il a entreprise sous prétexte d'un pamphlet. On n'ignorait presque rien de la vie et de l'oeuvre de l'ancien président de la CUS, sauf quelques éléments essentiels, constitutifs du personnage. Tel ce voyage en train à La Rochelle (il avait 18 ans) où il se fait traiter d'Allemand par un Français et de traître à l'Allemagne par un Allemand. "J'avais mal à mon Alsace, j'avais mal à ma France", écrit-il. Le verbe avoir est à l'imparfait, mais le mal est toujours présent. Robert Grossmann est un écorché vif de l'alscianitude. Il ne pourra jamais se satisfaire de la prétention des uns (les Besserwisser alsaciens) ni de la médiocrité des autres (par exemple tous les hommes politiques français... postérieurs à De Gaulle), et vice-versa d'ailleurs (les prétentieux français et les médiocres alsaciens).
Car la lettre ouverte aux crétins supporte aussi une lecture politique. Le Wackes strasbourgeois, que sa maman désespérait de voir atteindre un jour le niveau et le grade d'attaché de préfecture, est triste de la disparition de la France qu'il aimait. "La scène nationale est désolante. Elle est à nouveau livrée aux petits jeux et aux grands délices des partis. On y règle des comptes, on y maquignonne" (A croire qu'il avait pressenti l'affaire Borloo/Véolia). La scène politique alsacienne n'est guère plus ragoutante à ses yeux, avec ses "élites qui succombent à cette prédisposition si tentante de se mettre au garde à vous, oubliant les causes qu'elles ont à défendre. On a le sentiment que c'est la docilité qui guide nos élus à Paris".
Indécrottable gaulliste
Robert Grossmann est un indécrottable gaulliste qui "cultive au fond de son coeur une certaine idée de la France". Autant dire que cette idée-là n'a rien à voir, mais alors rien du tout, avec les idées neuves que le candidat Sarkozy a décidé de balancer, à raison d'une par jour, jusqu'au 1er tour de la présidentielle. D'ici à ce que Robert Grossmann nous explique dans une tribune, comme un ancien conseiller du président de la République dans le Monde du 21 février, pourquoi, après avoir soutenu Sarkozy, il votera Hollande...
♥ Robert Grossmann, Lettre ouverte aux alsacianophobes et aux quelques crétins de l'intérieur qui pensent que les Alsaciens sont à l'extérieur, éd. Jérôme Do Bentzinger, 7€
Commentaires
Avec mes respects M. Grossmann je connais votre franc parler, défenseur, de toujoursde l' Alsace vous avez mon soutien. Notre région ne mérite pas ces commentaires, déplacés des chroniqeurs, en histoire ils sont au niveau de la maternelle et là encore !!!!!!!
Je reviens sur ce sujet. Dans un autre commentaire en réponse @Klaus_N, j'expliquais qu'Alsacien résidant à l'autre bout de la France, j'ai connu une personne mettant en doute la réalité des iincorporés de force. Cette personne, professeur agrégé de Lettres Modernes, professeur d'Université, aujourd'hui à la retraite, soutenait que les incorporés de force d'Alsace et de Moselle étaient en réalité des volontaires.
La connerie humaine est incommensurable.
Je n'ai pas encore lu le pamphlet de Robert Grossmann (je vais m'empresser de le faire), mais ce que j'en sais, par les articles parus, appelle de ma part les réflexions suivantes.
Pour moi, qui suis le Français de l'intérieur, « exilé » en Savoie pendant 18 ans, puis à « l'extérieur » depuis 22 ans, j'aurais tendance à dire, que tout cela n'est pas si grave.
Oui, il y a une incompréhension de l'Alsace, (ma grand-mère parisienne de Dabo se faisait traiter d'Allemande), mais on peut dire aussi qu'il y a une incompréhension générale des régions par les Parisiens et même des régions par les autres régions.
Pour moi, qui je l'avoue, suis Parisien d'origine, je peux dire que l'histoire du train de la Rochelle, existait aussi pour les jeunes Parisiens, lorsqu'ils débarquaient en province. Juste retour des choses!
Enfin, il me semble avoir compris que Robert Grossmann était plutôt Jacobin (« Main basse sur ma langue »).
Donc, dans la recherche de ce difficile équilibre entre identité régionale et identité nationale, il faut aussi savoir « bien faire et laisser braire! ».
Bravo en tous cas, pour cet excellent coup de gueule!
Si l'Alsace est ce qu'elle est , c'est qu'en 1870 les officiers français étaient plus adaptés à la guerre que les braillards français.
L'éfficacité ne se prouve pas dans la distance d'une comissure de lèvre à l'autre , mais sur le terrain.
y aurait pas comme une erreur dans le commentaire de Hubertus?
Effectivement il fallait lire officiers allemands , alors que les offciers avaient une largeur demesurée entre les deux comissures
Pour les vigiles intransigeants de la République une et indivisible, mes provinciales contributions sur Boulevard Voltaire -le cercle des empêcheurs de penser en rond- ne seraient pas dénuées d’arrière-pensées sécessionnistes, elles auraient même des relents d’autonomisme..Une suspicion que ne manquera pas de confirmer M. Grossman et qui ne me déplaît qu’à moitié: à force d’être sur la sellette, entre la France et l’Allemagne, »l’Alsace a ceci de commun avec les cabinets, c’est qu’elle est toujours occupée », une hygiène de vie pour le moins inconfortable,si l’on en croit Tomi Ungerer…Plus sérieusement, les choses bougent et s’accélèrent, du côté de la ligne bleue des Vosges.
L’Alsace (prononcez [al.zas] ; s’ Elsass en alsacien) a les mêmes démangeaisons émancipatrices que l’Écosse, la Catalogne ou la Wallonie. Comme ses grandes sœurs européennes, ça la chatouille et même sérieusement, sous sa coiffe aux grands nœuds noirs. Après avoir changé cinq fois de nationalité, elle s’imagine volontiers autonome, voire indépendante. Et pourquoi pas ?
Même si l’Alsace est l’une des plus petites régions de France, il y a nettement plus petit qu’elle en Europe. Après tout, le Luxembourg est un nain à côté d’elle : 2 586 km2 contre 8 280 km2, et un peu moins de 500 000 habitants contre 1 800 000 pour l’Alsace.
Quand on creuse un peu, l’Histoire vient conforter la géographie : l’Alsace s’enorgueillit d’avoir été longtemps une terre libre, indépendante, jusqu’à son annexion par Louis XIV en 1648. En ces temps bénits d’avant le Roi Soleil, Strasbourg comme Mulhouse, villes libres, levaient armée, battaient monnaie. Gutenberg y inventa l’imprimerie, Calvin y trouva refuge. Erasme, lors de son séjour à Strasbourg en 1514, y découvrit même la cité idéale dont il avait toujours rêvé, avec un gouvernement « sans despotisme, une aristocratie sans factions, une démocratie sans désordres, une richesse sans luxe, un bonheur sans arrogance. Oh, divin Platon, ici, en effet, il aurait été possible d’introduire ton État idéal »…
Cet État idéal, déconstruit après 1648 par Vauban et ses troupes, salué plus tard par Voltaire comme une « terre qui est dans la France et n’est pas terre de France », connut, au fil de l’Histoire, des fortunes diverses, à chaque aller-retour entre Vosges et Forêt-Noire.
Aujourd’hui, l’Alsace tricolore mais réaliste lorgne sans complexe de l’autre côté du Rhin. Mais que l’on ne s’y trompe pas : les Alsaciens ne sont pas nostalgiques d’un quelconque retour chez leurs cousins germains. Néanmoins, quand ils font la comparaison avec leurs voisins et leur « made in Germany », les Alsaciens constatent, incrédules, que « chez eux, ça marche » : l’économie redémarre, le chômage recule, alors que dans la Françalsace, tout paraît compliqué, figé, fossilisé et « rien ne marche »…
Autant dire qu’ils en ont gros sur la kartoffel (Grumbeere en alsacien) et que ça détricote grave au pays de la choucroute, où la moutarde monte au nez. « C’est français ! » fulmine-t-on volontiers dans les winstubs, en se gaussant des « Français de l’intérieur », ces « Haase » qui, en 1940, ont détalé comme des « lapins » devant les Allemands, les livrant à l’annexion nazie.
La France est en faillite, ça sent le Sapin… « C’est une image… » d’Épinal sans doute, rétorque sans rire Moscovici. Alors, devant une telle cacophonie, quoi d’étonnant que l’Alsace souhaite enfin reprendre en mains son destin, agir comme elle l’entend. Charbonnier maître chez elle, en quelque sorte. En clair, l’Alsace qui a toujours fait sécession politiquement, en votant invariablement à droite depuis 1945, entend renforcer les moyens de son autogestion, de son autonomie institutionnelle. Et elle compte bien s’en donner les moyens en fusionnant dans une même collectivité, le conseil régional d’Alsace et les conseils généraux du Bas-Rhin et du Haut-Rhin. Une institution unique, un Conseil d’Alsace pour être plus efficace et plus performant en France et en Europe,
un »mariage pour tous ».. les Alsaciens en quelque sorte
Ce futur Parlement d’Alsace — c’est une première en France — aura l’onction du suffrage universel : le dimanche 7 avril, les électeurs alsaciens sont appelés aux urnes (par référendum) pour répondre à cette question : « Approuvez-vous le projet de création d’une collectivité territoriale d’Alsace ? »
Autrement dit : êtes-vous d’accord avec la fusion des deux conseils généraux et du conseil régional en une seule entité ? Pas plus, pas moins !
Ne rêvons pas, on est loin d’un canton suisse ou d’un land allemand… Ce qui n’empêche pas les socialistes jacobins de hurler au déni constitutionnel ou de chercher à faire diversion, pitoyable réplique de midinette outragée face à une démarche institutionnelle majeure qui laisse la gauche au bord du chemin.
Faute de l’avoir dans les urnes, les socialistes jacobins n’auront pas l’Alsace à l’intimidation, comme en 1918. L’Alsace émancipée, à coup sûr, ils ne l’auront pas, sinon dans les burnes… Quant à la Lorraine, on verra…