C’est devenu une habitude : à chaque nouvelle lune, un hebdomadaire parisien descend dans une ville de province pour y distribuer bons et mauvais points. A Strasbourg, nous n’y échappons pas : Le Point nous gratifie, cette semaine, de « tops et de flops ».

En entrant dans la vie publique, je ne me serais jamais douté que l’action qu’on y conduit peut y être résumée en « tops » et en « flops », ni que le rôle de la presse pouvait parfois se limiter à distribuer des bons et des mauvais points. Pour moi, ce qui compte en démocratie, c’est le « stop ou encore » qu’accordent les citoyens à date régulière. Mais les « tops et les flops » du Point ne m’ont pas fait flipper.

Avec Fabienne Keller et notre équipe, nous récoltons un nombre considérable de tops : environnement, culture, troisième âge, sécurité, réhabilitation des quartiers, tramway, Tgv. Dis, M. Le Point, combien faut-il de tops pour recevoir une image ? Quant aux « flops », le maître censeur nous en accorde pour les finances, le Parlement européen, le sport, l’Eurodistrict, la polémique autour de la gare et le Jardin des Deux-Rives. Tout cela mérite bien une petite analyse.

Le point sur les tops

A commencer par les « tops » : pour l’environnement, il n’y a rien à redire. L’action menée dans ce domaine est réellement exemplaire et nous sommes en passe de relever notre défi : faire de Strasbourg la ville la plus écologique de France.

Pour la culture, où nous recevons un « top » et où notre politique en faveur de la lecture publique est saluée, je regrette que le journaliste ne parle pas des Taps, ni de la Boutique Culture (deux structures inédites en France), ni même du recrutement de Marc Albrecht à la tête du Philharmonique, ni la naissance d’événements comme le festival « Première » au Maillon. Je regrette également qu’il m’accuse d’être un « grand avocat des arts plastiques » (merci quand même) et, du coup, de délaisser les « musiques actuelles » : que fait-il du festival Ososphère et de la scène de la Laiterie, que la Ville soutient pleinement ? Je reste ouvert au débat sur la question : nous avons énoncé des priorités en matière de politique culturelle (accès à la lecture publique, politique culturelle dans les quartiers, Taps, Zénith, Conservatoire, etc.), peut-être nous faudra-t-il dans les années qui viennent poser la question des musiques actuelles à Strasbourg. C’est une grande discussion qu’il faut ouvrir dans ce domaine.

Pour la sécurité, le journaliste nous concède un autre « top », après avoir fait baisser la délinquance de 30 % à 50 % selon les quartiers. Le « top » qui me satisfait le plus concerne la « réhabilitation des quartiers » : on reconnaît enfin que nous nous sommes battus pour obtenir plus de 550 millions d’euros auprès de l’Anru et pour changer la vie au Neuhof, à Hautepierre ou encore à la Meinau. C'est bien la tenacité de notre maire qui se voit ainsi récompensée.

Nous recevons aussi un « top » pour le tramway. Heureusement que le journaliste n’est pas venu il y a quelques mois, alors que les chantiers étaient stoppés : il est fort à parier qu’il nous aurait asséner un gigantesque « flop ». Preuve s’il en était que la politique et l’action publique ont besoin de temps, que tout se fait dans la durée, qu’un projet peut être soumis à d’aléatoires circonstances. L’essentiel est de ne pas avoir le nez plongé dans le guidon et de regarder loin.

Enfin, l’arrivée du TGV nous vaut un « top » : c’est un vrai facteur de développement pour l’ensemble de notre agglomération. Nous nous sommes battus pour l’avoir.

Le point sur les flops

Le Point nous gratifie également de « flops ». Le premier concerne les finances et le journaliste reconnaît qu’il n’y a là vraiment « rien de dramatique ». Il est vrai que ce qui nous est reproché c’est d’avoir fait passé l’endettement par habitant à 603 euros, c’est-à-dire l’une des moyennes les plus basses en France (tout en conservant une marge appréciable d’auto-financement à notre collectivité). Mais nous n’avons pas emprunté pour dilapider l’argent public en dépenses de fonctionnement : nous l’avons fait pour investir, pour rénover les écoles et les équipements sportifs, pour développer la ville, construire de nouvelles infrastructures, accueillir le TGV, etc.

Le deuxième « flop » concerne le Parlement européen… Il est fait état des négociations sur l’achat par le Parlement de bureaux dont il est aujourd’hui locataire : c’est une péripétie. Le journaliste ne dit pas un mot sur l’achat par le Parlement de l’IPE IV : ce qui représentait un acte fort. De même, je regrette que certains de nos opposants, qui prétendent à la nécessité de l’union sacrée sur les affaires européennes, se ruent sur les micros sitôt qu’ils en voient un passer à leur portée pour nous critiquer et, au final, dégommer Strasbourg…

Le troisième « flop » m’a fait un peu rire. Jaune, cela va de soi, puisqu’on nous reproche l’irrésistible descente du Racing… Si nous étions un 1er avril, j’aurais bien annoncé mon intention de reprendre l’entraînement avec notre ami Albert Gemmrich et de sauver le Racing des défaites qu’il encaisse les unes après les autres. Mais peut-on donner un flop au sport à Strasbourg, à cause du football ? Cela veut dire que l’on oublie les succès de la Sig et des autres clubs sportifs strasbourgeois. Cela veut dire que l’on passe sous silence la rénovation des équipements sportifs de l’agglomération, la réalisation de la grande patinoire et du Rhénus Sport. Le Point affiche d’ailleurs ses contradictions : quelques pages plus loin, il nous félicite pour avoir convaincu les organisateurs du Tour de France de faire de Strasbourg la ville du Grand Départ de la grande boucle en 2006. Donc, je rectifie par moi-même et je comprends que Le Point a voulu donner en réalité un « top » au sport à Strasbourg !

Autre sujet à « flop », c’est l’Eurodistrict. Avec nos amis allemands Klaus Brodbeck, Gunther Petry et les maires de l’Ortenau, nous avons le sentiment de ne pas avoir été entendus par Paris et par Berlin. Chirac et Schroeder ont fait des promesses. Ils ne les ont pas tenues. Alors nous essayons de construire un Eurodistrict concret, à notre échelle et à notre mesure, avec les moyens dont nous disposons. Les moyens binationaux qui auraient pu booster l’Eurodistrict n’étant pas là, nous recevons un « flop ». Je formule mon espoir : avec le temps, avec la ténacité et le travail commun, nous parviendrons à avoir un jour un « top ».

Nous recevons enfin les deux derniers « flops » pour la gare et le Jardin des Deux Rives. Pour la gare, évidemment la meilleure solution était d’aménager l’arrière gare. C’est une solution sur laquelle nos prédécesseurs (ceux qui précisément nous donnent aujourd’hui des leçons) n’avaient fait aucune étude sérieuse et qui se chiffre en milliards d’euros : impossible à réaliser avant 15 ou 20 ans ! Il fallait donc agir pour préparer l’arrivée du TGV. Je pense que nous avons fait le bon choix, celui du pragmatisme. Quant au Jardin des Deux Rives, il faut là encore « donner du temps au temps ». Le parc, côté allemand, est situé dans un quartier urbanisé. Côté français, il est situé dans un quartier en cours d’urbanisation. Nous n'avons pas encore trouvé la recette pour faire pousser des arbres centenaires en deux jours ni pour réaliser un nouveau quartier en quelques heures. Que le journaliste me le pardonne : il pourra repasser dans quelques années pour octroyer un « top » au Jardin des Deux Rives.

Ce qui ressort de ces « tops » et de ces « flops » attribués par Le Point, c’est l’instantané photographique qu’il permet de réaliser sur Strasbourg et l’agglomération. Mais on ne peut pas limiter la politique à une pratique instantanée. Pour être juste et efficace, l’action publique réclame du temps. Un jour, il faudrait bien que le monde médiatique délaisse un peu ses polaroïds, pour se convertir lui aussi au « développement durable »