L'espèce humaine, décidément incorrigible!
Par Robert Grossmann le lundi, 31 juillet 2006, 16:15 - politique - Lien permanent
Comment être insensible à ce qui se passe au moyen orient, en Israël, au Liban, en Irak ?
Nous sommes au mois daoût en pleine période paisible, de paix donc, au sens le plus minimal et le plus bénin de ce terme, paix par rapport à nos soucis professionnels, paix par rapport à notre environnement de travail et dévolution quotidienne, paix, pour les mieux lotis, sur les sables fins d'une plage exotique ou sur les chaumes dun massif alpin paix par changement dhabitudes dans le but de passer de belles vacances. Paix aussi, pour ceux qui restent sur place mais oublient leurs contraintes annuelles.
Semaines paisibles donc où tous les rythmes ralentissent
La paix, pourtant, ne peut sinstaller dans nos consciences en entendant à la radio les infos en provenance du Moyen Orient et en voyant les images télévisées des drames qui se déroulent dans ces pays amis.
Comment en est-on arrivé à ces centaines de morts ? Comment et pourquoi cette violence quotidienne, pourquoi la guerre et pourquoi la parole aux armes ? Cest à désespérer du genre humain qui décidément ne change pas et ne retient aucune leçon de lhistoire, depuis celles de la Bible ou de lantiquité grecque et romaine, jusquà celles des conflits mondiaux en Europe du siècle dernier.
La parole ne réussit pas à simposer et laisse la place aux armes et donc à la mort.
On a beau parler ici, ou écrire là, des vertus de lhumanisme, on a beau se référer en permanence aux droits de lHomme et tricoter de beaux discours sur ces thèmes, la réalité est là, hélas bien là, avec ses cortèges dabominations et de cadavres, de sang et de désespoirs.
Comment les « puissances » mondiales ne réussissent-elles pas à imposer le respect des droits élémentaires.
Comment lONU peut-elle se montrer aussi impuissante, à en être elle même bafouée. Rien, là non plus, n'aurait changé depuis le « machin » que le général de Gaulle avait déjà dénoncé pour impuissance, il y a quarante ans ?
Suprême humiliation pour nous : où est lEurope ?
Où sont ces voix si virulentes lorsquil sagit de dénoncer des sessions à Strasbourg au bénéfice de Bruxelles et qui sont absentes, muettes, inexistantes lorsquil sagit de se faire entendre face à un épouvantable drame humain ?
Où est le message de lEurope des droits de lHomme, cette Europe capable de déployer des trésors dingéniosité pour se pencher sur le sort du praliné en chocolat ou de la taille de la sardine, et qui est en vacances lorsquil sagit de la guerre odieuse à laquelel se livrent des humains ?
Quon me pardonne, je suis certain que des voix européennes se sont exprimées. Elles ne sont en tous les cas pas parvenues au citoyen de base que je suis en ce moment. Seraient-elles parvenues à Beyrouth ou à Tel Aviv ? Jen doute et ça se saurait, ça se verrait.
Il faut donc croire que nous sommes tous impuissants face aux déchaînements de la haine qui se trouve incrustée en nous.
Epouvantable leçon de pessimisme!
Commentaires
Robert Grossmann: difficile de renchérir, sauf à vous paraphraser en moins bien. Effectivement, à quoi sert Javier Solana? A quand remonte le dernier acte utile de l'ONU au Proche-Orient, si tant est qu'il y en ait eu un un jour? Le chapitre VII de la Charte des Nations Unies l'autoriserait pourtant à intervenir vigoureusement dans la région; hélas, le véto américain...
Puisqu'en matière de politique étrangère l'Europe est en retard de plusieurs guerres, malheureusement au propre comme au figuré, le prisme diplomatique ancien subsiste. Et là, je me pose une question: que peut encore la France? En 1996, le trio Chirac-Juppé-Charette avait su s'imposer comme interlocuteur dans le conflit palestinien. La France entretenait de surcroît des liens étroits avec le Liban. En 2006, Arafat est mort, Rafik Hariri aussi. La diplomatie française, si elle agit, est alors d'une discrétion exemplaire, mais agit-elle?
Et pendant que tout le monde tergiverse, la télévision diffuse quotidiennement des images d'enfants morts...
A "Romeo" : la réponse partielle était dans Le Figaro du 29 juillet dernier, extrait :
"Le chef de la diplomatie israélienne, la ministre israélienne des Affaires étrangères, Tzipi Livni demande à Paris d'aider à faire appliquer sur le terrain la résolution de l'ONU qui stipule le désarmement du Hezbollah.
Numéro deux du gouvernement israélien, Mme Tzipi Livni a indiqué hier au Figaro qu'elle était favorable au déploiement d'une force internationale pour aider le Liban à désarmer le Hezbollah, conformément à la résolution 1559 de l'ONU. Elle souhaite que la France, qui avait pris l'initiative de cette résolution en 2004, joue un rôle majeur....
Août 2006 : les bombes pleuvent sur les civils libanais... un hôpital est détruit par les missiles israéliens... qui s'assoit sur la convention de Genève ! les enfants meurent. Quelle tristesse ! La lutte contre le hezbollah ne doit pas tout permettre ! à croire qu'Israël a plus de droits que les autres. Il faut stopper cela vite sinon nous nous dirigeons vers une guerre de religion qui pourrait être mondiale. Il doit certainement y avoir d'autres moyens de stopper les terroristes du hezbollah que celui de raser le Liban - civils compris. Honte au gouvernement israélien !
Marie-Françoise Garreau: oui en effet, j'ai raté l'information. L'analyse de Jean-Claude Kieffer dans son édito DNA de ce matin consacré au sujet me donne d'ailleurs radicalement tort... Et c'est une très bonne chose! Si mes préventions sont sans fondement, alors je m'en réjouis.
Pour que mon propos ne prête pas à confusion, je rajouterai : honte aux terroristes du hezbollah qui allument les civils israéliens !
Ce qu'il veut perdre, jupiter les rends fous ! Il doit bien y avoir des jupiter dans toutes les religions, vue là folie humaine
La mort s'est installée dans cette partie du monde. Elle frappe tous les jours.
Et la mort engendre la douleur et la haine.
Est ce qu'avec la douleur et la haine on peut règler une guerre et retrouver la paix?
Cette douleur et cette haine peuvent devenir contagieuses et cela me fait très peur. Le monde entier pourrait s'embraser si vite.
Ce qui est terrible dans ce conflit, en dehors des analyses faites depuis nos ecrans respectifs et à la lueur de nos pensées, c'est que le drame libanais est humain, trop humain !
JE ME POSE UNE QUESTION : L'opinion internationale bougerait-elle plus s'il y avait des puits de pétrole au Liban ?
La réponse imagignée me fait peur
Alsator: ce qui est ENCORE plus terrible, c'est que, même dans l'hypothèse où le Liban regorgerait de pétrole, il risquerait d'être aussi pacifié que ne l'est l'Irak... No comment.
Il est tout de même consternant de constater létonnement des Hommes devant les conséquences de la guerre. Quil sagisse de lIrak, du Liban, de la Yougoslavie de la Tchétchénie, la guerre fait des morts. Une arme a pour objectif de tuer ou pour le moins de neutraliser un adversaire. Ce nest pas parce que nous sommes au XXIème siècle que la guerre devrait devenir plus propre. Au contraire, les pratiques sont de moins en moins réglementées. Il est révolu le temps du champ de bataille sur lequel saffrontaient les armées. Les combattants ne sont plus identifiables et sont tous simplement habillés comme un civil. Les méthodes du combat ont également changé. On se fait exploser en pleine ville, on cache les armes et les combattants dans des hôpitaux, des écoles, des habitations en utilisant les civils, de préférence les femmes et les enfants, comme des boucliers. La victoire ne se gagne plus sur le terrain mais dans les médias.
Israël possède lune des meilleures armées du monde pourtant, pour la première fois, elle va perdre une guerre car elle na pas su sadapter aux nouvelles contraintes. Ses tanks sont performants, ses combattants plus aguerris, ses avions redoutables mais en 2006 la guerre est devenue médiatique. En bombardant Cana, en tuant des civils, Israël a donné à son adversaire un visage Humain. Comme en Irak, les ennemis dIsraël utilisent les civils pour gagner le cur de lopinion publique occidentale. Plus il y aura denfants morts, moins Israël aura de chances de sortir par le haut de cette crise.
Par ailleurs, jai été consterné par la déclaration de notre ministre des affaires étrangères relative à lIran. En déclarant que ce pays était une nation importante et incontournable dans cette région du globe et quelle était indispensable pour le règlement de ce conflit, Douste a démontré que les affaires lui étaient réellement étrangères. Cela est dautant plus scandaleux que 20 minutes avant sa déclaration, le ministre iranien de la défense avait déclaré quIsraël devait être rayée de la carte et que les Juifs ainsi que leurs amis subiraient un traitement pire que celui dHitler. La diplomatie française est réellement étrange Nous essayons peut être de prendre lIran en tenaille, ou bien nous sommes en position avancée Il est vrai quhistoriquement nos diplomates ont toujours fait les bons choix
Alors vous serez consterné aussi par le MAE espagnol qui vient dans faire autant,il s'agit peut être d'une stratégie,nous ne sommes pas dans les sphères diplomatiques pour savoir ce qui se trâme en sous-sol.On peut regréter que l'ONU mette quinze jours pour pondre un résolution tout en sachant que les béligérants ne l'appliquerons jamais.
L'ONU, ce "machin"...et l'espèce humaine. Petit rappel en 16 tableaux :
(Attention : les lieux, personnages, noms, ne sont pas imaginaires et doivent être considérés comme ayant existé ou existant encore. Certains acteurs ayant perpétré ces atrocités, jouissent, bouffent, picolent, baisent (pardon), rient de nous).
Srebrenica est une ville de 36.000 habitants à 75% musulmane, située à une centaine de kilomètres de la capitale de Bosnie-Herzégovine, Sarajevo.
Entre janvier et mars 1993, une offensive serbe contre les zones musulmanes fait de Srebrenica une enclave isolée. Les réfugiés affluent vers la ville, dont la population double. Vivres, eau et médicaments commencent à manquer.
En mars 1993, le général français Philippe Morillon, commandant de la force des Nations Unies (FORPRONU), entre dans Srebrenica assiégée. Il jure aux habitants : « nous ne vous abandonnerons pas » et annonce que la ville est «sous la protection des Nations unies». Un bataillon de la FORPRONU se déploie à Potocari, ancienne zone industrielle qui jouxte la ville. Plus tard, le général déclarera : « J'ai envisagé un moment de résister, de dire aux Bosniaques je suis Philippe de Bosnie, je reste avec vous mais je n'avais pas le droit de le faire, je ne l'ai pas fait et je ne le regrette pas. »
Le 9 juillet 1995, Radovan Karadzic, président autoproclamé des Serbes de Bosnie, lance lopération « Krivaja 95 » pour conquérir Srebrenica. Les Serbes obtiennent la fin des bombardements de lOtan sur leurs positions en menaçant dexécuter une trentaine de casques bleus.. Dans la soirée du 11 juillet, le général Mladic entre dans la ville. Un survivant rapporte ces mots de Mladic : « Ils tueront tous les hommes et les jetteront dans le fleuve Drina pour nourrir les poissons, ainsi ces hommes ne tueront jamais plus d'enfants serbes dans la vallée serbe du Drina. Mais ils laisseront partir les femmes pour qu'elles puissent souffrir.»
Le 12 juillet, une colonne de 15 000 soldats musulmans brise le siège de la ville dans la nuit et entre dans la forêt dans lespoir de rejoindre les zones sous contrôle musulman. La plupart seront exterminés dans les bois par les paramilitaires serbes.
Des milliers dhabitants de Srebrenica se pressent devant le quartier des soldats néerlandais de lOnu à Potocari, le 13 juillet 1995. Sous leurs yeux, femmes et hommes sont séparés par les Serbes.
Une vidéo révélée en juin 2005 par le Tribunal Pénal International montre comment les soldats serbes et les paramilitaires ont exécuté au moins 8 000 hommes âgés de 15 à 78 ans. Officiellement, les serbes les avaient retenus «pour vérification d'éventuels crimes de guerre». «Des milliers d'hommes exécutés et enterrés dans des fosses communes, des centaines d'hommes brûlés vivants, des hommes et femmes mutilés et massacrés sauvagement, des enfants tués sous les yeux de leurs mères, un grand-père forcé d'avaler le foie de son propre petit-fils : ces visions de l'enfer, bien réelles, figurent sur les pages les plus noires de l'histoire de l'humanité». Cest par ces mots que Fouad Riad, juge au Tribunal Pénal International, réagit à linculpation de Mladic et Karadzic.
En décembre 1995, à lElysée, Slobodan Milosevic, chef dorchestre de la politique génocidaire serbe et président de Serbie, signe les accords de Dayton avec Franjo Tudjman, le président croate, et Alija Izetbegovic, président bosniaque. Derrière eux, de gauche à droite, Felipe Gonzalez, premier ministre espagnol, Bill Clinton, président des Etats-Unis, Jacques Chirac, président français, le chancelier allemand Helmut Kohl, le premier ministre britannique John Major et son homologue russe Victor Tchernomyrdine.
Elisabeth Rehn, rapporteur de lONU pour les Droits de lHomme, découvre, le 4 février 1996, les cadavres dhommes abattues dans la forêt qui couvre la colline dUrkovic.
Avant de mourir en détention le 11 mars 2005, l'ancien président yougoslave Slobodan Milosevic comparaissait devant TPI pour génocide, crimes de guerre et crimes contre l'humanité en raison de son rôle dans les conflits qui ont ensanglanté la Bosnie, la Croatie et le Kosovo dans les années 1990, y compris le massacre de Srebrenica. Ses funérailles en grandes pompes rassemblent des milliers de nostalgiques. Les visages des criminels de guerre, morts ou en fuite, ornent, sur les marchés de Belgrade, des bouteilles deau-de-vie, des calendriers
Onze ans après, Ratko Mladic et Radovan Karadzic, inculpés de génocide, crimes contre l'humanité et crimes de guerre, courent toujours. Mladic se trouverait en Serbie. La Serbie a longtemps affirmé ignorer où il se trouvait, avant de reconnaître qu'il avait été placé sous la protection de l'armée jusqu'à la mi-2002 et avait touché une retraite de Belgrade jusqu'à décembre dernier. Karadzic se cacherait dans la Republika Srpska, la région de Bosnie sous contrôle serbe. Les Etats-Unis offrent une récompense de cinq millions de dollars (4,1 millions d'euros) pour toute information permettant sa capture, mais ses fidèles continuent à l'aider dans sa cavale. Depuis la fin de la guerre, seules six personnes ont été condamnés par le TPI.
En dix ans, 60 fosses communes ont été exhumées par des médecins légistes des Nations unies ou des autorités bosniaques. Il pourrait y en avoir une vingtaine d'autres disséminées autour de Srebrenica. 2.070 cadavres ont été identifiés, mais plus de 7.000 «sacs mortuaires» renfermant des squelettes complets ou non attendent encore une identification. Le processus est complexe, certains charniers ayant été déplacés à coup de bulldozers pour camoufler les traces des massacres.
Chaque année des dizaines de milliers de personnes survivants, proches de victimes ou pèlerins convergent vers le mémorial de Srebrenica.
Chaque année, de nouveaux cadavres sont identifiés et enterrés à loccasion de lanniversaire du martyr de Srebrenica. Le 11 juillet 2006, 505 victimes ont été inhumées.
11 juillet 2006. Peu à peu, grâce aux identifications ADN, les victimes retrouvent un nom et une sépulture. «Je ne peux pas expliquer ce que je ressens. Je suis soulagé de les avoir finalement retrouvés. Mais, en même temps, maintenant, lorsque je les enterre, c'est comme s'ils venaient de mourir», déclare mardi Edin Avdic en inhumant, onze ans après, ses deux frères et son père.
Le procureur du TPI pour l'ex-Yougoslavie, Carla Del Ponte, déclare devant des rescapés que les autorités de Belgrade pourraient arrêter Mladic «cet après-midi» si elles le souhaitaient. «Je ne peux plus rien faire, personne ne m'écoute », lâche-t-elle.
Le Haut représentant de la communauté internationale en Bosnie, Christian Schwarz-Schilling, déplore le «génocide perpétré sous les yeux de la communauté internationale». «Nous avons abandonné les victimes de ce génocide lorsqu'elles étaient encore en vie et nous allons les abandonner dans la mort, à moins d'assurer que tous les coupables seront traduits devant la justice», ajoute-t-il.
(Source : Le Figaro du 24 août 2006)