L’histoire de l’Homme Girafe est une belle histoire, qui procède de la rencontre fertile entre des hommes et des femmes qui ont pour passion la culture partagée.

C’est l’histoire de la rencontre entre ARTE, la ville de Strasbourg, le CEAAC, et un artiste de renommée internationale.

Ce qui les lie c’est la volonté d’embellir l’existence de tous et d’indiquer à chacun que prendre des chemins escarpés est plus enrichissant que de dévaler les pentes de la facilité. Ce qui les mobilise c’est de fabriquer du sens, d’offrir du sens.

Et comme nous sommes à ARTE je veux dire que cette chaîne de télévision est tout à fait singulière et exemplaire dans le paysage européen.

Non seulement parce qu’elle est franco allemande donc pleinement européenne et qu’elle remplit sur ce plan une authentique mission d’avenir.

Mais aussi et surtout parce qu’elle n’est pas la chaîne de la platitude et de la banalité, de la captation sans conscience des publics avec pour unique objectif l’audimat.

«  Télévision sans conscience n’est que ruine de l’âme ! » telle pourrait être pour ARTE la devise revisitée de Rabelais.

Et le résultat est passionnant.

L’histoire de cette œuvre est aussi une belle histoire d’hommes … et de femmes, naturellement, tant les institutions ne valent que par ceux qui les animent :

Jérôme Clément et Gottfried Langenstein, Fabienne Keller et son équipe,

Evelyne Loux, Paul Guérin, du CEAAC, mais aussi Fabrice Hergott directeur des musées et tous ceux qui enrichissent notre comité d’experts et que je salue collectivement.

Enfin l’acteur principal, l’artiste, Stéphane Balkenhol, choisi après une rigoureuse analyse au cours d’une compétition qui a regroupé de grands noms, comme Lydie Arrix et une finale aussi passionnante qu’une coupe du monde de football entre Xavier Veillan et Stéphan.

Je ne sais plus très bien quelle est l’exacte genèse de cette belle aventure. Je sais que nous nous sommes rencontrés avec Jérôme Clément et tous deux nous avons manifesté un très fort désir d’installer une sculpture monumentale pour ARTE.

Je sais aussi que notre rencontre a été fructueuse puisqu’elle a débouché sur un partenariat parfait et exemplaire avec la Ville de Strasbourg, jalonné de superbes moments de convivialité culturelle entre l’équipe d’Arte et la nôtre.

Voici donc l’œuvre de Stéphan Balkenhol.

Elle va être dévoilée dans quelques instants et, à partir de ce moment tout va nous sembler naturel.

Pourtant, dans ce quartier intellectuellement très actif où le Conseil de l’Europe et le Parlement voisinent avec ARTE, il est assez rare que l’on puisse voir autant de personnalités réunies qu’aujourd’hui autour de l’art.

Toute la vie s’y déroule discrètement, à l’intérieur des innombrables bureaux dans les immeubles qui bordent la rivière, dans des hémicycles.

Comme nous le pressentions, une sculpture figurative ne pouvait donc être que bienvenue pour apporter une présence haute en couleur et surtout un peu de fantaisie dans le contexte de ces architectures imposantes mais relativement austères.

Au lieu de faire le choix égoïste d’une œuvre pour l’intérieur de ses locaux, ARTE a eu la générosité de souhaiter qu’elle soit installée sur le parvis et, par conséquent offerte à la vue de tous, aussi bien des strasbourgeois que des nombreux touristes découvrant notre ville par les navettes fluviales. Emblème par conséquent !

En découvrant avec vous tout à l’heure cet Homme-girafe, je puis dire que Stephan Balkenhol s’est situé parfaitement à la hauteur du dialogue qui lui était ainsi proposé. Cette figure hybride, insolite pour nous mais familière à son univers imaginaire, manifeste avec éclat l’autonomie, la liberté d’esprit avec laquelle un grand artiste répond à une commande, au-delà de ce qu’elle a pu ou su formuler.

Je suppose que l’intérêt de Stéphane Balkenhol pour la girafe vient en partie du fait que, tout comme ses œuvres, l’image de cet animal n’a jamais été chargée de quelque symbolisme moral convenu.

Avec sa force paisible, la girafe a de tout temps été considérée comme une pure merveille, fascinante, exotique, dénuée de toute utilité pratique : elle est en somme, une sorte d’œuvre d’art naturelle offerte au seul plaisir du regard !

 

Mais permettez moi d’aller un peu au delà et de vous livrer des réflexions toute personnelles :

J’ai toujours beaucoup aimé cette phrase étrange et profonde d’André Malraux :« L’artiste n’est pas le transcripteur du monde, il en est le rival »

Rien ne l’illustre mieux que cette œuvre de Stéphane Balkenhol.

Ici, l’artiste montre bien qu’il a créé un univers à lui dont l’homme girafe est un élément de son peuplement.

Balkenhol se situe en compétition avec le monde dans lequel nous vivons et que nous identifions d'après les perceptions et les connaissances que nous en avons.

Il le fait par l’incitation au rêve…

Et la stimulante rivalité de l’artiste nous conduit vers un monde imaginaire, poétique, fantastique, florissant.

Oui il rivalise avec le nôtre qui est immédiat et c’est bien la médiation de l’artiste qui est à l’origine de cette merveilleuse incursion.

Ne sommes nous par là même dans ce qui fait la raison d’être même d’ARTE ? La chaîne qui offre de manière quasi permanente ce choc entre une identité et une altérité ce qui est le propre même de la culture.

Une œuvre d’art aujourd’hui n’a pas vocation à faire « joli ». Elle ne saurait être un simple élément de recherche esthétique. Elle est là, bien plutôt, pour interpeller, questionner, mettre la pensée en mouvement.

Point n’est besoin d’ailleurs qu’elle soit forcément sinistre ou noire, elle a le droit d’être joyeuse et ludique.

Aussi j’aimerais avec vous observer tout à l’heure cet être qui se trouve là figé en son bronze mais qui semble à chaque instant, vous le verrez, vouloir s’en dégager, descendre de son tabouret pour prendre vie.

C’est donc un homme emmanché d’un long cou qui se fait girafe ou c’est une girafe qui finit en homme…

Sa mine est sympathiquement étrange et déjà familière…nouvelle espèce de moderne Minotaure, altière et pacifique.

Son regard imperturbable et un peu snob symbolise à merveille le détachement du philosophe par rapport aux choses de la vie . C’est presque du vanitas vanitatum. Tout passe… les chagrins aussi bien que les plus belles heures de la vie comme le fil de cette eau qu’Il contemple discrètement.

Philosophe donc, d’autant plus que ce regard est dans les altitudes.

Et sa hauteur de vue ajoute à cette sensation de sérénité olympienne…-…- impressionnante comme la longueur de son cou.

Et ce cou de la girafe si mythique incite, en laissant glisser le regard jusqu’à la taille, à se poser des questions:

Mais au fond  s’agit-il vraiment d’une girafe ? Avec une tête et un regard si inspirés, d’une telle intelligence?

Et ces bras ouverts qui semblent dire «voilà, je suis là. Pourquoi tant d’étonnement, tout est si naturel »

A regarder cette œuvre de près et à la contempler longuement on peut être saisi par un trouble mystique.

Elle fascine au point qu’on finit par en être bouleversé.

Ne sommes nous pas en quelque sorte dans la métamorphose, la métamorphose selon Ovide, la métamorphose des dieux ?

Une âme anime-t-elle cette créature métenpsychotique ?Et alors pourquoi ce tabouret ?

Soyons clairs, elle n’avait pas besoin d’un tel artifice pour être en altitude spirituelle.

C’est donc pour nous rassurer que cet ustensile est là, comme pour nous suggérer : « c’est facile d’être grand et de voir les choses avec la hauteur qui convient, tenez, prenez comme moi un tabouret et essayez donc »

Et l’on se mettrait presque à y croire et l’on se met à s’assimiler.

L’Homme –Girafe nous élève donc et nous incite à voir les choses de haut, parfait symbole pour la chaîne franco allemande ce mariage de la girafe de l’homme.

Bon… ! des esprits mal intentionnés pourraient oser une question qu’on évacuera d’emblée : « qu’est ce qui dans cet homme girafe est français et qu’est ce qui est allemand ? La tête ou les pieds ?

Bonne question.

Le miracle c’est que c’est indissociable et que l’un et l’autre forment un tout.

Pas de jambes sans cou et réciproquement.

C’est en effet comme la France et l’Allemagne, c’est un tout générateur d’Europe… d’Europe de la Culture.

Je souhaite longue vie à l’Homme Girafe d’ARTE Strasbourg, je souhaite de belles contemplations à tous les publics, je souhaite d’éternelles inspirations à ARTE pour notre bonheur.