pour un sursaut de l'Etat dans le domaine des politiques culturelles !
Par Robert Grossmann le jeudi, 2 mars 2006, 16:30 - culture et forum - Lien permanent
Où en est la culture en France ? Nous sommes au milieu d'un gué. Ni l'Etat ni les collectivités locales n'ont encore trouvé leurs marques dans ce paysage mouvant. L'acte II de la décentralisation a-t-il réellement pris en compte la culture ? N'y a -t-il pas là une curieuse parcellisation ? Et les acteurs de la vie culturelle peuvent-il envisager leur avenir avec la sérénité nécessaire. L'Etat continue à diriger et à affirmer son pouvoir régalien, mais en a-t-il encore les moyens. Quant aux collectivités locales, elles payent de plus en plus, mais ne sont guère considérées (parfois à juste titre) pour leur expertise et leur compétence. Les collectivités doivent-elles avoir chacune sa politique culturelle ? Tous ces sujets essentiels méritent un vrai débat ! J'ouvre un forum : exprimez vos points de vue !
Que va devenir la culture dans les dix ans qui viennent, au moment même où le monde perd ses repères ? Quel rôle pour l'Etat ? Quel rapport entre pouvoir et culture ? La culture dans les quartiers est-elle la grande oubliée du ministère ? Les politiques culturelles ont-elles échoué, au regard de la situation de guerre et de conflits dans le monde et de tension dans nos banlieues ? Quelle réelle influence la culture peut-elle avoir sur des jeunes des quartiers difficiles ?
Sur un autre plan : comment se fait-il qu'il n'y ait eu qu'un seul artiste français invité à la Biennale de Venise ? Y a-t-il encore une création plastique en France digne d'être prise en considération au niveau international ? Ne seraient-ce que les salles de vente, Sotheby's et Christies's qui fixeraient la valeur (et la qualité ?) de la création et de l'art aujourd'hui ? La FIAC vaut-elle encore la foire de Bâle ?
Et la musique ? La France est-elle capable de produire des chefs d'orchestres de renom ?
Y a-t-il des artistes majeurs dans nos régions : écrivains, comédiens, metteurs en scène, musiciens, danseurs, plasticiens, peintres, sculpteurs, conceptuels ? Un artiste peut-il exister et être reconnu ailleurs qu'à Paris ?
Où en est la lecture publique? La prolifération inouïe de publications de livres ne pousse-t-elle pas à faire de celui ci une marchandise banale, un produit de consommation courante? Quelle est le sens et la valeur du livre aujourd'hui ?
Ces questions sont étalées en vrac pour en susciter d'autres et ouvrir le débat. Le texte ci-dessous constitue ma première contribution sous forme de tribune. Je vous suis reconnaissant d'exprimer les vôtres...Qui sait si nous ne réussirons pas ensemble à sortir de l'aire de l'interrogation pour entre ouvrir une voie et exprimer un espoir!
Culture en France : j'en appelle à un sursaut de l'Etat !
A Paris, la culture semble toujours flamboyante. En région, les compagnies, les orchestres, les écoles dart, les intermittents, les artistes de toute catégorie senlisent dans des coulées dinquiétudes. Les maîtres douvrages face à leur patrimoine historique en panne de chantiers sont consternés.
Lapparence dopulence culturelle ne se situe plus guère quà Tolbiac ou à la Bastille. Rien nest plus vraiment équitable dans le partage de la culture, si jamais léquité fut entre Paris et les régions de France.
Aujourdhui, les budgets de lEtat sexpriment par amputation et invalident les actions engagées. Le ministre, qui mérite dêtre salué, sauve ce quil peut.
Dès lors, ce sont les collectivités locales qui se voient projetées face à ces faits accomplis budgétaires. Elles qui sont en toute proximité se sentent désignées et quasi culpabilisées. Il faut bien que quelquun pallie les carences de lEtat central, si lon veut stopper lacheminement vers la désolation et la pénurie culturelle.
2005 a été lannée de la préfiguration des disettes. Toutes les programmations étaient engagées, les contrats fixés, les scènes retenues et, en plein accomplissement des travaux, les budgets furent amputés. Dimportants crédits dinvestissement ont été « reportés » de 2005 à 2006, ceux du patrimoine écharpés. La notion de gel sest installée et recouvre de manière sémantiquement indolore une réalité pénalisante. En ce début dannée, les DRAC nont pas de réelle visibilité budgétaire. Lexercice 2006 sengage comme celui de 2005 sest achevé : dans linquiétude et lessoufflement.
Les « conseillers » des DRAC, patrons en tête, sont ébranlés. Face à leurs obligés, observés par leur ministère central, ils ne peuvent pourtant renoncer à leurs archaïques certitudes : ils doivent rester les « sachants » et proclament la vérité culturelle, privés des moyens de la faire réellement vivre. Au nom de leur compétence passée, ils dictent les conduites à tenir. Et pour continuer à asseoir le souvenir de leur prééminence, ils brandissent plus encore quauparavant la menace et larme de linspection.
Pour justifier linspection, on sarrange pour imposer au préalable des « conventions », tic assez récent de lEtat et condition sine qua non de ses contributions. Avec une crédibilité démonétisée !
La qualité majeure des DRAC doit aujourdhui dépendre plus de leur capacité à faire payer les collectivités locales que de leurs compétences avérées dans le domaine de la culture. Les collectivités ne semblent avoir pour elles que le seul intérêt de lépaisseur de leurs lignes budgétaires.
Une autre arme qui reste entre les mains de lEtat est constituée par loctroi de diplômes nationaux : les collectivités financent les enseignements artistiques, lEtat accorde des diplômes. Mais à quoi correspondent-ils aujourdhui ? Jadis, en Europe, les universités ne valaient pas par leurs diplômes dEtat, mais par lévidente qualité de leurs enseignements, la notoriété de leurs maîtres, leur valeur intellectuelle.
Tout cet appareil de contrôle ne se justifiait quaccompagné par un financement fort et il est permis de penser que la valeur de lenseignement artistique et du diplôme qui le sanctionne dépend aussi de ce puissant accompagnement.
LEtat doit procéder à un examen de conscience culturel, lui qui en ce domaine donne le sentiment davoir perdu son nord.
La décentralisation a aggravé les menaces. Certains enseignements artistiques sont confiés aux départements ! En ont-ils voulus ? Sont-ils armés et équipés pour évaluer et financer un conservatoire et dautres établissements denseignement ?
Comment, décrédibilisé financièrement, lEtat est-il en mesure de maintenir des critères de qualité ?
Ne pensons pas au pire qui est parfois probable : des collectivités locales dobédiences opposées niraient-elles pas se mettre à régler des comptes sur le dos de la culture, qui leur est si rapidement confiée ? Tel conseil général en délicatesse avec sa ville centre ne songera-t-il jamais à la pénaliser sur les crédits accordés à son conservatoire, au bénéfice de telles écoles de musique rurales ?
La déconcentration, elle aussi, pose des problèmes et lon peut se demander si elle est porteuse des espoirs quon lui attribue.
Oui, il faut un Etat fort culturellement ; il doit jouer, en toute équité, son rôle de régulateur et de garant. Pour cela, un sursaut est indispensable !
Aujourdhui la déstabilisation de la culture trouve son origine dans lamputation de ses crédits, dans la menace qui pèse encore sur le statut des intermittents, dans une décentralisation aux effets encore improbables, dans lincertitude du nouveau rôle des DRAC, qui ont besoin de trouver leurs marques.
Il est temps que lEtat se ressaisisse et cesse de se situer dans une politique au jour le jour, où les approximations et les expérimentations de tous ordres sont le lot quotidien.
Cest le gouvernement tout entier qui est interpellé, président de République en tête. Quil aide le ministre à revivifier la culture en France !
Peut-être dailleurs faut-il une rupture culturelle davec les habitudes récentes, avant quelles ne produisent trop de dégâts.
Commentaires
Le tableau brossé par Robert Grossmann est sombre, or il est réaliste. Il peut d'autant moins être taxé de catastrophisme qu'il émane d'un témoin de premier plan des dérives de l'action culturelle de l'Etat...
Historiquement, les prérogatives de l'Etat en matière culturelle remontent à la centralisation des pouvoirs politiques.Autant dire à Philippe Le Bel ! La lente progression du renforcement du pouvoir du Roi s'est accompagnée des démonstrations de plus en plus brillantes de son amitié pour les Arts.
Avec le recul, nul doute que Louis XIV a objectivement servi les Beaux-Arts, l'Architecture, la Musique et même les arts floraux, même si le mobile de ses fastes est sans doute moins généreux pour la collectivité. Gare à celui qui comme Foucquet brille trop en province par un mécénat trop dangereux pour l'étoile royale et tant pis pour Vaux le Vicomte !
La Révolution ne semble pas avoir mis un frein d'arrêt à la magnificence parisienne, et la tradition d'un déséquilibre organisé du financement public au profit de la capitale française continue hélas à perdurer.
C'est bien là que le bât blesse : le désengagement organisé de l'Etat dans le financement culturel aggrave ce déséquilibre, car seule une intervention corrective en faveur des régions pourrait aujourdhui mettre fin aux inégalités organisées depuis si longtemps...
Une région frontalière qui a tant payé le prix de l'Unité Nationale comme la nôtre devrait être servie d'une manière exemplaire. Ce n'est pas le cas et, hélas, une partie de l'incontestable rayonnement culturel de l'Alsace provient plus des influences étrangères, nourrissant les traditions des pratiques artistiques locales, que des efforts de la Nation. N'avons-nous connu de la France que son art militaire ?
A l'heure de la déconfiture programmée d'une politique nationale de la Culture qu'imposerait pourtant la crispation effrayante des mentalités et le choc des différences, il faut se retrouver sur le plan régional, c'est-à-dire rhénan. Les collectivités sont là, peut être trop nombreuses, mais nécessairement à coordonner pour éviter les doubles emplois ou les contradictions. Nos voisins suisses, allemands et même luxembourgeois ont une pratique de l'autonomie culturelle évidemment bien plus grande que la nôtre.
Il est urgent de tenir compte de cette nouvelle dimension pour créer les outils d'évaluation de nos propres besoins régionaux en la matière. Avec l'aide de l'Etat et, hélas, même sans elle. On y va ?
Le « monde culturel » : « lart » de la subvention !
Pourquoi la création française est pauvre ? parce que les « politiques culturelles » consistent à subventionner à coup de résidence des « diplômés détat de lart » auxquels on a lobotomisé la créativité dans des écoles où lon apprend plus à se positionner en tant quartiste quà travailler son art. « Lartiste » daujourdhui passe son temps à commenter, à prendre position sur tout et rien. La France a intellectualisé lart, elle a créé les fonctionnaires artistes. Cest un peu trop facile de se revendiquer artiste aujourdhui et du coup ça devient difficile de détecter le talent.
je profite de ce sujet pour rebondir sur cette phrase :
'Y a-t-il des artistes majeurs dans nos régions : écrivains, comédiens, metteurs en scène, musiciens, danseurs, plasticiens, peintres, sculpteurs, conceptuels ? Un artiste peut-il exister et être reconnu ailleurs qu'à Paris ?'
et de vous signaler l'existence d'une scène dans la musique electronique strasbourgeoise regroupant plusieurs artistes qui s'exportent tres bien dans les territoires comme l'Europe , Japon & USA etc...
Cette scène locale a été mise en évidence par l'emission TRACKS sur ARTE : www.arte-tv.com/fr/art-mu...
et a son rendez vous annuel à Strasbourg dans le cadre du festival CONTRE_TEMPS : www.contre-temps.net
Festival, soutenu par la C.U.S., pour lequel nous dépensons une énergie sans retenue, en le développant chaque année à notre rythme (3ème édition en juin 2006) et pour lequel nous souhaiterions étudier avec vous dans quelles mesures notre action pourrait être mieux comprise par la Ville à fin de se sentir encore plus soutenu dans nos efforts de participer activement à la vie culturelle de la cité.
L'art est toujours existentiel , la culture est aujourd'hui événementielle.
Peut-être y a-t-il incompatibilité ? Qui sait ?
Nous , les artistes, il nous faut nous arranger avec cette incompatibilité.
Mais les responsables de la culture, et les publics ... aussi.
L'art perd parfois sa notion existancielle pour n'être qu'êvenement, c'est d'ailleurs un travers contemporain et aussi une limite. L'art dure-t-il, l'art d'aujourd'hui durera-t-il demain comme l'art d'hier a su le faire. Vaste débat !
La creation, c'est lorsque l'on se retrouve entre Charybde & Scylla, et qu'il faut passer. Le risque me semble etre la source meme de la Creation, or cette prise de risque fait peur aux institutions qui y voient sources de milles critiques. Sans cela, L'artiste fait de la communication et non de l'art.
Ne serait il pas interessant de separer dans un futur proche le ministere de la culture du ministere de la communication?
Salutations
A titre personnel, je suis toujours demandé sur un Ministère de la Culture était nécessaire en démocratie. Je vois son intérêt dans les régimes totalitaires, mais ailleurs ... Cela ne tend-t-il pas vers un "art officiel" fut-il moderne d'ailleurs.
Chapeau, Monsieur Grossmann, de faire un blog, de laisser la parole circuler et de prendre ainsi le risque du débat ! Je ne suis pas de votre "bord" politique, mais l'initiative est suffisamment inexistante en Alsace et rare dans notre pays pour qu'elle soit saluée.
Je voudrais bien ajouter un commentaire sur chacun des billets que vous publiez, mais c'est le débat que vous lancez sur la culture qui me semble le plus intéressant, notamment sur l'aspect "culture et quartiers difficiles".
Cela fait plus de vingt ans que les "acteurs culturels" (comme on les appelle maintenant) sont trop considérés par les pouvoirs publics (à gauche aussi bien qu'à droite) comme des "intervenants sociaux" : de la même manière qu'on demande aux enseignants d'apporter une réponse à des problèmes qui les dépassent, on demande aux artistes de s'engager dans les quartiers, de tenir un discours social et de mener une action. Or, en quoi des artistes pourraient-ils influer sur les différents problèmes qui se posent dans les quartiers ? Est-ce que la production artistique contemporaine est condamnée à devenir une simple animation socio-culturelle ?
Bien entendu, on me retorquera qu'il existe des expériences qui réussissent : c'est le cas du Théâtre-Forum à Strasbourg, de l'action menée à Neuhof par des plasticiens et des troupes de théâtre ou de l'expérience des concerts du Philharmonique dans le quartier de la Meinau (avec le travail des enfants avec le compositeur Jean-Louis Agobet). Mais cela reste pourtant (et malheureusement) des micro-expériences, que l'on aurait bien du mal à généraliser !
Le vrai enjeu (comme c'est le cas depuis Léo Lagrange, c'est-à-dire depuis le Front populaire !) c'est de permettre l'accès à la culture à toutes celles et ceux pour qui cela ne va pas de soi de fréquenter des salles de spectacles, des bibliothèques, etc. Nous avons, en France, pas loin de l'Alsace, l'initiative d'un grand précurseur : Maurice Pottecher. A Bussang, avec le Théâtre du Peuple, il a permis à toute une vallée de se passionner pour les planches !
Attention ! Je ne dis pas qu'il faut aujourd'hui ouvrir un Théâtre du Peuple dans chaque quartier de Strasbourg. Ils existent déjà, à vrai dire, avec les scènes des Taps, mais il serait nécessaire d'en adapter davantage la programmation en fonction des publics "populaires". Le problème est que dans notre milieu culturel français (avec un discours toujours très élitiste), nous avons oublié ce que veut dire la "culture populaire". On oublie tout ce qu'a pu dire Jean Vilar sur la question. La culture du Peuple est aujourd'hui dévalorisée.
Il appartient donc aux hommes politiques et aux responsables culturels, de la revaloriser, en permettant, par exemple, que la programmation du Taps-Neudorf soit établie en adéquation avec son environnement culturel : avec le quartier de Neudorf, de la Meinau et celui de Neuhof.
On pourrait également imaginer dans l'ensemble des quartiers strasbourgeois de nouvelles structures culturelles (des salles de petites jauges, dotées de petites bibliothèques, accessibles, etc.) Bref, il me semblerait urgent de revoir tout ce que l'on appelle le "socio-culturel" et qui a, pour une bonne part, abandonné l'aspect culturel des choses pour la simple intervention sociale...
D'autre part, il ne faudrait pas, en matière de politiques culturelles, oublier la question fondamentale des "nouveaux publics". Une structure culturelle (qu'elle soit un musée, un théâtre, un opéra, une médiathèque, etc.) doit mettre un point d'honneur à s'interroger en permanence sur la demande des publics. Ce n'est pas là une question de démagogie. Mais on a totalement oublié qu'un comédien ou qu'un musicien qui jouent le font devant un public. Il faut donc que le public soit là. Comment le renouveler ? Comment aller le chercher dans les quartiers populaires ? Il y a là tout un travail à mettre en oeuvre pour que celles et ceux qui n'ont pas accès aux formes les plus classiques de la culture puissent le faire. C'est là un grand chantier à mener, mais je crois bien que c'est la seule manière de réconcilier le mot "culture" avec le mot "populaire".
Je pense que vous exagérez un peu en disant que "l'opulence culturelle est à Tolbiac ou à la Bastille". L'herbe n'est pas toujours plus verte dans le pré d'à côté ! Est-ce que Strasbourg n'est pas une ville culturellement opulente ? La proportion "offre culturelle / nombre d'habitants" me semble plaider assez largement en faveur de Strasbourg...
Seulement, il y a un penchant bien français à ne considérer que rien n'existe en dehors des six premiers arrondissements de Paris ! M. Reinhardt parle de Louix XIV : mais à l'époque de la construction de Versailles, les Parisiens critiquaient déjà ouvertement cette "déconcentration" du pouvoir royal extra-muros.
Plus sérieusement, Strasbourg est dotée d'institutions culturelles de grande qualité : Orchestre philharmonique (surtout avec le nouveau chef M. Albrecht), TNS, Maillon, Opéra, Musées, Taps, rencontres littéraires et philosophiques quasi permanentes, Conservatoire, Ecole des arts décoratifs, etc.
Certes, notre ville a quelques manques : pas assez de galeries d'art ni de théâtres privés comme dans toutes grandes métropoles dignes de ce nom. Il faudrait s'interroger d'ailleurs sur le fait que Strasbourg ne réussisse pas à faire naître davantage de structures non-subventionnées !
Un autre manque important pour Strasbourg, c'est le défaut de reconnaissance de sa singularité culturelle : c'est assez vrai dans la presse nationale (on pourrait remplacer d'ailleurs le mot "presse nationale", par presse parisienne, ce serait beaucoup plus juste). Je me souviens d'un article dans Libération sur la vie culturelle à Strasbourg : on se demandait, à sa lecture, si le journaliste est venu une seule fois de sa vie dans notre ville ! Il prétendait, par exemple, qu'il n'y avait rien à Strasbourg "pour les jeunes", en oubliant par là-même, ce qui se fait à la Laiterie, au Conservatoire, aux Arts décos, à l'Université, dans les quartiers, etc.
Cela se vérifie également dans l'esprit des Strasbourgeois, qui rouspètent très souvent parce qu'ils aiment bien rouspéter... Si chacun de nos amis et connaissances qui prétendent qu'"il ne se passe rien culturellement à Strasbourg" allait une seule fois par semaine seulement au théâtre, au Philharmonique ou à l'Opéra, il faudrait doubler le nombre de places dans chaque salle !
Dans un autre billet, vous parlez du livre de Gallo sur la fierté d'être français : il est grand temps d'être fier d'être Strasbourgeois ! Cela pourra certainement contribuer à faire avancer les choses...
C'est là un vaste débat que je voudrais vous proposer, pour rejoindre les commentaires précédents qui vont dans ce sens.
Pour réagir aux propos d'Alsator, je crois qu'il a relativement tort (cela tombien, ça rime)... Je pense en effet, pour ma part, qu'un Etat doit avoir une politique culturelle. En France, cela remonte d'ailleurs à la création de l'Académie française, qui a été la première fondée, puis à d'autres institutions qui avaient en charge de l'architecture et du patrimoine. Notre pays a une vraie richesse patrimoniale : imagine-t-on un seul instant l'Etat sans désintéresser ? C'est la raison pour laquelle il est nécessaire qu'existe un ministère de la Culture... Seulement quand celui-ci veut tout régir, tout réglementer, "inspecter" comme le dit M. Grossmann, c'est là que le bât blesse. Or, que voit-on aujourd'hui ? On voit le ministère de la Culture se désengager sur ses missions principales (l'entretien et la sauvegarde du patrimoine) et s'occuper de choses qui fonctionneraient très bien s'il ne voulait pas y mettre son grain de sel. Cela ne s'appelle pas du totalitarisme, loin s'en faut : cela porte le nom de "bureaucratie" et c'est déjà très largement méprisable !
Face à cette dérive, que faut-il faire ? Si les collectivités locales estiment que leur investissement en matière de politique culturelle est méprisé par l'Etat, qu'elles se concertent, qu'elles s'unissent et pèsent de tout leur poids pour que le ministère de la Culture change sa politique ! Mais, excepté M. Grossmann, quel autre élu local fait cette analyse publiquement en France ? Qui a le courage de dire ça ? J'ai beau chercher, je ne vois pas !
Est-ce que cela serait trop demander de savoir dans quelle proportion se font les financements de l'Etat et des collectivités locales ? Je m'interroge notamment pour les structures dites "nationales" : le TNS, l'Opéra, le Philharmonique, le Conservatoire, le TJP, le Maillon (scène européenne), etc. Je pense que cela apporterait un peu de concret au débat si l'on pouvait avoir les chiffres "en toutes lettres"... Je n'ose imaginer que l'Etat apporte le label "national" sans apporter les financements qui vont avec...
Je ne sais pas comment prendre l'article de Robert Grossmann. Cela va dans tous les sens et je crois bien que cela reflète assez correctement la réalité qui va elle aussi dans tous les sens ! Je ne comprends pas qu'un ministre de la Culture puisse s'occuper de choses aussi différentes que le patrimoine, les bibliothèques, les arts vivants, le cinéma, Internet, etc. Il y a quand même une sacrée différence entre tout ce qui relève des institutions culturelles proprement dites et de ce que l'on peut appeler l'industrie culturelle ! Ce sont des mondes vraiment à part. Quand on regarde ce qui se passe aujourd'hui avec Internet et le dossier très problématique du téléchargement, on voit en France que l'on est tout à fait à côté de la plaque ! Le pays qui a inventé le droit d'auteur va-t-il devenir celui qui inventera la légalisation du piratage artistisque ? Cela me semble être aussi un grand débat !
M. Grossmann, je suis relativement d'accord avec ce que vous dites. Mais j'aimerais savoir ce que vous entrevoyez comme solutions aux rapports entre l'Etat et les collectivités locales pour tout ce qui est culturel. Est-ce qu'il ne faudrait pas "remettre totalement à plat les choses" ? C'est Malraux qui a créé le ministère de la Culture (si je me souviens bien), mais il l'a fait à une période qui n'est plus celle d'aujourd'hui. A-t-on encore besoin d'un ministère de la Culture ? Si oui, quel doit être son rôle dans la nouvelle "géographie culturelle française" ? Merci pour ce débat passionnant.
Je partage l'avis de JP Simon : est-ce que l'on pourrait connaître les chiffres ? Par exemple, quand vous créez les Taps (qui est une initiative unique en son genre en France et une vraie réponse à la question de l'intermittence), à quelle hauteur se situe l'aide de l'Etat ? Je crois que ce serait bien de faire partager ces chiffres au public. Merci d'avance !
j'ai l'impression que les "acteurs" du "monde culturel" ne sont en grande majorité pas des artistes, loin s'en faut. Pourtant ils s'engraissent dans les réceptions culturelles à coup de deniers publics. Qu'est ce que ce "monde culturel" ? a-t-il oublié l'essence de l'art ? Ne faut-il pas tout revoir, redonner les manettes de la culture aux artistes ? pas étonnant qu'on ne trouve qu'un artiste à envoyer à Venise... la France n'aide pas les artistes, elle aide le "monde culturel" !
Il semble s'instaurer en France une culture du paraître plutôt que de l'être. Une culture de l'instant, de l'instantané, du scoop, une culture du vide, véhiculé par les médias, ce qui paraît est! Or un contenu ne peut se substituer a son packaging, nous nous trouvons peut être coincés dans cette contradiction. Pire, cette forme de culture semble effacer d'autres formes de cultures plus calme, plus paisible.
Et pour tout compliquer, l'apparition de nouvelles formes de médias tel que l'internet, la téléphonie mobile changent profondément les modes de communication, preuve en est ce forum. Qu'en sera t il dans dix ans? ... Si on ne fait rien, on aura loupé notre entrée dans le siècle actuel.
Alors pourquoi ne pas organiser un réel débat public?
Mais où sont donc les artistes ???
C'est à croire qu'il n'y en a plus ! que le monde culturel, comme vous dites, n'est qu'un nid d'oies, que l'on gave à coup de subvention pour se donner une bonne conscience culturelle ! je crois que l'Etat aurait tout intérêt à essayer d'aider vraiment les artistes plutôt que de claquer des millions pour faire grossir les intellectuels de la culture !
Il y en a assez de la nomenklatura culturelle !
Est-ce ça la culture ? des buffets garnis de parasites qui parlent, parlent, parlent... mais sont si loin de l'art !
M Grossmann, il faut aider les artistes, pas ceux qui les exploitent !
Geronimo
L'art et la culture... ne nous méprenons pas... toute la culture n'est pas de l'art... il y a beaucoup de divertissement. Pour pouvoir ce revendiquer artiste, il faut CREER ! Aujourd'hui on veut faire croire que tout le monde est artiste... tous les comédiens, les chanteurs, les musiciens... sans vouloir leur manquer de respect, ils ne sont qu'interprètes.
Oui M grossmann les artistes sont dans leurs ateliers... ils essayent de créer pendant que les directeurs de théâtre, les présidents d'associations culturelles et tout le gratin fument des cigares en mangeant les petits-fours de la République, et en léchant délicatement le cul des donneurs de subventions !
Pardonnez mon excès et ma vulgarité quoi quon pourrait la qualifier de stylistique ! Mais ne croyez vous pas quil faut sérieusement bouger les choses ? Nêtes-vous pas à limage de M Sarkozy pour des mesures « radicales » ? Ne pensez-vous pas que la France a besoin dun « vrai » changement ? Il faut rompre avec les clichés et les usages dépassés
Aujourdhui, le discours de Sarko me parle (pour partie) mais quand jose le dire parmi mes « collègues » artistes, les yeux se font gros et on est à la limite de remettre ma crédibilité dartiste en doute Vous savez, moi la gauche, la droite Ce nest pas tellement dans mon monde Dans mon monde, il y a les paroles et les actes ! La France doit aujourdhui faire le bilan aussi dans le milieu culturel et solder les comptes pour repartir sur de saines bases Cest en fixant des objectifs élevés quon va loin Bien sûr, il faut trier, mesurer, ajuster Mais, sans excès pas de talent, et la France a besoin de retrouver ses talents !!! Il faut redevenir fier dans le bon sens du terme.
M.Sarkozy, président de l'UMP, a déclaré il y peu qu'il souhaiterais supprimer le ministère de la Culture au profit d'un grand ministère regroupant Education Nationale, médias et Culture. 2 questions: etes vous en accord avec votre président de parti? La situation du secteur culturel avec M.Sarkozy à l'Elysée serait-elle encore plus préoccupante, inchangée, améliorée?
Merci
J'aimerai assez qu'on ne caricature pas un débat aussi important.Je ne voudrais pas heurter la sensibilité de Geronimo, mais il me semble qu'il est bien dur avec les responsables de structures su spectacle vivant.J'en connais peu qui fument le cigare en se léchant les doigts!Je fréquente plutôt ceux qui "râment" à la recherche de la réponse aux questions :
-est-il tabou de revendiquer un rôle d'intégration républicaine à l'action culturelle?
-la subvention publique doit-elle s'interdire le regard critique?
-Y-a-t-il une méfiance respective de la culture vis à vis de la politique et inverement?
Je ne suis en tous cas pas du tout choqué de la proposition d'intégrer dans ce contexte la Culture à l'Education Nationale, car est affirmée ainsi le dessein d'une action concertée.Qui prétend être choqué, alors qu'ainsi s'affirmerait le rôle de l'Etat dans une cause qui doit rester nationale.L'initiative est courageuse et ne relève pas de la langue de bois, sauf s'il s'agit d'un moyen détourné pour se dégager un peu plus sur le plan financier.Monsieur Geronimo, venez nous voir plutot que de nous caricaturer.Merci d'avance...
Geronimo
Dans votre style je dirais que vous plus tôt (tête de l'art)
grossier qu'artiste
C'est certain que ce n'est pas le "contrefort Nord" de la Cathédrale de Strasbourg qui ira manifester contre la réduction des crédits de l'Etat ! Mais quid des élus locaux ? Pourquoi ne s'organisent-ils pas afin de mettre l'Etat face à ses responsabilités ? Sur un autre dossier, celui du TGV, le conseiller général Waline proposait de surseoir au paiement de la contribution des collectivités alsaciennes. Que se passerait-il si les collectivités faisaient de même dans le domaine du patrimoine ?
J'aimerai ouvrir la question des artistes vivants. Est il vrai que seulement 10% du budget de la culture est destiné aux artistes vivants? Sur ce pourcentage combien sont aloués aux jeunes artistes <=35 ans?
Pour avoir une relève il faut avoir une vrai politique artistique pour les artistes vivants, on ne fabrique pas des artistes comme on fabrique un produit! Vous pourriez imaginer de tripler les réductions d'impôts liés aux mécennat d'entreprises (actuellement 1%), compte tenu de leurs bénéfices record cela devrait stimuler le marché de l'art, cherchez l'erreur?.
Sans véritable marché de l'art les artistes se développeront ailleurs. On a la relève artistique qui équivaut aux investissements de l'état dans ce domaine. D'ailleurs il n'est pas étonnant de voir que quelquesoit les foires d'art les artistes et les vendeurs restent à quelques exceptions près toujours les mêmes.
Heureusement on trouvera sans doute un évènement à fêter, entre la mort, la naissance d'artistes appartenant à l'histoire on arrive à remplir le calendrier.
Le courrage ne suffit pas, ou je dirai plus ne suffit plus, tant il y a d'embûches sur le chemin.
Cher Alain,
Je partage votre avis à ceci près que je pense que nous devrions avoir un débat de fond sur les financements des artistes et de toute la filière artistique.
À lheure ou létat se désengage des régions, il nous reste beaucoup de questions ; qui finance quoi, pour combien de temps, l'état doit-il encore être parti prenante, les collectivités locales sont-elles assez mature pour assurer l'ensemble des prérogatives qui leurs échoies, ... ?
Il nous faut aussi réfléchir au très faible dynamisme du secteur privé en région (Hors PACA).
Pour parler de l'Alsace nous avons pourtant des médecins, des avocats, des institutions, des collectivités, des entreprises, quelques industriels et personnes fortunés, mais ou font-ils leurs acquisitions sils en font ?!
À peine une poignée de bonnes galeries à Strasbourg, celle-ci se refusant et on les comprend, à prendre un artiste local qui hésite rarement à vendre en direct. Un secteur associatif très peu présent sur ce marché, bref la plupart des artistes strasbourgeois ne sont pas représentés. Si lon rajoute à cela que quand un projet émerge, il a mangé son pain blanc en trois ou quatre ans ou disparaît pour dautres raisons ; Kahn, le Lab, Impact,
Pourquoi ? Je ne peux brosser que des hypothèses : une éducation artistique qui souvent se cantonne en France à des cours de dessin, peu ou pas de réseaux, peu ou pas de porteurs de projets professionnels, un effet de masse inexistant, des acheteurs potentiels blasés, pas sensibilisés ou pas intéressés, ... La situation est alarmante, la France a perdu 2% de part de marché en passant de 9,2 à 7,2% des achats duvres dart dans le monde !
www.boursorama.com/patrim...
Une éclaircie toutefois à Strasbourg, StArt qui semble offrir un début de réponse sans pourtant permettre aux créateurs locaux de sémanciper en y faisant par exemple des rencontres, les galeristes présents ne sont pas là pour cela !
Quant aux structures institutionnelles, elles permettent aux artistes les plus dynamiques de continuer à être montré, parfois achetés et dy trouver quelques financements nécessaires à lavancée de leurs travaux.
Bref, relevons nos manches et prenons le parti de la réflexion, sans à priori, cest urgent !!!
M. Grossmann
J'ai lu votre texte avec intérêt. En tant qu'artiste, si je n'ai pas de jugement à apporter au portrait que vous faites de la culture, j'ai, en revanche, des propositions à vous faire pour répondre à la question "qu'est ce qu'on peut faire ?".
Des propositions pour donner à Strasbourg l'occasion de mieux se faire connaître en France et à l'étranger grâce à la formidable pépinière d'artistes et de partenaires culturels qui y travaillenr au quotidien. Je me tiens à votre disposition pour en discuter.
Bien cordialement,
Cairo
Bonjour,
La rédaction de regioartline vous invite sur son site à lire l'article sur la revue de blogs où l'art pose question:
www.regioartline.org/ral/...
Vous pouvez commenter l'article directement sur le site et ainsi diversifier le débat sur la culture lancé ici !
Au plaisir de vous lire.
La rédaction de regioartline.org
Bonjour à tous,
Je remercie d'abord Monsieur Grossmann d'ouvrir ce débat. Je remarque tout de suite qu'il y a plus de questions que de réponses.
En tant que Plasticien, ce que je remarque, c'est le manque de connaissances et de convictions des collectionneurs privés. Je n'impute pas cette incurie à l'éducation, qui est quasi nulle en la matière, ni le fait qu'il faut avoir déjà tout ce qui brille pour s'acheter de l'art. L'art n'est que la dernière roue d'une économie spéculative. Une Picasso est plus rutilante qu'un Picasso. Je crois que Georges Bataille signale l'art comme la part maudite de notre économie, comme une part somptuaire. Mais je m'éloigne.
Je ne sais pas pourquoi les gens n'achètent pas de l'art. Car je trouve que l'art est mieux qu'un canapé de chez Conforama par exemple.
De mon côté, je ne continue mon travail qu'avec le soutien de l'Etat ou des collectivités locales, comme Mulhouse qui est très dynamique en la matière, et à qui je donne le maximum de mon temps en retour (animation, création). Il y a un développement culturel en animation qu'il faut de mon point de vue approfondir et encourager.
Sur l'idée que les artistes ne se préoccupe pas de politique. L'artiste n'est pas isolé ou endiablé comme un ours dans sa grotte. Il y a le monde qui s'agite et il est dans ce monde. Cela vaut mieux pour lui. Mais on peut se tenir en marge. Regarder le ressentiment collectif de loin, comme une nouvelle forme d'art, d'expression collective.
Si l'on veut voir toutes les expositions, écouter tous les disques et lire tous les livres, il faut dix milles vies. La culture est un champ de la consommation comme les autres. Les artistes y participent de mieux en mieux. Ils représentent l'avant-garde de la précarité et de la flexibilité. Ils travaillent dix fois plus qu'un employé sans la sécurité de l'emploi. Sur ce détail, je vous renvoie aux analyses très percutantes du sociologue Pierre-Michel Menger.
Pour le reste, je n'en sais rien. Je trouve que la Star Academy vaut plus qu'une rétrospective à la fondation Beleyer de Magritte ou de l'exposition de la collection de la plus grande banque Suisse pour parler de trucs récents. Je trouve cependant les écrits de Flaubert aussi con que ceux de Houellebecq même si cela n'a rien à voir sur l'instant.
Mon dernier mot, c'est que l'humour manque en politique comme ailleurs. Et il n'y a que l'art qui soit vraiment trop drôle aujourd'hui. Nietzsche pense que c'est le lieu où les nobles de l'âme se reposent de leur rude pensée. Et bien je vais arrêter d'écrire et regarder un dvd de Rivette pour me reposer.
Merci à vous tous de m'avoir lu jusqu'ici. Je ne peux pas faire plus.
Bigre, M. Grossmann; vous avez la dent dure contre le gouvernement auquel vous êtes pourtant affilié...bravo! Mais je pense que le tableau que vous brossez n'est pas si sombre que cela, du moins en ce qui concerne les pratiques culturelles des Français. Par contre sur le plan international l'initiative par exemple de M.de Villepin d'une grande exposition d'art contemporain est à saluer, même si les délais sont ridicules (par comparaison, la Documenta allemande se fait sur 4 ans...).Oui il y a d'excellents artistes en France, et ils sont connus,que ce soit Pierre Huygue pour les arts plastiques ou Olivier Py pour le théâtre par exemple. Quand au public des institutions...celles-ci ne seraient-elles pas à dépoussiérer un peu? Et à propos des banlieues, lisez le livre que Jean Hurstel vient de publier...Beethoven? mais on ne trouvera pas plus de monde, voyons! Cette musique "difficile" il faut bien sûr toujours la proposer, mais beaucoup ne seront jamais touchés...C'est autre chose qu'il faut essayer!
Salutations