Reflexion 2 : La culture : une dynamique au cœur de la politique
Par Robert Grossmann le dimanche, 7 mars 2010, 10:19 - culture et forum - Lien permanent
mes convictions à mi débat...et à 8 jours du scrutin
Si le mot culture, utilisé jusqu’à l’usure, doit avoir un sens, à quelques jours d’un scrutin, c’est bien celui d’être une dynamique qui s’installe au cœur de la politique pour l’inspirer de manière magistrale et permanente.
Agir en politique avec une vision culturelle. Donner du sens à l’action, voilà le mot d’ordre.
La région doit être culturelle avant tout. Son projet doit être culturel.
A quoi servirait une politique forte en matière d’économie, de transport, à plus forte raison en matière d’apprentissage ou de lycées si sa finalité n’était l’élévation de l’homme vers le plus haut degré de sagesse possible.
L’engagement écologique enfin ne saurait être et n’est rien d’autre que culturel. Voyons ! : « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme » Rabelais n’est-il pas d’une totale actualité et éminemment écologique ?
Démocratiser la culture
Paraphrasons le décret célèbre de juillet 1959 : « Les élus ont pour mission de rendre accessible les œuvres capitales de l’humanité au plus grand nombre possible; d’assurer la plus grande audience possible à notre patrimoine et de favoriser la création des œuvres de l’esprit… »
C’est la mission que Malraux s’était assignée, au niveau de l’Etat, et cela autorise à proclamer que, certes la culture peut être élitaire, mais que la mission des élus en République est de la démocratiser. Et pourquoi donc si ce n’est pour enrichir intellectuellement, spirituellement, moralement le plus grand nombre possible de nos concitoyens, pour les élever, leur donner l’envie et les moyens d’accéder à plus de savoir.
La fréquentation des œuvres provoque cet étonnement, cette surprise et instille finalement ce désir de savoir qui mène à la sagesse.
Il est nécessaire de doter nos concitoyens de tous les moyens qui favorisent l’accès à la culture et l’école est bien évidemment un vecteur fondamental.
Genius loci
En Alsace les responsables politiques ont plus qu’ailleurs l’impérieuse obligation de développer la culture à travers toute leur action. C’est pour eux une ardente obligation…car il y a un génie du lieu en cette terre d’Alsace qui recèle en elle les plus belles leçons d’humanisme à travers les figures tutélaires de Maître Eckart, Herrade de Landsberg, Schongauer, Sebastien Brand, Beatus Rhenanus et tous leurs pairs. Elle recèle aussi les leçons des plus grands drames de l’histoire dont l’horreur doit à tout jamais rendre présente la volonté de tolérance, d’acceptation de l’altérité, d’ouverture à l’autre.
Méditer devant le Retable d’Issenheim, l’ossuaire de Dambach qui, réalité ou légende, rappelle la guerre des paysans et les invasions, lire Goethe aussi bien que Chateaubriand ou Camus, se laisser saisir par une dramaturgie, rencontrer soudain Brahms ou Tchaïkovski, être interpellé dans les salons Hans Arp de l’Aubette, voilà ce que la Région Alsace doit favoriser.
Lorsqu’à Strasbourg nous avons lancé le « Concert des deux rives » mon bonheur a été immense de voir année après année entre 10.000 et 15.000 spectateurs assis sur l’herbe du Jardin des deux Rives et plébisciter notre orchestre philharmonique : culture pour les plus grands nombre possible !
De même nous avons installé le Philharmonique dans le quartier de la Meinau et emmené les enfants et parents de la Montagne Vert à l’Opéra….
Lire des romans, lire Bouvard et Pécuchet, Le baron perché… lire son journal tout simplement, fait partie des actes que des élus doivent contribuer à promouvoir.
Et c’est ainsi que la culture sous tend toutes les autres politiques.
Pour tenter de faire comprendre la démarche aux élitaires jaloux de leurs repaires de happy fews, rappelons que les petits pas sont toujours au commencement des grandes ascensions et qui peut dire que le rap ne conduira jamais vers les Polonaises de Chopin, la Pastorale de Beethoven ou La symphonie du nouveau monde de Dvorak. La Joconde est faite pour être regardée sur leurs écrans par les jeunes des quartiers de Mulhouse ou Strasbourg, aussi bien qu’au Louvre par les chanceux qui peuvent s’y rendre.
J’ai été séduit par les arguments de Yann Wehrling dont je partage l’ensemble de l’analyse et dont je recommande la relecture. Oui, il faut parler de notre dialecte, le préserver et le développer. Mais artiste lui même et qui sait parler de son art, comment ne pas adhérer à la vision culturelle de Yann ? Oui, la culture rassemble et fédère ceux qui y croient et militent pour elle.
Jacques Cordonnier s’exprime avec ses convictions et qu’il développe son point de vue fait dire a beaucoup des siens : un événement considérable vient de se produire, la droite pour la première fois parle de culture. Comme s’ils étaient eux même convaincus que la culture est totalement embastillée par la gauche. Alors que je ne cesse de proclamer cette évidence : « la culture est fille de la liberté » Jacques Cordonnier exprime une conception élitaire de la culture sur laquelle je donne mon point de vue dans mon analyse finale. Pour moi il ne saurait y avoir de barricade séparant les « cultivés », les « sachants » des incultes et pourquoi pas à la limite des sous hommes ? Ceux qui n’ont pas eu la chance d’être touchés par la culture doivent constituer pour des élus de la République un territoire de mission.
J’invite à lire et à relire la profession de foi culturelle de Philippe Richert. Je fais miennes toutes ses analyses et je ne puis que rendre très attentif tous les acteurs de la vie culturelle à une de ses propositions innovantes et bienvenues : « A cela, je réponds que la création artistique doit être une liberté qui n’est pas soumise à l’appréciation du politique, les pouvoirs publics doivent uniquement offrir des conditions de création. Et en ce sens, je souhaite que la collectivité régionale puisse soutenir la création artistique et, entre autres actions, nous encourageons très directement des résidences d’artistes et pourquoi pas l’aide à l’installation de jeunes artistes comme cela peut se faire pour les artisans ou les PME. Un fonds sera constitué pour ce type d’actions et les modalités d’utilisation en seront définies par des personnalités aux compétences effectives. »
Voilà en effet une proposition qui ne peut qu’être totalement bienvenue et qui rendrait l’action de la région encore plus exemplaire.
Certains pourraient voir dans les propositions de Jacques Bigot un catalogue. Sans doute, mais il répond à des réelles attentes tout comme Philippe Richert et leurs catalogues sont fournis de manière très pertinente
Peut-être pourrais je former le vœu que la vison de Jacques Bigot soit à tout jamais dépourvue d’esprit partisan et de clientélisme (c’est ce que certains reprochent aux socialistes que de vouloir capter la culture et d’en faire « leur » affaire exclusive) Il est contraint de s’allier à EE dont je regrette vivement qu’ils n’aient pas souhaité répondre à ma lettre ouverte.
Mépris ? Sectarisme ? Manque d’idées ?
A chacun d’avoir son opinion sur cette absence dans un débat culturel qui est aux antipodes de l’esprit politicien, qui est passionnant et enrichissant par son ouverture…
Commentaires
tout cela est fort louable d'intention et d'honnêteté , mais , concrètement, à la fin de ce mois et une semaine après les élections régionales aura lieu à Paris le salon du livre où cette année l'Alsace ne sera pas représentée alors que peu de temps avant au même endroit l'(agri)culture alsacienne s'offrait en modèle riche de ses expériences, ses différences et ses diversités etc etc... alors? conflit de culture, simple désintéressement , ou les démons du bon vieux complexe d'infériorité refaisant surface....?
Votre texte est bon, mais il y aurait aussi le pas à faire en direction de l'artisanat qui peut aussi entrer dans la définition de l'art, d'artiste.
Mais je me demande quand même comment réagiraient certains de vos écrivains s'ils devaient constater notre triste réalité où la grande majorité de la jeunesse n'a même plus la compétence locale pour cause d'intolérance de notre outil de communication naturel.
Puissent les nouveaux élus de la Région se rassembler pour permettre tout ce qui vous avancez, y compris la restauration de nos Valeurs pour que nos héritiers puissent aussi financer et connaitre ces loisirs culturels que vous avez relevés.
Cher Robert Grossmann,
Vous avez parlé de la « très belle réponse de Yann Wehrling, tête de liste MODEM », à votre lettre ouverte sur la culture en région. Mais avez-vous lu sa tribune libre du 5 mars dans LibéStrasbourg ? Il fait fort dans la servilité envers l’Allemagne, à qui il offre l’Alsace en pâture.
Bien que la langue de la République soit le français, Yann Wehrling veut « rendre à l’allemand sa légitimité dans la communication publique ». Au lieu de chercher à réduire le chômage par une politique nationale de réindustrialisation, il propose de « généraliser l’enseignement » de l’allemand, afin que les jeunes puissent … « trouver un emploi chez nos voisins ». A l’enseignement national, il veut substituer une « éducation régionale, pour que la région puisse déterminer les langues dans lesquelles les différentes matières sont enseignées et organiser le recrutement de professeurs disposant des compétences nécessaires ». Mais la mission de la France n’est pas de former les travailleurs dont l’Allemagne a besoin, ni de lui fournir des débouchés pour ses enseignants.
Tout à son "Drang nach Osten" et à son obsession rhénane, Yann Wehrling réclame aussi la création d’un « Parlement » d’Alsace. Comment ne pas voir dans ce projet une esquisse pour le futur ensemble Alsace-Bade, doté d’un « parlement » commun, dont rêvent nos voisins allemands ? Ceux-ci se réjouissent sûrement de la dérive autonomiste qui se développe actuellement dans certains milieux en Alsace. Mais les jeux ne sont pas faits.
Chère Yvonne Bollmann,
Je suis heureux de vous retrouver ici. Vous aurez peut-être suivi les débats sur ce blog où chaque candidat, avant ma lettre ouverte n'avait qu'une seule préoccupation culturelle: la culture "régionale" fortement alémanique. J'ai aussi eu l'occasion de révéler que Weiss de ABCM était sur la liste EE lui qui proclamait récemment préférer Bismark à Thiers.
Le débat est salutaire et permet aussi à beaucoup d'ouvrir les yeux.
Malgré les déclarations de Yann Wehrling dont je n'avais pas pris connaissance, je ne suis pas trop inquiet. L'Alsace reste raisonnable.
Et, comme vous le dites, rien n'est joué
très cordialement à vous
Monsieur Grossmann, auriez-vous le regret que chaque candidat a en conscience les véritables enjeux pour l'Alsace et ses habitants que représente l'atout de la force de notre outil de communication naturel : l'alémanique alsacien?
Si cet atout n'était pas remis en pratique on ne pourrait qu'être vraiment inquiet puisque cela signifierait l'impasse : ce qu'aucun électeur raisonnable ne désire.
Jimili votre avant dernier post publié ici me fait halluciner. Donc avec la langue française l'Alsace est foutue selon vous. Il vous faut de l'alémanique...
quant au dernier post je ne publie pas il est insultant... billet
Sur Facebook en commentaire de cet article l'artiste plasticien Christophe Meyer écrit:
Christophe MeyerLa Culture n'existe pas, ou plus, en Région Alsace: ce service, lorsqu'on le demande au standard téléphonique, est remplacé par le Service de l'Épanouissement de la Personne, novolangue même pas de bois, pur racornissement amphigourique. Merci qui?
Il faut changer tout cela et plusieurs interlocuteurs m'ont invité a être vigilant surtout à l'issue de l'élection
mais Monsieur Grossmann, mon opinion est sincère. Nous constatons tous que le monolinguisme francophone est handicapant pour notre région, pour sa jeunesse qui n'est plus capable de jouer et de remplir l'ensemble des rôles que les générations plus anciennes pouvaient.
Vous savez que le nationalisme, qu'il soit de notre côté ou de l'autre, a toujours été néfaste : d'où l'importance d'avancer AUSSI la pratique de l'alémanique, vos racines culturelles auxquelles vous vous référez (!), pour ne plus engendrer les problèmes que nos parents et grands parents avaient du vivre, et subir.
Notre outil de communication naturel a bien été l'atout qui avait permis à la Région ses racines industrielles, et reste l'atout qui permet tout simplement de dépasser toutes les frontières.
Pour ce qui concerne ma réponse à Madame Bollmann, les divers points mériteraient d'être présentés, pour qu'elle puisse y donner ses réponses.
Vous aussi vous pourriez y donner vos propositions.
Sincèrement.
Le texte étant paru sur une autre page, je le recolle ici.
J'en profite pour vous remercier pour cette "ouverture" pour le débat. So muess es au sinn...
(j'ai changé un mot, moins sévère, et en ai rajouté quelques uns, pour le débat)
Pour Madame Bollmann, c’est la première fois que je lis une telle chose.
Vous me permettrez de vous éclairez que le mot décentralisation correspond à la pratique du mot autonomie, à l’opposé du mot centralisme dont le dénominateur commun est le mot dictatures. (toutes correspondent à un pouvoir centralisé !!!)
Oui, la mission de la France n’est pas de former des travailleurs « pour » l’Allemagne, mais de former des hommes et des femmes capables de jouer et de remplir tous leurs rôles et devoirs localement, donc en Alsace : ce qui n’est pas du tout la réalité à travers l’imposition du national monolinguisme francophone dont on connaît les mauvaises conséquences, et cela pas qu’au niveau régional alsacien (les médias le relèvent largement)
Ceci souligné, les compétences qu’à apporté notre outil de communication régional à permis aux Alsaciens une liberté vraie, sans frontière, dont celle de pouvoir trouver aussi un emploi souvent mieux payé chez nos confrères alémaniques d’en face, au Bade-Wurtemberg, en Allemagne qui est un pays de tradition décentralisé.
Je souligne aussi que la pratique d’un pays décentralisé correspond à la pratique d’une démocratie majeure et donc responsable. Cette maturité est à la source de réussites dont chez nous les conditions ne sont même pas réunies pour certaines bases fondamentales : la preuve, où sont donc les capitaux français en Alsace ? aux Bade-Wurtemberg les capitaux allemands sont sur place !
Nous savons tous ce qui est bon et juste ! Restaurer en pratique ce qui avait permis à l’Alsace d’avoir le titre de carrefour de l’Alsace est une très bonne anticipation, aussi pour le projet de réindustrialisation qui pourra être d’autant plus dynamique et attractif sur le plan international pour les investisseurs. La généralisation du bilinguisme franco-local, de l’allemand, version écrite et parlé, avec la version alémanique, correspondra avant tout à ce que nos jeunes puissent avoir et garder un emploi près de chez eux, même si cela donne un avantage supplémentaire de pouvoir en trouver aussi un de l’autre côté du Rhin, comme cela l’a été puisque certains investissement français n’ont pas été faits pour créer des emplois supplémentaires locaux.
La première mission de la France serait d’être à la hauteur de SES Valeurs, de les mettre en pratique déjà en Alsace pour être meilleure que l’Allemagne pour ce qui touche à l’attachement des Alsaciens à leur langue et culture régionales : ce qui est à la base de l’attachement des Alsaciens à la France.
Cela n’est pas une « obsession rhénane » mais simplement la prise en compte du contexte « régional européen » dans lequel nous nous trouvons ! Le jour où en France nos élus régionaux auront la même latitude d’action comme en Espagne, ou en Allemagne, alors nous seront les égaux des autres Européens ! La démocratie étant alors de pratique responsable, majeure, les élus le seront donc aussi : votre dérive avançant une assemblée unique avec le Bade-Wurtemberg est de la manipulation.
Jimili, l'Alsace est française! Le français est la langue des Lumières, de la Civilisation, de la Culture et surtout la langue des vainqueurs, qui ont délivré l'Alsace de la Barbarie germanique! Le retour de l'alémanique serait une régression sur le chemin de la Civilisation, en plus d'être un retour à une époque honnie, qui n'a rien apporté à l'Alsace et lui a beaucoup coûté.
Effacer cet épisode malheureux de notre histoire est le moindre des hommages que nous pouvons faire à nos libérateurs!
Stop Frédéric .
Il ne faut pas tout mélanger,
il ne s'agit pas d'un retour à l'alémanique mais de sauver notre patrimoine linguistique .il ne s'agit pas non plus d'un retour à une époque honnie cet épisode malheureux comme vous dites n'a rien à voir avec notre langue mais plutôt avec des extrémistes dont le meneur n'était pas Allemand mais Autrichien , et se prenait pour un défenseur des ex- terres des Habsbourg .
Vous êtes pour une Alsace Française , avec uniquement la langue française , alors il faut bien apprendre l'histoire de l'Alsace .
Tout d'abord l'Alsace a été pendant tout ce temps à 80 % de langue germanique , même du temps de la décapole , ensuite c'est Louis XIV qui a annexé l'Alsace repris en 1871 par les allemands ,et ce pour cinquante ans ,( allez voir le quartier allemand construit pendant ces 50 années , une vraie splendeur) l'état français en profite bien et depuis 65ans les français " RIEN " même le tgv on doit le financer nous même, quant à l'autoroute nord sud , Giscard avait promis de l'inaugurer dans les années 1970 et depuis rien et maintenant on chipote pour un GCO, le grand hamster , parlons en, il ne mange que du blé , alors traversé la France et vous verrez ...des milliers de km de blé, il suffit de délocaliser le grand hamster.
Les écologistes, parlons en , ils préfèrent que l'on crève de pollution dans les bouchons plutôt que de condamner quelques lopins de terre.
Et si nous sommes" de droite "c'est parce que on aime l'ordre comme les Allemands , mais suffisamment réfléchis pour ne pas aller dans les extrêmes .
Et que dire de l'administration française , l'accueil dans la plupart des mairies dont Hoenheim ou Obernai , ou l'on vous rétorque " excusez- moi mais je ne comprends pas l'Alsacien " c'est un manque de respect envers les personnes agées qui ont été à l'école Allemande .
Quant à la langue francaise, parlons en , du franglais et encore du franglais non merci , je préfère l'Alsacien.
Bien cordialement
Armand
Jimili, vos opinions sont maintenant bien connues et largement exposées sur mon blog. Je ne puis continuer à publier vos longs commentaires qui reprennent globalement ce que vous avez déjà exposé ici en plis de 15 textes
Merci pour vos contributions et bien cordialement à vous
Pour info, si l'article du monde vous aurait échappé, les chiffres de la région Alsace n'apparaissent pas, ce serait on ne peut plus indispensable au regard des interrogations soulevées dans nos échanges, il apparaît en tout cas que notre collectivité régionale ne peut faire valoir aucune exemplarité:
"Les régions paient toujours plus pour la culture
LE MONDE | 10.03.10 |
Un seul slogan concernant la création aura été brandi pendant la campagne des élections régionales. "Culture en danger" : le mot d'ordre a rallié autant d'artistes que d'élus. Et il reste d'actualité à quelques jours du premier tour, dimanche 14 mars.
A première vue, le climat d'inquiétude est paradoxal : les budgets culturels des régions ne se sont jamais aussi bien portés. Entre 2004 et 2010, l'effort financier en faveur de la culture a augmenté de 11 % par an en moyenne, selon l'Association des régions de France (ARF). En Rhône-Alpes, l'enveloppe a doublé pendant la mandature (de 35 à 70 millions d'euros, soit 3 % du budget total de la région). Celle de la région Centre a grossi de 40 % (33,8 millions d'euros en 2009), contre 17 % en Pays de la Loire (50 millions d'euros), etc.
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Eclairage Cet article 35 qui fait froncer les sourcils
Sur les 10 milliards d'argent public consacrés à la culture, environ 3 milliards viennent de l'Etat, les 7 milliards restants provenant des collectivités locales, communes et grandes villes en tête (plus de 4 milliards d'euros), suivies par les départements (1,3 milliard) et les régions (1 milliard d'euros).
Ce milliard d'euros se répartit en deux postes : 643 millions inscrits sur la ligne budgétaire "culture", et près de 400 millions disséminés dans d'autres secteurs - aménagement du territoire, lycées, formation. "Les régions intègrent la culture au quotidien, de manière transversale", explique Hélène Breton, vice-présidente de la région Midi-Pyrénées et présidente de la commission culture de l'ARF.
Chaque région a ses priorités - cinéma, musique, etc. Elle est souvent cofinanceur, et non chargée de la totalité d'un projet, d'un théâtre ou d'un festival. Aussi, son rôle culturel n'est-il pas évident à cerner, à la différence d'une grosse ville, qui a souvent en gestion un musée des beaux-arts, par exemple. Les régions phares sont logiquement celles qui ont les plus gros budgets globaux : Ile-de-France, Rhône-Alpes ou Nord-Pas-de-Calais. A titre d'exemple, la première a alloué 147 millions d'euros au spectacle vivant, entre 2005 et 2009 (233 compagnies aidées). La deuxième développe un pôle de cinéma d'animation, La Cartoucherie, à Bourg-lès-Valence, en partenariat avec le département de l'Ardèche. La troisième est le principal financeur de la future antenne du Louvre à Lens, dans l'espoir de redonner du souffle au territoire.
Les arts plastiques ne sont pas oubliés. Plusieurs régions - Centre, Auvergne, Corse, Bretagne, etc. - ont fait construire un bâtiment pour leur Fonds régional d'art contemporain . En Pays de la Loire, priorité a été donnée à "la démocratisation et la solidarité", avec des passeports pour les jeunes et un soutien aux pratiques amateures dans les zones dépourvues d'équipement culturel. L'Aquitaine, où se trouve le deuxième réseau de salles classées "art et essai", met de l'argent (30 000 euros par écran) pour soutenir le passage au numérique. "Sans attendre les aides promises par l'Etat, on expérimente la numérisation dans six salles", explique Frédéric Vilcocq, vice-président de la région Aquitaine, chargé de la culture.
Les élus régionaux mettent en avant le lien entre culture et économie. Martin Malvy, président de la région Midi-Pyrénées, où le budget culture a plus que doublé en dix ans (25 millions d'euros aujourd'hui), le dit fièrement : "Plus du tiers des emplois associatifs créés par la région, soit plus de 300, l'ont été en direction d'associations culturelles. Mais il n'est pas dit que les difficultés budgétaires qui se profilent à l'horizon permettent leur pérennisation."
Ces difficultés viennent d'abord de mesures et projets gouvernementaux. Et les régions, dirigées par la gauche à l'exception de l'Alsace et de la Corse, redoutent que les efforts ne soient mis à mal. La suppression de la taxe professionnelle, depuis le 1er janvier, entraîne un manque à gagner - la région Centre enregistre ainsi une perte globale de 10 millions d'euros en 2010.
Il y a aussi le projet de loi de réforme des collectivités territoriales, en cours de discussion. Il reste flou sur la possibilité, pour les régions et les départements, de continuer à s'emparer de la culture.
Autre facteur, les départements, pris en étau entre les dépenses sociales et le transfert de compétences non compensé par l'Etat, ont réduit la voilure. "La Savoie a maintenu ses crédits, mais c'est moins 15 % en Côtes-d'Armor, moins 10 % en Dordogne, moins 15 % en Haute-Savoie", énumère François Deschamps, directeur des affaires culturelles de la Haute-Savoie. A son initiative, ses homologues de toute la France sont conviés à des assises, les 6 et 7 mai, à Toulouse. Pour que l'élu chargé de la culture ne devienne pas, contre toute attente, une espèce menacée.
Clarisse Fabre "
Vous conviendrez, à la lecture de cet article, que la situation régionale concernant la culture, se rapproche de l'analyse que je vous ai proposé. J'ai également été rasséréné quant à la pertinence de "votre manifeste" en reprenant notamment l'idée qu'une politique culturelle est justement (à tout point de vue) ce qui vient à donner sens à l'ensemble de l'action publique.