Je n’en crois pas mes yeux lorsque je lis que la chaîne de télévision française destinée au reste du monde pour faire rayonner l’image de la France et sa vision du monde sera diffusée EN ANGLAIS ! Cette chaîne qu’avec le maire nous rêvions de voir installée à Strasbourg, ville internationale et capitale de l’Europe, va donc servir la langue anglaise, la confirmer "lingua franca" et signer de la manière la plus spectaculaire qui soit l’effacement et le déclin de la langue française. Je ne réussis pas à comprendre et je ne m’y résous pas. Je me souviens d’un déjeuner à la table présidentielle il y a trois ans autour de Jacques Chirac. Nous étions une petite dizaine d’invités. Au cours des discussions assez libres qui se développaient j’évoquais mon désappointement de voir la France fermer la plupart de ses instituts français à travers le monde. Tout près de Strasbourg nous connaissons le mode de fonctionnement de celui de Karlruhe, tenu à bouts de bras par son directeur, Robert Walter. Tous n’ont pas la chance d’avoir un Robert Walter dont l’entregent, le carnet d’adresse et la ténacité ont sauvé ce lieu. La plupart ont fermé. Il me semble que c’est le cas de celui de Fribourg en Brisgau . A la suite de mon intervention, Chirac s’est pratiquement mis en colère en me répondant qu’à l’heure d’internet il n’ y avait plus besoin de ce type d’instituts.

Je n’en crois pas mes yeux lorsque je vois aux informations télévisées d’hier soir 23 mars le président de la République Jacques Chirac quitter la réunion à l’ouverture du conseil européen parce que le patron des patrons européens Jacques A. Seillières, citoyen français, s’est exprimé en anglais… Je ne fais ici aucun commentaire… Mais pour la chaîne française je vous recommande la lecture de l’article de Claude Duneton « les anges de Waterloo » dans le Figaro littéraire N° 19171

Extraits : ? Les Anglais ont bien ri la semaine dernière, du moins ceux qui lisent les journaux. On leur a annoncé que les contribuables français allaient payer pour promouvoir la langue anglaise dans le monde.(…) En effet, le gouvernement français avait décidé de lancer une grande chaîne de télévision d'information pour faire pièce à la prédominance de CNN et de la BBC. (…).

Projet admirablement combatif, dont monsieur Chirac pouvait à juste titre se prévaloir, car il devait «répandre les valeurs de la France et sa vision du monde sur tout le globe.» Chouette ! Or cette nouvelle chaîne, appelée CII (Canular II ?) va diffuser – attention les yeux ! – en anglais ! (…)

la chaîne pourrait diffuser quelques heures par jour en français. Peut-être même trois ou quatre heures, sur les vingt-quatre. Le porte-parole s'est vivement défendu de commettre un «acte de haute trahison». Qu'est-ce qu'il lui faut à cet homme ? (…)

C'est toute une structure de la langue qui conditionne la vision, ce n'est pas l'angle de prise de vue des caméras. Le subtil tissu des mots, de la syntaxe, crée la culture profonde d'un pays qui, elle, à son tour, modèle la préhension du monde. (…)

A quoi donc pourra bien servir cette chaîne CII ? (Ci two ? comme see tout, blague franglaise ?) A part procurer des salaires mirobolants à l'équipe de collaborateurs qui la dirigent, évidemment ? Elle servira à donner du travail aux reporters britanniques, on comprend qu'ils se frottent les mains. Parce que les journalistes français peuvent se brosser, ils tiendront les jolies chandelles.(…)

Il me semble bien que le brillant patron de la rédaction d’Arte Gérard Saint Paul quitte Strasbourg pour rejoindre la nouvelle chaîne. Lui qui parlait admirablement l’allemand et le français doit être expert aussi en langue anglaise. Mais il n'est pas homme à tenir les chandelles!