Si jamais il ne devait y avoir qu’une seule justification à l’exercice de responsabilités publiques, je crois que ce serait celle-ci : pouvoir un jour inaugurer une bibliothèque...Aujourd’hui, dans le sud de la Communauté urbaine, à Illkirch-Graffenstaden, nous y sommes.

Et j’éprouve un vrai plaisir, de la fierté, pourquoi ne pas le dire ? et, en même temps, beaucoup d’émotion, à être aujourd’hui avec vous pour ouvrir officiellement cette nouvelle bibliothèque-médiathèque Sud de la Communauté Urbaine de Strasbourg.

Car je sais qu’ici, dans les semaines, dans les mois, dans les années qui viennent, de la passion va naître, des émotions vont poindre, des rires vont éclore : tout ce qui constitue notre vie humaine et qui en est le sel va se révéler plus intensément à chacun de ceux qui viendront fréquenter ces lieux.

Pour y atteindre je forme le vœu que de nombreux chemin conduisent vers ce nouveau lieu, des chemins qu’emprunteront des jeunes au sortir de l’école, du collège, du lycée, des adultes après leur journée de travail, des gens de toute sorte, des gens inattendus, de ceux, aussi, qui ne savent pas ce qu’est une bibliothèque-médiathèque.

Pourquoi mes collègues maires et conseillers de la CUS ont-ils de manière tout à fait innovante voulu cette politique de lecture publique au niveau de l’agglomération ?

J’en évoquerai les raisons mais je veux commencer par la plus claire et la moins évidente : conduire vers le mot, vers la phrase, vers le texte ceux qui ne les fréquentent guère ou, pire, ceux pour qui ils sont étrangers sinon adverses.

L’illettrisme est trop important et trop grave dans notre société pour que nous ne nous en préoccupions pas aux cotés de l'état qui a la compétence avec le ministère de l’éducation.

On peut hélas citer beaucoup de chiffres inquiétants

C’est ainsi que l’on évalue à 10 à 12 % la population en France qui a des difficultés avec la lecture. C’est énorme au XXI ème siècle !

Un autre chiffre :

en 2000 sur 1724 élèves de classe de seconde 27,95% ont obtenu zéro en dictée,

en 2004 sur 2300 élèves 56,4% ont obtenu zéro soit une progression de 28,45 %

Voilà un élément grave de la fracture sociale.

Le but de la bibliothèque publique n’est pas d’apprendre à lire, encore que…chez les tout petits….

Il est en revanche de susciter du désir, et de faire en sorte que ce désir soit en croissance incessante.

Je verrais bien inscrit sur le frontispice de ce lieu de culture de notre Communauté Urbaine la phrase qui est inscrite au frontispice du Palais de Chaillot, cette phrase de Paul Valéry et qui vaut pour tout lieu de culture

« Il dépend de celui qui passe
Que je sois tombe ou trésor
Que je parle ou me taise
Ceci ne tient qu’à toi
Ami n’entre pas sans désir. »

Le chemin de la bibliothèque est une voie intime et royale en même temps, qui conduit vers une rencontre un peu mystérieuse, vers une révélation.

La lecture, c’est ce moment intime qui peut donner à notre vie un sens, changer des destinées, inventer des mondes imaginaires, frotter sa cervelle, comme l’aurait dit Montaigne en sa librairie personnelle, aux plus grands esprits de l’humanité.

De Sophocle et d’Eschylle à Marc Lévy et Amélie Nothomb …. je cite les deux derniers car ils étaient hier à Strasbourg, pour cette manifestation exceptionnelle qu’est la Bibliothèque idéale, à l’Aubette…. les écrivains nous invitent à vivre plus intensément notre vie, ils nous apportent ce que certains peuvent considérer comme rébarbatif mais dont on sait que c’est avant tout de l’amour et de la passion, ils nous apportent de la « culture ».

Comment ne pas dire, ici, dans l’agglomération, qui a vu, avec Gutenberg, le livre moderne naître, comment ne pas dire tout ce que nous apporte le livre.

C’est le moyen le plus populaire et le plus démocratique, pour avoir accès à la culture. Et cet accès, cet accès aux plus hautes œuvres de l’esprit humain, à ce qui nous touche dans notre cœur et bouleverse chacune de nos vies, nous voulons, ici, à la Communauté urbaine, le répandre et le propager, le démocratiser.

Je peux parler d’expérience et je ne peux pas ne pas me souvenir qu’ayant écrit moi aussi, je sais que le livre parle au cœur. Et une de mes fiertés, pardon de le dire ainsi, aura été d’avoir recueilli personnellement ces témoignages nombreux, de l’émotion que provoque la lecture, grâce à une comtesse Robertsauvienne dont le père dirigeait les fameux atelier d’Illkirch Graffestaden….

Mais je suis, avant tout, un lecteur. Un lecteur passionné, un lecteur impénitent. Et cette passion, je voudrais qu’elle soit contagieuse, qu’elle se diffuse à toutes et à tous. Cette passion intime, je voudrais la partager.

Je n’oublie pas que nos bibliothèques sont aussi des médiathèques et que la musique, l’image et les films auront aussi une place de choix ici.

Il y a tant à dire sur les spécificités respectives de l’image et du texte.

Je ne souhaite voir ici et aujourd’hui qu’une réelle complémentarité et que l’image conduise vers le texte. Goethe disait « Le mot et l’image sont deux corrélations qui se cherchent éternellement »

Goethe aujourd’hui devant le petit écran, l’ordinateur et la toile, ne dirait sans doute pas mieux ni plus.

Mes chers collègues, j’ai la conviction profonde que nous faisons ensemble œuvre utile.

Aujourd’hui, ce bâtiment de la Médiathèque Sud en est la preuve tangible.

Car, l’inauguration de cette Msud n’est que la première!

Elle en annonce d’autres: la bibliothèque-médiathèque Ouest à Lingolsheim, la grande médiathèque communautaire Austerlitz à Strasbourg, la médiathèque Nord à Schiltigheim.

Nous avons accompli, à la Communauté urbaine, avec Fabienne Keller, avec l’ensemble des maires, et Jacques BIGOT y a pris sa part, une sorte de révolution culturelle au cours des dernières années.

Une révolution culturelle bien pacifique, mais qui place notre Communauté urbaine à l’avant-garde de toutes ses homologues françaises : à Strasbourg et à la CUS, nous sommes en effet les seuls en France à avoir fait passer la compétence « lecture publique », qui est traditionnellement une compétence municipale au niveau communautaire.

  • Je tiens à remercier l’Etat pour son incitation et sa contribution.

Je veux remercie le Conseil Général dont la lecture publique est une compétence officielle pour les communes de moins de mille habitants.

  • Je remercie tous les maires qui ont depuis longtemps des bibliothèques de proximité chez eux et ceux qui en développent le projet.

  • Je veux aussi mettre l’accent sur notre volonté de mettre en place un réseau qui reliera toutes le bibliothèques-médiathèques qui existent dans la communauté urbaine grâce à un Pass Bibliothèque unique en France et qui est en train de prendre forme.

Oui, il s’agit là d’une décision éminemment politique, une décision qui a du sens.

Il s’agit aussi d’un défi que nous relevons aujourd’hui tous ensemble.

Jamais, en aussi peu de temps qu’aujourd’hui, c’est-à-dire en un seul mandat, autant de bibliothèques et de médiathèques auront été mises en chantier sur l’ensemble de notre agglomération. C’est une prouesse.

Que serait une bibliothèque sans bibliothécaires ?

Je tiens à saluer les nôtres, tous ensemble pour leur engagement.

Saluer de manière Marie Jeanne Poisson qui s’est beaucoup investi avec ses collègues.

Nous avons décidé de passer à une nouvelle étape de la construction de notre politique de lecture publique et avec Fabienne Keller présidente déléguée et maire de Strasbourg, avec André Thomas directeur général des services, je rencontrerais dans les toutes prochaines semaines l’ensemble des personnels des bibliothèques pour les entendre et leur faire part de notre volonté inébranlable de monter en puissance dans notre projet.

Ils ne m’en voudront pas de citer ici une très belle phrase que j’ai trouvé dans « Eloge de la lecture » de Michèle Petit qui parle de cette démocratisation de la lecture que nous mettons en place à la Communauté Urbaine de Strasbourg.

Elle cite un jeune dont elle précise qu’il n’est pas un grand lecteur : 

« Ce que j’aimerais, dit ce jeune, c’est que le bibliothécaire ait du temps pour se consacrer à ce qui est de l’ordre de la vie, tout ce qui touche la vie. Plutôt que d’être un conservateur de livres, être un magicien qui nous emmène dans des livres, dans des mondes… »

Je sais que c’est cette volonté d’être des magiciens qui vous anime toutes et tous !

Je tiens maintenant à remercier les services de la Communauté urbaine, ici les services de la ville d’Illkirch, les architectes, toutes celles et ceux qui ont pris part à ce beau projet, de s’être mobilisés ainsi.

Grâce à eux, grâce à vous, et aussi un peu grâce à nous, nous allons faire de la Communauté urbaine l’une des toutes premières agglomérations de France en matière de lecture publique.

Au Sud, au Nord, à l’Ouest et au cœur de notre agglomération, nos concitoyens auront un accès direct à toutes les formes de culture et de savoirs. Je m’en réjouis. Je me réjouis, avec vous, des découvertes et des engouements à venir, de ces moments irremplaçables qui vont naître et surgir dans l’esprit des lecteurs.

A la Communauté urbaine de Strasbourg, avec l’ensemble des maires qui la composent, avec Fabienne Keller, avec vous, Jacques Bigot, nous avions un rêve commun, un rêve qui transcendait tous les clivages, nous rêvions de donner accès au plus grand nombre à la lecture.

Aujourd’hui, le rêve devient réalité. Puisse la Bibliothèque Médiathèque Sud, la M Sud, devenir une fabrique à rêves !