Brassens, le forgeron des âmes pures
Par Robert Grossmann le dimanche, 29 octobre 2006, 09:39 - culture et forum - Lien permanent
trop tôt, évidemment, à l'âge de soixante ans.
Il écrivait "avoir eu la tétée au jus d'octobre", cétait un 22 octobre 1921.
Cest étrange, le mois doctobre Brel est mort le 9 octobre 1978
Brassens constitua le grand choc de mes quinze ans. Lorsque j'entendis pour la première fois "chanson pour l'Auvergnat" je compris qu'il se passait quelque chose dénorme dans le monde de la poésie. La langue ressuscitait, la classique aussi bien que largot.
La manière dont Brassens forgeait ses mots en ciselant ses phrases et leurs mélodies l'a immédiatement inscrit dans la lignée des plus grands artisans de la littérature française. Je me souviens qu'à l'époque des universités suédoises ou canadiennes le proposaient comme "l'écrivain français dont il fallait étudier la langue."
Mais, au delà de cette singularité totalement déroutante à une époque où l'on n'était censé s'intéresser quà ceux recensés dans les manuels patentés, cest aux âmes quil sadressait.
Les chansons de Brassens allaient droit à lâme et y produisaient leurs petits ou grands bouleversements.
Cest aujourdhui tout Brassens quil faudrait relire, et ses textes, qui existent en livre de poche, donnent cette envie rare de se les réciter, de se les fredonner.
Je connais aujourd'hui des jeunes férus de chansons qui évitent Brassens.. Trop simple pas assez musical, peut-être selon eux, pas mode.
Quelle monstrueuse erreur. Le nombre d'orchestres qui interprètent du Brassens, mettent en lumière la manière très élaborée et très travaillée, très subtile de ses mélodies, est impressionnant. Brassens est superbe en Jazz pourquoi pas en rap ?
Brassens à chanté de beaux poètes : Victor Hugo et son exceptionnel Castibelza, Verlaine, Aragon, Paul Fort dautres encore.
Ce qui est admirable chez Brassens et si rare dans la chanson, cest quil forge des miracles de petits joyaux où la mélodie, les paroles, son timbre de voix même, sont tellement joints et indissociables quon ne peut que les cueillir tout entiers comme les fruits dune opération magique. Elaborés dans lantre de lalchimiste élevée à la dimension de forge céleste. On en est mué, on en est transmué.
A ceux à qui je pardonne un premier réflexe superficiel qui les inciteraient à ne pas sy intéresser, je demande de lire et découter et aussi de comprendre la permanence de Brassens.
Sa poésie traverse les temps.
La camarde, qui ne ma jamais pardonné
Davoir semé des fleurs dans le trou de son nez,
Me poursuit dun zèle imbécile.
Alors, cerné de près par les enterrements,
Jai cru bon de remettre à jour mon testament,
De me payer un codicille
.
Et quand, prenant ma butte en guise doreiller,
Une ondine viendra gentiment sommeiller
Avec moins que rien de costume,
Jen demande pardon par avance à Jésus,
Si lombre de ma croix sy couche un peu dessus
Pour un petit bonheur posthume
Pauvres rois, pauvres pharaons ! Pauvre Napoléon !
Pauvres grands disparus gisant au Panthéon !
Vous envierez un peu léternel estivant,
Qui fait du pédalo sur la plage en rêvant,
Qui passe sa mort en vacances
Ladmirable poème dAntoine Pol
: Les passantesJe veux dédier ce poème
A toutes les femmes quon aime
Pendant quelques instants secrets,
A celles quon connaît à peine
Quun destin différent entraîne
ET quon ne retrouve jamais..... .
La prière, de Francis Jammes
......................................
Par les gosses battus par livrogne qui rentre,
Par lâne qui reçoit des coups de pieds au ventre
Par lhumiliation de linnocent châtié,
Par la vierge quon a déshabillée,
Par le fils dont la mère a été insultée
Je vous salue Marie....
La marine, de Paul FortOn les rtrouve en raccourci, dans nos ptits amours dun jour, toutes les joies tous les soucis des amours qui durent toujours......................
Mais ce sont évidemment tous ses textes quil faudrait citer .
Alors jai envie de dire aux jeunes qui ne lestimeraient pas assez musical ou pas assez poète, ou peut-être dépassé : Elle ne serait pas actuelle « la vierge quon a dehabillée » .....dans une cave pour commettre des viols collectifs appelés poétiquement « tournantes » ?
Pas actuel ? "Ci gît au fond de mon âme un histoire ancienne, un fantôme un souvenir dune que jaimais »
Et, pour être plus « sociétal » :
Il y a peu de chances qu'on
Détrône le roi des cons
.............
Je, tu, il, elle, nous, vous, ils,
Tout le monde le suit docil........
Que, ça sest vu dans le passé,
Marianne soit renversée,
Il y a peu de chances quon
Détrône le roi des cons (à lire en entier évidemment)
Mais si quelquun daventure estimait que Brassens nest pas mode, ça me conviendrait plutôt bien. Cest effrayant la mode, cest fallacieux, artificiel, évanescent, cest du sable, la mode. Préfèrons la solidité du bronze et, parfois chez Brassens, la pépite toute pure.
Commentaires
"Le temps ne fait rien à l'affaire".... Chaque pas dans la vie est donc un pas vers la mort ou un autre départ. Autant se faire tout petit, non devant la poupée, mais devant les chemins de la destinée. Et puisque qu'amoureux de la chose publique, certains, à droite, ont cru devoir le mettre au ban, vous avez raison de leur proposer d'ouvrir leur yeux sur les écrits de Georges qui n'est pas encore Saint à Sête ( quoique).
Je conseille donc la lecture de "Brassens par Brassens", les libres propos rassemblés par Loic Brochard au Cherche Midi. Quant aux idéalistes bloggueurs que nous sommes, débattant sur l'agor et défendant idées et idéaux, cette chanson, ce poème nous est sans doute dédié :
"Mourir pour des idées, l'idée est excellente .
Moi j'ai failli mourir de ne l'avoir pas eu .
car tous ceux qui l'avaient, multitude accablante,
En hurlant à la mort me sont tombés dessus .
Ils ont su me convaicre et ma muse insolente,
Abjurant ses erreurs, se rallie à leur foi
Avec un soupçon de réserve toutefois :
Mourrons pour des idées d'accord, mais de mort lente,
D'accord, mais de mort lente .
Jugeant qu'il n'y a pas péril en la demeure,
Allons vers l'autre monde en flânant en chemin
Car, à forcer l'allure, il arrive qu'on meure
Pour des idées n'ayant plus cours le lendemain .
Or, s'il est une chose amère, désolante,
En rendant l'âme à Dieu c'est bien de constater
Qu'on a fait fausse rout', qu'on s'est trompé d'idée,
Mourrons pour des idé's d'accord, mais de mort lente,
D'accord, mais de mort lente .
Les saint jean bouche d'or qui prêchent le martyre,
Le plus souvent, d'ailleurs, s'attardent ici-bas .
Mourir pour des idées, c'est le cas de le dire,
C'est leur raison de vivre, ils ne s'en privent pas .
Dans presque tous les camps on en voit qui supplantent
Bientôt Mathusalem dans la longévité .
J'en conclus qu'ils doivent se dire, en aparté :
"Mourrons pour des idé's d'accord, mais de mort lente,
D'accord, mais de mort lente ."
Des idé's réclamant le fameux sacrifice,
Les sectes de tout poil en offrent des séquelles,
Et la question se pose aux victimes novices :
Mourir pour des idé's, c'est bien beau mais lesquelles ?
Et comme toutes sont entre elles ressemblantes,
Quand il les voit venir, avec leur gros drapeau,
Le sage, en hésitant, tourne autour du tombeau .
Mourrons pour des idé's d'accord, mais de mort lente,
D'accord, mais de mort lente .
Encor s'il suffisait de quelques hécatombes
Pour qu'enfin tout changeât, qu'enfin tout s'arrangeât !
Depuis tant de "grands soirs" que tant de têtes tombent,
Au paradis sur terre on y serait déjà .
Mais l'âge d'or sans cesse est remis aux calendes,
Les dieux ont toujours soif, n'en ont jamais assez,
Et c'est la mort, la mort toujours recommencé' ...
Mourrons pour des idé's d'accord, mais de mort lente,
D'accord, mais de mort lente .
O vous, les boutefeux, ô vous les bons apôtres,
Mourez donc les premiers, nous vous cédons le pas .
Mais de grâce, morbleu ! laissez vivre les autres !
La vie est &agrace; peu près leur seul luxe ici bas ;
Car, enfin, la Camarde est assez vigilante,
Elle n'a pas besoin qu'on lui tienne la faux .
Plus de danse macabre autour des échafeauds !
Mourrons pour des idé's d'accord, mais de mort lente,
D'accord, mais de mort lente"
Le mois doctobre a également vu disparaître Edith Piaf, Janis Joplin (mais aussi Coluche dont Alsator est friand) Pourtant, à mon sens, le mois de novembre est encore plus étrange avec les disparitions de Barbara, Montand mais surtout Malraux et LE Général de Gaulle !
Brassens nous a quittés depuis déjà 25 ans. (Cest vraiment une salle année cette année 1981 ) Mais 25 ans après, Brassens reste plus que jamais moderne. Même le grand JH a repris avec succès son uvre. Il nous a entre autre concocté une interprétation du parapluie surprenante. Renaud Séchant a, lui aussi, rendu hommage à sa manière au poète. Il sagissait dune version plus anisée
25 ans après, Brassens reste un auteur apprécié et écouté de la jeunesse. De nombreuses versions plus récentes notamment en espagnol ou en anglais circulent. Certaines de ses paroles ont, paraît-il, fait vibrer les rues de la Krutenau à la fin du mois de septembre dernier
Ribouldingue, je vous conseille la lecture ce site brassenspolitique.free.fr... qui reprend une analyse de l'oeuvre du personnage Brassens, ces écrits et notamment ceux évoqués dans ma note précédente méritent une savante lecture.
Brassens est-il de droite, de gauche ? On sait surtout qu'il fut anarchiste. De droite, de gauche, là encore mystère ... il reste anarchiste et libertaire.
Prisonnier et STO, il n'en veut pas aux Allemands mais à la guerre. Entre sa mère ultra-catholique et son père anti-clérical, l'homme se sera construit sa personnalité. Il écrira dans le Libertaire mais son humeur et son humour font que faute d'autocritique, il est priè d'en partir, sans vague. Lui qui maria dans ses textes, Aragon, Hugo, Banville, Musset et tant d'autres est sans doute avant tout un homme libre.
Hoctus est Mort, Vive Hoctus !
J'en profite pour rebondir sur BRASSENS...qui pour moi était et est encore une de ces "merveilles" de France qui vous éveille à ce qu'il y a de meilleur dans l'apprentissage d'une langue lorsqu'on a dix, douze ou dix-huit ans...Paix à lui, avec son voisin Paul Valery....la France, celle-ci ou celle-là....malheureusement fout le camp, suivez ce lien :
www.lefigaro.fr/debats/20...