Le maire de Strasbourg propose au conseil municipal de ce lundi 6 avril le don d’une « statue de la cathédrale » à Oradour sur Glane.

Cette proposition me conduit à effectuer une mise au point afin d’empêcher que l’histoire ne soit trahie mais aussi pour que Strasbourg fasse un geste digne, respectueux de son partenaire et à la hauteur de sa volonté de réconciliation.

Le respect de la vérité d’abord.

C’est bien Roland Ries qui fut le premier maire de Strasbourg à se rendre à Oradour en 1998 en accomplissant un geste symbolique fort. Nous le saluons. Mais pour autant il n’est pas propriétaire de la volonté de réconciliation, il ne détient pas l’exclusivité de la générosité réparatrice qui hante tous les cœurs à propos du terrible drame d’Oradour.

Or Roland Ries a écrit dans son livre  « l’Alsace et la gauche » page 116 : « … depuis 2001, rien ne s’est fait, aucun pas supplémentaire n’a été franchi. Même l’œuvre du sculpteur Bernard Abtey, que la ville de Strasbourg avait offerte à la commune d’Oradour par mon intermédiaire en 1999, vandalisée par des inconnus au début de l’année 2000, n’a été ni réparée, ni remplacée. »

Cela n’est pas conforme à la vérité et je regrette que le maire de Strasbourg cultive l’inexactitude lorsqu’il s’agit de sujets aussi graves qu’Oradour.

« Cette initiative d’intérêt public aurait pourtant mérité de rester hors du champ politicien (…) » avait poursuivi Roland Ries. Je partage son affirmation, je l’invite à la méditer. Depuis 2001 Fabienne Keller et moi avions déployé beaucoup d’initiatives à l’égard d’Oradour.

En 2004 le maire de Strasbourg, Fabienne Keller s’est rendue officiellement à Oradour à l’occasion du 60 ième anniversaire du drame.

En 2006, Robert Grand, notre vice président, y fut à son tour au nom de la ville.

Le 21 novembre 2004 nous avons invité une délégation d’Oradour conduite par son maire aux cérémonies du 60ième anniversaire de la libération de Strasbourg et des paroles chaleureuses furent échangées à cette occasion où Raymond Frugier a mieux compris le drame de l’Alsace pendant l’annexion nazie.

Le geste à l’égard d’Oradour

Au sujet des œuvres d’Abtey, je tiens à assumer mes responsabilités. Je n’étais pas favorable à ce genre de sculpture pour Oradour. En une telle circonstance, avec toutes ses douloureuses charges symboliques, tout se joue dans la plus profonde sensibilité.

Filiformes, proches de l’œuvre de Giacometti, (1) vandalisées une première fois, j’ai la conviction que ces sculptures là ne sont pas prêt d’être adoptées par les habitants d’Oradour.

J’avais pris la décision de m’orienter vers une œuvre intemporelle, indiscutable, qui ne peut en aucun cas provoquer de rejet instinctif : une sculpture de notre cathédrale.

Je suis aller visiter à plusieurs reprises les ateliers de l’œuvre Notre Dame pour y choisir une statue.

Celle que l’on me proposait, « celle qui restait », ne me convenait pas, pour deux raisons : l’une purement subjective, l’archange Saint Michel terrassant le dragon est un beau symbole biblique, mais l’archange est guerrier, armé d’une lance il défait le dragon qu’il piétine. Je ne crois pas qu’une allégorie guerrière soit appropriée à cette circonstance.

La deuxième raison me semble à elle seul convaincante. Il s’agit d’une copie de sculpture datant des années 1908/1909 et qui « n’a jamais été mise en place », selon les termes même du rapport au CM. Le grès dans lequel elle est taillée est bariolé par une veine blanchâtre qui la marque de vilaine manière.

Ces deux raisons m’ont conduit à rechercher une œuvre différente et je me suis orienté vers un ange du si célèbre pilier des anges de notre cathédrale. Un tel ange musicien inspire la quiétude, la paix des âmes et me semblait bien mieux adapté à la réconciliation. Mais, il n’y en avait pas « en stock » et il fallait la réaliser de toutes pièces.

Le temps a passé, mon projet n’a pas pu être réalisé pendant notre mandat. Seuls les chiffrages de son coût ont été établis.

Or voilà que le maire propose aujourd’hui comme don le Saint Michel de 1908, jamais installé sur la cathédrale…

Dans la commémoration de cette tragédie ce qui compte c’est d’atteindre le but : la compréhension réciproque et la réconciliation la plus parfaite possible. Le maire d’Oradour l’avait évoqué avec sagesse : « Il faudra encore du temps pour laisser s’exprimer le message de la souffrance entre deux régions qui ont été victimes du totalitarisme nazi. » rapporté par RR, page 115
Je ne suis pas sûr que la précipitation (on prend ce qu’on a sous la main…) soit un gage de réussite au regard du but à atteindre

Je ne suis pas favorable à ce que l’on offre à Oradour une sculpture qui est au rebus depuis un siècle.

La ville se doit d’effectuer un geste d’une grande dignité chargé de toute la symbolique exigée par la démarche de réconciliation.

Je suis certain que Roland Ries comprend que mon intervention se situe « hors du champ politicien »

 

Robert Grossmann

(1)(1)« art concentrationnaire » avait jadis estimé l’adjoint à la culture Robert Heitz, grand déporté résistant, à propos d’œuvres de Giacometti que l’on voulait offrir à la ville