Votre interpellation des têtes de liste aux Régionales m’incite à répondre à quelques-unes de vos remarques mais surtout à préciser comment j’aborde la question culturelle, qui, il faut bien le constater, n’est pas la première des préoccupations des candidats aux Elections Régionales et c’est une faute ! C’est un sujet qui me passionne car il est révélateur de la manière dont nous sommes gouvernés.

Nous sommes d’accord avec cette introduction !

Je viens d’emblée buter sur la notion même de « culturel » que vous semblez défendre, avec toute la fougue que nous vous connaissons. La culture s’est soi-disant répandue dans toutes les couches de la population  hélas nonet beaucoup s’en réjouissent. Pas moi, car cette omniprésence de la culture fait que désormais tout est appelé culturel, même la moindre oeuvrette sans intérêt au détriment de l’art.

Voilà que s’ouvre le malentendu et que nous divergeons. Vous opposez culture et art. Qu’est ce que l’art ? Qu’est ce que la culture ? J’y répondrai dans mon prochain texte

Ainsi, la culture en se diffusant massivement connaît une dilution grave de son sens même, celui que notre cher André Malraux appelait « une longue interrogation ».

Selon vous il faudrait réserver la culture à l’élite et ne pas démocratiser, ce que vous appelez « diluer »

Car l’art n’est pas de la communication, (certes) pas un élément de masse mais reste bien un long apprentissage, une lente maturation que les politiques culturelles actuelles ne permettent pas car trop pressées par l’effet médiatique, l’effet démagogique, le tout divertissement.

Peut-être vous trompez vous sur la nature et les effets des « politiques culturelles actuelles »

L’objectif quantitatif qui est au coeur de l’ambition démocratique en sa transposition culturelle, fait partout le lit de l’argent, par le biais de la publicité, des taux d’audience et des lois du marché.

Je ne vois pas ce que vous sous entendez ou plutôt vous vous trompez de cible. Oui l’audimat doit être exclu du champ culturel et là où il règne on est dans le spectacle le divertissement, certainement pas dans la culture.

Vous associez d’emblée "culture" et "emploi". Cela m’étonne, car avant d’être une industrie, un commerce et un réservoir d’emplois, la culture est avant tout apprentissage, travail personnel long et persévérant, pour acquérir les bases intellectuelles, les connaissances, pour établir les ponts nécessaires entre les arts ;

Ceux qui travaillent professionnellement dans la culture répondent, bien entendu, aux critères que vous évoquez. De qui parlons nous : des comédiens, des metteurs en scène, des musiciens des Orchestres professionnels, des preneurs de sons, des techniciens du spectacle, des conservateurs de musées, des gardiens etc etc la liste serait longue à énumérer de manière complète de ceux qui « travaillent »  dans la culture ….

bref, l’art est élitiste, voilà qui va à contre-courant des politiques actuelles. L’argent n’a grand-chose à voir avec cela.

Il faut faire vivre la culture donc il faut « de l’argent » mais nous sommes là au cœur de notre mésentente. L’art réservé à une élite voilà qui est insupportable pour un élu!

Il est tout à fait évident que le terme de « culture » est apparu au moment où la politique artistique commençait sa lente dissolution, où la connaissance disparaissait au profit du non approfondissement, où l’école préférait citer des articles de journal plutôt que citer Stendhal, Hölderlin et d’enseigner qui était Maitre Eckhart ou Jean Tauler !

Partout de la « Culture », nulle part de l’Art.

Je ne puis adhérer à cette opposition « culture-art » L’art est un pan de la culture. Par ailleurs je ne vous entends jamais dire « art d’aujourd’hui, culture vivante » Vous donnez le sentiment que tout s’arrête au 19 ième siècle et à la grande rigueur au début du 20 ième

Quel fâcheux paradoxe et vous savez comme moi, M. Grossmann, que nous préparons depuis des années des générations d’incultes, d’illettrés, qui ne sauront pas vibrer aux livres, aux musiques, œuvres plastiques car les politiques ne donnent plus les moyens à la transmission de l’apprentissage long mais si fabuleux, de l’art. Le règne de l’argent, de la consommation, du spectacle à tout va balaye chaque jour la littérature, les humanités, la peinture.

Le rôle de l’école et des parents est sur ce plan primordial et tout ne va pas pour le mieux dans ces deux domaines. C’est aussi pourquoi les élus doivent s’assigner pour mission de permettre à tous (si possible) de vibrer…)

Les dirigeants politiques sont en grande partie responsables, qu’ils soient de droite ou de gauche. Partout l’hyperdémocratie doit régner avec son refus de la hiérarchie, alors que la culture est hiérarchie. Tous les médias se gargarisent quand tel festival fait du chiffre, quant telle exposition rameute les foules alors que l’on sait parfaitement qu’un faible pourcentage des amateurs peut apprécier pleinement ces spectacles et ces œuvres. Mais les politiques ont voulu cela, à coup de subventions inconsidérées, aidés par les médias complaisants, faisant de la culture une industrie de masse, un passe-temps.

Seriez vous pour une « infradémocratie » ? une démocratie à deux vitesses, réservée à l’élite et délaissant les plus démunis (intellectuellement) ?

Pour faire un mauvais mot : mieux vaut la culture comme passe temps que les feux de voitures ou les vols à la tire

Du coup, se révèle une conception tout à fait nouvelle de la culture qui devient un vecteur de « lien social », un outil d’intégration, absolument factice puisqu’on tente désormais de pratiquer une politique culturelle ouvertes à tous les vents, abaissant les niveaux (un peu comme à l’école où 80% des lycées obtiennent le baccalauréat). Les subventions sont saupoudrées, données à n’importe quel pseudo créateur ou pseudo événement ( des noms ce serait intéressant…) alors que des vrais critères artistiques devraient prévaloir dans l’obtention de subventions. Qui définirait les VRAIS critères ???? le politique élitaire ? Aujourd’hui le métissage culturel est vanté, alors qu’on ne connaît même plus nos bases régionales et européennes.

C’est quoi nos bases ? La Fisher Kapell, la choucroute, et, pour ne pas caricaturer, la vénération de notre riche passé autour de la cathédrale ?

Certes et j’en suis adepte moi aussi…

Non nos bases ont toujours été ouvertes sous la contrainte ou de manière volontaire : guerre des gaules, de trente ans, invasions multiples, accueil d’allemands, d’autrichiens, d’italiens, de polonais, de portugais et j’en passe, l’histoire a fait des la terre d’Alsace une terre de mélange. Je prétends que le métissage est enrichissant. Qui peut se vanter d’être « pur » ?

http://www.natureculture.org/wiki/index.php?title=Métissage

 

Tout soutien financier ne peut être donné à n’importe quel événement, des choix artistiques clairs et sérieux doivent être pris.

Par qui ? Toujours par le politique élitaire et autoproclamé « sachant » ?

Alors que notre politique culturelle et éducative française cherchait par tous les moyens à détruire nos fondations artistiques, Ah bon ???  il a fallu encore pour plus de ruine, accorder des privilèges à des nouvelles formes d’ « art » pour que l’on soit bien certains que le niveau s’abaisse encore plus brutalement. Je pense au rap par exemple, au graffiti etc…Il y a des paroles de rap d’une grande poésie et des graf hautement artistiquesDésormais un morceau violent de rap de tel groupe de banlieue strasbourgeoise ou un titre idiot de Diam’s est plus volontiers célébré que tel poème symphonique de Richard Strauss ou telle pièce de Messiaen…. Oui pour exclure l’appel à la violence de certains rappeurs mais le rap n’est pas fatalement exclusif de Messiaen

L’UMP, les Verts et le PS préfèrent sans doute les strass et les paillettes, la démagogie et l’abaissement de l’art au profit du tout culturel, synonyme d’animation, de divertissement et de manière simplette d’occuper son temps, alors que l’art est l’usage du temps avec soin !

Hélas ça c’est purement gratuit, dommage

La déculturation est en marche, à nous d’essayer de la freiner au niveau régional.

Comme l’écrit Höderlin, « Là où est le danger croît aussi ce qui sauve ».

Eh oui ouvrez les yeux la culture fait preuve d’un formidable dynamisme

En Alsace, retrouvons nos racines culturelles et bâtissons l’avenir solidement.

Les valeurs que l’art diffuse sont vivantes. A chaque instant, le Retable d’Issenheim palpite encore depuis sa création au XVIe siècle par Matthias Grünewald. A chaque minute, les œuvres de Hans Arp et je pense par exemple aux salles de l’Aubette, conçues en collaboration avec Sophie Taueber et Théo van Doesburg nous font vibrer. A chaque lecture, les textes de Goethe nous parlent et nous transportent car lui et tant d’autres écrivains ont traversé l’Alsace et l’ont célébrée. C’est par exemple Maurice Barrès, à qui une plaque est consacrée au Mont St Odile. C’est aussi Voltaire qui est passé par nos villes et nos campagnes.

Rien à dire sinon un plein accord et de plus vous l’écrivez bien

Vous parlez d’une grande campagne autour de l’Alsace romantique, bravo ! Effectivement cela permettrait de procurer du travail aux artisans, aux tailleurs de pierre, détenteurs d’un savoir rare. Là aussi les passerelles avec d’autres formes d’art pourraient se faire, tant il existe de textes nombreux de nos voisins allemands, inventeurs du romantisme, avec Novalis. Des musiciens pourraient être joués, eux qui ont chanté les châteaux forts et les ruines, comme Schumann dans certains de ses lieder et ces concerts pourraient illustrer de tels événements dans notre région. J’évoquerai là aussi le poids du bilinguisme dans la culture.

Oui…

Ce ne sont pas des Etats généraux de la culture qu’il faudrait en Alsace – on a vu l’échec ridicule d’une telle initiative à Strasbourg récemment - mais des hommes et des femmes politiques concernés et pas seulement par un énième mandat à accumuler !

Il faut que tous les acteurs de la vie culturelle se sentent concernés, il faut les écouter et travailler avec eux dans la durée. Il ne s’agit pas d’un coup médiatique unique sans volonté d’agir

Il faudrait aussi supprimer le clientélisme, sport préféré des socialistes dans le domaine culturel.

On ne peut qu’être d’accord

Bien sûr que l’Alsace dispose d’atouts formidables ! Pourquoi ne pas se rapprocher de ce qui se fait chez nos voisins, dans un grand projet rhénan, qui faciliterait les collaborations avec les musées Suisses et Allemands, les grandes institutions culturelles ? Le Museum Pass invite à découvrir la culture de nos cousins germains et suisses, allons-y !

Les festivals de qualité se développent en Alsace, du festival de jazz à Mulhouse à Musica à Strasbourg, du festival « Dans la vallée » à St Marie aux Mines au festival de musique de Colmar. Il faudrait nouer des liens plus puissants entre eux, pour pouvoir rayonner plus largement.

Pourquoi pas un grand festival de jazz en été, au Jardin des Deux Rives à Strasbourg comme cela se fait à Juan les Pins ou à Montreux ? Pourquoi n’existe t-il pas de vraie politique régionale concernant l’art contemporain, comme cela se fait à Lyon ? Pourquoi un festival comme l’Ososphère de la Laiterie de Strasbourg n’est pas plus soutenu pour en faire une manifestation plus solide encore et élargie, comme le festival Les Nuits sonores de Lyon ? Pourquoi l’Alsace ne reconnaît pas plus ses créateurs contemporains, tant il existe des talents valables dans la peinture par exemple ?

En tout cela n’êtes vous pas en contradiction nette avec les proclamations de votre première partie ? Musica, Ososphère, Jazz d’or, sont de ces initiatives heureusement soutenues et très contemporaines. Qui nécessitent aussi beaucoup d’emplois culturels… alors ?

Enfin, je finirais sur une proposition. Cette semaine, la France vient d’acquérir les manuscrits de Giacomo Casanova, grand européen devant l’Eternel et qui est aussi passé par l’Alsace comme beaucoup de grands esprits européens du XVIIe. La BNF à Paris préparera une exposition de ces textes. Pourquoi, après cela ne pas aussi faire cette exposition en Alsace ? Voilà un formidable écrivain qui réunirait tous les amoureux de l’art et de la littérature ! Car comme l’écrivait justement Casanova : « L’homme qui se défend de penser n’apprends jamais rien ».

Bonne idée et belle citation!

Il est donc temps pour notre région si riche intellectuellement de penser l’art et la culture mais une culture solide, une culture enracinée au cœur de l’Europe et pas une culture du n’importe quoi et du divertissement. En bref, retrouver le sens et le goût de l’effort de l’art plutôt que la consommation passive. Ainsi, en Alsace, ce sera le mot Art qui prendra une capitale !

Votre texte est bien écrit, très littéraire et très documenté. Je vous ai fait me commentaires et je diverge assez sensiblement sur le fond.

Encore faudrait-il clarifier le sens des mots (art, culture etc)

Je vois toutefois une contradiction flagrante entre certaines de vos affirmations générales et des exemples que vous citez vers la fin de votre texte. A titre d’exemple Ososphère est loin d’être élitiste, ni d’autres festivals