Notre municipalité ouvre le musée historique de Strasbourg fermé depuis vingt ans.
Par Robert Grossmann le dimanche, 1 juillet 2007, 17:48 - archives-discours - Lien permanent
Les portes du Musée historique souvrent à nouveau aujourdhui. Deux décennies de fermeture, de travaux et dhésitations sachèvent.
Et dans la ville des princes-évêques de Rohan, où Alexandre DUMAS nous montrait un Joseph Balsamo jouer son rôle dans lAffaire du Collier, dans notre ville où les petites histoires croisent toujours la grande, la page qui souvre aujourdhui pourrait être titrée dune manière romanesque : « Vingt ans après ».
Sauf que le musée qui ouvre aujourdhui nest plus tout à fait le même que celui qui a été fermé à la fin des années 1980
Dabord, le lieu qui labrite, les anciennes Grandes Boucheries, superbe témoin de larchitecture strasbourgeoise du XVIe siècle, est préservé, réhabilité et rendu aux Strasbourgeois après dimmenses travaux difficiles.
Et aujourdhui, ce que nous célébrons aussi, cest la fin dun chantier qui a permis de sauvegarder des ravages du temps lun des fleurons du patrimoine strasbourgeois.
Ensuite, ce sont des souvenirs qui viennent à lesprit de toutes celles et ceux qui ont eu la chance de connaître le musée il y a vingt ans. Le souvenir de collections et dobjets, qui trop longtemps ont été soustraits à nos regards : le plan relief de 1727, la maquette de la Pfalz dAdolphe Seyboth, des dessins, des chefs duvres corporatifs ou encore des objets personnels de Jean-Baptiste Kléber. Unsere Jambediss, unsere Klewer !
Ces collections nous sont restituées aujourdhui. Plus encore : elles sont magnifiées et, pour ainsi dire, sublimées par une muséographie renouvelée de fond en comble et par des technologies, dont le déploiement redonne vraiment du sens à des objets autrefois disparates. Je tiens à rendre hommage à Laurent Marquart qui est lauteur-artiste de cette réalisation et qui est aussi lami québécois
Cest dailleurs la tâche de lhistorien et cest certainement la vocation fondamentale dun musée Historique : donner du sens aux choses et aux événements du passé.
Notre musée historique est le conservatoire de notre « mémoire collective », pour reprendre le mot forgé ici à Strasbourg par le sociologue Maurice Halbwachs.
Notre musée historique est chargé des émotions et des passions collectives.
Il est aussi, et surtout, un endroit dintelligibilité, le lieu où le passé devient récit et où Strasbourg se raconte dans lépaisseur du temps et de la durée
Et que Strasbourg raconte-t-elle delle-même dans ce musée ?
Que dit-elle de ces siècles qui lont forgée et construite, notre belle et grande ville ?
Elle nous apprend, dabord, quelle a tiré sa force et son génie de sa position géographique, qui a fait longtemps delle la plus française des villes allemandes et aussi la plus allemande des villes françaises.
Elle nous apprend que sa prospérité comme les renaissances culturelles et intellectuelles qui ont eu lieu ici ne sont pas le fruit du hasard.
Ils sont avant tout le fruit de la volonté et du travail de ces hommes qui partageaient une confiance si solidement ancrée en leur âme quils donnèrent à lEurope toute entière son point culminant.
Oui, lhistoire de Strasbourg nous montre que tout est affaire de volonté et de ténacité.
Que lon regarde par exemple le « premier âge dor strasbourgeois », celui de
Si notre ville alors rayonne, cest par le savoir-faire de ses artisans qui sont tournés vers le royaume de France aussi bien que vers le Saint Empire.
Si notre ville alors se taille un nom dans lEurope médiévale, cest par les intellectuels quelle attire à elle, les innovations quelle accomplit dans tous les domaines : les sciences, la médecine, la pharmacie.
Sans oublier limprimerie qui se développa après Gutenberg dune façon considérable.
Sans oublier non plus la religion, qui trouva ici, dans la ville de Sébastien Brant et de Geiler de Kaysersberg, un terreau propice à la Réforme.
Si notre ville traverse alors un âge dor, cest aussi par les droits régaliens quelle soctroie : celui de former Conseil, de lever une armée, de battre monnaie, mais celui aussi de mener une diplomatie volontariste, à la suite dhommes tels que Jacques Sturm, qui fut lun de nos Ammeister
Cest, enfin, par le système politique quelle adopte et dont Erasme de Rotterdam fera léloge, que Strasbourg se distingue comme une cité extraordinaire au Moyen Age : et ce système porte le nom de République
Que lon regarde également le deuxième âge dor strasbourgeois : le XVIIIe siècle.
Des Palais se construisent, des artistes et des intellectuels convergent vers la ville : Voltaire a son libraire à Strasbourg, on voit Rousseau donner le Devin du Village au théâtre, on accueille Mozart et Casanova, on voit Metternich, Koutouzov ou Bonaparte suivre leurs études à luniversité.
Le regretté doyen Livet rappelait quau XVIIIe siècle un tiers des étudiants strasbourgeois étaient russes !
Et puis, pendant cet âge dor français, cette époque de la ville royale puis révolutionnaire, aucune cour dEurope ne se serait imaginer vivre correctement un seul instant sans avoir en sa possession des objets de luxe que Strasbourg fabriquait, comme les faïences des Hannong ou des pièces dorfèvrerie.
Si notre ville compte alors dans toute lEurope au XVIIIe siècle, cest également grâce à la Révolution française : cest ici, au pont de Kehl, que commence le pays de la liberté et cest dici que les idées des Lumières partent pour lAllemagne et toute lEurope centrale et orientale. Lespoir républicain, qui est lespoir de la République de Strasbourg, est incarné alors par des figures aussi impressionnantes que celles de Kellermann ou de Kléber.
Cest Victor Hugo, lui qui voyait dans la statue de Gutenberg lallégorie de la culture, dans celle de Kléber lallégorie de la civilisation, et dans Strasbourg la promesse européenne de voir sunir Allemagne et France, culture et civilisation, cest Victor Hugo donc qui, peut-être, a le mieux saisi le sens de lhistoire de Strasbourg, lorsquil écrivait dans les Châtiments :
Le fer heurtant le fer
La Marseillaise ailée et volant dans les balles
Les tambours, les obus, les bombes, les cymbales
Et ton rire, ô Kléber
Oui, lhistoire de Strasbourg nest pas une historiette.
Cest une histoire militaire, une histoire de guerres et de batailles, un condensé de lhistoire de France et de lEurope
Lhistoire de notre ville, cest une belle et longue histoire. Elle ne nous apprend que deux mots, mais quels mots : Europe et République !
Alors, Mesdames, Messieurs, je voudrais remercier aujourdhui toutes celles et ceux qui ont conduit à nos côtés, avec
Monique FUCHS, et ses équipes. Et une nouvelle fois Laurent Marquart
Ensemble, nous avons relevé le défi douvrir à nouveau les portes du Musée historique. Nous avons fait davantage encore : faire de ce Musée un lieu de la mémoire et, surtout, un lieu du sens.
Voila un grand jour certes, mais il reste beaucoup de travail devant nous. ? Dabord, je nimagine pas chère Joëlle Pijaudier, Chère Monique Fuchs, que rien ne bougera ici et que tout est immuable. Des modifications, des ajouts, des présentations dobjets actuellement dans nos réserves, peuvent être envisagés. Et puis, surtout, nous allons, dans les prochaines semaines et dans les prochains mois, nous mobiliser pour poursuivre le travail muséographique quil reste à accomplir
Dans les salles qui ouvrent aujourdhui lhistoire de Strasbourg est présentée du Moyen Age aux années 1800 Plus de cinq siècles soffrent ici à notre regard et une entreprise passionnante est devant nous : mettre en place la muséographie des XIXe et XXe siècles
Je veux remercier, par avance, toutes celles et ceux qui travailleront avec nous à le faire, de manière à ce quà lhorizon 2009 nous nous retrouvions ensemble, ici, pour inaugurer ces nouvelles salles.
Mesdames, Messieurs,
Jean-Baptiste Kléber a certainement entendu Bonaparte sexclamer un jour, en Egypte, devant lArmée dOrient : « Soldats, du haut de ces pyramides, quarante siècles vous contemplent. »
Aujourdhui, vous permettrez à ma joie de me faire céder à un accès soudain de bonapartisme pour vous dire : « Strasbourgeois, du haut de notre Musée historique, ce sont cinq siècles, cinq siècles dhistoire de notre ville, cinq siècles dhistoire de Strasbourg, cinq siècles dEurope, cinq siècles de République, que nous pouvons désormais contempler ! »
Commentaires
Vingt siècles vouliez-vous dire, puisque la première partie du musée nous éclaire sur le passé romain de Strasbourg, exhumant même quelques haches néolithiques ! Sans oublier la construction de la cathédrale, plus haut monument de la chrétienté pendant cinq siècles ce dont vous vouliez parler, j'en suis sure !
Dans tous les cas merci pour cette réouverture, sa scénographie qui dépoussière les trop pesants alignements de casques qui sont souvent de rigueur dans ce genre d'exercice.
À voir aussi au musée zoologique la très belle scénographie de Philippe Poirier cet ex du groupe katonoma qui en a décidément sous le pied !
La candidature strasbourgeoise au titre de "Capitale Européenne de la Culture" part sous de bons augures.
Il est très politique quand même votre discours. Et aussi très gaullien !
Sur les affiches, le logo avec la coiffe alsacienne ..c'est complètement déplacé...voire nulle........l'affiche sans logo aurait plus de classe......
Quant au musée historique...la scénographie est opressante ...même si les couleurs ont eu une signification ! les caractères utilisés pour les cartels...ont une taille trop peite, ils sont parfois placés trop bas- la boutique est mal placée...
Dommage pour le plan relief...
Par contre pour le musée zoologique, bravo...la scénographie...est remarquable permettant une mise en valeur des richesses de cet établiissement ...
Promis, j'irai admirer ces trésors tant attendus dès que les files d'attente seront un peu moins longues. J'en profite pour mentionner, ici, une erreur assez grossière non pas au Musée, mais dans le petit texte de présentation figurant sur la palissade ceinturant le chantier de transformation de la Cour du Corbeau. Une confusion y est opérée entre l'empereur germanique Frédéric II (Hohenstaufen), qui vécut au XIIIème siècle, et le roi de Prusse Frédéric II (Hohenzollern), qui régna au XVIIIème siècle. Cette faute n'est, certes, pas rare (le "Petit Robert" des noms propres la commet aussi, à l'article "L'Aquila", ville italienne fondée par le premier), mais fait assez mauvais effet dans un lieu si passant ! Mais, comme on dit à Potsdam, qui ... s'en soucie ?
Tardive, mais superbe réalisation. Une nouvelle verrue éliminée en ville. Bravo.
Pour avoir eu la chance d,avoir Laurent Marquart comme professeur ici au Québec, je vous dirais que je le reconnais bien. Un homme d'un grande rigueur. Cette viste pour moi à Strasbourg à l,été dernier a été du vais bonbon ! belle contribution...