Inauguration de la Cité de la musique et de la danse - extraits de discours 19 mai 2006
Par Robert Grossmann le vendredi, 19 mai 2006, 11:00 - archives-discours - Lien permanent
20 mai 2006 extraits du discours d'inauguration
"Nous ouvrons un bâtiment dexception conçu par un maître de larchitecture qui est aussi artiste et écrivain.
Nous amplifions, large et vaste, louverture à la musique à Strasbourg
Nous créons trois journées merveilleuses et insolites ou se rejoignent les couleurs et les formes, les sons et les gestes, bref des journées comme Strasbourg en vit souvent mais, peut-être trop secrètement.
Tranchant avec les cubes en verre, même les plus élégants, et les modes architecturales en vigueur depuis quelques décennies, Henry Gaudin a réalisé ici un chef duvre.
Comme il la souvent rappelé, lorsquil a esquissé ce quallait être ce bâtiment, la flèche de la Cathédrale a été pour lui « le point de mire de son regard »
Il y a plus de deux cents ans, à Strasbourg, dans cette ville où il était venu étudier et où finalement il préféra succomber tout entier à ce « vertige de lamour », cher Alain Baschung, que lui inspirait Frédérique Brion, Goethe avait lui aussi la flèche de la Cathédrale en « point de mire » lorsquil écrivait dans lun de ses tout premiers textes :
« Larchitecture, c'est de la musique figée. »
Vous avez ici, cher Henri Gaudin, non pas figé la musique dans larchitecture ; vous lavez fait vibrer dans lespace et la lumière. Et si vous me permettez, Monsieur, de détourner lincipit dun de vos livres, je dirais volontiers :
« Quil soit, dans larchitecture, question de musique nest pas rien »
Quil soit, dans une ville, question de culture nest pas rien non plus. Et voilà le sens qui est inscrit dans ce bâtiment mais surtout le sens qui en émane et qui en rayonne.
Goethe, musicien du verbe aurait pu rencontrer à Strasbourg Mozart qui y fit séjour et, en un de ces rêves naïfs, on imaginerait aussi des dialogues entre Wagner, Mahler, Liszt, Klemperer, Karajan, Charles Munch et les plus grands musiciens qui y séjournèrent sans compter les plus grands chefs européens du XIX ième et XX ième siècle qui pour la plupart dirigèrent dans notre ville.
Strasbourg, comme lAlsace tout entière, est une terre de musique. De musique classique et de musique populaire, de toutes les musiques.
A Strasbourg, Brassens, Brel, Ferré donnèrent des récitals inoubliables et cette étrange concert imaginaire, qui, à la manière du musée de Malraux, soulignerait les correspondances entre la symphonie classique, le sacré, les concertis, la musique tzigane, le jazz, lorgue, les heavy et le free daujourdhui, la chanson dans sa plus belle éclosion poétique, cest à Strasbourg quil pourrait avoir lieu et cest bien une telle approche qui nous a inspiré lorsque nous avons voulu que ces journées qui soient uniques.
Les élèves du conservatoire, à notre initiative, sont allés vers les quartiers, les places et les lieux les plus insolites, les supermarchés comme les cantines dentreprises pour y apporter ce qui ny est pas donné tous les jours. Pour y apporter aussi le désir de musique.
Puis nous avons voulu quil y ait Rodolphe Burger et ses amis.
Et quels amis, Alain Bashung, Jacques Higelin, Chloé Mons on se croirait dans la Vallée, mais la vallée cest lAlsace.
Christian Boltanski, lartiste contemporain français le plus recherché par les centres dart et les musées du monde entier évoquera la Neuvième symphonie de Beethoven avec Franck Krawczyk.
Nous aurons cette danseuse prodigieuse de talent Sylvie Guilhem, Michel Portal, et . Et nous aurons notre Orchestre philharmonique qui ne cesse de faire parler de lui et les élèves du conservatoire ;
Cette réalisation témoigne de la singularité de notre ville : tradition, patrimoine et modernité.
Mais elle témoigne aussi de sa volonté politique !
Strasbourg est une grande ville de culture et, jen profite pour le dire ici puisque cela pourrait être parfois reproché :
Oui, la culture coûte cher, mesdames et messieurs !
Mais labsence de culture coûte infiniment plus cher et nous continuerons, dans le plus strict respect de largent public, à militer pour la diffusion de la culture.
Nous ne pouvons le faire que parce quil y a la volonté politique daller en ce sens et cette volonté de faire rayonner la culture partout, dans chaque espace social, cest bien la vôtre madame le maire de Strasbourg, chère Fabienne Keller.
Ce bâtiment est la figure de proue du nouveau quartier culturel qui se dessine aujourdhui le long de lIll, sur cette ancienne friche portuaire.
Ce nouveau quartier, qui est appelé à devenir dans les années qui viennent un nouveau cur pour notre agglomération, un nouveau centre ville, ce quartier naît à un rythme époustouflant.
Nous avons ouvert les Archives municipales et communautaires, puis le Vaisseau, lieu de culture scientifique, a vu le jour grâce à la détermination de Philippe RICHERT et du Conseil général.
Bientôt la grande bibliothèque médiathèque communautaire sélèvera sur le môle Austerlitz, tandis que les passages de lEtoile abriteront logements et commerces et que le tram, celui de la place de lEtoile comme celui du futur pont Churchill, reliera lensemble au reste de lagglomération.
Cest un grand projet durbanisme. Mais un urbanisme dun genre particulier: un urbanisme culturel.
Nous avons, enfin, voulu créer un lieu ouvert sur la ville, car la musique, la danse, le théâtre nexistent que dans le partage et ce nouvel auditorium réunit toutes les conditions pour devenir très vite un lieu de création, de découvertes et démotions pleinement partagées.
Je crois que la musique peut transformer le monde.
Je crois que la culture peut nous élever au desssus de nous mêmes.
Lart, écrivait Malraux, est un anti-destin."
Que cette nouvelle Cité de la musique et de la danse permette aux générations entières délèves et de spectateurs qui sy succéderont de sinventer leur propre destin.
Cest le vu que je formule de tout mon cur .
Oui, mesdames et messieurs, puisquil est surtout question de musique comment névoquerais-je pas cette phrase que Nietzsche écrivait à un de ses amis, Heinrich Kostelitz en 1888:
« La vie sans musique est tout simplement une erreur, une fatigue, un exil . »
Nous tentons ici par linvestissement que nous avons réalisé par sa force symbolique et son rayonnement, avec les école de musique de nos quartiers, avec nos formations amateurs, nos harmonies, nos lieux de musique jeune ou musique amplifiée, comme à la Laiterie, avec nos rappeurs, avec nos prestigieuse formations, Parlement de Musique, Accroche note, Linéa, et les autres, nous tentons déviter lerreur, la fatigue et lexil.
Avec vous toutes et vous tous nous y parviendrons et, ce faisant, nous accomplissons une belle et forte uvre sociale et humaniste.
Commentaires
Monsieur Grossmann,
Bravo pour cet hymne à la musique, aux musiques, et pour sa concrétisation.
Une petite question se pose tout de même : les "musiques actuelles" resteront elles longtemps les petites soeurs pauvres de la "grande musique"?
Vous évoquez "nos lieux de musique jeune ou musique amplifiée, comme la Laiterie" , citant ainsi un lieu de diffusion, mais ne répondant pas à la question posée par Vincent Eckert sur votre forum culture : "N'y a-t-il pas des améliorations à apporter dans le soutien des groupes en termes qualitatifs, s'entend locaux de répétitions décents,"
Les groupes strasbourgeois de musiques actuelles répéteront-ils encore longtemps dans des caves, garages et usines désaffectées? Faudra-t-il encore faire appel à des artistes "presque strasbourgeois" comme "Rodolphe Burger et ses amis Alain Bashung,..." pour les inaugurations des fleurons des politiques culturelles strasbourgeoises, les groupes strasbourgeois souffrant du manque de moyen pour sortir de leurs "caves, garages et usines désaffectées", et qui plus est, de savourer une légitime reconnaissance nationale?