Strasbourg, le 24 février 2011

 

 

 

Objet : REQUETE EN REFERE LIBERTE (ARTICLE L. 521-2 DU CJA)

 

 

Monsieur Robert GROSSMANN, – 67000 - STRASBOURG, conseiller de la Communauté Urbaine de STRASBOURG élu le 7 avril 2008

 

 

CONTRE

 

La décision du Président de la Communauté Urbaine de STRASBOURG en date du 18 février 2011 refusant de donner la parole à Monsieur GROSSMANN suite à une interpellation de Monsieur Jean-Emmanuel ROBERT

 

 

J’ai l’honneur de porter les faits suivants à la connaissance du juge du Référé-Liberté.

 

 

Lors de la séance du conseil de la Communauté Urbaine de Strasbourg (CUS) du 18 février 2011, Monsieur Jean-Emmanuel ROBERT a fait une interpellation conformément à l’article 33 du règlement intérieur du Conseil.

 

 

Cette interpellation était inscrite à l’ordre du jour et portait sur le dispositif de vidéosurveillance de la CUS, et était la suivante :

 

« Interpellation portant sur le dispositif de vidéosurveillance de la CUS.

Monsieur le Président, Chers collègues,

Le 3 février dernier dans la presse locale, notre collègue en charge de la sécurité à la ville de Strasbourg a rendu publique des éléments de l’étude d’impact de la vidéosurveillance pour la CUS, validée le 12 juin 2009 par le conseil de CUS. Les résultats de cette étude avaient déjà été présentés au CISPD, en décembre dernier. Serait-il possible de nous les faire également parvenir conformément à ce qui avait été voté en 2009 ?

D’après les éléments relayés par la Presse, son impact dans le cadre de la lutte contre la délinquance serait donc incontestablement positif.

Mieux encore, d’après le cabinet Althing en charge de cette étude, la vidéosurveillance n’aurait occasionné aucun transfert de la délinquance dans les secteurs non équipés contrairement à ce que certains redoutaient.

On comprend ainsi mieux pourquoi 65 % de nos concitoyens sont favorables à ce dispositif.

Aussi, au regard de ce bilan qui semble excellent, je souhaite connaitre vos intentions quant à l’extension de la vidéosurveillance dans les secteurs de la CUS qui en sont encore dépourvus et qui en auraient besoin?

J’ai bien noté qu’il avait été annoncé en février 2010 la fin des extensions mais je vous demande de bien vouloir revoir cette position en faisant preuve en la matière de pragmatisme. Il s’agit en l’espèce de mieux protéger nos concitoyens et pas de faire plaisir à tel ou tel membre ou groupe de notre assemblée.

Enfin, un évènement récent et douloureux vient poser la question de la durée de conservation des images pour l’instant fixée à 96 heures pour la CUS.

Il me semble qu’il serait intéressant de pouvoir débattre entre élus mais aussi avec les professionnels de la sécurité publique et les membres civils du comité d’éthique, de la possibilité d’étendre cette durée de conservation des images autorisées actuellement par les textes règlementaires au maximum jusqu’à un mois.

Une telle évolution devrait permettre à l’avenir de donner davantage de temps aux enquêteurs pour faire progresser des affaires difficiles.

Naturellement, il ne faut pas agir dans l’urgence, à vif mais ce débat mérite d’être mené.

Nous devons prendre notre temps pour déterminer si oui ou non cette durée de conservation des bandes doit être accrue et si oui, de combien elle devra l’être pour qu’elle soit davantage efficace tout en étant acceptable pour tous.

Je vous remercie pour vos réponses ».

 

 

Toutefois et alors même qu’un débat aurait du s’ouvrir suite à cette interpellation, le Président du Conseil a refusé de me donner la parole.

 

 

Or, conformément à l’article 33 du règlement intérieur du Conseil de communauté, il est expressément prévu que : « Le Conseil décide, sans débat, si la motion, le vœu ou l'interpellation sera discuté immédiatement ou renvoyé à la commission plénière, ou inscrit à l'ordre du jour de la séance suivante du Conseil ».

 

 

Cependant, le Président de la Communauté a, de son propre chef, qualifié l’intervention de M. Jean-Emmanuel ROBERT de question orale qui ne devait donner lieu à aucun débat en application du dernier alinéa de l’article 34 du règlement intérieur.

 

 De ce fait, il m’a refusé la parole ainsi qu’à d’autres orateurs qui s’annonçaient pour la suite du débat.

 

Ce faisant, il a méconnu cette liberté fondamentale qu’est le droit d’expression des membres des assemblées délibérantes des collectivités locales.

 

 L’article L. 521-2 du code de justice administrative prévoit :

 

« Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures ».

 

Cet article permet ainsi au juge de sanctionner les atteintes graves et manifestement illégales à une liberté fondamentale portées par une personne morale de droit public.

 

C’est manifestement le cas.

 

  S’agissant de la liberté fondamentale violée, le droit d’expression des conseillers d’une assemblée délibérante est une liberté fondamentale.

 

 

En effet, le juge administratif reconnaît aux conseillers municipaux, notamment sur le fondement de l’article L. 2121-29 du code général des collectivités territoriales, un droit à l'expression pour les affaires inscrites avec débat à l'ordre du jour du conseil municipal (CE, 22 mai 1987, Tête c. Commune de Caluire-et-Cuire ; CAA Versailles, 30 décembre 2004, Commune de Taverny).

 

 

De même, le Conseil d’Etat a jugé que la liberté d’expression des conseillers municipaux devait être considérée comme une liberté fondamentale au sens de l’article L. 521-2 du Code de justice administrative (CE, 18 janvier 2001, Commune de Venelles, req. n° 229247).

 

 Une telle solution trouve, bien évidemment, à s’appliquer aux conseillers d’un conseil de communauté urbaine en application de l’article L. 5211-1 du Code général des collectivités territoriales.

 

 En conséquence, il ne fait aucun doute que la liberté d’expression des conseils de la CUS relève d’une liberté fondamentale auquel le Président de la Communauté ne peut porter atteinte.

 

 

ü                 S’agissant de l’atteinte grave et manifestement illégale à ma liberté d’expression, il convient de relever que le Président de la CUS a violé les dispositions du règlement intérieur de la CUS dans le seul et unique but de restreindre la liberté d’expression des conseillers communautaires et, en particulier, la mienne.

 

 

En effet, il convient de rappeler que, le Président du Conseil de communauté a refusé de me donner la parole en qualifiant l’intervention de Monsieur Jean-Emmanuel ROBERT de question orale ne donnant pas lieu à débat.

 

 Or, tel que cela ressort de l’ordre du jour (point 37), l’intervention de Monsieur Jean-Emmanuel ROBERT était bien une interpellation.

 

 Les interpellations sont encadrées par le règlement intérieur du conseil de la communauté en son article 33 qui dispose :

 

« Les propositions de motion ou de vœu doivent être communiquées au Président par écrit au moins 3 jours francs avant la séance.

Les demandes d'interpellation doivent être communiquées au Président par écrit au moins 8 jours francs avant la séance.

Le titre et le texte de la motion, du vœu ou de l'interpellation proposés doivent figurer dans cette communication.

Chaque interpellation ne porte que sur un seul sujet.

Les interpellations sont inscrites à l'ordre du jour dans l'ordre de leur réception. Si une demande d'interpellation doit être sanctionnée par le vote d'un vœu ou d'une motion, le texte de ce vœu ou cette motion doit également être communiqué au Président 8 jours francs avant  la séance et être porté par lui à la connaissance de tous les conseillers au plus tard avec la convocation.

En cas d'urgence, le Président ou le Conseil peuvent décider l'inscription à l'ordre du jour dans les conditions fixées à l'article 20.

Le Conseil décide, sans débat, si la motion, le vœu ou l'interpellation sera discuté  immédiatement ou renvoyé à la commission plénière, ou inscrit à l'ordre du jour de la séance suivante du Conseil ».

 

 Aux termes d’une interpellation, le Conseil doit donc décider, sans débat, si ladite interpellation sera discutée. Il doit alors envisager les modalités de cette discussion lors de la même séance ou lors d’un prochain conseil.

 

Or, en violation de ces dispositions, le Président du Conseil de Communauté a décidé de son propre chef que l’interpellation était une question orale conformément au dernier alinéa de l’article 34, lequel dispose effectivement : « Les questions orales ne donnent lieu à aucun débat ».

 

 Une telle requalification a ainsi permis au Président du conseil de communauté de refuser tout débat sur l’interpellation.

Il s’agit, en réalité, d’un véritable détournement de pouvoir du Président de la CUS afin de se soustraire à un débat qui ne lui convenait pas.

 

 Il en résulte donc une atteinte grave et manifestement illégale à ma liberté d’expression en ma qualité de conseiller de la CUS élu démocratiquement par les électeurs de STRASBOURG.

 

            En dernier lieu, je me permets d’insister sur ce qu’il est d’une extrême urgence que la décision du Président du Conseil de la CUS de refuser de m’accorder la parole soit annulée.

 

 En effet, il s’agit là d’une question touchant à une liberté fondamentale, celle de la liberté d’expression des conseillers d’une assemblée délibérante d’une communauté urbaine.

 

Plus encore, cette liberté d’expression n’est pas seulement une prérogative attachée à la qualité d’élu, elle bénéficie par leur entremise à la collectivité des citoyens auxquels les élus doivent rendre compte.

 

 Or, la violation des dispositions du règlement intérieur par le Président de la CUS m’a empêché de m’exprimer lors de la séance du 18 février 2011.

 

 Il est donc désormais extrêmement urgent que vous annuliez cette décision et enjoignez au Président de la CUS lors de la prochaine séance du conseil de la Communauté qui aura lieu le 18 mars prochain de me redonner la parole de sorte que la légalité puisse être rétablie.

 

 Il résulte de tout ce qui précède que je vous demande, par la présente, de bien vouloir annuler la décision du Président de la Communauté urbaine de STRASBOURG refusant de me donner la parole en date du 18 février 2011 et de lui enjoindre de me donner la parole lors de la prochaine séance du Conseil de communauté en date du 18 mars 2011.

 

 

                                   Robert GROSSMANN