Chère Anne, 

On a l’habitude en ce genre de circonstances de dire des mo1

ts classiques et convenus consistant à évoquer son émotion.

Eh bien chère Anne, je vais sacrifier à cette tradition en te le disant sincèrement : je suis ému, réellement ému et j’ai du mal à maîtriser complètement les sentiments qui m’habitent en ce moment. 

Et pourquoi donc?

Pour plusieurs raisons que je vais tenter d’ordonner clairement:

D’abord parce qu’aujourd’hui nous vivons ensemble un grand moment, un moment rare, un moment exceptionnel qui est placé sous le signe de la République, la République qui tient à distinguer et à honorer l’une de ses citoyennes les plus méritantes.

Ensuite parce que tu as bien voulu me choisir pour procéder à la remise de cette éminente distinction: l’ordre national du mérite dans lequel tu entres très officiellement. Il s’agit là, pour moi, d’un grand honneur.

Les autres raisons découlent de celle là. Elles peuvent être résumées assez simplement parce qu’elles procèdent d’un constat qui est que le destin m’a placé sur ta route à plusieurs étapes importantes de ton existence. 

Mais, allons à l’essentiel et évoquons les raisons de notre présence aujourd’hui, autour de toi, chère Anne.  Evoquons les raisons qui sont à l’origine de ton éminente distinction et qui souligne que tes mérites sont aujourd’huireconnus de manière publique et officielle.

Je crois pouvoir dire que tout procède avant tout de ta personnalité, de ce que tu es. 

Tu es avant tout une femme de coeur dont la générosité est la marque originelle. Lorsqu’on se penche sur ta carrière on ne peut manquer d’être frappé par cette constante: le dévouement aux autres et le service de l'intérêt général

Tu es aussi une femme de conviction et le fait que tu soies aujourd’hui citée dans l’ordre national du mérite et que tu soies ainsi mise en lumière est un événement important pour toi et pour ceux qui t'aiment. 

Il est aussi un événement qui a valeur pédagogique pour tous nos concitoyens parce que tu deviens ainsi plus encore qu’hier un exemple et nous avons besoin d’exemples dans notre société.

 

Tes mérites que tu t’es forgés exclusivement à la force de ta volonté et de ton intelligence sont ainsi signalés à tous et ils sont destinés à inspirer les plus jeunes tout comme d’ailleurs les moins jeunes.

Quelques faits marquants caractérisent ton parcours.

.

Commençons par dire haut et bien fort: qu’à l’instar de Nicolas Sarkozy, tu es issue de l'immigration. Et c’est déjà tout un programme pour ne pas dire un mot d’ordre: une fois de plus tu illustres le fait qu’en France tous sont destinés à réussir pourvu qu’ils le veuillent et s’en donnent les moyens

Tes origines se situent dans ce grand pays à l’histoire si dense et si riche qu’est la Pologne. 

Ton père était officier de l’armée polonaise et à rejoint la France en des circonstances historiques difficiles. Il entra à Saint Cyr, à Qoet Quidan et là, en marge du métier des armes, il eut la bonne idée de rencontrer ta mère.

J’imagine bien évidemment une belle et grande histoire d’amour mais je sais aussi qu’en dehors de l’amour il y eut des signes et des styles contrastés: 

lui officier, donc fatalement adepte de l’ordre et de la discipline, première force des armées. Elle, syndicaliste et contestataire au point d’en être révolutionnaire, puisqu'elle gambada sur les barricades de mai 68.

Que pouvait-il advenir d’une telle union? Une femme généreuse à la fibre sociale hypertrophiée, une vraie femme d’action engagée et un mari officier et plutôt jugulaire jugulaire... Que pouvait-il advenir sinon des fruits remarquables et notamment deux superbes filles dont Anne au tempérament de feu.!!!

Anne voici qu’à ce stade déjà de mon panégyrique je me surprend à vouloir te chanter les première paroles de cette superbe chanson de Serge Lama :“Mon ardente ma Polonaise” ...honni soit qui mal y pense cher Klaus.

Mais, nous y reviendrons, à l’ardeur!

Donc tu viens illuminer le foyer militairo-syndicaliste tourquennois. Tu passes ton enfance dans cette ville frontalière et riveraine de la Belgique où tu fréquentes le lycée catholique que tu appelles familièrement le bahut à bonnes soeurs, - bonnes soeurs à qui, je le suppose, tu ne rends pas forcément la vie facile vu ton ardeur -, puis tu passes un BTS en langues et en commerce en Belgique.

Voici donc le premier signe important de ce qui va marquer ton existence: le passage de la frontière et la découverte de l’Europe au quotidien. 

Là, toute jeune et pétulante, tu te découvres pleinement européenne. 

Tu passes avec succès - il est presque injurieux de le signaler - ...le concours d’entrée au Fonds Européen du Développement, à Bruxelles. 

Et alors là, en matière de développement ta vie s’enrichit de manière considérable. L’Europe bien sur qui prend dès lors une signification économique concrète et qui marque ta vie. 

Mais pas seulement!

Tu rejoins les services de l’assemblée parlementaire de l’OTAN, Atlantique Nord, et tu oeuvres dans les services dirigés par un jeune cadre brillant, aux innombrables qualités et compétences dont la moindre n’est pas le côté don-Juan-flegmatique qui séduit sans avoir l’air d’y toucher mais, qui, avec cette méthode originale et donc efficace, fait tourner la tête de tout un aréopage de superbes jeunes filles en fleur qui travaillent avec lui et dont tu fais partie. Tu n’échappes pas à ce tournis et tu deviens rapidement très très amoureuse avec ce trait qui caractérise ta si attachante personnalité : tu prends goût à la compétition et tu veux gagner! 

Il faut donc surpasser les autres. Il faut croire que tu y réussis en déployant tous tes talents, et tes armes sont nombreuses et infaillibles. 

Je ne veux parler que de ce regard irrésistible, ce sourire infaillible, cette voix grave et enjôleuse qui ne trahit jamais ses convictions et...un charme implacable. Alors saches, Anne que j’ai pesé mes mots et le dictionnaire me dit qu’implacable signifie : “d’une violence furieuse; dont l’action est irrésistible; à quoi l’on ne peut se soustraire” 

Ah! Mon ardente ma polonaise!

Bref, Klaus tombe bien volontiers dans tes rets, vous formez un couple parfait et tu suis Klaus. Je me demande d’ailleurs si Klaus n’est pas le seul être que tu aies jamais suivi, toi qui as si souvent l’habitude de donner le ton et d’être chef de file!

Tu le suis notamment lors de sa mutation à Strasbourg qui deviendra votre port d’attache.

Bon... la vérité historique voudrait que je raconte que tu ne l’as pas suivi immédiatement et que tu as ainsi expérimenté les trajets de Bruxelles à Strasbourg puisque Klaus te voulait auprès de lui ...le week end et qu’ainsi tu as pu juger de la qualité des communications entre les deux villes européennes.

Nous sommes en 1973 et tu as 25 ans. Et alors là tu prends une fois de plus les choses en main. L’année suivante tu es pleinement Strasbourgeoise et tu décides d’aller devant monsieur le maire. Klaus te suit!

Le 14 septembre 1974, il y a 38 ans tu épouses officiellement Klaus et, à cette occasion tu te trouves confrontée à l’autre homme de ta vie puisque celui qui va sceller ce mariage ne fut autre que ton serviteur. Et tu ne vas pas manquer de lui en servir!!!  

Oui, cher Klaus, oui chère Anne, notre première rencontre date de cette belle occasion où je peux me vanter d’avoir bien ficelé les choses puisqu’il faut le proclamer urbi et orbi, ce mariage fut réussi et il reste une réussite. 

Sérieuse et combative tu reprends alors tes études et tu réussis un diplôme de documentation à l’IUT, toi qui caressais le rêve de devenir journaliste. Mon dieu! Je pense que ça aurait déménagé dans les rédactions. 

Nous y avons perdu mais ils y ont gagné.

Mais bien évidemment ton autre rêve bien plus fort encore fut de fonder une famille et avec Klaus, tu offres à la France deux magnifiques joyaux: Alexandra et Ariane.

Après cet événement tu te voues à ta famille et en même temps tu te consacres au bénévolat.

Mais ta riche personnalité, ta vitalité et ton énergie ont besoin d’autres objectifs et il me faut maintenant évoquer les points d’ancrage qui ont structuré ton parcours.

Il y a donc certes l’Europe, essentielle et centrale; mais avant, tout de même, il y a Dieu. 

Tu es croyante et tu as la foi militante c’est une de tes fiertés.

La foi catholique a longtemps été mariée politiquement au MRP que tu n’as jamais vraiment pu rejoindre compte tenu de ta jeunesse. Mais tu as toujours été centriste. 

Une centriste de combat et là nous décelons sûrement une trace des gènes maternels. 

Militante CFDT sans concession ta maman suscitait ton admiration et tu l’as rejointe dans ses combats à l’action catholique N.D. de la Consolation à Tourcoing et aussi au sein des mouvements centristes. D’ailleurs ton officier de père était tout aussi centriste, et il l’est par fidélité à André Diligent à qui il doit d’avoir pu acquérir la nationalité française et de rester dans ce pays qui fut et qui restera désormais le sien

Papa centriste, - maman hypercentriste, - Anne centriste, c. q. f. d.

Donc Anne, “mon ardente ma polonaise” se lance à son tour et milite en participant à la création du Centre d’Information Féminin, mouvement féministe raisonnable mais qui démontre aussi quel fut l’efficacité de l’entrisme centriste en ces temps là.

Anne a toujours besoin de se dépenser et sa générosité sociale ne se satisfait pas du seul militantisme féministe.

Elle sacrifie à une autre passion de sa vie: le livre et la lecture et elle s’engage donc dans l’association “bibliothèque pour tous” à la Robertsau, aux cotés de l’emblématique Mme Fischer.

Faisons le point: la foi catholique, l’Europe, la famille, le bénévolat social, l’engagement associatif, on pourrait penser que ce sont là les ingrédients du centrisme et du mouvement centriste qu’Anne Schumann se propose maintenant de rejoindre officiellement, je veux dire que dans un acte de foi total Anne décide de s'encarter et de payer sa cotisation au CDS.

Alors là nous apprenons l’une des grandes spécificités du centrisme strasbourgeois et alsacien. 

Nous sommes en 1977 mais ce trait si singulier du centrisme de chez nous va perdurer assez longtemps. Voilà : elle rencontre l’un des plus éminents apparatchiks du parti, Marc Reymann lui même, qui lui livre ce secret “les centristes n’ont pas besoin de militants, ils ont besoin d’électeurs” 

En clair: qu'est-ce qu’on va s’encombrer d’adhérents qui, à la limite, nous demanderaient des comptes et des justifications alors qu’on est si bien entre nous!”

Grande et éminente sagesse que les gaullistes tentaient de pratiquer de manière différentes puisque eux s’encombraient de militants mais les faisaient taire d’où leur-  parfois - mauvaise réputation.

D’ailleurs il y a une jolie phrase -qui caractérise l’alliance des centristes et des gaullistes dans les années 70/80. Elle est de Charles Pasqua : “ les centristes il apportent les candidats et nous nous apportons les militants”

Bref, Anne, centriste convaincue et qui vouait alors une foi inébranlable en ses chefs, s’en retourna dépitée militer sans carte en dépensant néanmoins toute son énergie au service des candidats centristes. Six ans plus tard néanmoins ( six ans de réflexion...) elle retourna à la permanence et retrouva le même chef, à l’époque inamovible, Marc Reymann. 

Là elle force le destin et réussit une inscription.

Commence alors une carrière de militante officielle pleine d’événements. Elle rencontre Jean-Marie Caro qui lance des actions fortes et spectaculaires en faveur de Strasbourg-Europe. Mobilisation des foules importantes.

Anne naturellement se fait remarquer par son dynamisme son talent et son charme.Ah ces yeux irrésistibles, ah ce regard!

Soulignons de manière discrète qu’à l’époque les femmes en politique n’étaient pas trop nombreuses, n’est ce pas Yvonne Knorr?  Celles qui s’engageaient étaient des pionnières et avaient d’autant plus de mérite d’évoluer, j’oserais dire de combattre, dans un monde si exclusivement masculin.

Anne échoue de peu à se faire désigner candidate aux législatives puis en 1992 lorsque Pierre Méhaignerie demande à Adrien Zeller, très réceptif, de former et de conduire une liste contre l'éminente figure du centrisme qu’était Marcel Rudloff, Anne y obtient une très flatteuse quatrième place. Les trois premiers sont élus...Que de souvenirs cher Daniel Hoeffel!

Puis, en 1994 surgit un épisode sur lequel je ne m’étendrai qu’autant que la pudeur politique m’y autorise: “Mon ardente ma Polonaise” Ma Anne va chercher à me rencontrer publiquement pour la seconde fois. Après l’officier d’état civil elle tient à rencontrer le conseiller général de la Robertsau! Mais, de face, disons carrément face à face! Bref elel grimpe sur le ring!

Ce fut rude. J’atteste qu’Anne Schumann est une centriste sans concession aucune et je témoigne qu’elle sait lutter. 

Il a fallu que passe un peu de temps et d’eau sous les ponts du Mühlwasser pour que nous nous retrouvions de la meilleure manière possible c’est à dire solidaires et unis. 

C’était en 1995, derrière Philippe Richert, alors que nous n’avons hélas pas réussi à gagner la mairie. Nous voici alors dans l’opposition municipale et pour Anne ce fut une première confrontation aux affaires municipales.

Nous avons ensemble, avec nos collègues qui cohabitaient dans une excellente ambiance de convivialité, effectué un bon travail d’opposants.

Lorsque la nouvelle échéance se présenta en 2001 nous nous sommes tout naturellement retrouvés sur la liste conduite par Fabienne Keller. 

Anne accède aux responsabilités d’adjointe au maire puis de vice présidente de la Communauté Urbaine. 

Elle effectue à ces deux éminents postes de responsabilité un travail très remarquable et très remarqué. 

En charge de la difficile et contraignante mission des marchés publics elle est aussi responsable des relations avec les associations et notamment le difficile et lourd secteur des centres sociaux culturels, de toutes les subventions; mais aussi de la politique de jumelage, du contrat de ville. Elle a été de surcroît une adjointe du quartier gare tribunal particulièrement efficace et toujours présente 

5 Je peux témoigner qu’Anne a été une des adjointes les plus chargées et en même temps les plus assidues au travail. Non seulement elle connaissait parfaitement tous ses dossiers mais elle agissait en prenant toutes ses responsabilités

Je veux donc le dire, Strasbourg a - temporairement- beaucoup perdu en n’ayant plus aux responsabilités une adjointe aussi investie, aussi travailleuse, aussi consciencieuse qu’Anne Schumann. Je n’évalue pas les autres pertes ce n’est pas l’objet de cette cérémonie mais on pourra en parler aussi.

Je tiens à souligner un autre aspect de son engagement qui ne fait que renforcer l’image de cette femme généreuse au grand coeur qu’est Anne.

La guerre, a-t-on besoin de le souligner, lui est insupportable. Or la guerre n’est jamais définitivement éradiquée de nos horizons. On aurait pu imaginer qu’avec les leçons de 1940/45 l’Europe n’en connaîtrait plus jamais. Hélas ce qui se passa au coeur de cette Europe pour laquelle Anne milite sans cesse lui répugna profondément la révolta et la mobilisa.

Elle s’est donc engagée sans réserves avec l’association Alsace-Sarajevo et celle des“parrains de l’espoir”, et a organisé des convois humanitaires en Bosnie et en Albanie. Elle milite en ce sens pour cet état musulman laïque qui a tant souffert et joue un rôle pilote dans la création d’ambassades de démocratie du conseil de l’Europe notamment à Sarajevo. Enfin elle exporte là bas son expérience et son savoir faire en favorisant la création d’associations de bénévoles. 

A ce titre elle se voit décerner en 1995 le prix de l’humanisme de Bosnie-Herzégovine par le Centre International de la Paix.

Anne travaille aujourd’hui à mes cotés au sein du groupe des démocrates pour le progrès qui a pour ambition de souhaiter le meilleur pour notre ville et d’y travailler avec ardeur, loin de tout parti pris, loin de tout esprit de sectarisme, loin aussi de toute nervosité. 

Chacun sait bien aujourd’hui qu’il faut compter, avec Anne Schumann.

A coté de cet engagement où elle est tout à fait indispensable, Anne est investie à fond dans sa familleet elle prépare la venue d’heureux événements qui la comblent déjà.

Avec sagesse elle cultive un grand cercle d’amis auquel elle attache avec Klaus, le plus grand prix et elle continue plus que jamais à s’investir dans la vie associative.

J’ai une raison personnelle supplémentaire de lui être attachée : comme moi elle lit! 

Elle fréquente les livres et les meilleurs. Amour partagé pour Chateaubriand, Flaubert mais aussi de temps en temps un bon polar.

Tous deux avec toute notre équipe nous nous réjouissons d’avoir doté Strasbourg d’une magnifique et exceptionnelle médiathèque que nous verrons inaugurée par nos successeurs dans à peine nuit jours.

Voilà trop sommairement évoqué notre irremplaçable Anne qui a déjà tant oeuvré, qui oeuvre tant aujourd’hui, et qui oeuvrera tant demain au service de ses concitoyens et au service des grandes valeurs humanistes.

Cette belle médaille marquant son entrée dans l’ordre national du mérite vient non seulement la récompenser, fait d’elle non seulement un exemple à suivre, mais doit 

surtout l’encourager et la stimuler pour son engagement des mois et des années à venir.

Je vais procéder à la remise de ta décoration: