Le 7 avril 1947, il y a soixante ans, De Gaulle lançait le RPF depuis l'hôtel de ville de Strasbourg
Par Robert Grossmann le jeudi, 5 avril 2007, 07:34 - archives-discours - Lien permanent
En ce printemps 1947, Strasbourg est heureuse. D'un frêle bonheur, mais d'un bonheur sans égal. On ne compte plus les morts. Des quartiers de la ville ont été ravagés par les bombardements. On revient de Dordogne et nombreuses sont les familles qui attendent le retour de leur fils, enrôlé de force et prisonnier encore en Russie. L'espoir faiblit jusqu'à s'éteindre de voir revenir ceux qui, à Dachau ou à Buchenwald, ont été déportés. La guerre est passée, meurtrière et barbare.
C'est dans cette ville qui goûte à peine à son bonheur reconquis que le général de Gaulle s'apprête à parler. C'est à ces Strasbourgeois, qui furent parmi les derniers de France a être libérés, que le général de Gaulle a choisi de s'adresser en priorité.
Il arrive à Strasbourg un dimanche après-midi, le 6 avril, pour présider, en compagnie de l'ambassadeur des Etats-Unis, Jefferson Caffery, le deuxième anniversaire de la Libération de
Les Strasbourgeois l'ont compris. Ils sont cinquante mille à se masser sur
[Le général de Gaulle a quitté la présidence du gouvernement provisoire le 20 janvier 1946, espérant sans doute être rappelé rapidement. Il a exposé ses idées constitutionnelles à Bayeux, au lendemain de l'échec du premier projet de constitution, mais il n'a pu convaincre les constituants, ni empêcher l'adoption du second projet qui devient la Constitution de
Voici le texte du dsicours de Strasbourg
" Deux années se sont écoulées depuis que la grande victoire du Rhin, remportée côte à côte par les armées américaine et française, achevait de chasser des abords de l'Alsace les débris des forces ennemies. Ainsi Strasbourg et toutes les villes et tous les villages de cette province sacrée se trouvaient désormais à l'abri du canon allemand. Deux années ! au cours desquelles, une fois l'ennemi définitivement abattu, la France, l'Europe, le monde, ont découvert les dures réalités qu'il leur faut maîtriser pour vivre. Deux années ! après lesquelles notre peuple, bien qu'aient été sauvées son intégrité et son indépendance, bien qu'il ait su s'éviter à lui-même les grandes convulsions intérieures, bien qu'il ait repris son labeur avec courage au milieu des ruines, éprouve parfois une sorte de doute amer et s'interroge avec quelque angoisse sur ce que sera l'avenir.
À ce doute, à cette angoisse, une grande nation comme la nôtre ne doit céder à aucun prix. Si rude que soit notre route, il serait indigne de nous et mortellement dangereux de la suivre d'un pas tremblant. Les esclaves peuvent gémir, les faibles s'épouvanter. Mais nous, nous sommes des hommes et des femmes libres, capables de voir les choses telles qu'elles sont, sans nous bercer d'illusions, mais sans être obnubilés par des spectres et des fantômes. Puisque Strasbourg m'a fait l'honneur de m'inviter, en ce jour anniversaire de la libération définitive de l'Alsace, c'est à Strasbourg que je parlerai du passé, récent, du présent et de l'avenir du pays.
La guerre qui vient de finir a bouleversé de fond en comble les conditions de l'existence et de la puissance de
C'est alors que
Cependant, une fois accomplie notre libération, nous émergions du malheur sous deux aspects dangereusement contradictoires. D'une part, la gravité de nos blessures physiques et morales montrait à tous les yeux que, pour les guérir lentement et nous rénover de telle sorte que fussent assurées, au milieu du monde nouveau, notre prospérité, notre influence, notre indépendance, il était indispensable que le peuple français fît trêve à ses querelles d'autrefois et sût se donner à lui-même une direction, c'est-à-dire un État, capable de le conduire vers son destin avec impartialité, autorité, continuité. Mais, par contre, nos vieilles divisions, aigries et aggravées par les épreuves nationales et par la tragédie toujours suspendue sur le monde, s'épanouissaient à nouveau. Les partis, qui leur donnent l'impulsion et leur servent de cadres, tendaient à devenir plus rigides et exclusifs qu'ils ne l'avaient jamais été. En effet, le caractère inquiétant et exceptionnel des ambitions, de la tactique, des procédés de l'un d'entre eux les portait à s'organiser d'une manière plus ou moins analogue. En outre, la clientèle de chacun s'enflammait surtout de l'aversion ou de la crainte ressentie à l'égard des autres. Il devait résulter de ces diverses conditions une situation dans laquelle aucun parti ne pouvant à lui seul diriger l'État, tous ou plusieurs voudraient se le partager. Cette répartition de la puissance publique entre des rivalités ne pourrait que la paralyser.
Aussi longtemps que j'ai pu moi-même présider aux destinées de l'État et diriger le Gouvernement sans tenir compte d'autre chose que des nécessités imposées par l'intérêt commun, je l'ai fait, comme vous le savez. Je n'ai pas hésité, d'ailleurs, à appeler auprès de moi des hommes de toutes tendances, convaincu que, pour réaliser la libération du pays, achever la guerre contre l'Allemagne et le Japon, éviter les collisions civiles ou sociales, assurer un premier démarrage de notre activité au milieu des destructions et des ruines, présenter enfin aux puissances étrangères une France rassemblée, rien n'importait davantage que d'établir et de maintenir, aussi longtemps que possible, une élémentaire unanimité française en dépit des inconvénients qui en résultaient forcément dans l'action gouvernementale.
Mais une fois la victoire acquise et le pays consulté par la voie des élections, les partis sont apparus, impatients de leur avènement notamment vis-à-vis de moi, et d'accord entre eux sur ce point seulement que la voie leur fût laissée libre. Dans de telles conditions, et étant écartée par moi toute aventure plébiscitaire, dont je suis convaincu que dans l'état de l'esprit public et dans la conjoncture internationale elle aurait finalement abouti à des secousses désastreuses, il n'y avait, pour l'homme qui vous parle, que deux solutions possibles. Ou bien entrer dans le jeu des partis, ce qui eût, je le crois, abaissé sans aucun profit cette sorte de capital national que les événements l'ont conduit à représenter et en venir rapidement à transiger sur l'essentiel. Ou bien laisser les partis faire leur expérience, non sans avoir, auparavant, fait réserver au peuple lui-même la faculté de décider, par la voie du référendum, du régime qui serait adopté. J'ai choisi cette deuxième solution. Puis, j'ai moi-même proposé publiquement les institutions qui me paraissaient s'imposer pour la France et pour l'Union Française et adressé en temps voulu à mes concitoyens des avertissements pressants quant au jugement qu'ils allaient porter.
On sait ce qu'il est advenu. La Constitution, suivant laquelle tous les pouvoirs se trouvent procéder dans leur source et dépendre dans leur fonctionnement, d'une manière directe et exclusive, des partis et de leurs combinaisons, a été acceptée par 9 millions d'électeurs, refusée par 8 millions, ignorée par 8 millions. Mais elle est entrée en vigueur ! On peut constater aujourd'hui ce qu'elle donne. Gardons-nous d'ailleurs d'incriminer les hommes dont certains sont, je le dis pour les avoir moi-même éprouvés, fort dignes et fort capables de diriger les diverses branches des affaires publiques, mais que le système lui-même ne laisse pas d'égarer ou de paralyser. En tout cas, il est clair que la nation n'a pas, pour la guider, un État dont la cohésion, l'efficience, l'autorité, soient à la hauteur des problèmes qui se dressent devant elle.
Car ces problèmes sont d'une dimension, d'une complexité d'une urgence, qui ne leur laisse rien de commun avec ceux que la France traitait autrefois, bien assise sur sa richesse, au milieu d'un monde nettement connu et défini. Maintenant, c'est de tout qu'il s'agit et de tout à la fois ! L'action économique, l'action sociale, l'action impériale, l'action extérieure, pour ne parler que des sujets les plus volumineux et les plus apparents, nous appellent et nous pressent, tandis que nous zigzaguons sur un chemin bordé d'abîmes.
Action économique ? En valeur absolue nous avons perdu, par le fait de la guerre, la moitié, de notre fortune nationale. En valeur relative, par rapport à d'autres nations qui ont, avant on pendant la guerre, modernisé leur outillage et leurs méthodes, nous avons perdu bien davantage encore. La menace ? C'est la médiocrité toujours plus accentuée jusqu'à devenir
Action sociale ? Faudra-t-il donc que nous demeurions dans cet état de malaise ruineux et exaspérant où les hommes qui travaillent ensemble à une même tâche opposent organiquement leurs intérêts et leurs sentiments ? Sommes-nous condamnés à osciller toujours douloureusement entre un système en vertu duquel les travailleurs seraient de simples instruments dans l'entreprise dont ils font partie et un autre qui écraserait tous et chacun, corps et âme, dans une odieuse machinerie totalitaire et bureaucratique ? Non ! La solution humaine, française, pratique de cette question qui domine tout n'est ni dans cet abaissement des uns, ni dans cette servitude de tous. Elle est dans l'association digne et féconde de ceux qui mettraient en commun, à l'intérieur d'une même entreprise, soit leur travail, soit leur technique, soit leurs biens, et qui devraient s'en partager, à visage découvert et en honnêtes actionnaires, les bénéfices et les risques. Certes, ce n'est pas cette voie que préconisent, ni ceux qui ne veulent pas reconnaître que rehausser la dignité de l'homme c'est non seulement un devoir moral mais encore une condition du rendement, ni ceux qui conçoivent l'avenir sous la forme d'une termitière. Mais quoi ? C'est la voie de la concorde et de la justice fructifiant dans la liberté !
Action impériale ? Parce que nous fûmes capables d'ouvrir au progrès moderne des contrées qui, auparavant, végétaient dans les abus, la misère, l'anarchie, parce que nous ne saurions renoncer à y remplir les devoirs que nous avons assumés sans les rejeter dans le trouble ou les livrer aux ambitions des autres, parce qu'en les perdant nous perdrions notre rang de grande puissance, nous avons, vis-à-vis du monde entier, le droit et le devoir de faire vivre et de développer l'Union Française que nous avons proclamée au pire moment de la pire des guerres. Amener chacune des entités humaines qui composaient hier notre Empire à se développer pour son compte, dans son cadre, à son profit, la faire bénéficier économiquement, socialement, moralement, intellectuellement, de ce dont nous sommes capables, l'associer à la Métropole dans des conditions conformes, soit au degré de son développement, soit aux traités que nous avons conclus, mais réserver à l'expérience, à la sagesse, à l'autorité de la France, la responsabilité supérieure de l'ordre public, de l'action extérieure, de la défense vis-à-vis du dehors et des activités économiques intéressant la communauté, voilà la tâche à accomplir ! L'effort est grand, le devoir est lourd, mais l'enjeu est à la mesure de la France.
Action extérieure ? Nous nous trouvons, désormais, dans un univers entièrement différent de celui où notre pays avait vécu pendant des siècles. Nous fûmes longtemps accoutumés à une Europe équilibrée, où cinq ou six grandes puissances, tout en rivalisant entre elles et en se faisant l'une à l'autre périodiquement la guerre, avaient une civilisation semblable, une commune manière de vivre, un même droit des gens, où les États moins importants se trouvaient protégés par la parité des plus grands, où notre vieux continent dominait en fait le monde par sa richesse, sa puissance, son rayonnement, où la France pouvait mener, avec bonheur ou malheur suivant les circonstances, mais toujours à son gré, une politique traditionnelle, fondée sur des données constantes. Le tableau a complètement changé !
Notre planète, telle qu'elle est aujourd'hui, présente deux masses énormes, toutes deux portées à l'expansion, mais entraînées par des dispositions essentiellement différentes et, du même coup, par des courants idéologiques opposés. L'Amérique et la Russie, si on a le droit d'espérer qu'elles ne deviendront pas ennemies, sont automatiquement rivales. D'autant plus que le rapetissement de la terre, par suite de l'évolution technique, les met partout en contact, c'est-à-dire partout en garde, et que l'invention de moyens de destruction terribles introduit dans leurs relations un élément acrimonieux d'inquiétude, sinon d'angoisse. Dans une pareille situation, placés là où nous le sommes, le maintien de notre indépendance devient pour nous le problème brûlant et capital.
Il implique, d'abord, que le sort du peuple allemand soit réglé de telle manière que les ambitions, les moyens, lorientation de notre voisin ne puissent plus nous tenir un jour sous le coup de leur menace. Il implique, en même temps, que nous nous appliquions à refaire l'Europe, afin qu'existe, à côté des deux masses d'aujourd'hui, l'élément d'équilibre sans lequel le monde de demain pourrait peut-être subsister sous le régime haletant des modus vivendi, mais non point respirer et fleurir dans
Voilà, en vérité, où nous en sommes et voilà ce que nous avons à faire ! Si nous n'étions pas le peuple français, nous pourrions reculer devant la tâche et nous asseoir au bord de la route en nous livrant au Destin. Mais nous sommes le peuple français ! Alors que beaucoup nous tenaient pour perdus ou, tout au moins, pour bien malades, nous avons su fournir l'effort héroïque et organisé de la résistance nationale qui nous a permis de sortir, dans les rangs des vainqueurs, du plus grand drame de notre Histoire. À l'heure qu'il est, nos soldats, qui rétablissent la paix en Indochine, font preuve d'autant de courage et d'autant de dévouement que jamais soldats n'en montrèrent. Nous ne sommes devenus ni bêtes, ni paresseux, ni corrompus ! Malgré toutes ses pertes, notre race n'est nullement en voie de disparaître et même les jeunes mamans de France ont mis au monde, l'année dernière, plus de bébés que nous n'en avions comptés annuellement depuis cent ans ! Si nous avons notre grande peine et notre lourd fardeau, toutes les nations ont les leurs et certaines d'entre elles s'en trouvent aussi éprouvées que nous.
Mais il s'agit, à présent, de nous tirer d'affaire, de résoudre virilement, par un puissant et long effort, les problèmes dont dépendent notre vie et notre grandeur. La cause est maintenant entendue. Nous n'y parviendrons pas en nous divisant par catégories rigides et opposées. Nous n'y parviendrons pas si l'État, dont c'est le rôle de guider la nation, est bâti pour fonctionner sur la seule base de ces divisions et des groupements qui les expriment. La République, que nous avons fait sortir du tombeau où l'avait d'abord ensevelie le désespoir national, la République que nous avons rêvée tandis que nous luttions pour elle, la République dont il faut qu'elle se confonde maintenant avec notre rénovation, sera l'efficience, la concorde et la liberté ou bien elle ne sera rien qu'impuissance et désillusion, en attendant, soit de disparaître, de noyautage en noyautage, sous une certaine dictature, soit de perdre, dans l'anarchie, jusqu'à l'indépendance de la France.
Il est temps que les Françaises et les Français qui pensent et qui sentent ainsi, c'est-à-dire, j'en suis sûr, la masse immense de notre peuple, s'assemblent pour le prouver. Il est temps que se forme et s'organise le Rassemblement du Peuple Français qui, dans le cadre des lois, va promouvoir et faire triompher, par-dessus les différences des opinions, le grand effort de salut commun et la réforme profonde de l'État. Ainsi, demain, dans l'accord des actes et des volontés, la République française construira la France nouvelle !
Vive la République ! Vive la France !"
Commentaires
Ah, quand Strasbourg avait rendez vous avec de Gaulle, elle avait forcément rendez vous avec l'histoire....Merci Robert Grossmann de le rappeller à certains et de le faire découvrir aux jeunes générations...
Amusant RPF et anniversaire ...
Qui serait gaulliste aujourd'hui ? That is the question ...
Je partage l'opinion d'Henri de Strasbourg. Cet homme incarnait quelque-chose de supérieur en France. La France était plus grande quand elle savait vibrer comme ça et seuls les plus grands savait lui donner ce souffle.
Merci Robert Grossmann de nous faire revivre au plus près cet instant où l'on sent déjà la force du futur président de la V ème République qui fera entrer notre pays dans la modernité et quitter cette forme d'ancien régime qu'était la IV ème dans laquelle certains voudraient inconsidérément nous replonger aujourd'hui.
Robert,
Un très grand merci pour ce rappel car, à Strasbourg, ce 7 avril une étape importante de la conduite de notre pays à été franchie avec la création du RPF autour des idées fortes du Général.
A la relecture du discours il est clair que les valeurs Gaullistes sont plus que jamais dactualité et ne sont pas passéistes comme certains voudraient le signifier. Il est donc important que des mouvements les portent et les défendent.
Par contre, cher Robert, même si ces idées sont présentes dans le programme de Nicolas Sarkozy il suffit, entre autre de relire les passages sur léconomie et le social du discours pour y retrouver quelques lignes directrices dans les propositions de NS il est nécessaire que cette pensée Gaulliste soit plus affirmée au sein ou en dehors de nos mouvements politiques en France mais aussi à Strasbourg lieu symbolique et historique de ce Rassemblement.
Est-il nécessaire de relire cette phrase qui résume parfaitement la conception et la position Européenne de Strasbourg pour réanimer la flamme des idées Gaullistes et humanistes au sein de notre citée : « . fidèle à une conception de l'homme, de la vie, du droit, des rapports entre les États, qui nous a faits tels que nous sommes, à laquelle ont toujours tenu notre influence et notre rayonnement et qu'il nous faut défendre et faire valoir dans le tumulte du monde, pour servir et pour survivre. » ?
Aujourd'hui à l'UMP les gaullistes sont devenus timides ou peut-être amnésiques ! Quand oseront ils revendiquer leurs origines politiques ? Pourquoi ne pas créer au sein de l'UMP une association ou rassemblement de gaullistes où ils pourraient échanger entre eux tout conservant leur étiquette UMP bien sur ! Il n'est pas question de diviser l'UMP mais de ne pas oublier le gaullisme !
A CANDICE et à tout le monde :
Cela existe déjà :
www.lemil.org
(source Wikipedia)
Mouvement initiative et liberté.
1 Origine et débuts du MIL
2 La droite « civique, gaulliste et patriote »
3 Les prises de position électorales du MIL
1 Origine et débuts du MIL
Le MIL (Mouvement initiative et liberté) est créé le 17 novembre 1981 par Jacques Rougeot, un proche du Rassemblement pour la République (RPR) et président de l'Union nationale interuniversitaire (UNI). Le général Alain de Boissieu, Pierre Messmer, Jacques Foccart et Pierre Debizet, président du Service d'action civique (SAC), participent également à la création du MIL.
Il est, paradoxalement, un produit du régime socialiste. En effet, il naît après la victoire de la gauche « pour essayer d'empêcher que, après s'être emparés du pouvoir politique, les socialo-communistes ne mettent définitivement la main sur les esprits et sur les structures de la France », selon ses propres termes. Le MIL est créé suite à la tuerie d'Auriol et à la création d'une commission d'enquête parlementaire sur le SAC, qui annoncent la dissolution du service d'ordre gaulliste par le gouvernement socialiste (celle-ci est décidée en 1982, après la fin des travaux de la commission). Le MIL ne se considère pas, officiellement, comme une « résurgence » du SAC, comme l'a indiqué Pierre Debizet sur TF1 le 25 juillet 1985. De fait, les militants du MIL jouent beaucoup plus rarement que ceux du SAC un rôle de service d'ordre. Le MIL poursuit toutefois le rôle de groupe de pression au sein du mouvement gaulliste, tenu par le SAC à partir de 1968. Il participe également aux élections, par des campagnes d'affichages, comme le faisait le SAC. Enfin, le MIL est lié au SAC par la continuité des dirigeants et des adhérents. Il a été créé grâce au soutien l'UNI, fondée en 1968 avec l'appui du SAC, Pierre Debizet a dirigé l'ancien service d'ordre, et incité ses anciens compagnons à adhérer au MIL.
C'est surtout en 1986 que le Mouvement initiative et liberté se fait connaître, quand Pierre Debizet, en est nommé super-intendant par André Decoq, successeur de Jacques Rougeot à la présidence du Mil et professeur à la faculté d'Assas (Paris II), avec l'accord bienveillant du comité d'honneur présidé par le général de Boissieu. Sa nouvelle cause est de libérer la France de l'« enlisement socialiste ». Il compare même, dès 1985, le socialisme au sida.
Pierre Debizet, qui se situe résolument à droite, part à travers la France et tient réunion sur réunion pour « gueuler la vérité aux Français » (Le Monde, 19 février 1987).
Cependant, le MIL a du mal à décoller, même s'il compte quelques milliers d'adhérents, dont Alain Peyrefitte et l'ancien chef d'état-major de l'armée de terre, le général Jean Delaunay. Une chose pourtant est sûre : malgré une audience confidentielle, tout le monde, à droite connaît le MIL.
À propos des idées du MIL dans les années 1980, l'historien François Audigier écrit :
« Le MIL constituait une sorte de laboratoire idéologique, où se croisaient les influences hétérogènes de la droite ultralibérale, d'un catholicisme réactionnaire et d'un gaullisme rigide. On y servait un discours musclé sur la préférence nationale, le combat contre l'avortement, la défense de l'école libre, le rejet des valeurs gauchistes, un ensemble qui n'avait rien à envier au programme frontiste[1]. »
2 La droite « civique, gaulliste et patriote »
Le MIL, aujourd'hui présidé par Raoul Béteille, se réclame de la droite civique, gaulliste et patriote. Son emblème est la Croix de Lorraine.
Le MIL se veut un « mouvement de réflexion » hors du commun qui défend les valeurs civiques (primauté de la personne, liberté, responsabilité, devoir et cohésion de la société). Le gaullisme est pour lui une inspiration essentielle et toujours actuelle. Il considère que le communautarisme, l'immigration et l'islamisme menacent l'identité nationale de la France et que résister est un devoir civique.
Pierre Clostermann, compagnon de la Libération, Jacques Foccart, ancien chef de réseau de la France libre et ancien secrétaire général à la présidence de la République de 1959 à 1974, Michel Habib-Deloncle, ancien ministre du général de Gaulle, Maurice Schumann, ancien ministre et compagnon de la Libération, aujourd'hui disparus, ont été membres de son comité d'honneur.
Sont également membres du comité d'honneur du MIL :
Jacques Boyon, président du Conseil d'Administration de l'IRIS
Bernard Debré, député UMP,
Xavier Deniau, ancien ministre,
Robert Galley, compagnon de la Libération,
Jacques Godfrain, député UMP,
Alain Griotteray, ancien député,
Christian de la Malène, ancien ministre,
Hugues Martin, député UMP,
Pierre Messmer, compagnon de la Libération,
Robert Pandraud, député UMP,
Eric Raoult, député UMP,
Jean Tibéri, député UMP.
3 Les prises de position électorales du MIL
Election présidentielle de 1995 : le MIL soutient Jacques Chirac "Chirac président pour sortir du socialisme"
Election présidentielle de 2002 : le MIL soutient Jacques Chirac "Chirac, le vrai gaullisme"
Référendum sur le traité de Constitution européenne de 2005 : le MIL vote non.
Election présidentielle de 2007 : le MIL soutient Nicolas Sarkozy "Les gaullistes avec Sarkozy"