Bismarck, Unser Land, Europe Ecologie et le Modem à la Yann Wehrling
Par Robert Grossmann le mardi, 9 mars 2010, 08:55 - l'actualité - Lien permanent
Les campagnes électorales recèlent des surprises.
En 2010, en Alsace, nous n’attendions plus tant d’obscurantisme mâtiné de crispations et de replis identitaires à l’occasion des élections régionales.
Que tous les candidats ou presque n’aient (de prime abord) perçu de la culture que le bilinguisme franco – allemand et la culture alsaco alsacienne, pourrait être mis sur le compte de leur volonté d’attraper des voix en attribuant aux électeurs cette nostalgie qui en réalité est un peu la leur. Quatre d’entre eux se sont rattrapés depuis…
Mais que certains franchissent le Rubicon de l’obscénité historique est un comble inattendu.
Donc Europe Ecologie a accueilli sur sa liste un thuriféraire de l’Alsace alémanisée dont la seconde langue officielle devrait être l’allemand. On pourrait créditer cet original de préoccupations intellectuelles : permettre à tous de maîtriser deux langues. Admettons ! Encore que la majorité écrasante des alsaciens considèrent l’allemand clairement comme la langue du voisin. C’est bien, faut-il répéter ce truisme, « l’alsacien » qui est la langue de l’Alsace avec le français.
Mais que le même génuflecteur devant l’allemand pousse son fait d’arme de la campagne électorale E.E. jusqu’à faire une conférence de presse le 14 février avec le député européen corse François Alfonsi au siège de l’ancien parlement d’Alsace au temps de Reichsland et qu’il se prononce en faveur d’une Alsace autonome avec son parti de prédilection UnserLand est un comble. Et lorsqu’il ajoute « Bismarck ce n’est pas la honte de l’Europe, moins que Tiers » on est à la limite du négationnisme comique.
Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Conscients à retardement de leur inconscience les responsables d’E.E ont rompu avec Unser Land et les autonomistes.
Et ne voilà-t-il pas que le sympathique néo modem Yann Wehrling et sa colistière plus rompues à ces exercices, Odile Ulrich, nouent alliance avec Unser Land. Et pour donner tous les gages qui conviennent aux autonomistes ils s’en vont à leur tour s’incliner devant l’ancien Landtag en déployant avec « quelques » colistiers une banderole « pour un parlement d’Alsace » mais… à l’ombre de l’ancien siège Bismarckien.
Pourquoi ces surenchères identitaires, pourquoi cette lecture partisane de l’histoire, pourquoi cet obscurantisme. Nous ne sommes plus en 1870 ni en 1913. Un siècle de feu et de bouleversements vient de dérouler son tapis de progrès, de sciences et de technologies en même temps que ses nouvelles misères.
Tout comme l’Europe encore trop balbutiante, la France n’est pas dans son état le plus brillant mais elle est « forte de ses régions-françaises » !
Les nazis ont produit l’innommable au nom du 3ième Reich allemand et à peine vingt deux ans avant lui s’achevait la plus terrifiante guerre-boucherie. Soixante dix ans auparavant Wilhelm et Bismarck s’illustraient à Reichshoffen et à Froeschwiller avant de faire bombarder sans relâche Strasbourg en anéantissant une grande partie de la ville et en tuant quelque quatre cent strasbourgeois.
Certains alors de leur définitive hégémonie sur l’Alsace, ennuyés par leurs exactions ils ont construit une magnifique partie de ville avec l’autorité et la liberté du vainqueur tout puissant.
Sait on bien, pourtant, que les maires de Strasbourg et les autres, sous cette période bénie selon Unser Land, étaient interdits d’élection, tout comme les Statthalter, nommés par Berlin?
Sait on que des milliers d’Alsaciens ont choisi de quitter leur pays pour fuir le régime prussien ?
Veut-on bien se souvenir de « l’affaire de Saverne » et de la résistance intellectuelle du groupe de Saint Nabor avec Spindler et ses camarades, du sens profond du musée alsacien, musée résistant ?
A-t-on oublié l’Abbé Wetterlé ? Est-il honteux aujourd’hui d’évoquer Hansi ?
Et comment ne me ferais je pas plaisir en évoquant ma Mélanie, la comtesse de Pourtalès, qui sillonnait l’Alsace du Nord au sud en s’exclamant partout « nous allons parler ensemble en alsacien comme ça les autres ne nous comprendront pas… »
Alors, décidément, par quelle étonnante perversion des esprits sensibles, intelligents, cultivés comme Yann Wehrling peuvent ils s’incliner devant l’ancien Landtag et infliger au sens de l’histoire ce rétropédalage ?
Que l’on veuille un parlement d’Alsace comme Philippe Richert le souhaite et le formate, certes oui, mais que l’on célèbre à ce propos la période des casques à pointe quelle dérision.
Tout cela ne vaudrait pas la sueur d’une seule ligne s’il ne s’agissait pas de Europe Ecologie repentie mais capable de telles erreurs et du Modem qui, il est vrai se trouve à quelques encablures de l’implosion.
PS : je ne cesserais de dire, conscient que ce papier va réveiller toutes les haines et les insultes recuites de nos autonomistes,
· que je suis un fervent partisan de l’apprentissage de la langue du voisin, l’allemand,
· qu’en gaulliste fervent je suis pour une solide amitié entre la France et l’Allemagne mais que chacun, en toute amitié, a le droit de rester lui même et de garder sa personnalité
· qu’à titre personnel je suis un fervent de la littérature, de la musique et des arts plastiques allemands.
Commentaires
Cher Robert,
Comme cet article de ton blog met en cause à la fois la liste Alsace Démocrate, mes amis que sont ses deux chefs de file Yann Wehrling et Odile Uhlrich-Mallet, ainsi qu'une manifestation de campagne en faveur de la création d'un Parlement d'Alsace à laquelle j'ai moi-même participé, je me permets de réagir. La critique que tu y présentes me semble très excessive et dénature les positions du Modem. Pour cette raison, je joins ci-dessous la tribune de notre liste, en lien avec ce sujet, publiée dans Libé Strasbourg le 3 mars dernier.
Amicalement,
Frédéric
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05/03/2010
"Pour une Alsace unie, ouverte et plurielle"
POLITIQUE - Du 1er au 11 mars, LibéStrasbourg publie chaque matin la tribune libre de l'une des onze listes candidates aux élections régionales en Alsace*. Chacune d'entre elles développe l'un des thèmes qu'elle met en avant dans sa campagne. Aujourd'hui, la "Liste Alsace Démocrate conduite par Yann Wehrling et Odile Uhlrich-Mallet soutenue par François Bayrou" propose sa vision de l'identité alsacienne. A lire ci-dessous.
Pour une Alsace unie, ouverte et plurielle
En ces temps de débats sur l'identité, il nous semble important de rappeler ses nécessaires dimensions ouvertes et plurielles. Ouvertes, car nous ne voulons pas d'une identité qui se définirait contre celle des autres, et cela a fortiori dans une région frontalière. Nous entendons associer systématiquement nos voisins allemands et suisses à toutes nos grandes décisions. Plurielles, car pour nous l'identité s'inscrit aussi dans la construction européenne, dans la défense des droits de l'Homme et des libertés de la Personne, comme dans l'attachement à sa région. Nous voulons rendre les Alsaciens à nouveau fiers de leur région, en lui rendant son dynamisme économique, en y promouvant la langue régionale comme sa culture plurielle, et en consacrant son rôle par la création d'un Parlement d'Alsace.
L’économie alsacienne est aujourd’hui durement touchée par la crise, en raison notamment de son caractère industriel. Nous croyons en une économie tournée vers le développement durable, et nous souhaitons pour cela nous tourner vers l’industrie. La région devra aider l’industrie à se moderniser, à devenir plus propre, comme à développer des filières porteuses, celles des pôles de compétitivité alsaciens existants bien sûr, mais aussi l’éco-construction ou la fabrication d’installations de production d’énergies renouvelables. Mais si le chômage atteint aujourd’hui en Alsace un niveau record, c’est aussi parce que les compétences linguistiques en allemand s’affaiblissent au fil des générations, de sorte que le travail transfrontalier se réduit.
Assumant la double culture de notre région, nous voulons que les générations futures parlent ses deux langues, ce qui suppose de rendre à l’allemand sa légitimité dans la communication publique et d’en généraliser l’enseignement. A l’heure où le chômage atteint en Alsace son niveau record, nous devons permettre à nouveau aux jeunes de trouver un emploi chez nos voisins. Pour rendre possible et effective cette politique publique ambitieuse, nous avons demandé au ministre de l’éducation nationale de prévoir en Alsace l’expérimentation d’une « éducation régionale », pour que la région puisse déterminer les langues dans lesquelles les différentes matières sont enseignées et organiser le recrutement de professeurs disposant des compétences nécessaires.
Surtout, nous ne voulons plus que les décisions concernant l’avenir de notre région soient prises au regard de considérations purement nationales. Un Parlement d’Alsace, unifiant les actuels conseils régional et généraux, sera mieux en mesure de conduire des politiques publiques efficaces et des coopérations transfrontalières. Doté d’un pouvoir réglementaire, il évitera les surcoûts et les cacophonies qui nous pénalisent aujourd’hui.
Yann Wehrling, liste Alsace Démocrate
Voir le site Internet de la liste
*La publication des onze tribunes libres se fait selon l'ordre établi par tirage au sort pour l'attribution des panneaux d'affichage.