J'ai été et je suis pour la bonne intégration des musulmans au sein de la République française;

Je suis pour des lieux de cultes dignes et décents pour les pratiquants de l'Islam

Je suis pour un Islam français et, chez nous, strasbourgeois.

Ma position n'a jamais été électoraliste et j'ai toujours manifesté le plus grand respect à mes partenaires musulmans; à qui ma porte a toujours été ouverte.

En ce sens notre équipe municipale a réellement favorisé la progression du dossier "grande moquée de Strasbourg" en accordant le terrain, en attribuant une subvention de 10% du prix de la construction, en plaidant le dossier auprès de la Région et du Département qui eux aussi accordent une subvention. 

Nous avons posé la première pierre de la mosquée.

Mais pour ne donner aucun argument aux partis extrêmes ni aux extrémistes qui jouaient sur l'islamophobie, j'ai souhaité que les porteurs du projet renoncent à en faire "la plus grande mosquée d'Europe" comme Catherine Trautmann l'avait souhaité. Je leur ai demandé aussi de ne pas ériger de minaret.

 J'ajoute que le coût de la très grande mosquée semblait, à l'époque, tout à fait éloigné des possibilités financières de nos interlocuteurs et nous tenions à ce que les financements soient clairs.

Ma position était et demeure que le processus d'intégration soit pleinement accepté par la plus grande majorité possible de Strasbourgeois.

J'ai été très vigoureusement conforté dans mes positions par celles de deux jeunes et très brillantes architectes d'origine marocaine et qui ont publié un article dans le journal Libération en décembre 2004 dont je fais mien l'ensemble de l'argumentation. Il s'agit d'argument architecturaux en même temps que sociétaux et religieux.

Voici leur tribune:

L'image des mosquées de France   

 Date: le 22 décembre 2004 à 09h00

 L'enjeu architectural et urbain des lieux de culte musulmans est fondamental.

L'image des mosquées de France

Par Selma MIKOU et Salwa MIKOU

 ll nous semble que le débat contemporain autour du lieu de culte musulman doit également poser la question de sa représentation. Peut-on envisager aujourd'hui de voir enfin les mosquées de France s'affranchir du joug identitaire qui impose une expression régionaliste récurrente du lieu de culte, invariablement affublé d'attributs formels anachroniques du Xe siècle (arcades, coupoles...) et de leur cortège de matériaux pittoresques décontextualisés (tuiles, mosaïques...)?

 Dans la société actuelle dominée par l'image comme support de communication (image de ville, de marque), il est dangereux et réducteur de recourir à l'analogie systématique et aux citations formelles univoques qui perpétuent l'image (fausse et) conventionnelle d'un islam unitaire et authentique. Alors même qu'elles s'affirment enfin comme de vrais bâtiments dans la ville (ni caves ni hangars), n'est-ce pas le moment de s'interroger sur leur sens et leurs fonctions, pour inventer un langage symbolique moderne qui permettrait un renouveau sémantique et installerait un nouvel imaginaire en phase avec les valeurs de la société actuelle ?

Au de là d'une question de minaret, il faut réfléchir à réinventer chaque lieu 

en fonction de son contexte social et culturel

 Mettre en place une fondation pour l'islam de France, un système de financement transparent, former des imams à la culture française pour finalement construire des mosquées pastiches, creuses et stériles, inaptes à revivifier le processus de production de sens propre à tout espace de culte, est pour le moins paradoxal.

 L'enjeu architectural et urbain des mosquées est fondamental. Il ne s'agit pas d'une simple question de forme, de remplacer un style par un autre, de mettre ou non un minaret, mais plutôt d'une réflexion qualitative et programmatique qui réinventerait chaque lieu en fonction de son contexte social et culturel. L'objectif étant, en enrichissant le programme, en superposant les fonctions, d'ouvrir des interfaces d'échange, de tisser du lien et de lutter contre les revendications identitaires qui enferment les communautés et isolent le lieu de culte.

 La mosquée est une institution humaine donc intimement liée à un processus d'évolution sociale et historique ; son défi est de rester un lieu d'expression qui interroge, signifie, traduit les valeurs d'une communauté de pensée en réintroduisant ce qui fait le propre du langage religieux et poétique : l'évocation. On oublie trop souvent qu'un espace de culte est aussi le lieu de l'émotion, de la vibration, de l'indicible et de l'immatériel.

 Les mosquées ottomanes, d'Ispahan ou hypostyles (grande mosquée de Cordoue) sont des lieux extraordinaires d'émotion et de beauté, de portée universelle ; il est urgent de réintroduire ces qualités dans les édifices contemporains afin qu'ils participent à l'enrichissement du patrimoine culturel de leur cité.

[www.liberation.fr]

 

  

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