On ne sait pas toujours comment l’humour va vous atteindre surtout lorsqu’il est programmé. Les ressorts du rire sont peut-être les plus difficiles à actionner et annoncer que l’on va faire rire est un des exercices les plus périlleux et les plus risqués qui soient. Il y a de tellement mauvais comiques !

Je connaissais le « capitaine Sprutz » mais je l’avais perdu de vue sur les planches et ce soir lorsque ses collaboratrices eurent la bonne idée de me faire sortir de ma tanière je me suis rendu au Kafteur, son théâtre de poche, avec une curiosité plutôt positive mais… attentive. Ça ne pouvait pas me faire de mal, m’étais je dit, raisonnable.

J’en ressors conquis à l’instant. J’ai vu un spectacle - un one man show – irrésistible. Même si vous entriez grave, soucieux, sévère, rue Thiergarten, même si votre détente était grippée, vous ne pouviez pas tenir dans le réfractaire. Sceptique vous rendiez les armes. Le rire s’emaprait de vous avec une sincérité non artificielle.

Jean Luc Falbriard, alias capitaine Sprutz, est un vrai comédien.

En nous livrant ses secrets du bonheur il fait un malheur. Ses numéros sur les tribulations de l’automobiliste sont irrésistibles, tous ses gags sont désopilants.

Je salue la mise en espace, les décors, la musique, mais surtout la performance du comédien, sa gestique, sa chorégraphie, ses mimiques si vraies et, phénomène rare, dont aucune n’était déplacée ni ne sonnait faux.

Il y eut un peu de grivoiserie, oserais je dire, délicate ? En tous les cas rien de ce qui fonde l’arme des histrions qui, ratant leurs effets de langage ou leurs déhanchements, ont recours par le grossier aux rire gras et bêtes.

Soudain, rupture saisissante, Jean Luc nous livre un intense moment d’émotion. La salle cesse de rire, elle est silencieuse à ce moment et Jean Luc nous dit « Les passantes » ce texte bouleversant d’Antoine Paul que Brassens a choisi de mettre en chanson

« Je veux dédier ce poème

A toutes les femmes qu'on aime

Pendant quelques instants secrets

A celles qu'on connait à peine

Qu'un destin différent entraîne

Et qu'on ne retrouve jamais

…….. »

Puis sur un air si mélancoliquement joyeux de Dario Moreno (qui se souvient de lui ?)

on se lève, on quitte le théâtre, sourire illuminant le cœur, les yeux emplis de ces étoiles auxquelles on a rêvé avec le capitaine et on se murmure à soi même « dire que j’aurais pu passer à côté de ce bonheur simple alors que le pré est à côté»