« Malédictions architecturales »
Par RG le jeudi, 29 juillet 2010, 08:11 - Lien permanent
Robert Grossmann, ancien président (UMP) de la CUS, ancien adjoint au maire à la culture, revient sur le projet de rénovation de l'îlot du Printemps, place de l'Homme-de-Fer et rue de la Haute-Montée, dans une lettre ouverte adressée au maire de Strasbourg, Roland Ries.


« Qu'il faille enfin changer et embellir la façade du Printemps est une évidence, mais de là à faire tomber la foudre sur le quartier, fût-ce en aluminium couleur champagne, il y a un pas qu'il ne faut pas franchir.
Or les DNA du 23 juillet nous montrent une image du projet que le magasin Printemps veut infliger à Strasbourg et aux Strasbourgeois. Facebook montre une maquette blanche. Il y manque la couleur faux bronze mais vrai bling bling champagne, qui devrait enluminer cette chose en accentuant ses excès.
A deux pas du ratage de la Maison Rouge qui défigure la place Kléber
Je sais que l'architecte des bâtiments de France a donné son accord à ce projet et j'en suis consterné.
Je sais aussi que le conseil de quartier l'a approuvé. Ce ne serait pas la première fois qu'une proposition architecturale est examinée rapidement. J'ai un réel respect pour les conseils de quartier et je me permets de formuler le vœu que celui du Centre, concerné par cette façade, accepte de procéder à un réexamen.
Aujourd'hui il ne m'est pas possible de ne pas vous faire part de ma consternation. Le bâtiment du Printemps, si longtemps négligé par ses propriétaires et dirigeants successifs, est situé dans un des endroits les plus sensibles du cœur de la ville.
A deux pas de la soucoupe qui coiffe ce nœud de tensions inquiétant que constitue la station du tram, à un jet de pierre de la tour qui est tant décriée, à deux encablures du ratage de la Maison Rouge qui défigure toute la place Kléber, ce quartier doit-il être définitivement l'objet de malédictions architecturales et constituer le catalogue du mauvais goût et des ratages de notre ville ?
J'estime en effet que la façade actuellement imaginée décrocherait le pompon en matière de misère esthétique. Mon premier réflexe devant ces stries géantes en métal artificiellement bronzé, de type champagne bling bling, a été un authentique choc. J'ai ressenti une agression visuelle.
Il ne faut, en effet, pas juger à l'échelle de la maquette mais imaginer le résultat en grandeur réelle. Ce projet de façade me semble avant tout violent et d'un parfait mauvais goût néo kitsch, style stand géant de messti de province. Si ces immenses raies de métal jetées sur la façade avec une dysharmonie totale devaient signifier une sorte de modernité post cubiste, elles suggèrent avant tout un désordre structurel, mais non artistique pour autant, qui agressera chaque regard.
Si elles devaient suggérer un drapé ( !) rappelant ceux des exceptionnelles sculptures classiques, ou celui des rideaux de scènes, il serait plutôt mité. Mais c'est avant tout un rideau guerrier de forteresse qu'elles évoquent. Aucune élégance, aucune classe mais une parodie sommaire d'art concret décadent et mal digéré. Ce lieu, ce bâtiment appellent l'élégance, l'harmonie, la douceur et le calme architectural.
Une telle façade devrait suggérer le désir plutôt que l'inquiétude. Elle devrait être harmonieuse et apaisée au milieu de tant de désordres. Je vous conjure de reconsidérer ce projet et de faire jouer votre autorité de premier magistrat de la Ville, votre amour de l'art et votre sens de la contemporanéité pour faire réviser ce projet.
Cette façade n'est pas de l'affaire privée d'un groupe international situé à Paris, c'est l'affaire de tous les Strasbourgeois à qui ce projet appartient moralement. Dans le but d'éviter une tache qui risquerait de marquer Strasbourg pour longtemps, il est encore temps de proposer un concours d'architectes et de confronter plusieurs projets car au fond, ni le conseil de quartier, ni l'architecte des bâtiments de France n'ont eu le choix. »
A deux pas du ratage de la Maison Rouge qui défigure la place Kléber
Je sais que l'architecte des bâtiments de France a donné son accord à ce projet et j'en suis consterné.
Je sais aussi que le conseil de quartier l'a approuvé. Ce ne serait pas la première fois qu'une proposition architecturale est examinée rapidement. J'ai un réel respect pour les conseils de quartier et je me permets de formuler le vœu que celui du Centre, concerné par cette façade, accepte de procéder à un réexamen.
Aujourd'hui il ne m'est pas possible de ne pas vous faire part de ma consternation. Le bâtiment du Printemps, si longtemps négligé par ses propriétaires et dirigeants successifs, est situé dans un des endroits les plus sensibles du cœur de la ville.
A deux pas de la soucoupe qui coiffe ce nœud de tensions inquiétant que constitue la station du tram, à un jet de pierre de la tour qui est tant décriée, à deux encablures du ratage de la Maison Rouge qui défigure toute la place Kléber, ce quartier doit-il être définitivement l'objet de malédictions architecturales et constituer le catalogue du mauvais goût et des ratages de notre ville ?
J'estime en effet que la façade actuellement imaginée décrocherait le pompon en matière de misère esthétique. Mon premier réflexe devant ces stries géantes en métal artificiellement bronzé, de type champagne bling bling, a été un authentique choc. J'ai ressenti une agression visuelle.
Il ne faut, en effet, pas juger à l'échelle de la maquette mais imaginer le résultat en grandeur réelle. Ce projet de façade me semble avant tout violent et d'un parfait mauvais goût néo kitsch, style stand géant de messti de province. Si ces immenses raies de métal jetées sur la façade avec une dysharmonie totale devaient signifier une sorte de modernité post cubiste, elles suggèrent avant tout un désordre structurel, mais non artistique pour autant, qui agressera chaque regard.
Si elles devaient suggérer un drapé ( !) rappelant ceux des exceptionnelles sculptures classiques, ou celui des rideaux de scènes, il serait plutôt mité. Mais c'est avant tout un rideau guerrier de forteresse qu'elles évoquent. Aucune élégance, aucune classe mais une parodie sommaire d'art concret décadent et mal digéré. Ce lieu, ce bâtiment appellent l'élégance, l'harmonie, la douceur et le calme architectural.
Une telle façade devrait suggérer le désir plutôt que l'inquiétude. Elle devrait être harmonieuse et apaisée au milieu de tant de désordres. Je vous conjure de reconsidérer ce projet et de faire jouer votre autorité de premier magistrat de la Ville, votre amour de l'art et votre sens de la contemporanéité pour faire réviser ce projet.
Cette façade n'est pas de l'affaire privée d'un groupe international situé à Paris, c'est l'affaire de tous les Strasbourgeois à qui ce projet appartient moralement. Dans le but d'éviter une tache qui risquerait de marquer Strasbourg pour longtemps, il est encore temps de proposer un concours d'architectes et de confronter plusieurs projets car au fond, ni le conseil de quartier, ni l'architecte des bâtiments de France n'ont eu le choix. »
Commentaires
En effet, quelle horreur !
Le projet de façade du Printemps ne semble pas enthousiasmant en effet, si l'on juge d'après la figure mais il s'agit d'un projet de façade et une évolution peut être envisagée.
Il y a actuellement une dégradation beaucoup plus grave qui se prépare et qui soulève peu de réactions parmi les amis de la culture alsacienne. Le parc et les jardins de Kolbsheim ont été élaborés par plusieurs générations d'amoureux de la nature et de la culture. Ils ont servis de refuge à un philosophe français qui avec sa femme reposent au cimetière de Kolbsheim. L'ensemble de ce domaine qui peut être visité chaque week-end constitue une authentique richesse des environs de la ville. Le projet de Grand Contournement Ouest va mettre fin à cet environnement de qualité et détruira cette rencontre réussie entre nature et culture.
Pour une ville qui a connu beaucoup de philosophes de renom depuis deux siècles il manque actuellement la voix d'Albert Schweitzer et d'Henri Ulrich pour un rappel de respect et d'humanité et pour défendre cet héritage.
Pourquoi ne pas se battre pour un lieu de rencontre à Kolbsheim ? Faut-il rappeler la liste des philosophes qui ont étudié ou enseigné à Strasbourg : L.Lavelle, Levinas,Maurice Halbwachs, Maurice Blanchot, Georges Gusdorf, Maurice Nédoncelle, Paul Ricoeur, Georges Canguilhelm, André Néher et d'autres.
La devanture du Printemps passera de toutes façons
Effectivement, tout cela est inquiétant. On dirait un de ces magasins qui sont généralement en périphérie de la ville dans les zones commerciales qui aurait échappé à un tremblement de terre. Mais à Strasbourg plus rien ne m'étonne ... Une remarque sur l'approbation par le conseil de quartier : les conseils de quartier ne sont que des éléments de propagande pour la municipalité; ils n'ont de toute manière qu'un rôle consultatif et on remarque une transformation profonde de leurs compositions. En effet, au départ, du fait de leur composition tirée au sort on pouvait encore y trouver "du débat"; mais, aujourd'hui ceux qui osaient ne pas être d'accord ont pour une large partie d'entre eux démissionné et ont semble-t-il été remplacé par des volontaires plutôt "béni oui oui". Un ami qui y siège a remarqué que dans son quartier le conseil est trusté par les administrateurs d'une association du quartier .... qui est également représentée en tant que telle !!! Ne comptez pas sur le conseil de quartier, ceux-ci en l'état ne servent à rien.
Cordialement.
Tout à fait d'accord avec vous. Il faut revoir l'architecture de ce bâtiment. On a déjà la verrière, place de la Gare, ça suffit pour le mauvais goût! :)
Ottimo. Articolo ben scritto ed argomento interessante.