André Malraux, lhommage de Strasbourg.
Par Robert Grossmann le lundi, 20 novembre 2006, 21:46 - culture et forum - Lien permanent




Le 23 novembre 1976 à six heures du matin disparaissait lauteur des Chênes quon abat .(1)
Depuis Lazare (2) il sentait avec douleur sapprocher linexorable faucheuse qui allait labattre à son tour.
Son ami Albert Beuret lassistait en son dernier adieu et Jean Mauriac (3) nous rapporte ses impressions : « Malraux avait le masque quon lui connaît bien, plein dinquiétude et dangoisse, un visage supplicié par lapproche de la mort. Malraux la dit dans Lazare : Lunivers de linconscient et du conscient échappe à toute donnée médicale »
La veille il échangeait quelques mots avec le professeur Rapin « Les choses comme les hommes ne valent que les unes par rapport aux autres »
Le professeur Bertagna le rassura à propos de meilleurs examens du laboratoire « Cétait déjà dans Courteline », lui répondit-il douloureusement ironique.
Sophie de Villmorin lui demanda juste avant quil ne sombre dans le coma :
« Souffrez vous ? » Il répondit: « Cest une interminable corvée »
Ce furent ses dernières paroles. Terrible leçon de mort de celui qui tenta sa vie durant de juguler et de défier le destin.
Malraux restera sans nul doute une géniale énigme qui, sa vie durant, ne cessa dinterroger les invisibles sphinx qui fixent de leurs regards muets La condition humaine .(4)
Il nous offrit dans ses romans et ses essais ses quêtes et les réponses quil semblait discerner. LEspoir (5) aussi bien que Les voix du silence (6) ou le Musée imaginaire (7) constituent autant de dons livrés à notre méditation.
« Le génial ami » dont de Gaulle tenait à sentourer affirmait que « lart était un anti destin » Mais la démarche quil proposait à lhomme pour esquiver son désespoir ontologique consistait à sengloutir dans laction. Toute sa vie Malraux célébra lengagement dans laction, toute sa vie il questionna les uvres dart en estimant que « lartiste nétait pas le transcripteur du monde mais quil en était le rival. »
Cet agnostique qui demeura fidèle jusquau bout au père Bockel sintéressa donc avec passion au rival de lartiste, Dieu lui même.
Bockel nétait pas le seul lien de Malraux avec Strasbourg et lAlsace.
On connaît lhistoire de la brigade Alsace Lorraine. Rappelons que le nom de guerre quil se choisit : colonel Berger était un hommage à lAlsace. Il expliquera que ce nom le séduisit parce quil pouvait se prononcer en français et en allemand.
Cest dans les « Noyer de lAltenburg » (8) que Malraux mit en scène lAlsace et le couvent où se déroule une part importante de laction nest autre que celui du mont Sainte Odile.
Innombrables sont les épisodes de sa vie qui sont liés à lAlsace et notre ville ne peut être insensible à tout ce que cet intellectuel génial (qui navait pas son bac !) a apporté à lhistoire de la pensée et à la culture dont il fut, par la volonté de de Gaulle, le premier ministre français.
Sa proclamation de foi inscrite dans le décret du 24 juillet 1959 est plus que jamais dactualité : « Rendre accessible les uvres capitales de lhumanité et dabord de la France au plus grand nombre possible, assurer la plus vaste audience à notre patrimoine culturel et favoriser la création des uvres de lart et de lesprit qui lenrichissent. »
Dans « Malraux par lui même » (9) une singularité soffre à nous. Ecrit par Gaëtan Picon ce petit manuel avait été entièrement relu par Malraux qui la annoté. Voici ce quil y écrivit lui même : « Vous savez quensuite tous les événements décisifs de ma vie ont été liés à lAlsace, jusque par les noms des rues où ils se sont passés »
Il était bien normal que Strasbourg se souvienne et donne le nom de Malraux à un de ses sites les plus significatifs. Cest ainsi que le môle du bassin Austerlitz doù rayonnera demain la grande bibliothèque sappellera désormais : "Presquîle André Malraux ".
1) Les chênes qu'on abat 1971, A.M. nrf
2) Lazare, Le miroir des limbes 1974, A.M. nrf,
3) Laprès de Gaulle Jean Mauriac 2006 Fayard
4) La condition humaine prix Goncourt 1933 AM
5) Lespoir 1937 AM nrf
6) Le voix du silence 1951 AM nrf
7) Le musée imaginaire 1952 AM nrf
8) Les noyers de lAltenburg AM 1943 nrf
9) Malraux par lui même Seuil 1961
La presse, avril 1969 Malraux pendant son discours aux jeunes gaullistes de l'UJP
la tribune : Pompidou, Couve de Murville, RG, Malraux, Michel Debré
tête à tête
entrée dans un indescriptible enthousiasme d'André Malraux avant de prononcer son discours à la jeunesse
Commentaires
Ah nostalgie quand tu nous tiens !
Ayant découvert Malraux à seize ans par "la Condition Humaine", puis "l'Espoir" dans la foulée, je lui attribue la paternité de mon engagement à l'extrême de l'extrême gauche.
Son immense talent littéraire mis au service de l'idéalisme gauchisant ne m'a pas rendu service mais, bon... je m'en suis sorti.
Quelle belle idée que de rebaptiser lancien môle Austerlitz, presquîle André Malraux. Cet espace sera un véritable temple spécialement dédié à la culture. Entre la cité de la musique et de la danse, la future grande bibliothèque, lUGC ciné cité - que vous naimez pas mais qui est tout de même un espace très agréable pour profiter du 7ème art les Strasbourgeois seront gâtés.
Lengagement de Strasbourg en faveur de la culture est désormais incontestable ! Quon se le dise !
J'aurais titré votre article "André Malraux, lhommage de Robert Grossmann" ou vous auriez pu l'intituler "André Malraux, mon hommage" !
Merci pour cette belle soirée avec Frédérique Hébrard et Louis Velle ! C'était un moment magique et passionnant d'entendre cette grande dame de la littérature et du théâtre parler de Malraux d'une façon aussi intime.
Bravo également pour la façon que vous avez eu d'animer cette soirée : on ne vous connaissait pas ces talents d'animateur littéraire !
Juste un petit bémol : j'aurais bien aimé que la soirée dure deux heures de plus encore, tellement c'était magnifique !
M. Grossmann,
Je tenais à vous remercier pour ce magnifique hommage que vous avez rendu à Malraux à l'hôtel de ville, hier soir. Les trois intervenants que vous aviez invité ont été formidables. Et particulièrement Frédérique Hébrard. J'avoue que les derniers mots de son texte m'ont mis la larme à l'oeil (ainsi qu'à Louis Velle, je crois !), et comme vous l'avez dit, après de tels moments, "seul le silence est grand".
Pour un jeune de dix-sept ans comme moi, une expérience de ce type fut la première et elle restera gravée dans ma mémoire un bon bout de temps.
Encore une fois, M. Grossmann, merci.
Mon cher Grossmann,
Jai dit - ma voix est celle du silence ; elle nest pas parvenue aux élyséennes oreilles - que je ne goûtais ni les honneurs ni les hommages. Jen ai tellement rendu, jai prononcé si souvent des éloges funèbres que je men remets maintenant à la parole des évangiles : « Laissons les morts enterrer leurs morts. » Mille fois jai fait le tour sur moi-même quand on ma dérangé de mon éternelle retraite de Verrière, non loin de mes chats et de chez les Vilmorin, pour transhumer ce qui reste de moi là-haut en ce froid Panthéon. La vue y est imprenable et, depuis la colline Sainte Genevièvre, je me sens désormais plus proche de Dieu et des pigeons. Entre nous, mon cher Grossmann, si le petit Chirac voulait à tout prix me transbahuter post mortem, il aurait pu avoir la délicatesse de me conduire au mont Valérien, avec les copains qui sont tombés au Vercors et sur les routes qui nous ont menées jusquà Strasbourg.
Passons. Je ne veux plus entendre parler dhommage. Hier, mon vieux Bockel - à chaque curé son agnostique ; à chaque agnostique son curé - ma rendu visite. Il va bien. Lui qui est toujours au fait des choses de lAlsace - et qui nous rapporte au général et à moi ce qui sy passe - ma annoncé que Strasbourg était en train de faire sonner lolifant et les trompettes de la renommée pour me rappeler à son bon souvenir. Cela ma rendu fou de rage.
Alors je suis descendu, prêt à vous faire, cher Grossmann, de spectrales remontrances. Jai vu. Et les formes de la colère, et le style de la colère, tout à coup appartenaient au passé. A Paris, on ma mis en marmoréenne quarantaine : Malraux, à lisolement comme un fichu dyable !
A Strasbourg, vous moffrez ni Elbe ni Sainte-Hélène - je ne suis pas Napoléon, mes copains alsaciens le savent. Vous me donnez une presquîle. Et ce bras de terre me raccroche au monde des vivants. Merci, cher Grossmann.
André M.
Monsieur, pourriez-vous transmettre à votre amie Mme Hébrard tous mes remerciements pour ce qu'elle a dit hier soir sur Malraux, sur son père et aussi pour sa magnifique déclaration d'amour à Strasbourg !
Malraux... un des derniers héros français... un exemple pour la jeunesse... un mythe... les photos que vous publiez sont magnifiques... vous avez une sacrée veine d'avoir cotoyer quelqu'un de ce calibre. RESPECT
Petite anecdote de Peyrefitte relative à Malraux :
Le Général ayant décidé de donner la grand-croix de la légion dhonneur à François Mauriac (père de Jean Mauriac), des ministres murmurent.
« Mais oui, messieurs, tranche le Général, Mauriac est le plus grand écrivain français ».
Son regard balaie le conseil et tombe sur André Malraux.
« Oui, le plus grand écrivain français parmi dautres. »
Je viens de lire les DNA et je vois qu'un monsieur Bord est en colère contre vous à cause qu'il a pas été invité pour Malraux. Moi non plus mais j'ai lu dans le journal et comme ça m'a intéressé je suis venu. C'était formidable et c'est formidable d'avoir mis son nom sur une presqu'île. Qu'est ce qu'il cherche donc ce monsieur? je n'ai jamais entendu parlé de lui qui est ce donc pour se permettre de donner des leçons comme ça. C'est scandaleux que le journal écrire ça dans le journal. Si je suis en colère à cause de ma belle mère il l'écrira aussi?
Filochard,
Je crois quAndré Bord est un ancien proche collaborateur de Mitterrand qui a quitté le RPR en 1988. Il prônait un soutien actif à la gestion socialiste de lépoque qui a pourtant ruiné la France et dont NOUS payons encore les dettes aujourdhui Il est aussi ancien ministre, ancien président du Conseil Général du Bas-Rhin, ancien conseiller général, Bref, cest un ancien !
Pour en savoir plus, je vous invite à découvrir cet extrait du dernier livre de Jean Mauriac à cette adresse :
johnnyhalite.hautetfort.c...
Filochard après votre billet je suis allé lire les DNA. C'est ahurissant! Ce Bord je le connais. Triste sire, inculte et politicard, relevant de la psychiatrie. Ne s'exprime plus depuis dix ans que comme décorateur, par des médailles à coller où tout le monde se fait ch...tellement il est sporifique. Son action principale: entreprise de démolition, termite en chef!
Il estime que tout lui appartient, Strasbourg, l'Alsace, Chirac et maintenat Malraux. Je vous conseille d'aller sur le site de J.Halité et de lire la page qui se trouve dans le livre de J.Mauriac. En matière de retournement de veste, de trahison il est champion mais aujourd'hui à presque quatre vingt dix ans et il continue à faire ch... le monde. Spectaculaire non?
Filochard, Johnny,
Quel dommage de chutter aussi bas à propos de Malraux, tomber sur ce Bord!!!Laissez le donc faire sa tempête dans son verre de dentifrice et y secouer son dentier. Parlon de la résurrection littéraire de Malraux. Relisons l'Espoir, La condition humaine, les Chênes qu'on abat. Songeons au minsitre d ela culture de De gaulle qui quitat le pouvoir avec lui. Ne passons pas une seconde à évoquer des clopportes et des morpions qi s'accrochèrent à Giscard et à Mitterrand. C'est de l'indignité et de l'infamie ce que j'ai lu sur votre blog Johny, les extraits du livre de Mauriac à props de ce honteux personange Allez, aux oubliettes!
Je trouve que c'est anormal de ne pas avoir demandé la permission à tous les André qui habitent Strasbourg et ses alentours s'ils étaient d'accord pour donner leur prénom à une presqu'île. Malraux ok, mais André avant tout ! Or, je n'ai pas été consulté... Je suis en colère, j'ai le sentiment que mon prénom a été usurpé.
D'autre part, je comprends fort bien le point de vue de M. Bord : vous ne lui avez même pas demandé la permission de détourner son nom lorsque vous avez fait le Jardin des Deux Rives, alors que chacun sait que les rives sont avant tout une question de Bord.
A l'avenir, M. Grossmann, je vous conseille d'avoir un peu moins de mauvaise foi et quand vous inaugurerez une rue, vous êtes prié de demander une autorisation à Jean-Luc Delarue.
J'étais à la rencontre à l'hôtel de Ville avec Frédérique Hébrard. C'était un instant de pur bonheur d'entendre cette dame à l'âge respectable (et à l'oeuvre littéraire considérable) parler de la façon dont, petite fille, elle a rencontré Clara et André Malraux.
J'ai également été très ému d'entendre le comédien André Pomarat raconter son émotion et, surtout, la fille du Commandant Ancel, un grand héros, parler des rapports entre Malraux et son père.
Merci pour toute cette émotion.
Je pensais à ce blog, je relisais quelques lignes de psychologie de l'Art et d'un autre livre sur Vermeer de Delft. Homme d'acion et de culturel, il me fait penser à la Paideia, tel que Jager la décrit. Un homme complet et engagé ce Malraux
Un point de vue :
bboeton.wordpress.com/200...
Cordialement
L'Abrincate