Dans quelques instants je vais quitter cette tribune pour céder la place à mon successeur.

Permettez-moi au préalable de redire que j’ai présidé aux destinées de notre communauté urbaine avec ferveur et conviction.

J’ai tenu à l’engager plus fortement dans la modernité, en élargissant ses horizons et repoussant ses frontières.

J’ai tenu à faire vivre un esprit de solidarité et d’équité et je me suis attaché à cette cause de manière entière et totale.

Avec près de 7000 agents, 470.000 habitants, plus d’un milliard de budget, 28 communes, la CUS est aussi une très grande entreprise.

Permettez moi donc de rappeler ici quelques éléments de ce qui fut mon action, encouragée et soutenue sans faille par un bureau composé de personnalités remarquables à qui je veux rendre un hommage collectif.

Je veux avoir un mot spécial pour Fabienne Keller qui fut à mes cotés d’une efficacité tout à fait particulière.

C’est donc un travail d’équipe que je veux évoquer ici.

                                          

Mes chers collègues, une communauté urbaine n’est pas un état mais un cheminement collectif.

Ce fut un mouvement d’une audace remarquable qui engagea, il y a plus de 40 années, le général de Gaulle à créer les communautés Urbaines, dans un cadre législatif très avant-gardiste pour l’époque.

Chacune d’entre elles a, par la suite, tracé son propre chemin.

A Strasbourg ce qui a fortement marqué les 7 dernières années de ce cheminement avait été clairement affirmé et défini au cours d’un séminaire qui eut lieu le 12 janvier 2002, avec une centaine d’élus de l’ensemble des communes.

Et j’ai eu ce jour là l’occasion d’exprimer mon souhait de « maintenir une concertation active avec l’ensemble des communes de manière à ce que nous puissions véritablement coproduire l’évolution de notre communauté urbaine »

J’ai, d’entrée, pris la décision de créer un poste, qui jusqu’alors n’existait pas, mettant en place un agent de territorial de niveau, qui soit l’interlocuteur unique des maires dans leurs démarches vers la CUS. Ces démarches et ces contacts entre les communes et la CUS avaient été auparavant d’une grande complexité et déroutaient trop souvent les maires ou leurs directeurs généraux.

Nous avons en même tempsinstitutionnalisé la réunion des maires qui, pour la première fois de l’histoire de la CUS, s’est réunie tous les mois, marque tangible de la volonté permanente de concertation.

Cette conférence des maires n’a pas été seulement une instance de concertation mais « une instance de pilotage, d’impulsion et de validation préalable ».

Et malgré quelques mouvements d’humeur, que je ne tiens pas à occulter, elle fut un vrai lieu d’échanges qui procéda de notre seule volonté puisqu’aucun texte ne nous y obligeait.

De nombreux groupes de travail se sont mis en place avec chaque fois 200 à 300 personnes, les maires et adjoints des communes sur des thématiques très variées. Une mention spéciale doit être réservée aux groupes qui ont travaillé dans le domaine social qui n’est pas le « cœur de métier » des communautés urbaines .

 

Nous avions mis en œuvre une démarche pragmatique selon la règle : regardons ce que nous faisons chacun de notre côté avant de décider de ce que nous pouvons ou souhaitons faire ensemble.

Cette méthode eut un résultat : des décisions prises à l’unanimité des communes.

A une seule exception (le Parc des Expositions), aucun conseil municipal ne s’est prononcé contre le transfert de compétence des communes vers la communauté.

Nous avons ainsi cheminé ensemble vers une nouvelle répartition des rôles entre communauté et communes, on pourrait presque parler d’une nouvelle constitution, définie collectivement, qui fait de la CUS l’une des C.U. les plus intégrées de France.

Qu’il me soit permis maintenant d’évoquer quelques un des chantiers d’évolution de l’intercommunalité que nous avons menés à bien.

 

En 2002, transfert à la CUS deux importants projets d’équipement d’agglomération (Rhénus sport, Zénith).

Passage volontaire en janvier à la taxe professionnelle unique, la TPU

 

En mai 2003, le schéma opérationnel des zones d’activité a été approuvé.

 

En mai 2003, transfert à la CUS de la compétence gestion des cours d’eau non domaniaux

 

Juillet 2003, une date particulièrement importante marquée par un transfert de compétence de grande portée

Il concerne la lecture publique, avec deux volets

·        l’engagement d’un programme communautaire d’équipements d’agglomération (Médiathèque-bibliothèque André Malraux et médiathèques relais Nord, Sud et Ouest) qui comblera le déficit actuel de l’offre en matière de lecture sur le territoire de la CUS

·        la mise en réseau de ces futurs équipements avec l’ensemble des bibliothèques municipales, avec notamment une carte unique d’accès à l’ensemble des bibliothèques communales et communautaires, le pass-bibliothèque.

Ce dispositif, préparé par un groupe de travail intercommunal et débattu en réunion des maires, a été considéré comme exemplaire par la Direction du Livre et de la Lecture du ministère.

 

En novembre 2003, le conseil a pris acte du diagnostic et des orientations communautaires dans le domaine de la cohésion sociale (petite enfance, personnes âgées, politiques sociales d’insertion)

 

En 2004 : nouvelle répartition des compétences dans le domaine du sport 

1.       transfert à la CUS

-         d’un équipement d’agglomération le Stade de la Meinau),

-         des très grandes manifestations,

2.      le soutien aux initiatives communales pour les grandes manifestations non transférées et le sport de haut niveau amateur,

3.      la mise en place d’une cellule logistique d’appui aux communes sous forme de vrai centre de ressources

Le dispositif adopté par la CUS dans le domaine sportif est considéré comme un modèle par d’autres communautés en France.

                                                                     

En 2005, les communes ont transféré à la CUS la compétence « assainissement non collectif ».

 

En 2005, également, la CUS a été sollicitée par une commune voisine en vue de son adhésion (Blaesheim, 1 360 habitants). Cette demande a été accueillie favorablement par le Conseil de Communauté et l’ensemble des conseils municipaux des communes membres à la quasi unanimité (aucun vote négatif n’a été émis). Cette adhésion a pris effet au 1er janvier 2006. Et je tiens ici à rendre hommage à Madame Fabienne Rubach qui a conduit cette démarche pour laquelle, naturellement, Blaesheim est largement gagnant.

 

En 2006, transfert à la CUS de l’hébergement d’urgence, en complémentarité de ses compétences en matière de logement social. Les communes l’ont approuvé à l’unanimité.

 

En 2007, la CUS s’est dotée de la compétence nécessaire à la réalisation d’un nouveau parc des expositions.

Cette énumération chronologique pourrait laisser oublier que les avancées de l’intercommunalité ont été conduites avec des convictions et une éthique fortes

·        Une conviction exprimée tout au long du mandat : la subsidiarité, principe fondé sur le respect des communes dans leur fonction de démocratie de proximité, la communauté n’intervenant que lorsque le service peut être mieux rendu à l’échelle de l’agglomération qu’à l’échelle communale.

·        Le respect du rôle du maire dans sa relation aux habitants de sa commune.

·        Une attention particulière à la transparence et à l’équité de traitement entre les communes. Les mêmes règles du jeu ont été établies, par exemple pour le versement de fonds de concours ou la fourniture de prestations aux communes.

·        Une exigence de solidarité collective : solidarité financière, mutualisation d’outils mais aussi solidarité dans l’action : logement aidé ; accueil des gens du voyage, prise en compte du handicap....

Je ne peux pas ne pas évoquer la politique de prévention et de sécurité qui a été partagée par nos communes.

C’est sous notre mandat qu’a eu lieu cette importante avancée de la création du comité intercommunal de sécurité et de prévention de la délinquance, le CISPD présidé pour la toute première fois par un élu du peuple, le président de la CUS, qui a toujours pu compter à ses cotés sur la présence effective de monsieur le préfet et de monsieur le procureur de la République. Le CISPD s’est réuni très régulièrement en présence des principaux acteurs de la vie sociale et des progrès incontestables ont ainsi été effectués.

Le président de la CUS a eu - et il aura demain - des décisions difficiles à prendre qui nécessitent un arbitrage parfois douloureux entre les attentes immédiates des habitants d’une commune et le niveau de services urbains et de développement économique attendu par l’ensemble des habitants de la communauté urbaine : équipements structurants de voirie et de transport, installations de captage des eaux , installations de traitement des déchets, accueil d’entreprises....

Cela nécessite d’être en permanence à l’écoute du cas particulier, de la proximité, sans perdre de vue l’ensemble et surtout sans laisser les intérêts particuliers paralyser l’action communautaire.

Mes chers collègues

La citoyenneté n’est pas seulement celle de la commune où l’on réside ; elle est aussi celle des lieux où l’on travaille, où l’on étudie, où l’on pratique ses loisirs, c’est à dire le grand bassin de vie de la communauté urbaine. A la « question du lundi » des DNA, 24 mars, 66% des votants estiment que les délégués des communautés devraient être élus au suffrage universel direct.

C’est là un des enjeux des CU au niveau national.

L’autre est de faire évoluer un cadre aujourd’hui trop étroit au plan juridique et financier, qui est devenu une entrave à la mise en œuvre de solutions conjointes communautés / communes, librement consenties et imaginées localement d’une part, qui ne permet pas aux CU d’assumer pleinement le rôle d’autorités organisatrices du développement durable, d’autre part.

En ma qualité de président des communautés urbaines de France j’ai engagé un travail intense en faveur d’une véritable reconnaissance des C.U.

C’est ainsi que j’ai été reçu par le premier ministre et ses collaborateurs, par le ministre d’état chargé du développement durable, enfin par les plus proches collaborateurs du président de la République.

J’ai travaillé avec le très précieux sénateur Alain Lambert qui a rédigé un rapport significatif sur ce sujet.

J’ai partout plaidé pour une meilleure reconnaissance des CU de France.

Le suffrage universel a voulu que ce soit mon successeur qui poursuive cette tâche.

Il aura six mois pour le faire avant de passer la présidence à la CU de Brest.

Je lui souhaite pleine réussite dans ce travail de persuasion d’autorités nationales dont très peu, finalement, comprennent bien la spécificité des C.U.

            Je souhaite aussi pleine réussite à mes successeurs, le maire de Strasbourg et le président de la CUS, dans leurs souhaits de faire de l’Eurodistrict une entité plus solide.

Qu’ils me permettent de rappeler que c’est avec une particulière et permanente audace que je m’y suis employé. Et devant le président de la République Française et le Chancelier de la république fédérale, réunis à Strasbourg pour un sommet franco-allemand, j’ai exposé ma volonté de voir l’Eurodistrict mieux reconnu et doté de moyens financiers en même temps que d’un statut fiscal innovant et singulier.

Avec obstination je n’ai cessé de plaider en ce sens. Tous les documents et compte rendus de réunions que vous lirez en témoignent.

Je souhaite bonne chance à mes successeurs dans ce travail que j’ai mené la encore à la fois en direction des gouvernements de nos deux pays et de nos partenaires de l’Ortenaukreis.

Je veux faire part aussi de mon très vif regret qui confine à une manière de frustration ontologique.

Il s’agit de la grande question du temps. De l’homme par rapport au temps et ici de l’élu par rapport au temps.

Je suis habité par l’obsession de la lutte contre la montre, par la hantise de vaincre le dieu chronos, ce Saturne qui, Goya l’a définitivement montré, dévore monstrueusement ce qu’il touche.

Mais, je ne m’égare pas, je veux évoquer de manière pragmatique, le temps des délais administratifs.

Il faut aujourd’hui 8 à 9 ans pour réaliser une médiathèque là où jadis 3 à 4 ans étaient nécessaires au mieux. Un lycéen de 17 ans qui se réjouit de la création de la médiathèque aura peut-être terminé ses études sans pouvoir en bénéficier lors de sa mise en service.

 

Je n’évoque pas ici les délais de réponses écrites à nos concitoyens. Il s’agit là d’une échec pour moi qui avait en 2001 évoqué la nécessité de la « célérité ».

Mes chers collègues mesdames et messieurs, j’ai aimé passionnément et j’aime la communauté urbaine, en ce qu’elle signifie géographiquement au plan des territoires et des communes, mais surtout pour toute sa valeur humaine, pour ses habitants et ceux qui les représentent, les maires et les conseils municipaux que j’avais tenu à rencontrer régulièrement.

Je crois profondément qu’à travers ses communes aussi bien que par ses fonctions centrales, par la solidarité qu’elle incarne, la communauté urbaine est la plus belle et la plus efficace des collectivités.

Dans les strates et les superpositions de collectivités territoriales, trop nombreuses et aux compétences trop confuses, c’est elle qui doit être reconnue et à qui doit être accordé le statut juridique correspondant à sa réelle importance. Elle constitue le vrai chemin vers le progrès.

Mon dernier mot consistera à remercier chaleureusement tous mes collaborateurs dont certains ont été de qualité exceptionnelle par leurs compétences et par leur engagement bien au delà des limites de leur statut.

Comme je peux le faire sans risque pour André Thomas - il quittera un jour ses fonctions ici - je veux lui dire mon affectueux attachement.

Il est un grand directeur général efficace et compétent. Qu’à travers lui tous les autres auxquels je pense fortement se reconnaissent y compris mes très proches collaboratrices.

Au moment de prendre mes fonctions il y a 7 ans, les derniers mots de mon discours d’intronisation avaient été une citation du poète René Char.

Je les redis aujourd’hui, sachant maintenant un peu plus, hélas, quelle peut-être leur portée électorale.

Mais il faut aussi agir en homme de convictions, n’est ce pas ?

Voici donc René Char, en 2001 comme en 2008 :

« Celui qui vient au monde pour ne rien troubler ne mérite ni égards ni patiences »

Sans chercher à recueillir ni égard ni patience, que l’on compte sur moi pour continuer à troubler en faveur du progrès, de la modernité et de l’humanisme !