Un homme-girafe installé sur le parvis d'ARTE
Par Robert Grossmann le mercredi, 18 octobre 2006, 14:30 - art - Lien permanent
Lhistoire de lHomme Girafe est une belle histoire, qui procède de la rencontre fertile entre des hommes et des femmes qui ont pour passion la culture partagée.
Cest lhistoire de la rencontre entre ARTE, la ville de Strasbourg, le CEAAC, et un artiste de renommée internationale.
Ce qui les lie cest la volonté dembellir lexistence de tous et dindiquer à chacun que prendre des chemins escarpés est plus enrichissant que de dévaler les pentes de la facilité. Ce qui les mobilise cest de fabriquer du sens, doffrir du sens.
Et comme nous sommes à ARTE je veux dire que cette chaîne de télévision est tout à fait singulière et exemplaire dans le paysage européen.
Non seulement parce quelle est franco allemande donc pleinement européenne et quelle remplit sur ce plan une authentique mission davenir.
Mais aussi et surtout parce quelle nest pas la chaîne de la platitude et de la banalité, de la captation sans conscience des publics avec pour unique objectif laudimat.
« Télévision sans conscience nest que ruine de lâme ! » telle pourrait être pour ARTE la devise revisitée de Rabelais.
Et le résultat est passionnant.
Lhistoire de cette uvre est aussi une belle histoire dhommes et de femmes, naturellement, tant les institutions ne valent que par ceux qui les animent :
Jérôme Clément et Gottfried Langenstein, Fabienne Keller et son équipe,
Evelyne Loux, Paul Guérin, du CEAAC, mais aussi Fabrice Hergott directeur des musées et tous ceux qui enrichissent notre comité dexperts et que je salue collectivement.
Enfin lacteur principal, lartiste, Stéphane Balkenhol, choisi après une rigoureuse analyse au cours dune compétition qui a regroupé de grands noms, comme Lydie Arrix et une finale aussi passionnante quune coupe du monde de football entre Xavier Veillan et Stéphan.
Je ne sais plus très bien quelle est lexacte genèse de cette belle aventure. Je sais que nous nous sommes rencontrés avec Jérôme Clément et tous deux nous avons manifesté un très fort désir dinstaller une sculpture monumentale pour ARTE.
Je sais aussi que notre rencontre a été fructueuse puisquelle a débouché sur un partenariat parfait et exemplaire avec la Ville de Strasbourg, jalonné de superbes moments de convivialité culturelle entre léquipe dArte et la nôtre.
Voici donc luvre de Stéphan Balkenhol.
Elle va être dévoilée dans quelques instants et, à partir de ce moment tout va nous sembler naturel.
Pourtant, dans ce quartier intellectuellement très actif où le Conseil de lEurope et le Parlement voisinent avec ARTE, il est assez rare que lon puisse voir autant de personnalités réunies quaujourdhui autour de lart.
Toute la vie sy déroule discrètement, à lintérieur des innombrables bureaux dans les immeubles qui bordent la rivière, dans des hémicycles.
Comme nous le pressentions, une sculpture figurative ne pouvait donc être que bienvenue pour apporter une présence haute en couleur et surtout un peu de fantaisie dans le contexte de ces architectures imposantes mais relativement austères.
Au lieu de faire le choix égoïste dune uvre pour lintérieur de ses locaux, ARTE a eu la générosité de souhaiter quelle soit installée sur le parvis et, par conséquent offerte à la vue de tous, aussi bien des strasbourgeois que des nombreux touristes découvrant notre ville par les navettes fluviales. Emblème par conséquent !
En découvrant avec vous tout à lheure cet Homme-girafe, je puis dire que Stephan Balkenhol sest situé parfaitement à la hauteur du dialogue qui lui était ainsi proposé. Cette figure hybride, insolite pour nous mais familière à son univers imaginaire, manifeste avec éclat lautonomie, la liberté desprit avec laquelle un grand artiste répond à une commande, au-delà de ce quelle a pu ou su formuler.
Je suppose que lintérêt de Stéphane Balkenhol pour la girafe vient en partie du fait que, tout comme ses uvres, limage de cet animal na jamais été chargée de quelque symbolisme moral convenu.
Avec sa force paisible, la girafe a de tout temps été considérée comme une pure merveille, fascinante, exotique, dénuée de toute utilité pratique : elle est en somme, une sorte duvre dart naturelle offerte au seul plaisir du regard !
Mais permettez moi daller un peu au delà et de vous livrer des réflexions toute personnelles :
Jai toujours beaucoup aimé cette phrase étrange et profonde dAndré Malraux :« Lartiste nest pas le transcripteur du monde, il en est le rival »
Rien ne lillustre mieux que cette uvre de Stéphane Balkenhol.
Ici, lartiste montre bien quil a créé un univers à lui dont lhomme girafe est un élément de son peuplement.
Balkenhol se situe en compétition avec le monde dans lequel nous vivons et que nous identifions d'après les perceptions et les connaissances que nous en avons.
Il le fait par lincitation au rêve
Et la stimulante rivalité de lartiste nous conduit vers un monde imaginaire, poétique, fantastique, florissant.
Oui il rivalise avec le nôtre qui est immédiat et cest bien la médiation de lartiste qui est à lorigine de cette merveilleuse incursion.
Ne sommes nous par là même dans ce qui fait la raison dêtre même dARTE ? La chaîne qui offre de manière quasi permanente ce choc entre une identité et une altérité ce qui est le propre même de la culture.
Une uvre dart aujourdhui na pas vocation à faire « joli ». Elle ne saurait être un simple élément de recherche esthétique. Elle est là, bien plutôt, pour interpeller, questionner, mettre la pensée en mouvement.
Point nest besoin dailleurs quelle soit forcément sinistre ou noire, elle a le droit dêtre joyeuse et ludique.
Aussi jaimerais avec vous observer tout à lheure cet être qui se trouve là figé en son bronze mais qui semble à chaque instant, vous le verrez, vouloir sen dégager, descendre de son tabouret pour prendre vie.
Cest donc un homme emmanché dun long cou qui se fait girafe ou cest une girafe qui finit en homme
Sa mine est sympathiquement étrange et déjà familière nouvelle espèce de moderne Minotaure, altière et pacifique.
Son regard imperturbable et un peu snob symbolise à merveille le détachement du philosophe par rapport aux choses de la vie . Cest presque du vanitas vanitatum
. Tout passe
les chagrins aussi bien que les plus belles heures de la vie comme le fil de cette eau quIl contemple discrètement.
Philosophe donc, dautant plus que ce regard est dans les altitudes.
Et sa hauteur de vue ajoute à cette sensation de sérénité olympienne - - impressionnante comme la longueur de son cou.
Et ce cou de la girafe si mythique incite, en laissant glisser le regard jusquà la taille, à se poser des questions:
Mais au fond sagit-il vraiment dune girafe ? Avec une tête et un regard si inspirés, dune telle intelligence?
Et ces bras ouverts qui semblent dire «voilà, je suis là. Pourquoi tant détonnement, tout est si naturel »
A regarder cette uvre de près et à la contempler longuement on peut être saisi par un trouble mystique.
Elle fascine au point quon finit par en être bouleversé.
Ne sommes nous pas en quelque sorte dans la métamorphose, la métamorphose selon Ovide, la métamorphose des dieux ?
Une âme anime-t-elle cette créature métenpsychotique ?Et alors pourquoi ce tabouret ?
Soyons clairs, elle navait pas besoin dun tel artifice pour être en altitude spirituelle.
Cest donc pour nous rassurer que cet ustensile est là, comme pour nous suggérer : « cest facile dêtre grand et de voir les choses avec la hauteur qui convient, tenez, prenez comme moi un tabouret et essayez donc »
Et lon se mettrait presque à y croire et lon se met à sassimiler.
LHomme Girafe nous élève donc et nous incite à voir les choses de haut, parfait symbole pour la chaîne franco allemande ce mariage de la girafe de lhomme.
Bon ! des esprits mal intentionnés pourraient oser une question quon évacuera demblée : « quest ce qui dans cet homme girafe est français et quest ce qui est allemand ? La tête ou les pieds ?
Bonne question.
Le miracle cest que cest indissociable et que lun et lautre forment un tout.
Pas de jambes sans cou et réciproquement.
Cest en effet comme la France et lAllemagne, cest un tout générateur dEurope dEurope de la Culture.
Je souhaite longue vie à lHomme Girafe dARTE Strasbourg, je souhaite de belles contemplations à tous les publics, je souhaite déternelles inspirations à ARTE pour notre bonheur.
Commentaires
Subjectivement, je trouve ça moche et sans saveur mais ça ne regarde que moi bien entendu...
D'autant que le regard de la girafe n'est pas le plus intelligent parmi les animaux de la savane....mais ça l'artiste a bien su le retranscrire!
Au risque de vous déplaire, je doute que beaucoup de strasbourgeois comprennent cette sculpture, il y a de la pédagogie à faire.
Hasta luego!
Il y en a un qui doit bien rigoler : c'est l'artiste. Arriver à vendre très cher ce genre de choses absolument inintéressantes et moches, c'est la gageure quotiennement réussie de beaucoup de créateurs (voir certains griboullis exposés au MAMCS...).
Mais enfin André W. arrêtons la moralisation dans l'art, je ne parlais que pour moi, je n'engage pas les autres dans mon sentiment vis à vis de cette oeuvre.
Cessez de nous rebattre les oreilles avec vos "prenez un livre d'histoire de l'art", ça m'énerve au plus haut point. Ca signifie que si l'on ne pense pas comme vous alors on est pas du tout cultivé! D'ailleurs prenez un livre, non je ne prendrai pas de livre. L'art se vit, se touche, se regarde, se ressent; il ne se lit pas...ça serait comme d'écouter une pièce de théâtre sans en voir les acteurs. J'en ai assez de ces artistes qui font des pages d'explication sur leurs oeuvres pour finalement nous livrer des merdes sans nom!
Alors gardez vos commentaires pour vous sous prétexte que nous n'abondons pas dans votre sens. L'art créé le dialogue, et je n'y suis pas fermé. Ce sont juste vos réactions qui sont désagréables....de là à provoquer chez vous de l'inquiétude eh bien mon cher André vous êtes un grand sensible!
Je suis daccord avec LaCamisaNegra... Ne moralisez pas l'Art !Ce sont les maths que l'on apprend dans un livre, l'art, il s'apprend dans les églises, avec les tripes ! Maintenant il ne faut pas généraliser, il y a aussi des livres d'art sympathiques... Je recommande le supplément du Figaro sur l'art égyptien (4euros 90 au tabac pour 400 pages de sublimes photos). La sculpture de Balkenhol, je la trouve magnifique et justement très loin de l'art conceptuel de merde. Pour moi elle se passe amplement de livre et même de discours. Elle me transporte. Bravo et merci pour ce choix.
je dirais que celui qui veut lire, lise, que celui qui veut regarder, regarde, que celui qui ne comprend pas se taise.
mais voyons jean Emile, l'argent n'a pas d'odeur et l'objet d'art n'a pas de prix
Artichaud, savez vous que l'on surnomme la BD le 9eme art? Ce n'est pas bien de la citer de cette manière...
Le débat qui s'est développé, il est très amusant. Je suppose que les intervenants de ce blog ne connaissent pas les trolls. Et bien j'en ai lancé un et je suis content du résultat : il y en a qui ont déjà vu le populisme, voire pire, au coin du bois ! Bravo pour cette oeuvre. On aime ou on n'aime pas, mais l'art doit pouvoir s'exprimer.
Je trouve sa magnifique, bravo!!
Loge... je vous trouve ambigu dans l'évolution de vos commentaires... Cette oeuvre est-elle une imposture ou alors est-ce : "bravo pour cette oeuvre" ? Enfin, pouvez vous me déniaiser et me dire ce que sont les trolls ?
A vous lire tous, je me dis que cette oeuvre est réussie. Pourquoi? Parce qu'elle est capable de réunir les "savants" et le grand public. Parce qu'elle ne laisse personne indifférent aussi.
Personnellement, j'adhère à la démarche, et je trouve le résultat excellent, doté de surcroît d'un fort capital de sympathie.
@Artiboy : Un troll est un messages provocant posté sur des sites communautaires, comme les forums de discussion, pour susciter la colère des autres internautes.
La girafe n'en déplaise, est un animal singulier qui possède le plus gros coeur actuel du règne animal par rapport à son poids. Près de 12 kg pour apporter le sang en son sommet et entre autres un système unique dit "by-pass" pour adapter sa pression artérielle quand la girafe se tient la tête en bas pour boire de l'eau par exemple.
Alors un coeur gros comme ça avec un double système de clapets ne serait peut-être pas sans nous rappeler cette belle chaîne de télévision qu'est ARTE, avec ses deux pays qui lui permettent de voir le monde en prenant un peu de hauteur et davoir de temps à autre un point de vue plus terrien.
je n'aime pas trop le concept "camisanegra", mais, bon, ce qu'il écrit est absolument de bon sens. Qui pense qu'un livre sur l'histoire de l'art aidera qui que ce soit à comprendre sinon à aimer une oeuvre d'art contemporain se trompe lourdement! L'art contemporain, se ressent, se touche aussi (contrairement à la Joconde) s'apprécie, se vomit, s'achète, se vend, se collectionne, se regarde, vous regarde... tout cela mais de grâce laissez de côté les livres sur "l'Histoire de l'art"à moins de vouloir simplement vous cultiver sur l'art en général. Mais l'art contemporain (celui qui s'élabore aujourd'hui), en particulier, requiert votre sensibilité et votre pathos, vos névroses et votre histoire personnelle et pas des références ni des repères dont vous ne sauriez que faire sauf à vous embrouiller l'esprit et obscurcir votre jugement jusqu'à...l'intolérance!!