Je veux commencer cette réponse en vous remerciant de me donner l’occasion, avec votre lettre ouverte, d’évoquer la place de la culture dans le projet que mes colistiers et moi-même portons pour l’Alsace. 

     Certes, notre priorité c’est l’emploi, mais d’emblée je veux dire que l’approche que j’ai de l’action culturelle de la Région participe totalement d’une bonne définition de cette priorité. Non pas que nous soyons dans l’utilitarisme le plus immédiat et, encore moins s’agit-il de la subordonner à la loi du marché. Mais je crois sincèrement qu’une politique culturelle doit prendre en compte les fonctions sociales et économiques qui sont totalement consubstantielles à la place même de la culture dans nos sociétés. 

     Ce n’est pas à l’ancien président de la commission culture du Conseil régional, qui a marqué de son empreinte les orientations encore aujourd’hui à l’œuvre, ni à l’ancien président de la CUS qui a mené une politique exemplaire durant son mandat, que je vais rappeler la diversité de notre patrimoine culturel, la qualité de nos grandes institutions et la richesse des initiatives culturelles qui existent sur tout le territoire régional.  

     La Région a une responsabilité réelle à cet égard et, d’ores et déjà, elle l’assume. Le soutien aux lieux de spectacle, la professionnalisation des filières, la valorisation du patrimoine, l’aide à la création, la politique du livre sont autant d’axes bien identifiés qui placent la Région comme un interlocuteur important des acteurs culturels. 

     Vous évoquez l’Agence Culturelle d’Alsace comme « maître d’ouvrage de tant d’initiatives rayonnantes », vous savez mieux que quiconque le rôle qu’occupe la Région Alsace dans cette structure. 

     Demain, bien entendu, il n’est pas question de faire moins, bien au contraire. L’action culturelle contribue effectivement à l’épanouissement de chacun et, même si l’expression peut paraître un peu galvaudée, elle participe véritablement au rayonnement de la région. 

     Demain, prenant en compte les contraintes qui pèsent sur les budgets de toutes les collectivités publiques, je souhaite que la Région joue un rôle d’animation plus net de l’ensemble des collectivités parce que je crois profondément que l’échelle régionale est particulièrement adaptée à la définition d’une action culturelle qui à la fois s’exprime sur tout un territoire et rayonne au-delà de nos frontières régionales. 
 
 

     Il ne s’agit pas d’imposer l’échelle régionale aux collectivités locales qui sont les contributeurs et financeurs les plus forts en matière culturelle. Mais ce qui doit aujourd’hui présider, c’est la lisibilité de nos actions. Je reprends votre exemple de la politique, déjà engagée, du livre ;  il faut en effet la compléter et mieux fédérer les riches initiatives qui existent en la matière. Un travail de concertation approfondi est à mener avec les collectivités comme avec les acteurs culturels sur toutes ces questions.  

     Mon approche de la culture consiste également à valoriser la place de nos fondamentaux et, au titre de ceux-là, notre langue et culture régionales. Le renforcement de l’Office pour la Langue et la Culture Régionale (OLCA) doit lui permettre de promouvoir de manière plus ambitieuse notre langue et nos traditions dans une approche résolument non passéiste. 

     Enfin, je veux insister sur une thématique qui doit être chère à l’amateur d’art contemporain que vous êtes, à savoir celle de modernité, qui irrigue d’ailleurs tout notre projet. L’action culturelle de la Région doit effectivement être plus ouverte à l’architecture contemporaine, aux arts numériques, à l’image et aux nouveaux médiats, à l’événementiel. Je souhaite également que la Région prenne le leadership dans la création d’un événement culturel qui fasse sens à l’échelle de nos ambitions. J’ose dire ici que la culture doit être moderne et postmoderne à la fois.  

     Mais pour moi la modernité passe également par l’affirmation d’une politique culturelle à l’échelle du Rhin Supérieur. Je suis bien conscient que cette modernité là, certains la trouveront déjà chez Maître Eckhart ou chez Goethe et ce n’est pas contradictoire. L’Alsace, c’est l’Europe dans ce qu’elle a de meilleur. Si nous sommes le berceau de toute la construction européenne, c’est parce que les territoires du Rhin Supérieur partagent des valeurs et une culture communes. Il me semble impensable de construire une action culturelle en-dehors de cela.  

     L’image internationale, économique et touristique de l’Alsace ne peut que gagner à compléter ce qui la caractérise déjà sur ces bases. 

     Je terminerai en disant un mot de ma conception du rapport entre le politique et l’artiste. Je ne suis pas insensible à certains échos, venus du monde culturel, qui disent craindre les rapprochements annoncés entre les collectivités ou la notion de guichet unique qui les soumettrait au risque de fait du prince. A cela, je réponds que la création artistique doit être une liberté qui n’est pas soumise à l’appréciation du politique, les pouvoirs publics doivent uniquement offrir des conditions de création. Et en ce sens, je souhaite que la collectivité régionale puisse soutenir la création artistique et, entre autres actions, nous encourageons très directement des résidences d’artistes et pourquoi pas l’aide à l’installation de jeunes artistes comme cela peut se faire pour les artisans ou les PME. Un fonds sera constitué pour ce type d’actions et les modalités d’utilisation en seront définies par des personnalités aux compétences effectives. 

     J’espère, mon Cher Robert Grossmann, que ces éléments sont de nature à vous rassurer sur ma volonté de donner à la culture la place éminente qu’elle mérite. 

     Amitiés.

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