Que va devenir la culture dans les dix ans qui viennent, au moment même où le monde perd ses repères ? Quel rôle pour l'Etat ? Quel rapport entre pouvoir et culture ? La culture dans les quartiers est-elle la grande oubliée du ministère ? Les politiques culturelles ont-elles échoué, au regard de la situation de guerre et de conflits dans le monde et de tension dans nos banlieues ? Quelle réelle influence la culture peut-elle avoir sur des jeunes des quartiers difficiles ?

Sur un autre plan : comment se fait-il qu'il n'y ait eu qu'un seul artiste français invité à la Biennale de Venise ? Y a-t-il encore une création plastique en France digne d'être prise en considération au niveau international ? Ne seraient-ce que les salles de vente, Sotheby's et Christies's qui fixeraient la valeur (et la qualité ?) de la création et de l'art aujourd'hui ? La FIAC vaut-elle encore la foire de Bâle ?

Et la musique ? La France est-elle capable de produire des chefs d'orchestres de renom ?

Y a-t-il des artistes majeurs dans nos régions : écrivains, comédiens, metteurs en scène, musiciens, danseurs, plasticiens, peintres, sculpteurs, conceptuels ? Un artiste peut-il exister et être reconnu ailleurs qu'à Paris ?

Où en est la lecture publique? La prolifération inouïe de publications de livres ne pousse-t-elle pas à faire de celui ci une marchandise banale, un produit de consommation courante? Quelle est le sens et la valeur du livre aujourd'hui ?

Ces questions sont étalées en vrac pour en susciter d'autres et ouvrir le débat. Le texte ci-dessous constitue ma première contribution sous forme de tribune. Je vous suis reconnaissant d'exprimer les vôtres...Qui sait si nous ne réussirons pas ensemble à sortir de l'aire de l'interrogation pour entre ouvrir une voie et exprimer un espoir!

 

Culture en France : j'en appelle à un sursaut de l'Etat !

A Paris, la culture semble toujours flamboyante. En région, les compagnies, les orchestres, les écoles d’art, les intermittents, les artistes de toute catégorie s’enlisent dans des coulées d’inquiétudes. Les maîtres d’ouvrages face à leur patrimoine historique en panne de chantiers sont consternés.

L’apparence d’opulence culturelle ne se situe plus guère qu’à Tolbiac ou à la Bastille. Rien n’est plus vraiment équitable dans le partage de la culture, si jamais l’équité fut entre Paris et les régions de France.
Aujourd’hui, les budgets de l’Etat s’expriment par amputation et invalident les actions engagées. Le ministre, qui mérite d’être salué, sauve ce qu’il peut.

Dès lors, ce sont les collectivités locales qui se voient projetées face à ces faits accomplis budgétaires. Elles qui sont en toute proximité se sentent désignées et quasi culpabilisées. Il faut bien que quelqu’un pallie les carences de l’Etat central, si l’on veut stopper l’acheminement vers la désolation et la pénurie culturelle.

2005 a été l’année de la préfiguration des disettes. Toutes les programmations étaient engagées, les contrats fixés, les scènes retenues et, en plein accomplissement des travaux, les budgets furent amputés. D’importants crédits d’investissement ont été « reportés » de 2005 à 2006, ceux du patrimoine écharpés. La notion de gel s’est installée et recouvre de manière sémantiquement indolore une réalité pénalisante. En ce début d’année, les DRAC n’ont pas de réelle visibilité budgétaire. L’exercice 2006 s’engage comme celui de 2005 s’est achevé : dans l’inquiétude et l’essoufflement.

Les « conseillers » des DRAC, patrons en tête, sont ébranlés. Face à leurs obligés, observés par leur ministère central, ils ne peuvent pourtant renoncer à leurs archaïques certitudes : ils doivent rester les « sachants » et proclament la vérité culturelle, privés des moyens de la faire réellement vivre. Au nom de leur compétence passée, ils dictent les conduites à tenir. Et pour continuer à asseoir le souvenir de leur prééminence, ils brandissent plus encore qu’auparavant la menace et l’arme de l’inspection.

Pour justifier l’inspection, on s’arrange pour imposer au préalable des « conventions », tic assez récent de l’Etat et condition sine qua non de ses contributions. Avec une crédibilité démonétisée !
La qualité majeure des DRAC doit aujourd’hui dépendre plus de leur capacité à faire payer les collectivités locales que de leurs compétences avérées dans le domaine de la culture. Les collectivités ne semblent avoir pour elles que le seul intérêt de l’épaisseur de leurs lignes budgétaires.
Une autre arme qui reste entre les mains de l’Etat est constituée par l’octroi de diplômes nationaux : les collectivités financent les enseignements artistiques, l’Etat accorde des diplômes. Mais à quoi correspondent-ils aujourd’hui ? Jadis, en Europe, les universités ne valaient pas par leurs diplômes d’Etat, mais par l’évidente qualité de leurs enseignements, la notoriété de leurs maîtres, leur valeur intellectuelle.

Tout cet appareil de contrôle ne se justifiait qu’accompagné par un financement fort et il est permis de penser que la valeur de l’enseignement artistique et du diplôme qui le sanctionne dépend aussi de ce puissant accompagnement.

L’Etat doit procéder à un examen de conscience culturel, lui qui en ce domaine donne le sentiment d’avoir perdu son nord.

La décentralisation a aggravé les menaces. Certains enseignements artistiques sont confiés aux départements ! En ont-ils voulus ? Sont-ils armés et équipés pour évaluer et financer un conservatoire et d’autres établissements d’enseignement ?

Comment, décrédibilisé financièrement, l’Etat est-il en mesure de maintenir des critères de qualité ?

Ne pensons pas au pire qui est parfois probable : des collectivités locales d’obédiences opposées n’iraient-elles pas se mettre à régler des comptes sur le dos de la culture, qui leur est si rapidement confiée ? Tel conseil général en délicatesse avec sa ville centre ne songera-t-il jamais à la pénaliser sur les crédits accordés à son conservatoire, au bénéfice de telles écoles de musique rurales ?

La déconcentration, elle aussi, pose des problèmes et l’on peut se demander si elle est porteuse des espoirs qu’on lui attribue.

Oui, il faut un Etat fort culturellement ; il doit jouer, en toute équité, son rôle de régulateur et de garant. Pour cela, un sursaut est indispensable !
Aujourd’hui la déstabilisation de la culture trouve son origine dans l’amputation de ses crédits, dans la menace qui pèse encore sur le statut des intermittents, dans une décentralisation aux effets encore improbables, dans l’incertitude du nouveau rôle des DRAC, qui ont besoin de trouver leurs marques.

Il est temps que l’Etat se ressaisisse et cesse de se situer dans une politique au jour le jour, où les approximations et les expérimentations de tous ordres sont le lot quotidien.

C’est le gouvernement tout entier qui est interpellé, président de République en tête. Qu’il aide le ministre à revivifier la culture en France !

Peut-être d’ailleurs faut-il une rupture culturelle d’avec les habitudes récentes, avant qu’elles ne produisent trop de dégâts.