Dans les Métamorphoses Ovide évoque lemythe de Pygmalion et de Galathée.

Si ce mythe pouvait avoir un jour quelque réalité et si les statues pouvaient prendre soudain la parole, nous aurions alors le bonheur d’entendre ici, à nouveau, la voix de Pierre Pflimlin…

Cette voix qui savait évoquer comme personne l’histoire de Strasbourg, convoquant tour à tour Erasme de Rotterdam et Jacques Sturm en d’improbables colloques,

-cette voix qui savait parler, avec finesse et intelligence, du destin de la France et de celui de l’Europe,

-cette voix qui savait moduler chacune des nuances de notre langue française pour en exprimer les plus insoupçonnables ressources,

-cette voix qui savait convaincre, cette voix qui savait expliquer,

-cette voix qui tour à tour savait se faire sévère ou riante,

-cette voix … Strasbourg et l’Europe s’en souviennent avec nostalgie…

Et, fait si important ici il pratiquait avec la même science et le même bonheur la langue allemande et étonnait ainsi nos voisins d’outre Rhin.

Pierre Pflimlin savait parler à ses contemporains comme un orateur hors pair.

Il avait pour lui, le style, l’intelligence, la culture, la conviction, quatre vertus requises par Cicéron aussi bien que par Bossuet, pour donner à chaque mot son sens et sa portée.

Il inscrivait aussi son discours, sa réflexion et ses actions dans l’histoire longue, celle qui passe les années et les siècles, celle qui abolit les frontières, survole les pays, rêve d’Europe pour totalement servir l’idéal humaniste auquel elle aspire…

La longue suite des Ammeister et des Maires qui présidèrent aux destinées de Strasbourg au long des siècles trouve son origine au Moyen Age, au mois de mars 1262, au moment où les Strasbourgeois s’émancipèrent de la tutelle de leur évêque pour prendre eux-mêmes en main leur destin : cette bataille de Hausbergen fut l’une des toutes premières révolutions démocratiques d’Europe…

Plus de sept siècles nous séparent de 1262, c’est-à-dire 745 années, près de quarante générations de Strasbourgeois.

Et, de tous ceux qui, pendant ces siècles, se succédèrent comme Ammeister et maires (les Schwarber, les Sturm, les De Dietrich), Pierre Pflimlin fut celui qui resta le plus longtemps à la tête de la ville. Il fut celui qui transforma de manière profonde la physionomie de notre agglomération, lui conférant réellement ce qu’elle a de plus inestimable à nos yeux aujourd’hui : sa dimension européenne…

Et le regard de Pierre Pflimlin, ce regard fixé aujourd’hui dans le bronze, nous indique le chemin à suivre pour Strasbourg, cette voie européenne qui est notre voie royale…

L’homme d’Etat que fut Pierre Pflimlin est entré, depuis un moment déjà, dans l’histoire.

Le général de Gaulle lui rend, lui-même, un hommage extrêmement significatif lorsqu’il décrit, dans ses Mémoires, l’une des rencontres les plus importantes qu’il ait eu avec des responsables politiques.

Pierre Pflimlin est alors président du Conseil. La République est au bord de la guerre civile. L’agitation politique connaît l’un de ses paroxysmes dont l’histoire de France semble très friande. Et pourtant, le général trouve un homme « calme et digne », c’est-à-dire dans le vocabulaire de De Gaulle un authentique homme d’Etat…

Aujourd’hui, Pierre Pflimlin entre, par cette statue que nous dévoilons, dans le paysage de notre ville.

Ici, dans ce parc de l’Orangerie qu’il aimait, non loin des institutions européennes pour lesquelles il aura tant fait, sa silhouette familière veillera désormais sur Strasbourg avec bienveillance, auprès des Strasbourgeois qui s’inclinent aujourd’hui avec respect devant son souvenir.