16 mai

BHL est moins artificiel que l’image qu’il dispense de lui, il est plus sympathique que les impressions qu’il laisse sur les écrans, sa silhouette est plus sobre que les objectifs des photographes ne le laissent croire.

Le col de sa chemise est bien ouvert, comme celui « vu à la télé », mais il est clairement élégant. Et puis, il est réellement brillant et érudit

Ce mardi 16 mai, à l’hôtel de ville de Strasbourg où il est venu rencontrer quelques « rares heureux » prévenus la veille, dont madame la consul général des Etats Unis, Bernard Henry a fait preuve de ses talents d’orateur, de conférencier, d’érudit et de stratège géopolitique.

Comme il avait parlé d’ « American Vertigo » et des Etats Unis le matin, qu’il allait en parler l’après midi, à l’ENA, je décidais de le lancer sur l’Europe.

Après une introduction, bien documentée où je rappelais qu’il avait fait ses début de jeune prof à l’université Louis Pasteur, (bluffé, BHL !) où je lui dis aussi mon émotion à la lecture de son Daniel Pearl, j’abordais mon sujet …comment lui, BHL, voyait l’Europe … celle de Bruxelles…celle de Strasbourg…

J’évoquais alors Jacques Derrida qui, quelques mois seulement avant sa mort, fit un passage inoubliable à Strasbourg où il accepta d’être élu président du Parlement des Philosophes. Derrida parla avec une incroyable émotion de Strasbourg et des séjours fréquents qu’il y fit auprès de ses amis, Nancy et Lacoue Labarthe. Il évoqua les conflits à travers le monde. L’impuissance de l’ONU qui ne devrait pas être située aux Etats Unis, sous la forte influence de cette super puissance.

L’ONU, qui est indispensable au monde, devrait avoir son siège dans une ville d’Europe et pourquoi pas à Strasbourg, lança-t-il.

Le dernier passage de Derrida à Strasbourg donna lieu à ce très beau petit livre « Penser à Strasbourg ».

Quant à moi je me souviens de sa traversée de la place Kléber sa silhouette fine qui s’approchait pour rejoindre une Aubette pleine à craquer. Il se dirigea vers moi, j’allais me présenter. « Je vous reconnais » me coupa-t-il et j’eus chaud au cœur en songeant combien mai 68 avait rapproché certains de ses combattants 40 ans, après en une sorte d’estime générationnelle.

Je racontais à BHL la proposition de Derrida concernant le siège de l’ONU.

« L’Europe n’est plus évidente, analysa-t-il, contrairement à ce que nous croyions toujours. » Il se présenta comme un Européen d’origine française. Européen convaincu. Optimiste aussi car l’Europe peut néanmoins se réaliser à la manière des Etat Unis. Le débat, bien sûr, l’obligea à préciser ce qui n’apparaissait pas comme une évidence. Il parla donc longuement des Etats Unis, avec admiration. Fustigeant aussi les anti américains primaires qui sont des dogmatiques, à la manière des anti sémites. Quoi que fasse l’américain,( ou le juif ) dit-il, les anti sont opposés lui, par dogme, mécaniquement…

Ce que je veux retenir de la brillante intervention de BHL à Strasbourg c’est son accord avec Derrida : l’ONU devrait décentraliser l’une ce ses directions, l’une de ses agences, l’un de ses piliers…et Strasbourg lui semble tout désigné pour les accueillir.

Il faut toujours écouter avec attention les artistes, les créateurs, les écrivains et les philosophes. Ils sont en avance dans leurs réflexions, dans leurs visions, ils entrevoient l’avenir, ils cherchent à le modeler et à lui donner forme.

Il est singulier que deux intellectuels, parmi les plus prestigieux, dessinent un tel avenir pour Strasbourg. Il n’y a pas de hasard !

Et nos malheureux députés et fonctionnaires anglo saxons, reniant leurs plus prestigieux anciens comme Churchill ou Bevin veulent Bruxelliser l’Europe, au détriment de l’Europe du sens !

Au moment d’entrer dans sa voiture BHL me marqua sa satisfaction pour cette rencontre et me demanda de confirmer : « C’est bien vous l’UJP ? »