Dix huit juin !

Trois syllabes gorgées de soleil qui sonnaient comme une mélodie pleine de promesses, jusqu’à ce que l’histoire les ait inscrites dans l’hiver des consciences de ce mois de désastres de l’an 1940 .

Trois syllabes métamorphosée en rendez vous de l’Histoire.

Trois syllabes qui marquent à jamais la foi en l’homme, la volonté forgée en anti-destin.

La charge philosophique du 18 juin ne se mesure pas à l’aune de la déclinaison des jours fériés de notre calendrier. D’ailleurs il n’est pas férié.

Prise de la bastille, victoires militaires, libérations sont inscrites en lettres de feu dans nos cycles annuels. Ce sont des fêtes qui, hélas, se banalisent au point de perdre leur sens auprès des générations qui se succèdent en épuisant la valeur des faits héroïques qui s’éloignent dans leur mémoire.

Le 18 juin a une âme différente et, à l’épreuve du temps, il transcende l’événement qu’il célèbre. Soixante dix ans après il irradie un message puissant par delà les époques, par-delà les continents.

Le contexte historique est cruellement singulier. La France est défaite, ses gouvernants et son armée balayés. Les Allemands sont à Paris. L’Alsace n’est pas occupée, pire, elle est annexée. Pétain capitule et signera l’armistice de la  honte. La France sous le joug des nazis n’est plus la France. Son sort semble scellé. On s’en accommode avec toutes les vilénies qui s’annoncent.

Des millions de Français applaudissent Pétain.

C’est alors qu’une voix se lève et avec elle un courage téméraire et une inébranlable volonté hors norme.

C’est le comportement fou et déraisonnable des héros fondateurs des mythes éternels de l’histoire de l’humanité.

De Gaulle parle encouragé par Churchill qui défend et admire ce jeune général.

«  Le cri de la conscience », écrira Léon Blum.

Ici Londres.

Des français humbles et anonymes répondent.

Ils ne s’aperçoivent pas encore qu’ils revêtent la tunique des héros et construisent une épopée à nulle autre pareille. Ce sont les pêcheurs de la petite Ile de Sein, ce sont des hommes et des femmes de toutes les régions de  France qui, isolés et minoritaires, rejoignent la voix de ce général anonyme qui les appelle à ne pas cesser le combat, à ne pas se soumettre, à ne pas rompre avec l’honneur face au nazisme et à ses collaborateurs de Vichy.

De Gaulle écrira dans ses mémoires de guerre : « Je m’apparaissais à moi même, seul et démuni de tout, comme un homme au bord d’un océan qu’il prétendrait franchir à la nage » 

Et il réussit à vaincre l’inéluctable qui se paraît des oripeaux de l’invincible fatalité.

Avec les Français libres et leur douloureuse et glorieuse épopée combattante ce sera l’épilogue triomphal de la marche des Champs Élysées le 6 aout 1944.

Des millions de Français applaudissent de Gaulle.

Le 18 juin 1943 au micro de la BBC Pierre Brossolette s’écrie: « Français, saluez le 18 juin. C’est le jour où la France, qu’on voulait chasser de l’Histoire par la trahison, y est entrée par l’épopée »

Aujourd’hui, 70 ans après, tout comme hier, 20 ans après, l’Appel du 18 juin s’est élevé par dessus le contexte historique qui l’a engendré.

Le Non de de Gaulle ce 18 juin 1940, le refus de l’abaissement de l’Homme et de sa liberté, de l’asservissement et de la décadence de la Patrie, l’appel enfin à la Résistance, ce mot qui rayonnera d’une puissance sémantique nouvelle, sont venus rejoindre le panthéon des grands mythes et font partie du patrimoine sacré de l’humanisme…Trésor de la foi inébranlable en l’Homme et en ses ressources quasi sacrées face à l’adversité du malheur.

Et dès lors le 18 juin est aussi cette date qui emporte une formidable richesse de méditation.

Cet acte de désobéissance à l’ordre scélérat que Malraux assimila au « non » d’Antigone constitue la pierre angulaire de l’engagement humaniste et, de génération en génération, forme un viatique pour les jeunes qui veulent se mettre au service des valeurs de la République.