Édition Lettre ouverte aux alsacianophobesL’indigné de La Rochelle

Robert Grossmann et le « cœur à vif » de « l’Alsace gauloise ».  Photo archives DNA

Robert Grossmann et le « cœur à vif » de « l’Alsace gauloise ». Photo archives DNA

Robert Grossmann publie sa Lettre ouverte aux alsacianophobes, née en réaction aux « crétineries » franchouillardes à l’encontre de Miss France. Le pamphlet est attendu, plus inattendu l’aveu de quelques blessures intimes et éclairantes.

Le titre de ce petit livre est tout un programme : Lettre ouverte aux alsacianophobes et aux quelques crétins de l’intérieur qui pensent que les Alsaciens sont à l’extérieur (ouf !). Annoncé ici ( DNA du 23 janvier), il s’agit d’un cri du cœur de l’ancien président de la communauté urbaine de Strasbourg, gaulliste historique.

Ce qui l’a fait bondir, ce sont les quolibets essuyés par la ravissante Delphine Wespiser, Miss Alsace devenue Miss France et ses tranquilles affirmations d’alsacianitude, en français et… en alsacien.

Frais minois, mais langue teutonne ? La riposte des « crétins » a été immédiate, note Grossmann. Une marionnette qui dit « Danke schön » aux Guignols de Canal Plus, deux humoristes en rajoutant — « de toute façon, l’Alsace, c’est l’Allemagne ! » — il n’en fallait pas plus pour le faire sortir de ses gonds.

Une sainte colère et une leçon d’histoire

Cette sainte colère est donc devenue ce petit pamphlet — qui fait leçon au « crétin protéiforme et omni-vigilant » qui, sur d’approximatives cartes d’Europe, a encore en tête les frontières de 1871. Leçon d’histoire bien sûr, doublée d’une leçon de culture, pour démontrer ce qu’on pourrait appeler le « théorème de Grossmann » : « L’Alsace, dépositaire d’une double culture […] quoi qu’on ait pu en dire, est gauloise ; son cœur, à vif, est français ! »

Le ton est vif, la plume alerte, le propos attendu. Mais l’inattendu, ce sont les souvenirs personnels qu’évoque Robert Grossmann. À 18 ans, moniteur de colo, dans un train pour La Rochelle, il se fait chambrer par un jeune Français — « Tu n’es pas vraiment français » — et par un jeune Allemand — « Les Alsaciens sont des traîtres à l’Allemagne ! » « Mon innocence disparut », note-t-il.

Il y dit aussi, au temps de l’enfance, le bonheur de l’alsacien, l’appréhension face au français, la rencontre ratée avec l’allemand. L’auteur de Main basse sur ma langue (La Nuée-Bleue, 1999), qui attaquait les « pangermanistes », avoue avoir évolué : «Je comprends aujourd’hui ceux qui souhaitent que les petits Alsaciens connaissent un apprentissage précoce du bilinguisme ».

La Lettre ouverte de Grossmann convertira peut-être quelques « crétins » outre-Vosges. Elle dit aussi — en filigrane — quelque chose de ce qui a façonné un homme politique alsacien atypique, excessif sûrement, irritant souvent, mais entier et sincère.

Robert Grossmann, Lettre ouverte aux alsacianophobes, Jérôme Do Bentzinger Editeur, préface d’Huguette Dreikaus, 104 pages, 7  €.