Stéphane, un fervent de culture, vient d’attirer mon attention sur un article de la provence.com

 http://www.laprovence.com/article/region/la-memoire-de-rene-char-repose-dans-un-garde-meubles

On expulse la mémoire, les objets et les documents d’un des plus importants poètes-résistants du XXième siècle, René Char, celui dont Camus disait. « Je tiens René Char pour notre plus grand poète vivant [...] Sans l'avoir voulu, et seulement pour n'avoir rien refusé de son temps, Char fait plus alors que nous exprimer : il est aussi le poète de nos lendemains. »

 Son nom est indissolublement lié à l’Île sur Sorgue, son pays. Or voici comment le journaliste Axel Plessier entame son papier :

« La Maison René Char n'est plus. Une partie de la "mémoire" du poète, qui "habitait" depuis 2003 l'hôtel Donadei de Campredon et qui drainait 15 000 visiteurs par an, repose depuis hier dans un garde-meubles de Cavaillon . »

C’est un désaccord entre le maire et la veuve du poète qui est à l’origine de la relégation puis finalement « l’évacuation » du poète du lieu qu’il avait choisi.

 Il n’a cessé de m’inspirer etcombien de fois, pour me ressourcer, me suis je plongé dans René Char pour qui poésie et action ne se départaient pas. Combien de fois ai je cité publiquement ces vers qui sont pour moi des viatiques :

« Le doute se trouve à l'origine de toute grandeur"

 "Ce qui vient au monde pour ne rien troubler ne mérite ni égards ni patience."

 "C'est l'enthousiasme qui soulève le poids des années. C'est la supercherie qui relate la fatigue du siècle."

 Pour toutes ces raisons je ressens douloureusement cet épisode de la vie outre tombe de René Char.

 Mais voici qu’Axel Plessier conclut son article : « Sa veuve envisage de prêter des œuvres à deux bibliothèques à Paris et d'en exposer en Alsace où Char fut mobilisé en 1940 dans la forêt de la Petite-Pierre, où existe un sentier "tracé" par ses vers... »

J’implore le conseil général, le conseil régional et la commune de La Petite Pierre de se mobiliser, de prendre les contacts nécessaires et de faire en sorte qu’une partie de l’âme du poète vive en Alsace. Dans sa maison de L’Île sur Sorgue il avait fait inscrire en grand ce vers : « Un poète doit laisser des traces de son passage »

Recueillons à La Petite Pierre des traces de celui qui avait dédié ce poème « au lac du Donnebach »

LES PARAGES D'ALSACE

Je t'ai montré La Petite Pierre, la dot de sa forêt, le ciel qui naît aux branches,
L'ampleur de ses oiseaux chasseurs d'autres oiseaux,
Le pollen deux fois vivant sous la flambée des fleurs,
Une tour qu'on hisse au loin comme la toile du corsaire,
Le lac redevenu le berceau du moulin, le sommeil d'un enfant.

Là où m'oppressa ma ceinture de neige,
Sous l'auvent d'un rocher moucheté de corbeaux,
J'ai laissé le besoin d'hiver.
Nous nous aimons aujourd'hui sans au-delà et sans lignée,
Ardents ou effacés, différents mais ensemble,
Nous détournant des étoiles dont la nature est de voler sans parvenir.

Le navire fait route vers la haute mer végétale.
Tous feux éteints il nous prend à son bord.
Nous étions levés dès avant l'aube dans sa mémoire.
Il abrita nos enfances, lesta notre âge d'or,
L'appelé, l'hôte itinérant, tant que nous croyons à sa vérité.                   René CHAR « Le Nu Perdu