Lors du conseil municipal du 8 juillet un point anodin intitulé Enrichissement des fonds d'archives de la Ville de Strasbourg a été présenté en 36ème position. Il fait partie de ces délibérations qui n’attirent guère l’attention et qui, selon la méthode du Maire, pouvait passer sans aucune présentation, sans aucun débat.

C’était compter sans la vigilance d’Huguette Dreikaus et de son attachement à notre culture régionale. Car cet « enrichissement » de nos archives comportait un « Fonds Germain Muller grâce à une donation de Ronald Hirlé et de son association.

Comment pouvait-on laisser passer sans un mot, sans le moindre débat sans aucune valorisation un tel enrichissement culturel.

Germain Muller est un monstre sacré de notre patrimoine. Son génial cabaret le Barabli illuminé par les créations musicales de Mario Hirlé (n’oublions pas la mélodie de D’Letschde !)1 avait conquis des centaines de milliers d’Alsaciens. Sa célèbre pièce « Enfin redde m’r nemi devon » 2 a contribué à la « psychanalyse de l’Alsace » au lendemain de la terrible épreuve de l’annexion. Son talent de dramaturge et de comédien n’aura jamais été remplacé.

Certes il y a aujourd’hui des « enfants » de Germain dont notre emblématique Huguette Dreikaus, comédienne, écrivain, éditorialiste et chroniqueuse, au coté d’autres comme Roger Siffer et Schlag.

C’est donc tout naturellement qu’en sa qualité d’élue elle a questionné le maire : qu’allez vous faire des archives de Germain ? Vont-elles croupir sur quelques rayonnages ou vont elles être exploitées, utilisées pour faire revivre et actualiser l’héritage du grand homme et de son œuvre ?

Germain était aussi l’ami, le confident et le très précieux adjoint à la culture de ce grand maire qu’était Pierre Pflimlin. À ce titre je l’ai, moi même, bien connu, souvent fréquenté et beaucoup appris de lui. Mes souvenirs que cette tribune ne permet pas d’égrener sont riches.

Huguette Dreikaus a suggéré qu’un lieu lui soit consacré où ses archives pourraient être exploitées et travaillées : « Le cabaret est un art vivant… Ne pourrait-on présenter cette collection de façon vivante avec conférences…extraits de spectacles, visites de classes etc…pour redonner vie à cette page d’histoire de notre culture. »
a t elle formulé.

Il me semble que tel était aussi le souhait de Ronald Hirlé et de Dinah Faust.

La réponse spontanée du maire à la suggestion de Huguette fut déconcertante : « on a assez de musées à Strasbourg, on ne peut pas les multiplier à l’infini et consacrer un musée à toute personnalité si importante soit-elle… »

Certes. Mais de là à ne pas classer, exploiter de manière active ces archives, à ne pas accorder un lieu à Germain, ne pas permettre une visibilité pour les publics il y a un pas qu’il ne faudrait pas franchir, qui serait une faute.

Les donations de Tomi Ungerer ont pu bénéficier d’une conservatrice et d’un lieu avant qu’un musée si longtemps promis et enfin réalisé en 2007, soit consacré à l’artiste.

Un dramaturge, écrivain, comédien n’offre pas la même matière qu’un artiste plasticien, dessinateur de génie comme l’est Tomi Ungerer. Mais la valeur patrimoniale est aussi importante.

Comprenant un peu plus tard quel était le sens et l’intérêt de la demande d’Huguette Dreikaus le maire vient de lancer une année Germain Muller.

Voilà une belle annonce que nous saluons. Mais quel sera le contenu de cette année ? Quel projet, que programme ? Car après l’effet médiatique de l’annonce il faudra bien présenter du concret.

Toutefois une éphémère année de spectacle ne peut se substituer au travail de valorisation des archives avec un lieu permanent dédié à cette séquence si particulière de la mémoire de Strasbourg et de l’Alsace.

Nous reformulons donc notre demande au maire de consacrer un effort particulier à ces archives en les faisant vivre en un lieu dédié…au delà d’une seule année.

Germain Muller, Mario Hirlé le méritent mais surtout cela constituera un réel enrichissement culturel pour tous nos concitoyens et notamment les plus jeunes qui n’on pas connu cette période marquante de notre histoire.

 

1 « les derniers »

2 « Enfin n’en parlons plus »

 

                                                                                    Robert Grossmann