J-L. C. : Allez… on peut s’accorder à considérer globalement que la culture a été bien traitée pendant ces sept années de tes responsabilités. Je n’ai jamais entendu aucun interlocuteur sérieux et honnête mettre en cause ce septennat culturel, ou alors il s’agissait de politiciens de mauvaise foi qui font profession de dénigrer. Il m’est arrivé d’entendre plus d’une fois des comédiens, plasticiens, musiciens d’horizons divers, me lancer que cette époque leur semblait avoir été un âge d’or pour la culture, que travailler en cette période était « du luxe » (sic et authentique). Je n’en ai pas été étonné. Mais que la plupart de ces « acteurs de la vie culturelle » aient voté à gauche ne m’a pas étonné non plus. Ils doivent tous être satisfaits aujourd’hui ?

 

Je ne vais pas me laisser aller à critiquer politiquement mes successeurs, ma situation n’est pas idéale pour le faire. Ce serait trop facile. Je peux en revanche évoquer quelques faits.

En premier lieu, il me semble que la confusion règne au niveau de la ville, on ne sait pas quel est le bon interlocuteur – décideur. Entre un adjoint à la culture coiffé par un super-adjoint à la culture, une commission de la culture présidée par l’adjoint au sport, une vice-présidente chargée de la culture à la CUS, une ancienne ministre de la culture, un maire qui intervient, et c’est bien normal, dans certains secteurs de la culture, plusieurs chargés de la culture au cabinet, ça fait un peu “Barnum” et j’ai entendu beaucoup de responsables culturels me dire leur désarroi. Il faut aussi noter qu’un des premiers actes de cette municipalité de gauche a été d’exiler le service de la culture au bout de la rue du 22 Novembre alors que l’adjoint se trouve à l’Hôtel de ville et le super-adjoint place de l’Étoile au centre administratif. C’est plus que de l’éloignement, c’est de la dispersion. Voilà un signe qui démontre que la culture n’est plus une priorité.

Avec un art consommé de la communication-médiatisation, des assises de la culture ont été organisées avec une participation suivie. Il s’agissait en principe d’un grand moment d’espoir pour la culture à Strasbourg.

Le maire Roland Ries fit un discours introductif… puis un discours final. En un mot, il veut éviter le saupoudrage des subventions et provoquer des regroupements entre festivals et musées. C’est assez facile à énoncer, c’est plus difficile à mettre en œuvre, d’ailleurs ça ne semble pas s’être mis en œuvre.

En raccourci je peux traduire aussi la perplexité de beaucoup de participants qui ont travaillé avec conviction dans des ateliers, sur des thèmes précis, lorsqu’ils ont entendu le maire parler dans son discours final d’un sujet que personne n’avait abordé : « le futur Opéra sera installé le long du Rhin » (sic).

En ce qui concerne le sujet qui me tient le plus à cœur, la lecture publique, je constate un arrêt brutal et purement politicien de « Bibliothèque idéale » puis, après une année de temps mort, une reprise fractionnée avec une série de débats à l’Aubette, une autre série à la Médiathèque Malraux, beaucoup moins de public et des organisateurs un peu désorientés. Il est important que cela ait repris mais entre la session sous le chapiteau de la place du Château en 2007 avec ses 10 000 participants et les tâtonnements actuels, je forme le vœu que l’on trouve le bon rythme.

Concernant la politique culturelle de la ville je peux évoquer un passage du reportage du journal Marianne pour le bilan à mi-mandat de l’équipe PS-Verts.[1] Sous la rubrique « Déceptions », un petit article est consacré à la culture. Le titre en est : « Favoriser, à coté de l’offre culturelle classique, une création innovante ».

« Bonne initiative ! Mais quand ? La ville consacre 25% de son budget à la culture. Mais où est le renouvellement de l’offre ? Il n’est rien sorti des Assises de la culture. L’opéra n’est plus à l’ordre du jour, rigueur financière oblige. La culture institutionnelle reste privilégiée par rapport à une culture qui l’est moins. »

C’est assez pertinent. Quant à moi, j’observe les faits mais je n’ai aucune envie de faire de la culture un sujet de polémique municipale. Je souhaite fortement qu’elle soit à nouveau, rapidement, au cœur des politiques de la Ville



[1]Numéro 739 du 18 juin au 24 juin 2011