Strasbourg le 16 mars 2011

 

 

Monsieur le Président de la République,

 

Il est établi qu’aucune autre ville au monde ne symbolise mieux l’Europe des hommes et des peuples que Strasbourg. L’histoire aussi bien que la géographie lui ont assigné ce rôle au cœur de l’Europe.

Hélas depuis des années un nombre de plus en plus important de parlementaires européens la contestent et manifestent le refus d’y siéger.

En mars 2011 une nouvelle atteinte grave vient d’être portée contre Strasbourg par la suppression d’une semaine de session.

 

Depuis des années les gouvernements successifs de la France répliquent aux attaques anti - Strasbourg en s’appuyant sur les traités.

Mais en même temps un nombre de plus en plus important de strasbourgeois est excédé et humilié par ces mises en cause qui ne cessent et ne cesseront jamais, faute de résoudre les vrais problèmes qui sont censés handicaper Strasbourg.

 

Ici nous avons le sentiment que Strasbourg constitue une sorte de devoir rituel de bonne conscience des gouvernements de Paris. D’ailleurs, et vous le savez, trop de hauts responsables nationaux pensent au fond de leur conscience que la cause de Strasbourg est perdue à plus ou moins long terme.

Et ils attendent.

 

Ils avaient aussi attendu plus de vingt ans pour accorder un TGV vital pour Strasbourg, pour l’Allemagne et le centre Europe qui aurait largement amélioré la situation s’il avait fonctionné au cours des années 1980.

Aucune liaison rapide vers Bruxelles n’a jamais été prévue.

Pire, la France de Jacques Chirac a laissé se décider au sommet de Nice en 2001 que tous les sommets européens auraient lieu à Bruxelles !

 

Détail : La création solennelle, du haut des salons de l’Élysée, de « l’Eurodistrict Strasbourg Kehl », n’a pas été accompagnée par la moindre mesure concrète sinon par le conseil paternaliste : « débrouillez vous entre vous ». Rien, ni subventions, ni mesures fiscales n’a été accordé à cet Eurodistrict laboratoire de l’Europe voulu par Paris et Berlin.

 

Venons en à l’essentiel : pas la moindre parcelle d’administration du P.E. n’a été installée à Strasbourg, tout se trouve à Bruxelles ou à Luxembourg. Cela est aberrant et sonne comme une provocation à la fois pour les parlementaires et, par le coût des déplacements, pour les contribuables européens.

 

La constatation s’impose que la France assure la défense de Strasbourg dans le style « ligne Maginot » comme s’il s’agissait d’un blockhaus à défendre statiquement alors qu’il est en permanence contourné par des armées adverses mobiles et des tacticiens dynamiques.

Comme l’histoire l’a enseigné - relisez de Gaulle ou Klausewitz - ce type de défense, arque bouté sur les traités, conduit à plus ou moins long terme à la défaite face à la volonté et aux harcèlements incessants des « anti-Strasbourg ».

Nous avons ici le sentiment que le gouvernement assure un service minimum en faveur de Strasbourg l’Européenne, laisse se déliter sa cause jusqu’à sa lente décomposition et dès lors, les mois et les années ayant passées, notre ville se retrouvera délaissée.

 

Si l’administration du P.E. ne s’installe pas à Strasbourg, si plusieurs sommets, conseils des Ministres et séances de la Commission ne se tiennent pas à Strasbourg, sa vocation est, en effet, anéantie.

 

Nous vous demandons de mettre en œuvre un tel processus de reconquête, de défendre Strasbourg de manière offensive et de vous différencier ainsi de vos prédécesseurs. Vous devez obtenir de Bruxelles et de nos partenaires européens la réhabilitation de Strasbourg par ces projets concrets : administrations, sommets, réunions de la commission à Strasbourg.

 

Si vous n’obteniez rien, impuissant face à Bruxelles, changez de stratégie : cédez ce Parlement qui n’aime pas l’Europe de Strasbourg en ouvrant des négociations sans concession afin d’obtenir des compensations fortes : institution de très haut niveau et de même rayonnement, à installer durablement à Strasbourg.

 

À Strasbourg, en 2004, le philosophe Jacques Derrida livrait ses pensées ultimes presque en guise de testament et demandait que l’ONU soit retirée des États Unis et de leur influence afin d’être installée en Europe… à Strasbourg. Il y a aussi l’UNESCO, la cour de La Haye et d’autres grandes institutions internationales.

Utopies ? Certes ! Mais sans grandes ambitions on stagne dans la petitesse.

 

Strasbourg compte sur vous Monsieur le Président de la République et sur la voix de cette grande et puissante France que vous incarnez.

 

Je vous prie de croire, Monsieur le Président de la République, en l’expression de mes sentiments très respectueux.

Robert Grossmann

ancien président de la Communauté Urbaine de Strasbourg 

 

 

 


 

 

 

Monsieur Nicolas SARKOZY

Président de la République

Palais de l’Elysée

75008 PARIS