Bernard Henry Lévy à Strasbourg. Des propos forts...
Par Robert Grossmann le mercredi, 17 mai 2006, 12:39 - mon journal, mes humeurs - Lien permanent
Après Jacques Derrida il y a un an, BHL verrait bien l'ONU à Strasbourg, à côté du Parlement Européen.
Il ne faut jamais négliger ce que disent les écrivains, les philosophes et les artistes, ils sont visionnaires.
16 mai
BHL est moins artificiel que limage quil dispense de lui, il est plus sympathique que les impressions quil laisse sur les écrans, sa silhouette est plus sobre que les objectifs des photographes ne le laissent croire.
Le col de sa chemise est bien ouvert, comme celui « vu à la télé », mais il est clairement élégant. Et puis, il est réellement brillant et érudit
Ce mardi 16 mai, à lhôtel de ville de Strasbourg où il est venu rencontrer quelques « rares heureux » prévenus la veille, dont madame la consul général des Etats Unis, Bernard Henry a fait preuve de ses talents dorateur, de conférencier, dérudit et de stratège géopolitique.
Comme il avait parlé d « American Vertigo » et des Etats Unis le matin, quil allait en parler laprès midi, à lENA, je décidais de le lancer sur lEurope.
Après une introduction, bien documentée où je rappelais quil avait fait ses début de jeune prof à luniversité Louis Pasteur, (bluffé, BHL !) où je lui dis aussi mon émotion à la lecture de son Daniel Pearl, jabordais mon sujet comment lui, BHL, voyait lEurope celle de Bruxelles celle de Strasbourg
Jévoquais alors Jacques Derrida qui, quelques mois seulement avant sa mort, fit un passage inoubliable à Strasbourg où il accepta dêtre élu président du Parlement des Philosophes. Derrida parla avec une incroyable émotion de Strasbourg et des séjours fréquents quil y fit auprès de ses amis, Nancy et Lacoue Labarthe. Il évoqua les conflits à travers le monde. Limpuissance de lONU qui ne devrait pas être située aux Etats Unis, sous la forte influence de cette super puissance.
LONU, qui est indispensable au monde, devrait avoir son siège dans une ville dEurope et pourquoi pas à Strasbourg, lança-t-il.
Le dernier passage de Derrida à Strasbourg donna lieu à ce très beau petit livre « Penser à Strasbourg ».
Quant à moi je me souviens de sa traversée de la place Kléber sa silhouette fine qui sapprochait pour rejoindre une Aubette pleine à craquer. Il se dirigea vers moi, jallais me présenter. « Je vous reconnais » me coupa-t-il et jeus chaud au cur en songeant combien mai 68 avait rapproché certains de ses combattants 40 ans, après en une sorte destime générationnelle.
Je racontais à BHL la proposition de Derrida concernant le siège de lONU.
« LEurope nest plus évidente, analysa-t-il, contrairement à ce que nous croyions toujours. » Il se présenta comme un Européen dorigine française. Européen convaincu. Optimiste aussi car lEurope peut néanmoins se réaliser à la manière des Etat Unis. Le débat, bien sûr, lobligea à préciser ce qui napparaissait pas comme une évidence. Il parla donc longuement des Etats Unis, avec admiration. Fustigeant aussi les anti américains primaires qui sont des dogmatiques, à la manière des anti sémites. Quoi que fasse laméricain,( ou le juif ) dit-il, les anti sont opposés lui, par dogme, mécaniquement
Ce que je veux retenir de la brillante intervention de BHL à Strasbourg cest son accord avec Derrida : lONU devrait décentraliser lune ce ses directions, lune de ses agences, lun de ses piliers et Strasbourg lui semble tout désigné pour les accueillir.
Il faut toujours écouter avec attention les artistes, les créateurs, les écrivains et les philosophes. Ils sont en avance dans leurs réflexions, dans leurs visions, ils entrevoient lavenir, ils cherchent à le modeler et à lui donner forme.
Il est singulier que deux intellectuels, parmi les plus prestigieux, dessinent un tel avenir pour Strasbourg. Il ny a pas de hasard !
Et nos malheureux députés et fonctionnaires anglo saxons, reniant leurs plus prestigieux anciens comme Churchill ou Bevin veulent Bruxelliser lEurope, au détriment de lEurope du sens !
Au moment dentrer dans sa voiture BHL me marqua sa satisfaction pour cette rencontre et me demanda de confirmer : « Cest bien vous lUJP ? »
Commentaires
Où est passé Bernard Henry Lévy ? Voilà peut-être la question que jâ??aurais aimé poser à BHL. On est loin des questions tartes à la crème que certains rêvent de balancer et balancer en entartant.
Brillant philosophe, il nâ??est pas nâ??importe qui puisquâ??il fut lâ??élève dâ??Althusser et sans doute de Derrida â?¦ Maoïste en 1968, il est des nouveaux philosophes qui pointent leur plume dans les années 80 â?¦ Je lâ??ai apprécié jusque dans ces années là â?¦. Après, et après le triste et fade « lâ??idéologie française », lâ??enfant prodigue nâ??est plus. Le philosophe se perd un peu pour devenir idole dâ??un bien pensance érigée en dogme. Et il y croit â?¦il fustige à tour de bras. Tout ce quâ??il touche nâ??est pas or, il en va ainsi du cinéma quant à la philosophie, elle nâ??est plus que le cache sexe de postures que je ne partage pas.
Sâ??il admire lâ??Amérique, lâ??Amérique elle nâ??a pas applaudi son American Vertigo et sâ??il peut donner lieu à des moments forts, câ??est aussi parce quâ??il enfonce souvent des portes ouvertes, avec talent et effets de manches de ses chemises blanches.
Je nâ??ai pour ma part que cette question : Dites BHL, où est passé Bernard Henry Lévy, lui, jâ??aurais aimé le rencontrer.
Bien curieux commentaire...je ne savais pas que Lévy fût passé par les maoïstes, vous devez confondre avec Philippe Sollers.
Le jugement sur l'Amérique qui n'aurais pas apprécié "American Vertigo" n'est pas exact, il n'est que le reflet de ce que certains médias français ont bien voulu nous montrer et qui sont partisans, n'aimant pas BHL ; il y a eu des débats aux USA et dites moi depuis combien de temps un intellectel français n'a t-il plus fait parler de lui dans ce pays ? C'est un grand livre de reporter journaliste, ce qui est déjà pas mal dans une époque qui n'aime plus les grands et longs textes dans les journaux. Ses récents textes, comme d'autres plus anciens (je pense à son enquête sur le siècle intellectuel en France, "Les aventures de la liberté") sont importants pour certains, je pense à son livre sur les guerres oubliées et son livre sur Sartre. Le jugement que vous prononcez me fait hélas penser à une chose bien courante de nos jours : on ne lit pas un livre mais on fustige son auteur sur des on-dits. BHL a les défauts de ses qualités, que ne lui pardonne pas le petit peuple médiatico-intello : beau gosse, élégant, riche, ayant du succès avec ses ouvrages (Vertigo se serait déjà vendu à 150 000 exemplaires...)adroit dans le marigot médiatique, cultivé et formant un couple étonnament glamour avec Mme Dombasle : tout ce que notre époque perclue de visions façon Houellebecq déteste.
Permettez-moi de préférer Houellebecq à Bernard Henry Lévy et ce dernier à BHL �
Il est passé du Col Mao au Rotary comme le souligne Hochengehm. Je vous conseille aussi la lecture du livre que lui consacre Marc Riglet. Dois je évoquer son premier opus consacré à la « révolution socialiste au Bangladesh », vous adorerez lâ??analyse maoïste de la partition du Pakistan et du Bangladesh qui fait peut-être référence au Cardek ( je déconne là ). Je persiste et signe ! Jâ??ai aussi lu ses attaques contre Soljenitsyne â?¦.et jâ??ai apprécié lâ??analyse de celui qui voit, en 1974, dans lâ??Urss, « un pays comme les autres ». CQFD â?¦.
Ce fils à papa, son père financera ses premiers échecs, finira même à la tête de la Becob, entreprise familiale spécialisé dans l'importation de bois précieux africain â?¦ Que pense le philosophe du pillage et de la déforestation ? Il a certes depuis vendu lâ??entreprise â?¦.
Quant à son séjour américain, ce nâ??â??est pas la commande de son Tocqueville qui fait lâ??ivresse où le vertige américain. Le pari de BHL dâ??exporter ses réseaux et de faire du buzz a sans doute échoué comme le confirment certaines descentes en flamme notamment dans le NYT
( a lire : lmsi.net/article.php3?id_...
Il me semble qu'en Europe, Genève est la ville la mieux placée pour acceuillir l'ONU, précisément pour les mêmes raisons qui font que Strasbourg est la mieux placée pour les institutions européennes : l'Histoire, le symbole, l'indépendance.
Si nous voulons être crédibles, ne mélangeons pas tout, et défendons déjà le Parlement européen, qui lui a réellement vocation à demeurer à Strasbourg (je devrais même dire y revenir, puisqu'il est actuellement écartelé entre son siège strasbourgeois et ses séances à Bruxelles).
D'accord, défendons L'Europe à Strasbourg, mais alors donnons nous les moyens d'être à la hauteur en améliorant significativement et rapidement les infrastrucures, réseau routier périurbain, connexions ferrées rapides vers l'Allemagne et la Belgique et lignes aériennes en premier lieu.
Quel rapport avec BHL? Veut-il que l'on bombarde Strasbourg comme Sarajevo pour ajouter des photos à son book. Alsator, je partage votre analyse de fonds .... Quant aux formes, je prefère celle d'Arielle, celle qui lave les chemises plus blanches encore, c'est digne de plock !
j'imagine la polémique s'il avait soumis l'idée de transférer à Strasbourg .....le Saint Siège.
On l'a échappé belle...
Apparemment la chemise ouverte jusqu'au troisième bouton, les lunettes de soleil dans une salle totalement éclairée, la coupe de cheveux impeccable semblent vous donner le statut de penseur? Je m'interroge, car le brillant philosophe que l'on m'avait décrit n'était que la caricature de lui-même....je regrettais presque qu'une petite tarte à la crème ne vienne briser cette argutie simpliste. Mise à part l'idée d'une ONU Strasbourgeoise à laquelle je ne pouvais que sourire et me plaire à rêver, j'ai surtout trouvé que le propos était décousu, simpliste et totalement inutile....cela n'engage que moi bien évidemment. Et que dire de cette apologie de la notion d'attachement des américains à leur démocratie et leur pays! Aurait-on pu, lorsqu'il évoquait, l'intervention des Etats Unis au Darfour comme ne présentant aucun intérêt pour eux si ce n'est la défense des faibles, lui rétorquer que le conflit irakien n'est qu'une grossière erreur, lubie d'un président obsédé par ce que John Carpenter appelle dans un des ses films les plus politiquement incorrect "la nouvelle Amérique Morale"? Qu'étendre le modèle de la démocratie américaine dans le reste du monde est un doux rêve auquel seul l'Europe est capable de s'opposer et de faire poids? Qu'il aime les Etats Unis je peux le concevoir mais qu'il soit si naïf à ce point je me pose des questions.... En même temps il eût été difficile de prendre la parole contre cette opinion avec le consul général des Etat-Unis dans la salle au risque de subir des "collateral damage"!
Et pourquoi pas l'Alsace à l'ONU ?
Ainsi, BHL serait passé par Louis Pasteur ? Il était étudiant ou il enseignait ?
J'aimerais bien savoir quels sont les autres écrivains d'aujourd'hui ayant séjourné un temps en Alsace : de passage, ou en résidence... Dans ma tête, un nom : Assia Djebar. Il y en a sûrement d'autres... Le savez-vous, vous ?