Le 28 avril me parvient par des voies tout à fait anormales (un agent du service du protocole de la Ville est prié de diffuser…) un carton d'invitation sous forme de mail, signé François Laquièze, Directeur régional des affaires culturelles, DRAC nous invitant à voir en première un film « sur le chantier de la flèche de la cathédrale de Strasbourg »

Le maire de Strasbourg et moi et beaucoup d'autres encore, serions donc éventuellement invités, si le carton nous parvenait de manière normale, à voir comment l’Etat présente un film sur les travaux de notre cathédrale !

Cela tomberait naturellement à un curieux moment:! L'Etat abandonne la cathédrale en 2006, n'a pas effectué d'entretien en 2005, mais il communique... sur la cathédrale.

Certes ce film très onéreux, a été commandé et payé par la DRAC et, au passage, les sommes investie dans ce film ne sont donc pas allées vers le chantier lui même la cathédrale en a donc été privée. Mais nul doute sur la qualité de ce film qui saura sans doute nous émouvoir, du moins le sujet qu'il traite.

Il reste que, pour la première fois depuis des décennies, la cathédrale est abandonnée par l’Etat alors que la ville a assuré sa part de travaux. Or depuis la révolution française la cathédrale est propriété de l'Etat

Aucun crédit de réfection lourde n'est donc inscrit dans le budget de l'état pour 2006. Les travaux des contreforts nord, côté Saint Laurent sont en plan..

Faisons le point , qui doit réaliser les travaux de la cathédrale, qui fait quoi?

L'Etat effectue des travaux en sa qualité de propriétaire.

En 1999, une convention signée entre l’Etat et la Ville de Strasbourg, fixe le cadre des interventions de la Fondation de l’œuvre Notre Dame sur la Cathédrale. Par cette convention, l’Etat délègue à la Fondation de l’œuvre Notre-Dame la maîtrise d’ouvrage pour les travaux qu’elle réalise sur l’édifice. La nature et le contenu de ces opérations de restauration et d’entretien sont définis en concertation avec les services de l’Etat et l’Architecte en Chef des Monuments Historiques et fixés par des avenants à la convention (opérations de restauration) ou des conventions annuelles (travaux d’entretien). Le coût de ces travaux est assumé totalement par la Fondation ; le résultat de ces travaux est propriété de l’Etat et constitue un don en nature de la Fondation à l’Etat.

En ce qui concerne la flèche, objet du film que l’Etat va nous présenter, tout seul, où en sommes nous ?

Depuis la signature de la convention de 1999, la Fondation de l’Oeuvre Notre Dame a travaillé à la restauration de la flèche de la Haute Tour (2000-2004) et à la restauration de l’octogone de la Haute Tour (2005, le programme étant prévu terminé en 2006) et à l’entretien annuel de la Cathédrale (le carnet d’entretien de la Cathédrale est d’ailleurs rédigé tous les ans par la Fondation).

Les montants mis en jeu pour la Fondation, donc, indirectement par la ville, sont les suivants de 2000 à 2005:

  •  4 389 000 € TTC pour la restauration de la flèche et de l'octogone) :
  •  500 000 € TTC pour l'entretien

Par comparaison, l’Etat a investi, au cours de cette même période, pour les travaux annexes de la flèche et pour la restauration des contreforts nord de la nef :

  • : 4 445 000 € TTC environ pour la flêche et l'octogone
  • Entretien : montant non communiqué

L'absence de travaux d’entretien en 2005 traduit le désengagement récent de l’Etat face à ses responsabilités de propriétaire, désengagement visible également dans d’autres opérations :

  • perspectives très modestes en ce qui concerne les travaux d'entretien pour l’année 2006;
  • suspension sine die en 2006 de la dernière tranche de travaux pilotés par l'Etat sur les contreforts Nord ;
  • retard pris par l'opération mécénat culturel pour la restauration des vitraux du bas-côté Sud : la commande par l'Etat du Projet Architectural et Technique à l'Architecte en chef des Monuments Historiques est toujours en suspens, ce qui repousse d'autant la recherche effective de mécènes et le début des travaux ;
  • programmation trop espacée des comités de pilotage à l’initiative de la Direction Régionale des Affaires Culturelles (le dernier remonte à 2003), ce qui ne permet pas une bonne visibilité des travaux, prévus et à prévoir, sur la Cathédrale.

De tous ces points, les deux premiers sont les plus préoccupants car, s’ils perdurent, ils introduisent, à moyen terme, le risque de dégradations irréversibles (ou imposant des investissements encore plus lourds) sur la Cathédrale. (selon l'avis des experts)

La Fondation de l’Oeuvre Notre-Dame continue, quant à elle, les travaux prévus à son programme, et ce grâce à ses ressources propres et à la subvention de la Ville. Ce programme prévoit en 2006, la fin de la restauration de la Haute Tour (montant restant de l’opération : 670 000 € TTC) et en 2007-2008, la restauration de l’étage roman de la Tour de Croisée (montant de l’opération : 644 000 € TTC).

Voici la situation de la cathédrale, voici comment se comporte l’état. Mais il lance une opération de communication par un film qu’il entend présenter seul.

Les Strasbourgeois (et les visiteurs du monde entier) tant attachés à leur cathédrale jugeront !

On peut dire que l'état fait preuve de beaucoup de cynisme en supprimant des crédits importants dans le domaine du patrimoine. Il a compris que la cathédrale ne descendrait pas dans la rue pour manifester comme les intermittents du spectacle. Donc il s’attaque au patrimoine et à la cathédrale.

Mais qui sait si personne ne va manifester sa colère et traiter l'état culturel comme il le mérite...

Quant aux métiers de la restauration si sensibles et si spécialisés, ils sont atteints de plein fouet.

Eux aussi pourraient manifester .

Le maire  de Strasbourg et le Président de la CUS, ont adressé la lettre suivante au ministre de la culture il y a plusieurs semaines. Une réponse d'attente est revenue...on attend...

Monsieur le Ministre

La Cathédrale de Strasbourg, propriété de l'Etat depuis 1789, est également un symbole majeur pour la Ville de Strasbourg. Celle-ci contribue d'ailleurs largement à sa restauration et à son entretien au travers de la Fondation de l'Oeuvre Notre-Dame, institution attachée à la Cathédrale depuis le début du XIIIe siècle et administrée par le Maire de Strasbourg depuis la fin du XIIIe siècle.

C'est donc avec regret que nous constatons depuis quelques années un appauvrissement croissant de l'engagement de l'Etat sur ce bâtiment. Nous en voulons pour preuve :

  • la suspension sine die en 2006 de la dernière tranche de travaux pilotés par l'Etat sur les contreforts Nord ;
  • l'absence de travaux d'entretien de la part de l'Etat pour l'année 2005 et les perspectives très modestes pour 2006 ;
  • le retard pris par l'opération mécénat culturel pour la restauration des vitraux du bas-côté Sud : la commande par l'Etat du Projet Architectural et Technique à l'Architecte en chef des Monuments Historiques est toujours en suspens, ce qui repousse d'autant la recherche effective de mécènes et le début des travaux ;
  • enfin, la programmation trop espacée des comités de pilotage à l’initiative de la Direction Régionale des Affaires Culturelles (le dernier remonte à 2003), ce qui ne permet pas une bonne visibilité des travaux présents et à venir sur la Cathédrale.

De tous ces points, les deux premiers sont les plus préoccupants car ils introduisent, à moyen terme, le risque de dégradations irréversibles, ou imposant des investissements encore plus lourds, sur cet édifice qu'il appartient à tous de préserver.

La Ville de Strasbourg a rempli ses missions sur la Cathédrale, telles qu'elles sont définies dans la convention cadre de 1999, pour des montants suivants :

  • 4 389 000 € TTC pour la restauration de la flèche et de l’octogone de la haute tour,
  • 500 000 € TTC pour les travaux d’entretien.

Nous comptons bien poursuivre notre effort en respectant la programmation des travaux, définie en collaboration avec les services de l’Etat et l'Architecte en chef des Monuments Historiques, mais nous souhaiterions connaître la position du propriétaire du bâtiment, qui est ici son principal partenaire, sur les travaux qui lui incombent.

Au-delà du cas particulier de la Cathédrale de Strasbourg, nous souhaitons vivement, Monsieur le Ministre, que l’Etat continue de remplir les missions qui sont les siennes en matière de préservation du patrimoine historique. Le maintien des crédits alloués à la restauration de monument constitue à cet égard un point essentiel.

Enfin, mais ce n’est pas le moindre des aspects, nous souhaitons attirer votre attention sur les conséquences économiques d’un désengagement de l’Etat pour les entreprises de ce secteur d’activités où il est essentiel de préserver une main-d’œuvre de très haute qualité et les savoir-faire qui contribuent mise en valeur à du patrimoine français.

        Robert Grossmann                                                                                            Fabienne Keller