58% des Alsaciens qui se sont exprimés ont voté oui. Résultat ? Le non s'est imposé... © Michel Feltin-Palas

Il n'est pas habituel dans une radio dédiée à l'information de revenir sur un événement qui s'est déroulé deux mois plus tôt. Si je le fais aujourd'hui, c'est que l'interprétation qui a été faite sur le moment du référendum alsacien a été totalement erronée.

 

Quelle était la question ? Oui ou non, approuvez-vous la création d'une seule collectivité en Alsace à la place du Conseil Régional et des deux conseils généraux du Bas-Rhin et du Haut-Rhin ? Et quelle a été la réponse ? Oui ! à une très large majorité de 58 %.

Mais  comment ce vote s'est-il traduit dans la réalité ? Par... l'échec du référendum ! C'est un paradoxe et, pour dire les choses comme elles sont, un scandale. Ce que montre le référendum alsacien, c'est non pas, comme certains ont osé le dire, que les Français ont marqué leur attachement au département. Ce qu'il montre, c'est que la loi sur les fusions de collectivités locales a été corsetée pour être rendue quasiment inapplicable.

Pour y parvenir, il faut en effet commencer par obtenir l'accord de chacune des assemblées concernées, ce qui n'est jamais simple puisque, en gros, il s'agit pour les élus de se faire hara-kiri. Mais ce n'est pas tout. Il faut ensuite non seulement que le oui l'emporte par référendum -ce qui est normal- mais qu'il l'emporte dans chacun des territoires concernés. Et c'est là que cela a bloqué. Le non, en effet, a été majoritaire dans le département du Haut-Rhin. 

Or, cette condition est absurde. Depuis quand doit-on être majoritaire partout pour être élu ? A ce compte-là, Bertrand Delanoë ne serait pas maire de Paris, puisqu'il est minoritaire dans le 16e arrondissement. Et François Hollande ne serait pas président de la République, puisque les Alpes-Maritimes lui ont préféré Nicolas Sarkozy.

Alors, c'est vrai : une autre condition n'a pas été remplie en Alsace.Car il fallait aussi que le vote oui recueille 25 % des inscrits, ce qui n'a pas été le cas car l'abstention s'est élevée à 65 %. Mais je rappelle qu'en 2012, certains députés ont été élus malgré une abstention de 80%. Et qu'en 1992, le référendum national sur la Nouvelle-Calédonie a été validé malgré une abstention de 63%. Un score comparable au référendum alsacien qui, pour sa part, n'a pas bénéficié d'une campagne relayée par tous les médias nationaux.

On voit le piège. En multipliant les conditions cumulatives -accord préalable des assemblées concernées, victoire du oui dans chacun des départements, franchissement du seuil du 25 % des inscrits, interdiction d'organiser cette consultation le même jour qu'un autre scrutin- le lobby des départements a en réalité organisé le blocage carte institutionnelle française.

Car d'autres envisageaient de suivre l'exemple alsacien : en Savoie, en Normandie, dans le Nord-Pas-de-Calais, en Corse, en Bretagne. Aujourd'hui, c'est fini. Et c'est ainsi que la France est passée à côté d'une réforme qui allait dans le sens de l'intérêt général.

Un dernier élément de méditation. En Allemagne, l'actuel Land du Bade-Wurtemberg était jusqu'en 1951 divisé en trois entités. Un référendum a été organisé. Le oui l'a emporté, bien que le non ait été majoritaire dans une partie de la région (le Sud-Bade). Le Bad Wurtemberg est aujourd'hui l'un des Lander les plus puissants d'Allemagne.