20 mai 2006 extraits du discours d'inauguration

"Nous ouvrons un bâtiment d’exception conçu par un maître de l’architecture qui est aussi artiste et écrivain.

Nous amplifions, large et vaste, l’ouverture à la musique à Strasbourg

Nous créons trois journées merveilleuses et insolites ou se rejoignent les couleurs et les formes, les sons et les gestes, bref des journées comme Strasbourg en vit souvent mais, peut-être trop secrètement.

Tranchant avec les cubes en verre, même les plus élégants, et les modes architecturales en vigueur depuis quelques décennies, Henry Gaudin a réalisé ici un chef d’œuvre.

Comme il l’a souvent rappelé, lorsqu’il a esquissé ce qu’allait être ce bâtiment, la flèche de la Cathédrale a été pour lui « le point de mire de son regard »…

Il y a plus de deux cents ans, à Strasbourg, dans cette ville où il était venu étudier et où finalement il préféra succomber tout entier à ce « vertige de l’amour », cher Alain Baschung, que lui inspirait Frédérique Brion, Goethe avait lui aussi la flèche de la Cathédrale en « point de mire » lorsqu’il écrivait dans l’un de ses tout premiers textes :

« L’architecture, c'est de la musique figée. »

Vous avez ici, cher Henri Gaudin, non pas figé la musique dans l’architecture ; vous l’avez fait vibrer dans l’espace et la lumière. Et si vous me permettez, Monsieur, de détourner l’incipit d’un de vos livres, je dirais volontiers :

« Qu’il soit, dans l’architecture, question de musique n’est pas rien… »

Qu’il soit, dans une ville, question de culture n’est pas rien non plus. Et voilà le sens qui est inscrit dans ce bâtiment mais surtout le sens qui en émane et qui en rayonne.

Goethe, musicien du verbe aurait pu rencontrer à Strasbourg Mozart qui y fit séjour et, en un de ces rêves naïfs, on imaginerait aussi des dialogues entre Wagner, Mahler, Liszt, Klemperer, Karajan, Charles Munch et les plus grands musiciens qui y séjournèrent sans compter les plus grands chefs européens du XIX ième et XX ième siècle qui pour la plupart dirigèrent dans notre ville.

Strasbourg, comme l’Alsace tout entière, est une terre de musique. De musique classique et de musique populaire, de toutes les musiques.

A Strasbourg, Brassens, Brel, Ferré donnèrent des récitals inoubliables et cette étrange concert imaginaire, qui, à la manière du musée de Malraux, soulignerait les correspondances entre la symphonie classique, le sacré, les concertis, la musique tzigane, le jazz, l’orgue, les heavy et le free d’aujourd’hui, la chanson dans sa plus belle éclosion poétique, c’est à Strasbourg qu’il pourrait avoir lieu et c’est bien une telle approche qui nous a inspiré lorsque nous avons voulu que ces journées qui soient uniques.

Les élèves du conservatoire, à notre initiative, sont allés vers les quartiers, les places et les lieux les plus insolites, les supermarchés comme les cantines d’entreprises pour y apporter ce qui n’y est pas donné tous les jours. Pour y apporter aussi le désir de musique.

Puis nous avons voulu qu’il y ait Rodolphe Burger et ses amis.

Et quels amis, Alain Bashung, Jacques Higelin, Chloé Mons on se croirait dans la Vallée, mais la vallée c’est l’Alsace.

Christian Boltanski, l’artiste contemporain français le plus recherché par les centres d’art et les musées du monde entier évoquera la Neuvième symphonie de Beethoven avec Franck Krawczyk.

Nous aurons cette danseuse prodigieuse de talent Sylvie Guilhem, Michel Portal, et…. Et nous aurons notre Orchestre philharmonique qui ne cesse de faire parler de lui et les élèves du conservatoire… ;

Cette réalisation témoigne de la singularité de notre ville : tradition, patrimoine et modernité.

Mais elle témoigne aussi de sa volonté politique !

Strasbourg est une grande ville de culture et, j’en profite pour le dire ici puisque cela pourrait être parfois reproché :

Oui, la culture coûte cher, mesdames et messieurs !

Mais l’absence de culture coûte infiniment plus cher et nous continuerons, dans le plus strict respect de l’argent public, à militer pour la diffusion de la culture.

Nous ne pouvons le faire que parce qu’il y a la volonté politique d’aller en ce sens et cette volonté de faire rayonner la culture partout, dans chaque espace social, c’est bien la vôtre madame le maire de Strasbourg, chère Fabienne Keller.

Ce bâtiment est la figure de proue du nouveau quartier culturel qui se dessine aujourd’hui le long de l’Ill, sur cette ancienne friche portuaire.

Ce nouveau quartier, qui est appelé à devenir dans les années qui viennent un nouveau cœur pour notre agglomération, un nouveau centre ville, ce quartier naît à un rythme époustouflant.

Nous avons ouvert les Archives municipales et communautaires, puis le Vaisseau, lieu de culture scientifique, a vu le jour grâce à la détermination de Philippe RICHERT et du Conseil général.

Bientôt la grande bibliothèque médiathèque communautaire s’élèvera sur le môle Austerlitz, tandis que les passages de l’Etoile abriteront logements et commerces et que le tram, celui de la place de l’Etoile comme celui du futur pont Churchill, reliera l’ensemble au reste de l’agglomération.

C’est un grand projet d’urbanisme. Mais un urbanisme d’un genre particulier: un urbanisme culturel.

Nous avons, enfin, voulu créer un lieu ouvert sur la ville, car la musique, la danse, le théâtre n’existent que dans le partage et ce nouvel auditorium réunit toutes les conditions pour devenir très vite un lieu de création, de découvertes et d’émotions pleinement partagées.

Je crois que la musique peut transformer le monde.

Je crois que la culture peut nous élever au desssus de nous mêmes.

„L’art, écrivait Malraux, est un anti-destin."

Que cette nouvelle Cité de la musique et de la danse permette aux générations entières d’élèves et de spectateurs qui s’y succéderont de s’inventer leur propre destin.

C’est le vœu que je formule de tout mon cœur .

Oui, mesdames et messieurs, puisqu’il est surtout question de musique comment n’évoquerais-je pas cette phrase que Nietzsche écrivait à un de ses amis, Heinrich Kostelitz en 1888:

« La vie sans musique est tout simplement une erreur, une fatigue, un exil . »

Nous tentons ici par l’investissement que nous avons réalisé par sa force symbolique et son rayonnement, avec les école de musique de nos quartiers, avec nos formations amateurs, nos harmonies, nos lieux de musique jeune ou musique amplifiée, comme à la Laiterie, avec nos rappeurs, avec nos prestigieuse formations, Parlement de Musique, Accroche note, Linéa, et les autres, nous tentons d’éviter l’erreur, la fatigue et l’exil.

Avec vous toutes et vous tous nous y parviendrons et, ce faisant, nous accomplissons une belle et forte œuvre sociale et humaniste.