KAYSERSGUET - LE « Lieu d’Europe » ? par Klaus Schumann
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Les Robertsauviens s’inquiètent du devenir du Kaysersguët, belle maison de maître du début du XIXème, propriété municipale située à l’ entrée du quartier à l’angle de la rue Boecklin et de l’allée Kastner. Son inoccupation, depuis l’arrivée du tram, a fait naître bien des rumeurs, y compris celle de la vente. 

En mai 2009, lors d’une visite dans le quartier, le Maire promet une large concertation en vue d’un projet permettant une utilisation régulière de la villa par les habitants de la Robertsau. Le collectif « Kartier Nord » avait, en effet, souhaité un projet alliant culture et convivialité pour les quelque 26 000 habitants du quartier qui – selon leur dires – ne disposerait pas d’équipement culturel digne de la Robertsau. On a alors évoqué un Café avec un Théâtre. Pour être complet, notons que cette villa est aussi convoitée par l’Ecole de Musique qui doit quitter le Collège… 

Parallèlement, et depuis de nombreuses années, des associations, des élus, des citoyens souhaitent la création d’une véritable vitrine de l’Europe à Strasbourg ouverte aux millions de visiteurs annuels de la capitale alsacienne. Strasbourg est devenue capitale européenne grâce à la présence et l’action des multiples institutions européennes situées pour la plupart à l’entrée de la Robertsau, mais force est de constater qu’elles restent largement inaccessibles aux visiteurs de passage… 

En référence au projet « EURODOM » porté, il y a une dizaine d’année déjà, par « Strasbourg- Promotion-Evénements », un comité de soutien « Pour un Lieu d’Europe à Strasbourg », s’est engagé en faveur de la création d’un lieu d’accueil, de mémoire, de connaissance et d’émergence d’une identité européenne : apprendre et comprendre l’Europe, son histoire, le fonctionnement des institutions, dialoguer et associer les citoyens-visiteurs au projet européen dans un lieu qui deviendrait le symbole de l’Europe de Strasbourg, voilà la finalité de ce lieu. Ce serait en effet un point d’attraction pour Strasbourg et la région créant ainsi une nouvelle dynamique économique et touristique. 

A cette fin le Comité de soutien a fait des nombreuses enquêtes auprès des citoyens quant au contenu, au nom et à la localisation du futur Lieu d’Europe. 

Au Conseil Municipal du 26 avril 2010 le Maire a présenté une communication écrite sur les orientations stratégiques européennes et internationales de Strasbourg. Cette communication souligne la forte dimension européenne de la Ville qui mérite d’être plus solidement inscrite dans son paysage urbain. Ceci nécessite un lieu de découverte de l’Europe qui présentera son histoire et qui fera connaître l’action européenne en associant les citoyens et les institutions européennes (Parlement européen, Conseil de l’Europe, Cour Européenne des Droits de l’Homme, Pharmacopée européenne, Centre européen de la Jeunesse etc…), le Pôle universitaire et le Pôle européen d’administration publique. La communication parle d’une « Maison de l’Europe » qui a pour mission de doter Strasbourg d’un espace permettant aux citoyens strasbourgeois, touristes et visiteurs de découvrir l’Europe « de » et « à » Strasbourg. 

La veille de la réunion du Conseil Municipal, les DNA annoncent que le Maire, lors d’une visite éclair du site, a décidé que le Kaysersguet deviendra la Maison de l’Europe et que cette décision sur sa localisation est ferme et définitive. 

Le lundi suivant, lors du débat au Conseil Municipal, l’ensemble des élus accueille très favorablement le principe et la nécessité de créer à Strasbourg un lieu fédérateur qui donnerait visibilité et crédibilité à son statut de capitale européenne. Mais il n’y a pas unanimité sur la question de la localisation et de la dimension nécessaire d’un tel site qui doit être un véritable pôle d’attraction pour des centaines de milliers de visiteurs annuels de la Ville qui pourraient ainsi aller à la rencontre de leur Europe. 

Il est évident que le Kaysersguet ne répond pas aux exigences symboliques et spatiales d’un Lieu d’Europe pour Strasbourg. Il est aussi évident que les Robertsauviens souhaitent que cette villa et son parc trouvent une affectation culturelle et conviviale au service des citoyens et des visiteurs du quartier européen. Des propositions dans ce sens ont été faites lors du débat au Conseil Municipal notamment par Robert Grossmann (reprise dans les DNA du 4 mai). Un tel centre l pourrait s’ouvrir régulièrement à des manifestations littéraires pour l’ensemble des pays membres du Conseil de l’Europe. Au lieu de vouloir opposer Kaysersguet – Lieu d’Europe, il faut prendre en considération leur complémentarité. 

Le danger est de faire du Kaysersguet une « Maisonnette de l’Europe », qui ne répondrait pas aux exigences d’une véritable stratégie européenne et internationale pour Strasbourg, surtout si on tient compte de la remarque du Maire »Ce que l’on dépense ici, on ne pourra pas le dépenser ailleurs » disait-il en 2009. (A noter que la seule réhabilitation de la maison est estimée à 4 millions d’euros). 

Mais les budgets à mobiliser sont aussi une fonction des ambitions et des buts qu’on souhaite d’atteindre. Et la création d’un lieu d’attraction dédié à l’Europe n’a rien de budgétairement irréaliste. Avec la création et le financement du « Vaisseau » le Conseil Général a prouvé qu’un lieu de découverte des sciences et des techniques pouvait être un véritable succès populaire attirant des centaines de milliers de visiteurs, bien au-delà de la région et des frontières. Strasbourg mérite un « Vaisseau européen », qui sera un véritable atout touristique pour Strasbourg et c’est un projet dont les études sont financées par le Contrat Triennal 2009-2012 « Strasbourg Capitale Européenne » dont, rappelons-le, les partenaires sont la Ville, la CUS, le Conseil Général, la Région et l’Etat. 

La question n’est pas de trouver « à tout prix » une solution pour le Kaysersguet, mais de rendre le rayonnement européen de Strasbourg plus lisible, attirant et accessible au plus grand nombre possible de citoyens européens. C’est par leur meilleure connaissance de l’Europe « de » et « à » Strasbourg que notre Ville gagnera sa reconnaissance de capitale européenne. 

Klaus Schumann 
Ancien directeur général des affaires politiques au Conseil de l'Europe