Culture, réveille-toi…

Robert Grossmann publie cette semaine « Culture en Alsace, la panne ? ». Un énième livre sur la culture, estimeront les mauvaises langues ; non, plutôt une invitation à remettre la culture au cœur du débat politique « de la manière la plus libre ». Un exercice d’un nouveau genre pour conjurer l’impuissance. Culture, réveille-toi…

Robert Grossmann, l’étendard de la culture toujours brandi.  (Photo archives DNA)

« Culture en Alsace, la panne ? » est un livre inclassable. Comment doit-on le considérer ? Comme un manifeste ? Un réquisitoire ? « C’est un livre militant », tranche l’auteur. « Dégagé aujourd’hui de toute responsabilité exécutive », comme il le dit, Robert Grossmann se présente en homme libre. Il souligne une formidable demande de débat des artistes, des comédiens, des musiciens, bref des créateurs… Mais aussi une demande de réflexions, d’analyses et d’implication.

Ancien président de la commission culture, d’abord du conseil général, puis de la région Alsace, l’ancien maire délégué de Strasbourg en charge de la culture n’a guère l’habitude d’être spectateur passif. Il a toujours exprimé la volonté de faire de la politique autrement en articulant débat des idées et action.

« En ce début de millénaire, le paysage culturel de l’Alsace semble calme : aucune aspérité apparente, aucune perturbation météorologique en perspective, écrit-il. Cette impavidité procède-t-elle de réels méplats d’une morne plaine ou n’est-elle qu’apparence avant la tempête ? »

Des assises de la culture, vite, mais pas sur le modèle strasbourgeois

Robert Grossmann observe que la culture ne prenait guère de place dans les programmes des candidats aux élections régionales en 2010. La lettre ouverte qu’il a adressée en son temps aux têtes de liste a fait pschitt : seuls quatre des prétendants à la présidence ont daigné lui répondre. Un an et demi plus tard, il désespère. Et veut croire que l’équipe de Philippe Richert n’a pas encore imprimé sa marque. « Qui porte la culture à la Région Alsace ? Il n’y a pas de dynamique , on continue le train-train, analyse-t-il. On aurait pourtant besoin d’un débat. » Oui, mais pas sur le modèle strasbourgeois des assises de la culture qui fut, selon lui, « un rendez-vous manqué ».

L’élu a bien cette conviction que pour sortir d’une forme d’impuissance publique, il ne sert à rien de se réfugier dans l’incantation, mais il faut véritablement construire une compréhension critique, nourrie à la fois du travail des intellectuels et des acteurs du terrain, de ceux qui essaient de renouveler les analyses et de ceux qui s’efforcent de débloquer des pratiques.

Car il a une très haute idée de l’Alsace, « une terre d’exception, rayonnante, exemplaire ». Il ne veut pas d’une « Alsace banale et quelconque » et veut proposer « un grand rêve aux Alsaciens ».

Guidé par le souci d’aller plus loin que la simple démocratie de participation, il propose d’instituer une commission permanente de la culture en Alsace. « Un rassemblement des forces vives, lieu de tous les débats, de toutes les réflexions, de toutes les analyses, fondée sur la participation des deux conseils généraux, des grandes et moyennes villes, des comédiens, des directeurs de salles, des plasticiens… » Il lui faut secouer le cocotie r. Désembourber le monde de la culture.

Dans ce sillage et sous cette égide, le conseil régional pourrait alors lancer un grand appel à projets ouvert à toutes les forces créatrices en faveur d‘une manifestation, dès 2014 pourquoi pas. Sur le modèle d’un humanisme rhénan remis au goût du jour, « qui irriguerait tout le territoire de Wissembourg à Dambach, en passant par Andlau ».

Conserver l’élan de Strasbourg 2013

Le processus pourrait s’inspirer de la mise en œuvre du projet Strasbourg 2013 qui avait suscité en 2007 une mobilisation sans précédent des acteurs culturels, au-delà des courants partisans, en Alsace et dans le Bade-Wurtemberg. Autour d’Étienne Pflimlin, de Klaus Wenger, directeur d’Arte Allemagne, de Marc Dondey, chargé de sa mise en œuvre et de Catherine Trautmann. Même si la candidature de Strasbourg au titre de capitale européenne de la culture a été écartée fin 2007, « le projet est dans les tiroirs, plaide Robert Grossmann. Il est possible de reprendre les objectifs : créer un espace de coopération culturelle et citoyenne dans le Rhin supérieur. » Et de conclure : « Au boulot ! »

DOMINIQUE DUWIG