"Carole, tu as bien voulu me demander de parler de Daniel, permets moi de parler à Daniel…

 Daniel, je n’y croyais pas, à ta disparition.

Certes on m’avait parlé de ton mal, ce mal si insidieusement faufilé partout aujourd’hui, mais dont on veut croire qu’il n’est pas toujours fatal.

Et il se trouve qu’à mes yeux ta vitalité a toujours été telle, ces derniers mois, que je niais ton mal chaque fois que je te rencontrais.

Mais, comme beaucoup de tes amis, je ne connaissais pas tout, tant, ton courage et ta pudeur savaient dissimuler ta lutte aux autres.   Cela faisait partie de ta grandeur.

Daniel, nous n’étions pas d’accord sur bien des choses, et pourtant j’ai l’impression que nous étions d’accord sur l’essentiel :

la nécessité du débat,

la recherche de vérité,

l’humanisme.

Des débats il y en eut entre nous et tu aimais cela autant que moi…et tu ne sais pas combien ça va nous manquer à tous…tant les agitateurs d’idées sont rares.
Notre dernière rencontre a eu lieu en une de ces circonstances que tu aimais tant, dans un endroit que tu affectionnais.

C’était il y a quelques semaines, Chez Yvonne, autour de Jean d’Ormesson.

Tu y as été, comme à ton habitude, le brillant interlocuteur du grand écrivain.

Tu étais érudit, flamboyant, convainquant.

Daniel ton univers si dense, si riche, si multiple était marqué par deux lignes intangibles qui, contrairement aux parallèles, se rejoignaient en toi.

Les livres et la culture, Strasbourg et l’Europe.

Les livres, tu les aimais voluptueusement, tu les dévorais avec la délicatesse du fin gourmet des lettres.

Tu les assimilais et tu en faisais l’exégèse en les transmettant aux autres.

Tu écrivais… c’est banal de le dire d’un journaliste, mais tu avais une plume, ce qui est finalement rare. Tu possédais le génie de la langue. Tu étais un authentique rhéteur.

L’Europe et Strasbourg !

Comme moi tu étais un fou de Strasbourg. Nous sommes quelques uns à aimer cette ville à la folie.

Avec Strasbourg, ton autre ligne de passion était l’Europe. Et tu militais avec ferveur pour cette Europe que tu appelais sans cesse à exister plus fortement.

Daniel je pourrais te rappeler ici nos premières rencontres que tu évoquais avec cet humour irrésistible et corrosif qui était aussi ta marque.

Et chaque fois nous en riions ensemble, même si parfois tu me faisais rire jaune.

Je pourrais te parler de Jean Louis que tu es allé rejoindre, de Pierre Pflimlin qui t’a tant marqué et que tu retrouves aussi.

Mais, tout cela tu le sais, et tu l’emportes avec toi, tout en nous le léguant.

Nous relirons avec ferveur tes textes et tes blogs avec leurs analyses passionnées, pertinentes et toujours marquées par cette honnêteté dont tu ne te départissais jamais.

Nous les relirons parce que sur tant de points tu as été visionnaire.

Nous les relirons en sachant que tu nous observes, de là où tu es désormais, avec ton regard profond et ton sourire malicieux, enluminés d’une clarté particulière.

Daniel tu ne quitteras jamais nos mémoires.

Tu fais partie de notre Panthéon.

 Mes pensées vont à Carole, si précieuse pour toi, à ses enfants, à ceux qui t’aiment, à ceux que tu as aimé et qui sont aujourd’hui dans une peine absolue.

 Salut Daniel !"