La « bibliothèque » idéale éclaire l’un des aspects les plus profonds de notre projet pour la ville : la quête du sens par et pour le plus grand nombre, au delà des seuls happy fews.

Les belles rencontres promises à l’Aubette, notre september song strasbourgeois, résonneront, aux côtés de Musica, comme une aurore emplie d’espoirs nouveaux.

Car elles marquent symboliquement le coup d’envoi du plus beau chantier que nous ayons entrepris, celui de diffuser l’amour des livres et de la littérature.

« Une vie sans livre est une vie mutilée » écrit de manière un peu rude Danièle Sallenave, en évoquant ce qui constitue selon elle la frontière la plus radicale, la séparation la plus grave entre les hommes…« ce n’est pas l’argent, les places, la réussite, l’accomplissement social, ce n’est même pas la « culture », c’est la lecture. »

Il est parfaitement vrai que certains lisent et d’autres jamais…Si c’est parce qu’ils n’en ont pas envie, nous pouvons leur communiquer le désir de lire.

Il se peut aussi que ce soit pour des raisons plus préoccupantes, parce qu’ils ne savent pas lire. Soit ils sont illettrés et victimes de situations sociales graves ou d’un mauvais passage dans le système scolaire, soit ils ne possèdent pas la moindre référence pour plonger dans un roman, fut-il policier.

Il y a là un manque cruel qu’il faut pallier.

Réapprendre à lire, donner envie de lire est aussi une mission essentielle pour des responsables de la cité, même si c’est une action volontariste, loin des compétences juridiques officielles.

La lecture façonne la vie dans la cité

Mais la lecture est bien plus que cette importante envie de reconquête de soi.

La lecture permet un accomplissement qui, par ces instant où l’on semble s’isoler de la vie, plongé dans le livre, rapproche plus profondément de la vraie vie. Elle rapproche de la question du sens…Elle confronte à l’essentiel.

Une ville qui est aujourd’hui façonnée par ses quartiers et ses banlieues où s’impose partout la domination de l’image, satellite et parabole, doit chercher à renouer avec sa vocation perdue : civiliser d’avantage, diffuser la culture et introduire du sens.

Le livre permet le rêve, l’évasion, l’espoir, l’accomplissement.

Mais vint un moment où le livre fut mis en minorité par la facilité de l’image omniprésente et introduite jusque dans la chambre à coucher.

L’image impose l’immédiateté de la facilité. Gérée par les audimat des patrons de chaînes elle est trop souvent mièvre et bêtifiante. Elle est assénée et reçue passivement, mais n’a fait l’objet d’aucune quête, d’aucune envie de profondeur, d’aucun acte...

Ce que nous apporte le fait de choisir un livre, suscité par le désir, l’impatience de l’ouvrir et d’aller se lancer dans l’acte de lire, est infiniment plus fécond, que ce que nous impose l’image fugitive.

Le lecture façonne aussi la cité.

Bibliothèques, nouveaux centre culturels

Dans nos villes, l’agora, la place, aux fonctions irremplaçables, où s’effectue la rencontre, où se fait le dialogue et où se construit le débat, a cédé la place aux parvis et aux allées des hypermarchés, parthénons modernes, où l’on défile appuyé sur des caddies et fasciné par des têtes de gondoles. La bibliothèque peut-être ce nouvel agora.

Les villes n’ont plus guère laissé de place au livre.

En décidant d’installer quatre bibliothèques-médiathèques publiques, dont une vaste, centrale et emblématiques par sa localisation, la Communauté Urbaine de Strasbourg a effectué un acte militant. Il s’agit d’équipements modernes et fonctionnels, qui ne ressemblent pas aux bibliothèques anciennes.

Ce sont de vrais lieux de vie culturelle où les contacts avec les livres, les disques, les films seront aussi agréables que les rencontres et les dialogues entre lecteurs.

L’envie de constituer sa virtuelle bibliothèque idéale s’exprimera à l’Aubette du 26 au 30 septembre autour de quelque cinquante écrivains.

Puis, l’envie d’aller fréquenter le lieu des livres et des médias, des lecteurs, se libérera le 30 septembre avec la première pierre de notre édifice communautaire : la bibliothèque-médiathèque-sud.

Elle sera ouverte à tous en attendant celle du port, près de notre Archipel culturel, où elle rayonnera de toutes ses lumières.

Robert Grossmann