Jeudi 19 heures 15. Je prends position devant le pupitre et le micro sur la scène de la Laiterie.

Quelque cent vingt acteurs de la vie culturelle strasbourgeoise sont dans la salle face à moi. A mes cotés Klaus Wenger et Marc Dondey.

Nous avons donné rendez vous à ceux qui, d’une manière ou d’une autre, ont contribué à nourrir le projet de notre candidature.

Nous voulions le leur présenter publiquement.

Nous n’imaginions pas que la liste des présélectionnés serait connue avant la fin de l’année.

Nous n’imaginions pas, surtout, qu’elle ne comprendrait pas Strasbourg.

 

Nous voici donc à la Laiterie, conformément au rendez vous proposé. Nous n’avons pas annulé la rencontre alors que nous savions que nous n'étions pas retenus.

La réunion prendrait dès lors une toute autre signification.

Comment va-t-elle se dérouler ? Quelles vont être les réactions des responsables de la vie culturelles de notre ville ?

Je suis saisi par une taraudante inquiétude. J’ai dans les oreilles les syllabes métalliques, froides et cassantes véhiculant toute la violence du porte parole du PS, Herrmann, au conseil de Communauté Urbaine nous mettant en accusation. L’échec était programmé, c’est la faute du maire et de la mienne, avait-il proclamé avec quelques autres accusations colorées !

 

Je prends la parole et j’explique de la manière la plus directe et la plus honnête ce qui s’est passé entre le jury et nous, ce mardi soir,18 décembre, à 17 heures au ministère.

"Vous avez un projet de grande qualité, nous avaient dit en a parté plusieurs membres du jury. D'ailleurs, à l’issue de notre prestation celui ci nous a applaudis. J’ai rarement vu un jury applaudir des candidats…Etonné et méfiant, j'ai demandé qu'on se renseigne auprès des secrétaires de la séance: il parait que ce jury applaudissait tous les candidats.

Mais pendant la discussion qui a suivi nos exposés plusieurs questions m’avaient troublé.

  • « Pourquoi voulez vous ce titre de capitale culturelle qui est une chose si modeste, si infime, nous a demandé M.Ruiz, alors que vous êtes la capitale de l’Europe ». En clair vous n’avez pas besoin de ça, vous avez tort de candider…
  • « Qu’attendez vous de ce titre, vous qui avez tout ? », sous entendu votre vie culturelle est si riche, vos équipements si nombreux que vous n’avez pas besoin de ce titre pour être une vraie capitale culturelle.

J’ai également été interpellé par l’humour britannique de sir Robert Scott le président du jury. A Klaus Wenger qui avait répondu avec un engagement passionné qu’il saurait mobiliser les mécènes allemands et suisses aux côté des français sollicités par Etienne Pflimlin, le président de notre association de soutien, sir Scott répondit « Heureusement que la France a l’Allemagne et la Suisse » Humour !?

 

Comme Klaus Wenger le fit après moi, j’avais mis l’accent sur le point fort de notre candidature : «  C’est toute la région du Rhin supérieur, de Karlsruhe à Bale en passant par Stuttgart et l’Alsace du nord au sud qui est candidate. Cette candidature a soulevé de grands espoirs chez tous nos partenaires allemands, suisses et, naturellement, alsaciens. » De plus les trente villes d’Europe centrale du club de Strasbourg nous ont toute apporté leur soutien.

Le fait que nous ayons élu à la présidence de l’association "Strasbourg candidate, horizons rhénans", qui porte ce projet, un citoyen strasbourgeois de nationalité allemande, directeur de la chaîne Arte Deutschland, nous a aussi semblé audacieux et porteur d’avenir.

Klaus Wenger fit à son tour un plaidoyer remarquable avant Marc Dondey qui détailla le projet plus longuement .

C’est bien sous les applaudissements du jury que nous sommes sortis de la salle, convaincus de notre bonne prestation.

 

La douche fut donc glaciale à l’annonce de notre éviction.

Ce sont quatre villes du sud de la France qui ont été retenues.

Mon interprétation est que, selon ce jury, Strasbourg est déjà capitale de l’Europe et qu’elle  a une vie culturelle d’une telle intensité et d’une telle richesse qu’il ne convenait pas de lui accorder ce titre qui siérait mieux à une ville qui doit progresser dans le domaine de la culture.

 

A la fin de ma prise de parole à la Laiterie, jeudi 20 décembre, il y eut de des applaudissements, mais d’une qualité si rare et intense, d’une durée si longue que je fus ému aux larmes.

On saluait ainsi par une puissante marque d’affection, de solidarité et de soutien nos efforts, notre engagement et sans nul doute l’injustice de la décision.

Adrien Zeller président du Conseil régional et bien sûr le maire, Fabienne Keller, sont venus témoigner leur soutien.

Tous, dans la salle comme sur la tribune, nous exhortaient de ne pas briser le formidable élan de mobilisation qui a été soulevé par la candidature de Strasbourg.

C’est aussi ce qu’est venu nous dire de manière officielle le matin même au conseil de CUS, Edith Schreiner, maire d’Offenburg et porte parole allemand de l’Eurodistrict.

Klaus Wenger et Marc Dondey se sont fait applaudir de manière tout aussi intense et la qualité de ce soutien de la salle a été pour nous plus qu’un baume sur notre plaie, un réel encouragement à poursuivre l’aventure.