J’ai été comme fasciné à chaque page de « L’après de Gaulle », notes confidentielles, de Jean Mauriac, qui retracent vingt années de pouvoir, de coulisses, vingt ans de confidences, de 1969 à 1989.

J’ai vécu cette période et je ne me doutais pas que tant d’acteurs de premier plan de la scène politique nationale, que je vénérais jeune homme, aient été aussi faibles, légers, inconscients et ressemblent autant à certains de ceux qui évoluent aujourd’hui. Les poisons et les délices, les trahisons et les condamnations à mort politique, les sentences meurtrières, les retournement de vestes, les volte face sont évoquées au fil de ces confidences, l’air de pas y toucher.

Il est clair que Jean Mauriac, le superbe auteur de « Mort du général de Gaulle », ne destinait pas ces "notes confidentielles" à la publication.

Elles nous saisissent d'autant plus directement que le ton est d’une absolue sincérité. Mauriac au fond se parle à lui même et se rend compte, sans nul doute, qu’il décrit une triste comédie humaine qui dévale imperceptiblement vers un abîme de déceptions.

Pourtant on part de haut et de loin : les derniers jours de de Gaulle. La fin d’un Prince, le dernier à avoir une conception éthique du pouvoir. Le glissement vers les dérives, puis la progression vers la décadence s’enchaînent ensuite, rythmés par des noms symboliques, Pompidou, Giscard, Mitterrand et Chirac, Chirac, Chirac.

Qui donc nous raconte, sans savoir que ces confidences là seront consignées puis restituées, cette triste épopée? Olivier Guichard, Raymond Barre, Jean de Lipkowski, Michel Jobert, Yves Guéna, Roger Frey, Jacques Chaban Delmas, mais aussi Pierre Juillet, Marie France Garaud, Philippe Seguin et tant d’autres.

(Parenthèse…pour tous ceux qui, ici en Alsace, ont eu droit de manière incessante à des leçons de morale chiraquienne, à une permanente culpabilisation, je recommande la lecture attentive de la page 519 ils boiront du petit lait…)

Il y a dans ces "confidences" des pages admirables, qu’il faut avoir lues, qu’il faut conserver précieusement, j’allais écrire pieusement, sur madame de Gaulle, tante Yvonne…des pages d’anthologie sur la mort de Malraux!

Mais de manière globale on voit en permanence, dans ce livre, la bassesse, la mesquinerie, la haine, la soif inextinguible de pouvoir.

Pauvre Chaban qui, après son douloureux échec aux présidentielles, s’attend à être à nouveau premier ministre de Giscard... de Mitterrand. Il ne fut pas le seul à rêver son destin…Barre lui aussi et Guichard...

Et dire que tous ceux qui se sont exprimés, de 1975 à 1989 ont prédit presque tous la fin irrémédiable et définitive de Chirac, tricheur, traître, girouette, menteur, qui ne serait jamais président de la République ! (je les cite…)

Le temps a passé. Il a rendu ses verdicts et c’est là qu’on aperçoit la pauvreté des jugements humains, les caprices du destin, la futilité de toutes les choses du pouvoir.

Une lecture passionnante, un grand moment de philosophie politique vécue.

Comme disaient les anciens: primo vivere, deinde philosphare. Au travers de ces confidences c’est la vie qui s’exprime et invite à la méditation.

Je recommande ce livre à tous ceux qui sont passionnés d’histoire, de politique, de psychologie et en priorité à ceux qui exercent des responsabilités et à leurs environnements. Mais aussi à tous ceux qui s'intéressent à leurs élus et les observent.

PS. Vous verrez que les histoires entre Fabius et Royal, Villepin, MAM et Sarko ne sont que des remakes actualisés de la grande histoire des passions humaines autour du pouvoir !