Aucune nécessité pour une placette du 17 octobre 1961 à Strasbourg
Par Robert Grossmann le jeudi, 25 avril 2013, 09:24 - Strasbourg - Lien permanent
Je me permets d’estimer que la proposition d’accorder le nom d’une place de Strasbourg au 17 octobre 1961 n’est pas une urgence ni une nécessité.
De quoi s’agit-il ? De commémorer, en l’inscrivant de manière définitive dans notre ville, les massacres commis le 17 octobre 1961 par la police française de manifestants algériens dans les rues de Paris à l’appel du FLN.
Faits en effet horribles comme il y en eut malheureusement trop pendant ce conflit.
Ces massacres ont été évoqués le 17 octobre 2012, par le Président de la République François Hollande dans un communiqué que par souci d’honnêteté je vais citer ici : « Le 17 octobre 1961, des Algériens qui manifestaient pour le droit à l'indépendance ont été tués lors d'une sanglante répression. La République reconnaît avec lucidité ces faits. Cinquante et un ans après cette tragédie, je rends hommage à la mémoire des victimes »
Voilà. La reconnaissance officielle a été formulée par la France et l’hommage aux victimes également.
Ces tragiques événements ne peuvent occulter tous les faits et exactions terribles qui se sont malheureusement déroulés pendant la guerre en Algérie.
Les jeunes soldats Strasbourgeois et Alsaciens tombés dans ce conflit ont leurs noms gravés collectivement sur différents monuments aux morts.
Par ailleurs une «Association pour l’édification d’un monument à la mémoire des soldats du Bas-Rhin morts pour la France en Afrique du Nord » a pour objectif de créer un monument à Strasbourg rendant hommage aux 300 soldats morts en Afrique du Nord entre 1952 et 1964. Notre éminent collègue Aziz Méliani en assure le suivi et ce monument devrait être inauguré au cours de l’année.
Je veux toutefois évoquer un événement particulièrement tragique qui est, à l’indépendance de l’Algérie, le massacre des Harkis, supplétifs engagés dans l'armée française de 1957 à 1962.
Le 14 avril 2012, Nicolas Sarkozy a officiellement reconnu la responsabilité du gouvernement français dans « l'abandon » des harkis après la fin de la guerre d'Algérie en 1962. Cela aussi est un de nos grands remords.
Au total, le nombre de harkis tués après le cessez-le-feu est estimé selon les historiens à 60 000 à 70 000. De nombreux harkis furent également arrêtés et emprisonnés.
Aucune rue ni aucune place de notre ville n’est dédiée à la mémoire de nos soldats ni des supplétifs qui ont portés l’uniforme de la France. Et la date du massacre d’Oran le 5 juillet 1962 reste gravée douloureusement dans les mémoires j’ai eu à ce sujet de nombreux messages demandant que l’on commémore cette date.
Je veux ajouter que la tragédie d’octobre 1961, en plus de réveiller d’anciennes douleurs, en plus de diviser les Français, n’a aucun rapport direct avec notre ville aussi je ne vois pas pour quelle raison Strasbourg ferait un acte de repentance particulier alors que les plus hautes autorités de notre pays l’ont accompli et que d’autres dates méritent d’être inscrites dans nos mémoires.
Commentaires
Bon, bon. Ça devient compliqué. Si par exemple, on voulait aller au bout, il faudrait aussi commémorer Sétif. Mais bon la date du 8 mai est déjà prise pour tout autre chose. Alors comment fait-on ? Pourtant commémorer Sétif aurait un sens. Mais il y a aussi eu quelques massacres d'indigènes au XIXème siècle. On peut les dater. On les commémore ? Et le décret Crémieux ? Cela aurait aussi un sens, non ? Et la nuit de la toussaint rouge ? On n'a rien en rayon comme commémoration sur l'année 1954 ... J'en oublie sûrement...
Le pédagogue :
Un peu partout, dans Paris et sa région des hommes, des femmes et des enfants marchent.
Pour soutenir la résistance des Indigènes contre le colonialisme français.
Des basanés.
D'habitude, ils passent inaperçus.
Ils quittent rarement leurs réserves et les lieux où ils triment.
Et les voilà subitement en masse.
Comment est-ce possible ?
Comment osent-ils devenir visibles ?
Ils marchent.
Des hommes, des femmes, des enfants.
Depuis combien de temps ?
Quelle distance ont-ils parcouru ?
Pour eux, le temps ne compte pas et ils ne mesurent pas l'espace.
Un immense souffle est en eux.
Le but est dans leur coeur et rien de ce qui est éphémère ne les atteint.
Ce qui doit être sera.
Ils s'approchent de la Seine au rythme de battements tels ceux du coeur de la mère que tout enfant béni garde en lui.
Une marche pleine d’espoir.
On aurait dit l'aurore de la vie.
Un peu partout, des rangs noirs formés par des forces dites de l'ordre.
Par moments, de lourds nuages voilent la clarté du jour.
Mais pour ces êtres qui marchent, le ciel est d'un magnifique éclat et la Seine est radieuse.
Mohammad sourit à sa mère qui lui caresse les cheveux, et serre fort la main de son père.
Les rangs noirs explosent, des véhicules ternes vrombissent.
L'arsenal du maintien de l'ordre se répand en un déversement de haine.
Les marcheurs sont encerclés.
Dans Paris et sa région, plus de douze mille arrestations.
Des camps de détention et de torture.
Des blessés.
Des tués.
Des corps d'hommes, de femmes et d'enfants jetés dans la Seine.
Des moyens dits d'information ont informé :
Des semeurs de désordre, terroristes musulmans, ont été mis hors d’état de nuire.
La liberté.
Taratata.
L’égalité.
Taratata.
La fraternité.
Taratata.
Le ciel infini est bleu.
La Seine coule.
Depuis des années, Mohammad y vient assez régulièrement.
Il s'arrête, fixe le fleuve et sourit à ses parents, et à d’autres personnes, des hommes, des femmes, et des enfants, jetés dans la Seine le 17 octobre 1961 (selon le calendrier dit grégorien).