Une critique littéraire (et politique) par Marie Marty sur Rue89Strasbourg
Par Robert Grossmann le samedi, 31 janvier 2015, 09:18 - Strasbourg - Lien permanent
Robert Grossmann réécrit l’histoire de sa Robertsau perdue
Après la rudesse politicienne, la douce nostalgie des souvenirs revisités. « Ma Robertsau », petit livre de 170 pages édité à la Nuée Bleue en novembre 2014, n’est ni un testament politique, ni un historique exhaustif de la vie de l’ancien quartier maraîcher de Strasbourg. Longtemps conseiller général du Laüch (poireau), surnom donné à la Robertsau en référence à son « légume fétiche du terroir » (p. 99), Robert Grossmann rend hommage dans cet opus au quartier qu’il a contribué à moderniser durant 40 ans, tout en militant pour la sauvegarde de quelques-uns de ses marqueurs forts.
Au fil des pages, et dans un ordre semi-chronologique, le lecteur prend connaissance des premiers émois du petit Robert, enfant de Bischheim qui découvrait la Robertsau à bicyclette les jours d’été, rêvant d’aventures indiennes dans la forêt du Rhin, toute de lianes et de ponts de bois, jetés sur les nombreux bras de l’Ill et du fleuve. L’on découvre encore la naissance d’une passion d’adolescent, puis d’une quête d’adulte, celle de Robert l’historien pour la belle Mélanie, châtelaine de Pourtalès sous le Second Empire, puis le Reich de Guillaume II.
La Robertsau, 1er canton socialiste de Strasbourg
Pour les observateurs de la vie politique strasbourgeoise, « Ma Robertsau » délivre quelques anecdotes intéressantes. Et notamment celle de l’élection d’un conseiller général socialiste, Marc Brunschweiller, à la Robertsau, quartier « confirmé à gauche et premier canton que le Parti socialiste [a] conquis à Strasbourg » (p. 30). Si l’on considère l’information à l’aune des résultats électoraux robertsauviens de ces 30 dernières années, tous favorables à la droite (RPR, puis UMP) quand le reste de Strasbourg est plutôt marquée à gauche, elle est particulièrement truculente. Et trahit un bouleversement sociologique important subi (ou choisi ?) par le quartier, celui de son embourgeoisement continu, du fait de sa « mutation » (p. 14) économique et urbanistique.
Cette transformation, Robert Grossmann la déplore par nostalgie, mais l’accepte globalement sur le fond. La disparition du maraîchage est actée par l’auteur « lorsqu’au début des années 1980, le maire Pierre Pflimlin mit en œuvre le futur Plan d’occupation des sols (POS) » (p. 104-105). Robert Grossmann raconte :
« Au cours d’une réunion avec la trentaine de maraîchers qui subsistaient, je défendais avec naïveté la protection des terres agricoles. Pourtant, à l’ère de l’agriculture industrielle, qui voulait, qui pouvait encore se consacrer au travail de la terre […] ? Leur disparition, eux qui étaient écolos pratiquants avant la mode, eux qui incarnaient le « bio » et les « circuits courts » sans la vogue publicitaire d’aujourd’hui, sera l’un de mes profonds regrets. »
Et de saluer des initiatives récentes, telle l’installation d’une libre cueillette de fraises derrière le parc de Pourtalès.
Auto-panégyrique touchant
Comme attendu, le livre dresse un auto-panégyrique que l’on savoure, amusé(e). Ainsi, le politicien robertsauvien a cru avant les autres à la fusion des clubs de football et de handball, créant la désormais incontournable ASL Robertsau. C’est lui encore qui est allé chercher le champion de handball Branko Karabatic pour faire grimper son ASL dans les tableaux français. C’est lui toujours qui a sauvé le château de Pourtalès de la destruction puis, plus tard, favorisé l’installation de sculptures contemporaines dans le parc, lui qui a milité contre le comblement du canal des Français, lui encore qui a poussé à la création de l’ASSER (association de sauvegarde de l’environnement de la Robertsau), présidée pendant 20 ans par Yves Le Tallec, son successeur au Conseil général, tandis que l’ADIR (association pour la défense des intérêts de la Robertsau) restait un repère d’hommes de gauche, etc.
S’il ne revient pas sur sa présidence de la CUS, son engagement gaulliste, ses mandats départementaux et régionaux, ou – encore moins – sur ses échecs à la députation comme à l’investiture pour briguer la mairie de Strasbourg, ce « monument » de la vie politique strasbourgeoise, comme le qualifient certains ses anciens camarades ou adversaires politiques, signe un livre touchant tant il transpire l’attachement profond pour ce quartier. Son dernier mot est « résistance » (p. 171). Résistance à ces projets (telle la destruction du foyer Saint-Louis) qui pourraient, plus encore aujourd’hui qu’hier – mais est-ce vraiment possible ? – dénaturer ce qui reste du « village ».
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