Bruxelles

Six millions d’euros pour des bureaux vides

La Cour des Comptes Européenne sonne l’alerte : le Parlement Européen a dilapidé des millions d’euros d’argent public pour des bureaux inutiles à Bruxelles – c’est ce que relève un document confidentiel que STERN.de a pu se procurer de manière exclusive .

Le Parlement Européen fait à nouveau l’objet d’une polémique en raison d’un gaspillage qui s’élève à des millions d’euros pour le nombre de ses complexes immobiliers en constante croissance. Tandis que le paiement de loyers apparemment surélevés pour le bâtiment du PE à Strasbourg n’est toujours pas complètement clarifié, la Cour des Comptes Européenne se prend maintenant au Parlement pour une éventuelle mauvaise gestion du site bruxellois.

C’est ce que relève un échange de courrier confidentiel entre le membre de la Cour des Comptes Européenne Morten Levysohn et l’administration du Parlement Européen dont Stern.de est en possession. Selon ce document, les contribuables européens ont payé, entre 1998 et mi 2004, six millions d’euros par an pour la location d’un bâtiment bruxellois qui n’a absolument pas été utilisé durant cette période.

Nouveaux locataires seulement après six mois

Le loyer a été payé pour un bâtiment vide, accuse la Cour des Comptes. Contexte : le Parlement avait déjà quitté le bâtiment « Belliard » pour s’installer dans la nouvelle construction appelée en interne « D1/D2/D3 » du promoteur-constructeur SEL (Société Espace Léopold) bien que l’ancien bail était toujours en vigueur. C’est seulement en juillet 2004 que le Comité des Régions, nouveau locataire des lieux, s’est installé dans le complexe « Belliard » qui, entre temps, a été rénové.

L’administration du Parlement Européen se défend en arguant que le Comité des Régions a payé le loyer dès décembre 1998 – mais ces versements ont eux aussi été financés par le contribuable européen.

La construction du nouveau Parlement Européen également plus chère

La construction d’un nouveau bâtiment du Parlement Européen à Bruxelles, dénommé « D4/D5 » et censé accueillir les députés des nouveaux Etats membres ayant adhéré en 2004, se révèle également beaucoup plus chère que prévu pour les contribuables européens. Pendant que cette construction, également réalisée par SEL, a été vendue à l’opinion publique grâce à un coût, en apparence faible, de 96,5 millions d’euros, le Parlement Européen s’est mis d’accord avec le promoteur sur un prix qui « serait plus que le double », selon Cour des Comptes.

 

Bureau anti-corruption : l’enquêteur européen et son ami suspect

Corruption à Bruxelles : à propos de quelqu’un qui n’a pas dit non

Extra : euro-visions, ce que l’Europe devra accomplir

L’administration du PE répond aux accusations qu’il faut désormais payer pour des compléments de bâtiment ouverts au public sans lesquels l’Etat belge n’aurait pas délivré de permis de construire. Mais la Cour des Comptes lui reproche également que la SEL a obtenu pour les charges un pourcentage exceptionnellement élevé d’une hauteur de 28,1% des coûts de construction – somme qui comprend le taux de profit de l’entreprise.

Le pourcentage était plus élevé que pour le complexe « D1/D2/D3 » qui se chiffrait à 25,3%, critique la Cour des comptes. Le Parlement se défend en arguant que le projet « D4/D5 » était beaucoup plus petit – ce qui serait la raison pour un quota plus élevé des charges.

Pas d’appel d’offre public

La position du Parlement pour la négociation était éventuellement aussi affaiblie par le fait qu’il n’y a pas eu, pour la construction du « D4/D5 », d’appel d’offre public – le Parlement a conclu un contrat avec le maître de l’ouvrage SEL parce qu’il possédait déjà la main mise exclusive sur le terrain limitrophe des bâtiments actuels du PE.

De surcroît, le PE doit faire face à des coûts supplémentaires qui se chiffrent en millions pour l’équipement audiovisuel du nouveau bâtiment d’extension. Raison : le Parlement Européen n’avait pas défini, selon la Cour des Comptes, ses besoins en matière d’audiovisuel lors de la passation du contrat. C’est pourquoi la nouvelle construction après finalisation en 2008 devra probablement être réaménagée – aux frais supplémentaires que le promoteur évalue à 60 millions d’euros.

Les reproches de la Cour des Comptes sont aussi piquants parce que Pierre Parthoens, chef de division responsable pour les bâtiments du Parlement au sein de l’administration, n’a été suspendu officiellement de sa fonction qu’en novembre 2005, comme l’a révélé STERN en janvier. Parthoens avait passé sous silence que la justice belge enquêtait sur lui en raison de soupçons de corruption qui remontent à l’époque où il était manager dans l’industrie immobilière belge. L'Office Européen de lutte anti-fraude (Olaf) avait lui aussi enquêté sur ce haut fonctionnaire parlementaire – en raison du soupçon d’avoir favorisé la SEL. Olaf a néanmoins suspendu l’enquête parce qu’aucun reproche n’avait été fait au fonctionnaire pour la période où il était au Parlement Européen.

La question toujours ouverte du siège contribue au passif

La politique immobilière du Parlement Européen est également très chère en raison de la question toujours ouverte du siège du Parlement Européen. Il a bien formellement son siège principal à Strasbourg. La plupart des sessions se déroulent en revanche dans la capitale belge à Bruxelles. Le siège de l’administration parlementaire est ni à Strasbourg, ni à Bruxelles mais à Luxembourg. Dans les trois villes, l’Assemblée utilise des constructions immobilières coûteuses.

Récemment des rapports ont provoqués une grande polémique, selon lesquels le Parlement avait versé année après année un million trop de loyer à la Ville de Strasbourg pour le bâtiment qu’il y occupe. La récente critique de la Cour des Comptes prouve cependant, d’après le député européen et expert en gestion Markus Ferber (CSU) que « les plus grandes saloperies ont été fait sur le dos du contribuable européen non pas à Strasbourg mais à Bruxelles »