L'Aubette, chapelle sixtine de l'art moderne...
Par Robert Grossmann le samedi, 29 avril 2006, 15:50 - art - Lien permanent

En voyant pour la première fois les salons rénovés du premier étage de lAubette, si longtemps abandonnés et laissés à létat de friche, jai éprouvé une sensation bien plus forte que la simple émotion inspirée par luvre picturale.
Certes il était prodigieux de voir, sur les panneaux des murs et du plafond, sexprimer les couleurs vives telles que les avaient voulues, en 1927, Van Doesburg, Arp et Sophie Taüber. Certes dêtre soudain en présence de luvre reconstituée et qui avait été si rapidement détruite et sacrifiée aux goûts banalisés de la clientèle des années 30, provoquait une vraie et pure sensation
Mais il y avait plus : la magie opérait, luvre dart était, en effet, totale comme « ils » lavaient inventée et voulue.
Je me trouvais dans luvre, jy évoluais, elle était sur les murs, au plafond, dans tous les miroitements du regard où quil se porte.
Le silence qui mavait été accordé quelques instants se mit à vibrer et les couleurs se firent sonores ? Chapelle et ses chants grégoriens ? Salon de musique, Chostakovitch ? Concert de couleurs et de vibrations, Stravinski ?
Je comprenais maintenant nos amis Hollandais qui approuvaient Fabrice Hergott lorsquil citait son lointain prédécesseur Hans Haug : « LAubette, une chapelle Sixtine de lart moderne » Et lexpert néerlandais de senthousiasmer : « Vous aurez des nuées de touristes à Strasbourg. Ils viendront pour la cathédrale, bien sûr, et pour lAubette ! » Je me mettais à y croire.
Hasard ? Il ny a jamais de hasard me lançait un jour un ami peintre en contemplant la coulure de sa peinture qui lui échappait pour dégouliner le long de son motif abstrait.
Hasard si au même moment Strasbourg se voyait offrir par lOréal « le salon de musique » de Kandinsky ?
Dans son ouvrage « du Spirituel dans lart, et dans la peinture en particulier » Kandinski chante la musique. Sa citation de Shakespeare, Le marchand de Venise, sonne comme un mot dordre pour la fraternité de lart et donc de lhumanisme : « Lhomme qui na pas de musique en lui et qui nest pas ému par le concert des sons harmonieux est propre aux trahisons, aux stratagèmes et aux rapines. Les mouvements de son âme sont mornes comme la nuit et ses affections noires comme lErèbe ? défiez vous dun tel homme. Ecoutons la musique »
photos DR
Commentaires
très bien de rénover ce travail, c'est vrai. Mais il faudra aussi le faire vivre...
Je reviens 2 secondes sur lAubette
A la pointe de lavant-garde (les puristes mexcusent cette figure de style), lAubette a effectivement été qualifié de « chapelle Sixtine de lart moderne » ou plus précisément « chapelle Sixtine de lart abstrait » me semble-t-il sans vouloir corriger qui que ce soit.
Réjouissons-nous en effet, de retrouver, derrière les façades XVIIIe de l'Aubette, ces décors avant-gardistes réalisés fin des années 20.
Cette "uvre d'art total" où van Doesburg appliqua, entourés dArp notamment, les théories échafaudées avec Mondrian, plaira aux amateurs du genre. Souhaitons quelle ne connaisse jamais plus le sort qui fut le sien avant la guerre ..
Cher Robert Grossmann,
Je peux comprendre votre émotion à la vue de cette Aubette restaurée et le fourmillement d'idées dans votre tête à la vision de l'oeuvre. Toutefois j'aimerais, si vous me le permettez réagir sur le titre de votre billet. "La Chapelle Sixtine" de l'art moderne....N'allez-vous pas un peu loin? En effet, d'oeuvre divine il n'est point question ici et même si tout le monde s'accordera à trouver l'oeuvre admirable, je me permets de penser que ces mots sont trop forts. Il est naturel que l'accomplissement d'une création et sa vision provoque des sensations fortes, on se dit "ça y'est cela a vu le jour et j'en suis encore plus fier, j'espère que les autres le seront aussi". Votre sensation est tout à votre honneur surtout quand on sait à quel point vous y mettez votre coeur et votre ardeur. Mais comparer les fresques des salons du 1er étage de l'Aubette au travail de Michel-Ange je ne suis pas forcément d'accord. Cela me semble un peu grandiloquent vous ne trouvez pas? Surtout lorsque l'on vit la sensation d'écrasement provoquée par les fresques de la vraie chapelle Sixtine dont la signification touche au sacré (que l'on ait la foi ou pas d'ailleurs). Toutefois cela n'est que mon avis et je souhaite que l'Aubette bien sûr connaisse le même succès à travers les années, et que par la même Strasbourg acquiert progressivement autant de public que le Vatican. C'est un voeu pieux mais n'est-on pas ici aussi pour rêver?
Vivement l'ouverture !!! Merci à Mme Keller et à vous-même pour ce magnifique joyau offert aux strasbourgeois. Ce qui est particulièrement remarquable, et que je me réjouis de découvrir, c'est le travail sur la couleur ! nous pourrons admirer le travail de Doesbourg, Arp et Taueber tel qu'il était à l'origine... contrairement aux travaux fais par l'ancienne municipalité (ce qui était décevant). Vous avez été audacieux sur ce coup-là, bravo !
à alsaciendadoption
l'expression "chapelle sixtine de l'art moderne" était une métaphore utilisé par les (ou un?) critiques des années 20 pour qualifier ce chef-d'oeuvre du mouvement De Stijl, seul exemple construit au monde avec le café De Unie à Rotterdam et la Schröder Huis à Utrecht !
Cher Janosch,
Merci de votre précision même si j'avais compris qu'il s'agissait d'une métaphore. Cependant je persiste à la trouver déplacée mais vous me direz les critiques en font parfois des tonnes....
Pour le reste, l'oeuvre, on aime ou pas mais on ne peut y rester insensible c'est entendu.
Bien le bonjour,
j'ai visité comme beaucoup la salle de l'Aubette et j'avoue avoir été désagréablement surpris par le résultat. Les finitions ne sont pas satisfaisantes, tout cela sentait à la fois le "bricolage" et l'empressement. La volonté politique n'a-t-elle pas trop pressée ce projet? Si, assurément!
Une fois encore, je ne comprends pas que l'architecte, en charge du suivi des travaux, ait accepté cette réalisation peu soigné!
Bien à vous...
Ma famille était installée à STRASBOURG entre les 2 guerres et mon père me racontait souvent quelle fut l 'incomprehension déclenchée par les décors de l 'AUBETTE parmi la population strasbourgeoise;les gens venaient voir ces décors de "fous" et s'en moquer;d 'ailleurs que les décors n 'aient pas survécu plus de 15 ans prouve bien l 'intérêt qu' ils y portèrent...
Deux beaux ratages pour une seule place:d 'abord la démolition de la MAISON ROUGE , ensuite Les décors détruits puis ensencés de l 'AUBETTE Bravo STRASBOURG !
Si on devait écouter la population et les critiques en matière d'art on n'aurait jamais eu la Renaissance, le Baroque, l'Impressionisme et Picasso...