Je réponds à Jacques Cordonnier d'Alsace d'abord
Par Robert Grossmann le vendredi, 5 mars 2010, 10:08 - Lien permanent
sous son texte mes commentaires sont en gras et en italique
Votre interpellation des têtes de liste aux Régionales m’incite à répondre à quelques-unes de vos remarques mais surtout à préciser comment j’aborde la question culturelle, qui, il faut bien le constater, n’est pas la première des préoccupations des candidats aux Elections Régionales et c’est une faute ! C’est un sujet qui me passionne car il est révélateur de la manière dont nous sommes gouvernés.
Nous sommes d’accord avec cette introduction !
Je viens d’emblée buter sur la notion même de « culturel » que vous semblez défendre, avec toute la fougue que nous vous connaissons. La culture s’est soi-disant répandue dans toutes les couches de la population hélas non…et beaucoup s’en réjouissent. Pas moi, car cette omniprésence de la culture fait que désormais tout est appelé culturel, même la moindre oeuvrette sans intérêt au détriment de l’art.
Voilà que s’ouvre le malentendu et que nous divergeons. Vous opposez culture et art. Qu’est ce que l’art ? Qu’est ce que la culture ? J’y répondrai dans mon prochain texte
Ainsi, la culture en se diffusant massivement connaît une dilution grave de son sens même, celui que notre cher André Malraux appelait « une longue interrogation ».
Selon vous il faudrait réserver la culture à l’élite et ne pas démocratiser, ce que vous appelez « diluer »
Car l’art n’est pas de la communication, (certes) pas un élément de masse mais reste bien un long apprentissage, une lente maturation que les politiques culturelles actuelles ne permettent pas car trop pressées par l’effet médiatique, l’effet démagogique, le tout divertissement.
Peut-être vous trompez vous sur la nature et les effets des « politiques culturelles actuelles »
L’objectif quantitatif qui est au coeur de l’ambition démocratique en sa transposition culturelle, fait partout le lit de l’argent, par le biais de la publicité, des taux d’audience et des lois du marché.
Je ne vois pas ce que vous sous entendez ou plutôt vous vous trompez de cible. Oui l’audimat doit être exclu du champ culturel et là où il règne on est dans le spectacle le divertissement, certainement pas dans la culture.
Vous associez d’emblée "culture" et "emploi". Cela m’étonne, car avant d’être une industrie, un commerce et un réservoir d’emplois, la culture est avant tout apprentissage, travail personnel long et persévérant, pour acquérir les bases intellectuelles, les connaissances, pour établir les ponts nécessaires entre les arts ;
Ceux qui travaillent professionnellement dans la culture répondent, bien entendu, aux critères que vous évoquez. De qui parlons nous : des comédiens, des metteurs en scène, des musiciens des Orchestres professionnels, des preneurs de sons, des techniciens du spectacle, des conservateurs de musées, des gardiens etc etc la liste serait longue à énumérer de manière complète de ceux qui « travaillent » dans la culture ….
bref, l’art est élitiste, voilà qui va à contre-courant des politiques actuelles. L’argent n’a grand-chose à voir avec cela.
Il faut faire vivre la culture donc il faut « de l’argent » mais nous sommes là au cœur de notre mésentente. L’art réservé à une élite voilà qui est insupportable pour un élu!
Il est tout à fait évident que le terme de « culture » est apparu au moment où la politique artistique commençait sa lente dissolution, où la connaissance disparaissait au profit du non approfondissement, où l’école préférait citer des articles de journal plutôt que citer Stendhal, Hölderlin et d’enseigner qui était Maitre Eckhart ou Jean Tauler !
Partout de la « Culture », nulle part de l’Art.
Je ne puis adhérer à cette opposition « culture-art » L’art est un pan de la culture. Par ailleurs je ne vous entends jamais dire « art d’aujourd’hui, culture vivante » Vous donnez le sentiment que tout s’arrête au 19 ième siècle et à la grande rigueur au début du 20 ième
Quel fâcheux paradoxe et vous savez comme moi, M. Grossmann, que nous préparons depuis des années des générations d’incultes, d’illettrés, qui ne sauront pas vibrer aux livres, aux musiques, œuvres plastiques car les politiques ne donnent plus les moyens à la transmission de l’apprentissage long mais si fabuleux, de l’art. Le règne de l’argent, de la consommation, du spectacle à tout va balaye chaque jour la littérature, les humanités, la peinture.
Le rôle de l’école et des parents est sur ce plan primordial et tout ne va pas pour le mieux dans ces deux domaines. C’est aussi pourquoi les élus doivent s’assigner pour mission de permettre à tous (si possible) de vibrer…)
Les dirigeants politiques sont en grande partie responsables, qu’ils soient de droite ou de gauche. Partout l’hyperdémocratie doit régner avec son refus de la hiérarchie, alors que la culture est hiérarchie. Tous les médias se gargarisent quand tel festival fait du chiffre, quant telle exposition rameute les foules alors que l’on sait parfaitement qu’un faible pourcentage des amateurs peut apprécier pleinement ces spectacles et ces œuvres. Mais les politiques ont voulu cela, à coup de subventions inconsidérées, aidés par les médias complaisants, faisant de la culture une industrie de masse, un passe-temps.
Seriez vous pour une « infradémocratie » ? une démocratie à deux vitesses, réservée à l’élite et délaissant les plus démunis (intellectuellement) ?
Pour faire un mauvais mot : mieux vaut la culture comme passe temps que les feux de voitures ou les vols à la tire
Du coup, se révèle une conception tout à fait nouvelle de la culture qui devient un vecteur de « lien social », un outil d’intégration, absolument factice puisqu’on tente désormais de pratiquer une politique culturelle ouvertes à tous les vents, abaissant les niveaux (un peu comme à l’école où 80% des lycées obtiennent le baccalauréat). Les subventions sont saupoudrées, données à n’importe quel pseudo créateur ou pseudo événement ( des noms ce serait intéressant…) alors que des vrais critères artistiques devraient prévaloir dans l’obtention de subventions. Qui définirait les VRAIS critères ???? le politique élitaire ? Aujourd’hui le métissage culturel est vanté, alors qu’on ne connaît même plus nos bases régionales et européennes.
C’est quoi nos bases ? La Fisher Kapell, la choucroute, et, pour ne pas caricaturer, la vénération de notre riche passé autour de la cathédrale ?
Certes et j’en suis adepte moi aussi…
Non nos bases ont toujours été ouvertes sous la contrainte ou de manière volontaire : guerre des gaules, de trente ans, invasions multiples, accueil d’allemands, d’autrichiens, d’italiens, de polonais, de portugais et j’en passe, l’histoire a fait des la terre d’Alsace une terre de mélange. Je prétends que le métissage est enrichissant. Qui peut se vanter d’être « pur » ?
http://www.natureculture.org/wiki/index.php?title=Métissage
Tout soutien financier ne peut être donné à n’importe quel événement, des choix artistiques clairs et sérieux doivent être pris.
Par qui ? Toujours par le politique élitaire et autoproclamé « sachant » ?
Alors que notre politique culturelle et éducative française cherchait par tous les moyens à détruire nos fondations artistiques, Ah bon ??? il a fallu encore pour plus de ruine, accorder des privilèges à des nouvelles formes d’ « art » pour que l’on soit bien certains que le niveau s’abaisse encore plus brutalement. Je pense au rap par exemple, au graffiti etc…Il y a des paroles de rap d’une grande poésie et des graf hautement artistiques…Désormais un morceau violent de rap de tel groupe de banlieue strasbourgeoise ou un titre idiot de Diam’s est plus volontiers célébré que tel poème symphonique de Richard Strauss ou telle pièce de Messiaen…. Oui pour exclure l’appel à la violence de certains rappeurs mais le rap n’est pas fatalement exclusif de Messiaen
L’UMP, les Verts et le PS préfèrent sans doute les strass et les paillettes, la démagogie et l’abaissement de l’art au profit du tout culturel, synonyme d’animation, de divertissement et de manière simplette d’occuper son temps, alors que l’art est l’usage du temps avec soin !
Hélas ça c’est purement gratuit, dommage
La déculturation est en marche, à nous d’essayer de la freiner au niveau régional.
Comme l’écrit Höderlin, « Là où est le danger croît aussi ce qui sauve ».
Eh oui ouvrez les yeux la culture fait preuve d’un formidable dynamisme
En Alsace, retrouvons nos racines culturelles et bâtissons l’avenir solidement.
Les valeurs que l’art diffuse sont vivantes. A chaque instant, le Retable d’Issenheim palpite encore depuis sa création au XVIe siècle par Matthias Grünewald. A chaque minute, les œuvres de Hans Arp et je pense par exemple aux salles de l’Aubette, conçues en collaboration avec Sophie Taueber et Théo van Doesburg nous font vibrer. A chaque lecture, les textes de Goethe nous parlent et nous transportent car lui et tant d’autres écrivains ont traversé l’Alsace et l’ont célébrée. C’est par exemple Maurice Barrès, à qui une plaque est consacrée au Mont St Odile. C’est aussi Voltaire qui est passé par nos villes et nos campagnes.
Rien à dire sinon un plein accord et de plus vous l’écrivez bien
Vous parlez d’une grande campagne autour de l’Alsace romantique, bravo ! Effectivement cela permettrait de procurer du travail aux artisans, aux tailleurs de pierre, détenteurs d’un savoir rare. Là aussi les passerelles avec d’autres formes d’art pourraient se faire, tant il existe de textes nombreux de nos voisins allemands, inventeurs du romantisme, avec Novalis. Des musiciens pourraient être joués, eux qui ont chanté les châteaux forts et les ruines, comme Schumann dans certains de ses lieder et ces concerts pourraient illustrer de tels événements dans notre région. J’évoquerai là aussi le poids du bilinguisme dans la culture.
Oui…
Ce ne sont pas des Etats généraux de la culture qu’il faudrait en Alsace – on a vu l’échec ridicule d’une telle initiative à Strasbourg récemment - mais des hommes et des femmes politiques concernés et pas seulement par un énième mandat à accumuler !
Il faut que tous les acteurs de la vie culturelle se sentent concernés, il faut les écouter et travailler avec eux dans la durée. Il ne s’agit pas d’un coup médiatique unique sans volonté d’agir
Il faudrait aussi supprimer le clientélisme, sport préféré des socialistes dans le domaine culturel.
On ne peut qu’être d’accord
Bien sûr que l’Alsace dispose d’atouts formidables ! Pourquoi ne pas se rapprocher de ce qui se fait chez nos voisins, dans un grand projet rhénan, qui faciliterait les collaborations avec les musées Suisses et Allemands, les grandes institutions culturelles ? Le Museum Pass invite à découvrir la culture de nos cousins germains et suisses, allons-y !
Les festivals de qualité se développent en Alsace, du festival de jazz à Mulhouse à Musica à Strasbourg, du festival « Dans la vallée » à St Marie aux Mines au festival de musique de Colmar. Il faudrait nouer des liens plus puissants entre eux, pour pouvoir rayonner plus largement.
Pourquoi pas un grand festival de jazz en été, au Jardin des Deux Rives à Strasbourg comme cela se fait à Juan les Pins ou à Montreux ? Pourquoi n’existe t-il pas de vraie politique régionale concernant l’art contemporain, comme cela se fait à Lyon ? Pourquoi un festival comme l’Ososphère de la Laiterie de Strasbourg n’est pas plus soutenu pour en faire une manifestation plus solide encore et élargie, comme le festival Les Nuits sonores de Lyon ? Pourquoi l’Alsace ne reconnaît pas plus ses créateurs contemporains, tant il existe des talents valables dans la peinture par exemple ?
En tout cela n’êtes vous pas en contradiction nette avec les proclamations de votre première partie ? Musica, Ososphère, Jazz d’or, sont de ces initiatives heureusement soutenues et très contemporaines. Qui nécessitent aussi beaucoup d’emplois culturels… alors ?
Enfin, je finirais sur une proposition. Cette semaine, la France vient d’acquérir les manuscrits de Giacomo Casanova, grand européen devant l’Eternel et qui est aussi passé par l’Alsace comme beaucoup de grands esprits européens du XVIIe. La BNF à Paris préparera une exposition de ces textes. Pourquoi, après cela ne pas aussi faire cette exposition en Alsace ? Voilà un formidable écrivain qui réunirait tous les amoureux de l’art et de la littérature ! Car comme l’écrivait justement Casanova : « L’homme qui se défend de penser n’apprends jamais rien ».
Bonne idée et belle citation!
Il est donc temps pour notre région si riche intellectuellement de penser l’art et la culture mais une culture solide, une culture enracinée au cœur de l’Europe et pas une culture du n’importe quoi et du divertissement. En bref, retrouver le sens et le goût de l’effort de l’art plutôt que la consommation passive. Ainsi, en Alsace, ce sera le mot Art qui prendra une capitale !
Votre texte est bien écrit, très littéraire et très documenté. Je vous ai fait me commentaires et je diverge assez sensiblement sur le fond.
Encore faudrait-il clarifier le sens des mots (art, culture etc)
Je vois toutefois une contradiction flagrante entre certaines de vos affirmations générales et des exemples que vous citez vers la fin de votre texte. A titre d’exemple Ososphère est loin d’être élitiste, ni d’autres festivals
Commentaires
Je voudrais d'abord dire que le débat opposant ici,sur la définition et le sens de la culture, Robert Grossmann à Jacques Cordonnier est très intéressant et de haute tenue. Bravo!
J'ai quelques petits commentaires à faire à l'un et à l'autre.
A Robert tout d'abord, après la contribution pertinente qu'il a livrée aux candidats aux Régionales, je veux dire ceci:
Je n'ai jamais douté de ton sincère engagement en faveur de la culture.
Bravo donc pour ton initiative, mais il y manque un chapitre: le spectacle vivant.
Aucune politique clairement déterminée en ce sens. Du moins aucune qui aille au delà des bonnes intentions et se donnent des moyens ambitieux. Nous sommes très en retard sur le reste du pays à ce niveau, en particulier sur les conventionnements.
Il faut des conventionnements régionaux et municipaux de groupes musicaux, de compagnies de théâtre ou de danse, pour que celles et ceux-ci puissent enfin travailler dans la durabilité et non dans la précarité.
A cette aune-là peut-être véritablement jugée la volonté des politiques d'avancer clairement sur le dossier de la défense de la culture.
On attend toujours. C'est pour quand?
Bien amicalement
A Jacques Cordonnier ensuite, qui est un copain, je l'ai en effet eu comme camarade de classe au lycée Schweitzer (nous étions même avec Bernard Bloch ou encore Antoine Waechter, c'est vous dire la qualité de la classe!) et je l'appelais Jacky à l'époque.
Ton analyse, cher Jacques ou Jacky, relève de ton appartenance à la pensée du romantisme allemand du XIX ème, lequel, plutôt pessimiste, s'opposait aux philosophes des Lumieres, qui eux étaient persuadés que nous allions tous, avec la société industrielle et la science, aller vers le bonheur absolu. On sait bien qu'il n'en a pas été ainsi et que les problèmes de bonheur restent entiers.
J'ai parlé un jour dans un de mes spectacles du "bonheur national brut", en l'opposant au produit national brut et en rêvant donc que cet indice prenne enfin le pas sur ceux qui ne font référence qu'à la société de consommation. Mon prochain spectacle traitera entièrement de ce sujet, attaquant sans merci le déraillement intolérable du capitalisme financier qui nous a tous mis dans la...
Si donc tu te sens profondément proche de ce romantisme allemand, personne ne peut t'en faire le grief, sauf lorsque tu émets des contre-vérités.
La culture ne s'est pas diluée, Jacky.
Ce n'est pas parce que règne partout la soupe bâtarde de la soit-disant culture de l'excellence que la vraie culture a disparu!
Ce qui se dilue partout, c'est ce potage amer et fade en même temps (pardon pour l'oxymore!)de la communication se prenant pour la culture, nuance!
Mais la vraie culture, celle de la curiosité, de la création originale, du partage, de la contestation érigée en qualité plutôt qu'en défaut, elle est là au contraire, libre, pauvre mais créatrice, fière mais tenue dans l'ombre parce que les valeurs actuellement reconnues comme étant la culture officielle sont celles de "l'excellence" intégrée à notre société de consommation effrénée.
Nicolas Sarkozy (pardon Robert) se trompe complètement de culture, lui qui vénère "ceux qui réussissent", ceux que la France peut exporter parce qu'ils rapportent!...
La vraie culture est là, dans l'ombre médiatique, mais présente sur le terrain, partout, c'est elle qui est véritablement novatrice et qui ne mourra pas, même si elle n'a plus un sou.
Vous savez tous deux combien Van Gogh a été démuni et combien tous les grands maîtres de la peinture ont tous sauf exception été virés de leurs écoles parce qu'ils dérangeaient...
La vraie culture n'est donc sans doute donc pas celle reconnue ou promue par les élites dirigeantes, désolé Jacky de te dire cela, mais au contraire celle qui les dérange, les bouscule, ouvre d'autres horizons que celui de la pensée ronronnante, quitte à ce que, c'est vrai, il y ait en elle du déchet ou de l'échec!... Où n'y en a-t-il pas?
Un mot encore, plus concret celui-là:
Jacky, attention aux festivals! Nous sommes (le monde du spectacle vivant) très attentifs à la "festivalite" du moment. Tout le monde veut avoir son festival, mais pour nous, il est hors de question que cela se fasse au détriment du soutien au travail en profondeur que font les compagnies de théâtre, de danse, de musique etc... sur le terrain durant toute l'année! Que cela soit bien clair.
Et, je reviens à toi mon cher Robert, franchement le comité Karmitz est une erreur. Parce que personne n'est dupe. Il est destiné à remplacer (du moins en ce qui concerne le spectacle vivant, et ce avec ces nouvelles valeurs de "l'excellence" dont j'ai dit plus haut ce que j'en pensais) le Ministère de la Culture, qui ne sait déjà plus où il en est...
On transforme l'institution pérenne et solide qu'est un ministère, avec tout son passé et sa réflexion présente et à venir en une agence qu'on pourra démonter à tous moments, et dans le même temps on transforme l'action artistique en festivals. Danger, grand dangers!
Cordialement à tous deux.
Très belle contribution cher Patrick pour une fois, et à ton intention je ne vais pas citer Malraux mais René Char: "la fonction de l'art est de mettre au monde des interrogations" Pour moi comme pour beaucoup l'art, aujourd'hui, ne doit pas célébrer le beau mais doit interpeller.
J'aurais aimé avoir ton opinion sur le métissage et le débat qu'il a suscité ici essentiellement à cause d'une méprise totale, volontaire ou non, sur le sens du mot
Sur le métissage, je suis sur ta ligne sans l'ombre d'un doute. Il a de tous temps été source de puissante créativité.
Daniel Cohen raconte formidablement dans un de ses derniers livres comment l'empire chinois a été incapable d'enfanter des Galilée et des Newton entre le 16e et le 18e siècle (alors qu'il était si brillant autrefois, avant que les empereurs ne posent une chape de plomb et des frontières sur leur territoire et sa vie). Il s'est refermé sur lui-même et cela a affirmé son déclin.
Le métissage que j'adore aussi, en arts plastiques par exemple et sans être le fin connaisseur que tu es, c'est de voir comment l'art contemporain par exemple se nourrit parfois de façon extraordinaire des arts premiers de toute la planète.
Enfin on sait que mélanger son sang est la seule façon de survivre. Non?
Moi qui ai été élevé à la rock-music, j'ai saisi très tôt qu'elle était le fruit par excellence des métissages de musique classique, de country, de blues et de jazz. Mon idole à l'époque était Ray Charles, parfaite figure du métissage musical.
En plus, mon fils vient de tomber amoureux d'une adorable chinoise et je pourrais dire avec un clin d'oeil à Jacques Cordonnier que c'est peut-être parce que les canons alsaciens que Jacques défend ne sont tout simplement pas les siens aujourd'hui!...
J'exagère, tu crois?
Très pertinent Patrick et très illustratif
Mais surtout cette question identitaire : condamnation du "métissage" , donc célébration de la pureté de la race...tu vois où ça conduit!
Et en art ce serait la condamnation de l'art dégénéré : "entartete Kunst", et proclamation de l'art officiel comme en 1937 à Munich...
le nazisme c'était la supériorité d'une race sur les autres!
Ce nationalisme permettait de n'avoir aucun respect pour la différence!
Les Alliés ont combattu cette forme de nationalisme et l'ont vaincu, mais ils ne l'ont pas vaincu pour l'entretien d'autres formes de nationalisme où par exemple une seule culture nationale, officielle, bénéficierait d'une sorte de "permission" de n'avoir aucun ou peu de respect pour les autres, différentes, mais de la nation ou de l'Etat.
Les bases de ces tares sont les mêmes : pratiques de supériorités, et le centralisme. (il y en a certainement d'autres)
Pour ce qui concerne le "métissage", c'est un point de liberté : il faut permettre, mais pas n'importe quoi!
C'est comme pour tout, si cela ne correspond plus à certains équilibres, et donc respects, il n'est plus construit, mais déconstruit : ce qui va à l'encontre des héritages culturels que vous souhaitez faire vivre.
Je pense donc qu'il faut toujours rester vigilant, et cela sur les deux côtés de la "médaille" car tous les peuples, ou les personnes originaires d'autres peuples, sont tous pareils et par conséquent il ne faut pas oublier les équilibres à respecter, et encore moins les leçons de l'Histoire puisque les populations originaires du peuple français se sont aussi fait rejeter par d'autres qui n'avaient plus voulu souffrir de certains déséquilibres. (sur ce plan l'Angleterre à fait mieux que la France)
Un bol d'air dans une campagne peu passionnante !
Je tenais juste à vous inviter à venir à BLANCHERUPT, le plus petit village d'Alsace, pour y (re)découvrir ce que peut-être une politique culturelle locale. Mais certainement avez-vous eu vent de la première édition de la biennale d'art contemporain.
Si vous opposez la "pureté" de la race, idée qui ne veut rien dire, à "la culture métissée", vous vous donnez le beau rôle et vous réduisez, facilement, vos contradicteurs au néant.
Personne, dans ce débat, ne se réclame d'une quelconque pureté et contrairement à ce que vous insinuez malicieusement l'antonyme de "pureté" n'est pas le "métissage". Si le métissage culturel doit être le résultat d'un métissage "racial" comme le disent certain de vos correspondants que vous approuvez, vous tombez dans le pièges dont vous croyiez vous échapper et vous mélangez "race" et "culture" (le fond de tous les racismes).
La culture, même métissée, est rigoureusement indépendante du mélangisme que célèbre notre époque. Par exemple le goût pour les faïences chinoises ou japonaises si fort au XVIII siècle s'est imposé sans qu'il soit nécessaire d'avoir en Alsace ou ailleurs en Europe la moindre présence chinoise ou japonaise. Et pourtant pour les arts du feu ce fut un véritable engouement (comme le montre l'exposition Hans Haug), et même au delà de la faïencerie jusqu'à des exemples architecturaux comme le montre le pavillon chinois du château de Rohan (à Saverne), cette "folie" érigée en pleine époque des Lumiéres. De même pour la musique rock, si elle est le fruit d'un métissage culturel (thèse controversée) je ne sache pas qu'à la fin des années cinquante, lorsqu'elle est arrivée en France, elle ait eu besoin de s'appuyer sur des populations noires, vu que celles ci étaient quasiment inexistantes sur le sol français. Quant au mélange des sangs pour régénérer la "race"... c'est une idée dont je laisse volontiers la paternité à Patrick et à Gobineau !
A contrario qu'est ce qu'apporte la présence des arabo-musulmans en terme de culture (pour prendre un exemple qui court, en sous-entendu, tout au long de votre propos) ? Bien peu de choses à dire vrai. Je sais c'est iconoclaste de dire cela, mais enfin, il faut raison garder. Un peu de calligraphie, de musique arabo-andalouse, de cuisine, un renouvellement mineur de la danse (le hip hop). Peu de choses en fait en dehors du rap (d'origine américaine), n'en déplaise à ces thuriféraires, et des choses qui pour la plupart était là bien avant eux... Même leur mosquées sont d'un classicisme architectural qui les fait ressembler à n'importe quel bâtiment publique. Car c'est une des données de la mondialisation que des éléments de métissage nous arrivent maintenant de partout sans qu'il soit besoin d'aller chercher des hommes pour les porter jusqu'à nous . Sans parler de la formation de ces hommes dont la plupart sont ignorants de la grandeur de leur tradition.
Quant à "l'art dégénéré" que vous allez jusqu'à citer, si une partie de l'art des années trente a pu être qualifié d'art dégénéré (quelle bêtise) ce n'est pas en raison d'un métissage purement imaginaire à l'époque (voir par exemple en Otto Dix un apôtre du métissage serait un contre sens total, lui qui inscrivait sa peinture dans la continuité des grands courants de l'art germanique). La volonté d'inscrire le métissage (dans les deux sens du terme) dans l'horizon indépassable du siècle à venir fait dire beaucoup d'âneries.
Le Métis serait-il devenu l'Aryen du XXI siècle ?
Pour ce qui concerne l'art contemporain il me faut relever l'initiative qu'avait prise Gilbert Estève à Selestat.
@Pierre.B
En vous lisant j'allais vous répondre: "mais qu'avez vous donc contre le mot métissage"? Qu'est ce qui vous fait peur? Pourquoi tant de développements autour de ce mot que j'ai utilisé dans le but précis de dire que la culture en Alsace ne doit pas se résumer à la culture alsacoalsacienne, mais qu'il y a d'autres formes d'expressions artistiques qui naissent chez nous s'expriment et ont droit de cité. Bref je me suis assez expliqué sur ce sujet et on peut toujours chercher querelle...
Mais en poursuivant ma lecture j'ai mieux compris, et vous nous livrez la clé. Alors que personne n'a évoqué une population particulière, en tous les cas pas moi (je reste dans le domaine de l'expression culturelle sous toutes ses formes)...Alors que personne ne l'a même sous entendu voila que vous écrivez: "A contrario qu'est ce qu'apporte la présence des arabo-musulmans en terme de culture (pour prendre un exemple qui court, en sous-entendu, tout au long de votre propos) ? Bien peu de choses à dire vrai. Je sais c'est iconoclaste de dire cela, mais enfin, il faut raison garder.
C'est donc cela votre moteur, c'est pour cela que vous êtes parti en guerre contre le mot "métissage" .
Vous êtes donc complètement hors sujet et je vous laisse à vos appréciations sur "la présence des arabo musulmans"
Marrant ces sous-entendus qui courent dans la plupart des commentaires sur ce billet et les précédents. Cher Robert, quand le dénommé Oracle67 parle lui aussi de l'influence arabe ou de sujets ethniques ou religieux, vous ne réagissez pas pareil.
A la relecture du texte de Cordonnier, à la relecture de vos commentaires et ceux des autres participants, je crains que de façon subliminale, c'est vous et certains commentateurs qui avez sauté sur sujet du métissage ethnique. Cordonnier parle du "métissage culturel" qu'il n'aime visiblement pas mais pas pour ce que vous sous-entendez ou que d'autres sous-entendent. Il ne l'aime pas car avant de vouloir "métisser la culture" (expression que je déteste) il faut déjà connaître sa propre culture. Je prends un exemple amusant, le disque "Mozart l'égyptien", du métissage musical ridicule, alors que les gens de connaissent souvent pas grand chose à Mozart et rien du tout de la musique arabe.
Cordonnier a bien écrit ceci : "Aujourd’hui le métissage culturel est vanté, alors qu’on ne connaît même plus nos bases régionales et européennes."
Du coup, vous commentez : "Non nos bases ont toujours été ouvertes sous la contrainte ou de manière volontaire : guerre des gaules, de trente ans, invasions multiples, accueil d’allemands, d’autrichiens, d’italiens, de polonais, de portugais et j’en passe, l’histoire a fait des la terre d’Alsace une terre de mélange. Je prétends que le métissage est enrichissant. Qui peut se vanter d’être « pur » ?
CQFD !
Cela dit je rajoute une chose qui n'a rien à voir. Dans cette campagne que j'estime navrante pour le débat d'idées (puisque tout le monde a grosso modo les mêmes et est d'accord sur tout), vous avez été le seul à utiliser le média web pour lancer un sujet de discussion. Ce que Bigot, Richert and co ont été incapables. Là aussi, il faudrait lancer une discussion sur ce sujet, d'autant plus que la fausse liste Geek 2010 (composée de gens de la communication de du numérique) a lancé un questionnaire sur l'usage du web auprès des têtes de liste et que Richert et Cordonnier ont répondu pour l'heure. Mais aucun n'a su lancer un vrai espace virtuel de débat !