par Par Robert Grossmann, publié le 19/07/2012 à 05:00

La ville en débat Ancienne Douane

Opposer culture et agriculture, une grande perversité !

 

Robert Grossmann met en avant l’œuvre du peintre italien du XVI e siècle Arcimboldo qui excella dans les têtes composées, assemblages de végétaux. Document remis

Le conseil municipal du 18 juin dernier a décidé de créer, au rez-de-chaussée de l’Ancienne Douane, un lieu consacré à la promotion des produits locaux. Robert Grossmann fustige le changement de destination des lieux.

 

« PAR QUELLE DIABOLIQUE perversité voudrait-on opposer l’agriculture, les travaux des champs et des jardins, à l’art et à la création artistique ?

Emboîtant les pas à Madame Buffet, adjointe au maire (DNA du 14 juillet 2012), voilà le président de la Chambre d’agriculture qui monte au créneau (DNA du 17 juillet 2012), utilisant la même casuistique, les mêmes armes lexicales, de manière altérée et tronquée.

Comment, dans l’affaire de l’Ancienne Douane qui abrita pendant plus d’un demi-siècle tant de prestigieuses expositions d’art, en arriverait-on à opposer artistes et paysans ?

La manipulation n’est pas digne et s’assimile au vieux dicton « lorsqu’on veut noyer son chien on l’accuse de la rage. »

En effet, après avoir évacué les réalités concrètes et « les corps des délits », on s’appuie sur une rhétorique factice pour organiser une diversion par la confusion des mots : culture et culture !

Aujourd’hui la culture est un ensemble de disciplines de la création qui donnent sens à la vie, qui interpellent et qui élèvent l’esprit. Le président de la République l’a rappelé à Avignon.

L’agriculture est l’activité la plus noble et la plus essentielle qui soit pour nourrir les humains.

Jouer sur les mots peut mener loin et évoquer « le dialogue des cultures » de Madame Buffet davantage encore, car dès lors, pas de restriction ni d’exclusion, il faut faire dialoguer toutes les cultures.

Allons-y : Agrumiculture, algoculture, apiculture, aquaculture, arboriculture, astaciculture, aviculture, carpiculture, conchyliculture, cuniculiculture, électroculture, floriculture, héliciculture, hirudiniculture, horticulture, monoculture, motoculture, mytiliculture, oléiculture, osiériculture, ostréiculture, pisciculture, polyculture, puériculture, saliculture, sériciculture, spongiculture, sylviculture, viticulture.

Non à l’artifice linguistique

Il convient de donner le sens précis de toutes « ces cultures » et ne pas laisser croire qu’une guerre entre « culture noble » et (agri) culture de la terre serait en cause, par le seul moyen d’un artifice linguistique.

Je n’ai jamais rencontré aucun artiste, aucun créateur, aucun amateur de culture qui mette en cause l’agriculture et le monde paysan, tout au contraire c’est dans les milieux de la culture que l’on rencontre sans nul doute la plus belle concentration de défenseurs de l’agriculture raisonnée et des produits bio.

Dois-je également rappeler les courants d’art qui s’inspirent de la nature et la prennent comme but suprême de leurs création ? Le Land Art et d’autres, mais chaque artiste quasiment est inspiré par la nature et donc le respect de ceux qui la cultivent avec conscience.

Nils Udo, Guiseppe Pennone, Claudio Parmiggiani entre autres l’ont démontré à Strasbourg.

Raymond Waydelich a tenu à créer avec notre soutien une maison de jardin mythologique en bronze au milieu des jardins ouvriers de la Robertsau, suprême hommage aux jardiniers.

Combien de natures mortes, dans l’histoire de l’art, sont des célébrations du monde paysan et des hommages aux travailleurs des champs et des jardins… et que dire d’Arcimboldo ?

« Personne à Strasbourg ne veut de guerre des paysans ! »

Dès lors évoquer une querelle fondée sur l’usurpation des vocabulaires n’est pas convenable. Personne à Strasbourg ne veut de guerre des paysans !

La seule question qui est posée est celle de la destination de l’Ancienne Douane, lieu d’exposition pendant plus d’un demi-siècle : l’art y était chez lui et, victime d’un incendie, doit y revenir.

Face au musée historique, tout près du musée alsacien et de la cour du Corbeau, l’Ancienne Douane fait parti d’un carré d’art magique.

Pourquoi détourner ces salles au profit d’une activité de négoce qui peut avoir sa place dans d’autres endroits de notre ville que le maire a d’ailleurs évoqués ? Mais pour bien montrer le caractère capricieux et superfétatoire de la demande de Madame Buffet, souvenons-nous que les produits de l’agriculture bio ont leur marché à deux pas de l’Ancienne Douane sans oublier les AMAP, présentes à Strasbourg.

Après avoir voulu investir l’Aubette, la tenace madame Buffet a visé un autre fleuron de notre patrimoine pour des activités commerciales, « nourricières », utiles et intéressantes mais qui ne doivent pas s’exprimer en chassant la culture.

Enfin, qu’est ce qui est plus profitable à notre ville qui se veut capitale de l’Europe, accueillant tant de touristes, sur ce chemin précisément, l’art ou les fruits et légumes ? »

par Par Robert Grossmann, publié le 19/07/2012 à 05:00